Ccassandre24 : Hello ! Merci beaucoup pour tes encouragements ! Ça me fait toujours autant chaud au cœur ! ^^ Je suis contente que l'histoire continue à te plaire ! Je me tâte encore concernant l'exploitation des fantômes du manoir dans la suite de l'histoire. On verra ! ^^ Actualisation d'une réponse que j'avais pu te donner : on part désormais sur soixante chapitres environ x)

23 - «Lasciate ogne speranza, voi ch'intrate» (L'Enfer, Dante)

(Vous qui entrez, abandonnez tout espoir)

Nott se sentait frustré avec tous ces couples heureux autour de lui. Même Malfoy, qui revenait de très loin et qui se traînait il ne savait combien de casseroles, avait réussi à trouver son petit morceau de bonheur... Et pas avec n'importe qui !

Lui, se méfiait toujours de la Gryffondor, qu'il craignait versatile et trouvait malhonnête, à vouloir à tout prix cacher cette relation. C'est à dire que Nott n'aimait pas les compromis et considérait comme insultant le fait qu'elle n'assume pas ses sentiments. Qu'y avait-il de honteux ? En quoi être associée au nom de Malfoy pouvait-il être un problème, si elle l'aimait ? Puisqu'elle savait qui il était ! C'était ridicule. Et dégradant. Il ne lui pardonnait pas de craindre le regard des autres et de s'y conformer. Dans le fond, elle ne valait que moitié mieux que ceux qui tenaient la tête du Serpentard sous l'eau.

Ce manque de courage (de la part d'une Gryffondor !) ne semblait pourtant pas entacher le bonheur de Malfoy. Il fallait dire aussi qu'il revenait de tellement loin ! D'entre les morts, presque. Alors cela ne devait lui paraître que comme un menu détail. Nott ne savait pas si cet aveuglement était une bonne ou une mauvaise chose. Il sentait seulement qu'un jour, ce problème affleurerait à la surface, comme l'épave d'un vaisseau fantôme surgirait des profondeurs de la mer et le risque serait qu'il trouble le bonheur fragile du Serpentard.

Mais il n'y avait pas que cela qui l'inquiétait : depuis que Granger et Drago étaient ensemble, Nott sentait en lui une sorte d'angoisse un peu sourde : celle de voir son ami s'éloigner de lui. C'est à dire aussi qu'il s'en voulait terriblement d'avoir laissé tomber le blond à partir de leur cinquième année. Le moment où il aurait justement eu le plus besoin d'aide. Mais le monde de Ténèbres qui engloutissaient Malfoy le menaçait aussi et il avait voulu freiner la progression de cette eau noire et silencieuse qui rampait jusqu'à lui. Il le savait, que parfois son nom sortait de la bouche de Voldemort et qu'une fois consommé toute l'énergie vitale de Drago, il serait le prochain sur la liste des nouvelles recrues. Mais peut-être qu'ils auraient pu... se sauver ensemble ? Alors, tout bien réfléchi, ce n'était peut-être pas Granger qui faisait s'immiscer dans son cœur ce petit vent triste. C'était peut-être juste sa culpabilité.

Car, après tout, elle avait toujours été présente, toujours parmi eux : dans les soupirs discrets que Malfoy poussait lorsqu'il l'observait dans la grande salle, dans ses rêveries inconscientes, dans les petits sourires subjugués qu'il avait quand elle donnait une bonne réponse, dans ses regards sombres de jalousie et dans ce besoin impérieux, pour ne pas dire maladif, d'être le centre de son attention.

Et aujourd'hui enfin, elle était là, pour de vrai. Encore maintenant, Malfoy croyait rêver. Et lui, anxieux et jaloux d'il ne savait trop ni de quoi, ni de qui, sentait la brume de la solitude le saisir à son tour et imprégner son cœur. Juste retour de bâton de sa fuite en avant. Peut-être qu'il le méritait, quelque part... de se retrouver un peu comme un con.

Nott se ressaisit et secoua sa tête, comme pour chasser de sinistres mouches. Enfin... Il ne se retrouvait pas exactement comme un con... Il exagérait, comme souvent lorsqu'il broyait du noir... Car les échanges de mail avec Abigail n'étaient pas restés un jeu très longtemps... Elle était intelligente, curieuse et avait de l'humour. Décidément tout pour plaire. Mais elle était tellement inaccessible ! Il devinait que ses sentiments devaient bien être réciproques mais une fois passé le jeu, était-ce bien raisonnable ? Il y avait bien sûr des couples mixtes entre sorciers et moldus... Mais n'était-ce pas imprudent ? Être avec elle, c'était l'entraîner dans un monde dangereux où elle n'aurait pas les armes pour se défendre.

Alors, comment répondre à ce dernier mail qui lui proposait de se voir un jour prochain ?

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Pansy essayait de contraindre son sourire moqueur en voyant les traits tirés des sorciers autour de la table du petit déjeuner et remerciait Merlin de n'avoir pas permis à Aurora Malfoy d'apparaître cette nuit car elle n'aurait sans doute pas su où donner de la tête. L'héritier Malfoy avait dû lui-même s'en donner à cœur joie. Ce n'était pas une certitude mais il avait gagné depuis hier une sorte d'aisance et une sensualité qu'elle ne lui connaissait pas. C'était subtil bien sûr : c'était dans sa manière de poser sa main sur l'épaule d'Hermione ou d'effleurer sa taille une fraction de seconde lorsqu'il passait près d'elle... et tout cela ne trompait pas un œil aussi avisé que celui de la jeune femme.

Aussi, quand il se leva pour prendre la parole de manière solennelle dans cette posture déterminée, les mains posées sur la table la tête légèrement baissée pour se concentrer, exposant davantage ses cernes, elle vit Ginny rougir et Nott perdre son petit sourire ironique habituel. Blaise oublia d'en mastiquer son scone et Harry s'était figé. C'est qu'il était vraiment beau. Hermione, quant à elle, le regardait avec un sourire bienveillant, comme immunisée contre ce charme. Elle devait nécessairement savoir ce qu'il s'apprêtait à dire.

Et quel était le sujet à la mode en ce moment ? La marque bien-sûr. Il allait leur proposer une nouvelle offensive, ou quelque chose dans le genre. Ce truc le rongeait depuis longtemps et il ne lâcherait pas le morceau. Tête de mule. Têtu, têtu comme un âne. Il ne se laisserait jamais en paix. Alors que pourtant Hermione devait lui avoir dit qu'elle l'acceptait comme il était d'une manière plus où moins niaise. Elle voyait très bien Hermione en fleur bleue et ça tombait bien parce qu'en dépit de ce que voulait laisser paraître Drago, il devait l'être au moins autant qu'elle. Enfin, il prit la parole :

-Je voudrais vous dire que... je n'ai pas abandonné mon idée de faire disparaître la marque. Je sais que ça a mis en danger l'un d'entre vous... Mais je sais aussi que certains m'ont fait part de leur envie de m'aider. C'est pourquoi...

-J'en suis, interrompit Blaise, la bouche pleine de son scone qu'il n'avait toujours pas avalé.

-Moi aussi ! s'écria Ginny.

Harry tressaillit en la regardant. Lui, il avait été là, le soir où ils avaient failli perdre Nott et s'en doute se faisait-il du souci.

-Moi aussi, finit-il par dire en regardant la jeune rousse lui sourire.

-Moi aussi répondit Pansy à son tour, heureuse d'entrer dans l'action et de permettre à Drago de se libérer d'un passé trop lourd à porter en bout de bras.

-Idem, compléta Nott.

Un silence gêné s'installa et il répondit avec un rictus :

-Je prenais le problème à cœur... maintenant c'est devenu personnel.

Drago revêtit son masque en marbre qui lui servait à cacher son visage de grand sensible.

-Il faut que vous soyez bien au courant que nous risquons de nous blesser, l'un de nous peut se retrouver dans le même état que Théodore ou...

-Mais oui, mais oui, on sait ! S'impatienta Blaise.

-Quand commençons-nous ? Demanda Pansy.

-Maintenant ! S'écria Weasley. Nott est-ce que tu te souviens de la formule ?

-Est-ce que tu veux parler de ça ? demanda Harry avec un sourire vainqueur très serpentardesque en sortant de sa poche une page de manuscrit arrachée et pliée en quatre. Je la garde toujours près de moi, au cas-où...

Il baissa les yeux devant le regard accusateur de Sainte Hermione qui, comme d'habitude, s'insurgeait du mauvais traitement qu'on pouvait réserver aux livres.

-Bien joué Potter, sourit Nott.

Weasley frappa des mains surexcitée, trop heureuse d'en découdre. Elle avait déjà sorti sa baguette magique. Blaise avait raison, cette fille devait être possédée.

En un rien de temps, tous finirent de manger et la table fut débarrassée d'un coup de baguette magique.

-Attendez ! Interrompit Hermione avec la voix autoritaire de quelqu'un qui a l'habitude qu'on l'écoute. Est-ce qu'on ne pourrait pas un peu se préparer ? Ou répéter ? Se coordonner ? Foncer tête baissée, c'est rarement une bonne idée. Dites vos patronus. Le mien c'est une loutre.

L'élan des autres s'arrêta net : Ginny et Harry en premiers, habitués à ces fulgurances. Puis Blaise, docile agneau et enfin Drago dont la Gryffondor n'avait pas encore dompté l'esprit indépendant. Nott, lui, de toute façon, n'avait pas bougé d'un centimètre, plongé dans ses réflexions.

Hermione avait raison, comme souvent. Pansy commençait à s'y faire, à ce bon sens énoncé d'une voix rendue suraiguë par l'émotion.

-Un cheval.

-Un albatros.

-Un cerf.

-Un dragon.

-Une hyène... Bah quoi ? demanda Pansy, dans une posture défensive face aux regards curieux des autres.

Elle avait l'habitude que son patronus soulève des réactions.

-Non, non, rien, répondit Harry qui essayait de garder un air détaché, prenant bien soin de ne croiser le regard de personne pour ne pas exploser de rire.

-Ce sont des animaux très intéressants. C'est un animal sociable et... qui suit une organisation matriarcale... Ce qui n'est pas plus mal, le peu de fois où ça arrive ! compléta-t-elle en regardant farouchement les hommes présents dans la pièce. Malfoy se raclait la gorge en regardant par la fenêtre et Harry maintenait ses yeux résolument fixés sur le bout de ses chaussures.

-Rien à voir avec ton rire, donc, osa Nott, avec son sourire susceptible de donner des envies de violence à n'importe qui, tandis que Malfoy et Potter se mordaient la langue.

Elle allait se précipiter pour arracher la tête de l'impertinent quand elle fut ceinturée par Blaise.

-D'ailleurs, les hyènes sont de redoutables chasseuses, compléta ce dernier en essayant de se retenir de rire, mais heureusement pour lui, elle ne le perçut pas dans son énervement.

-Exactement ! Et vous ! S'écria-t-elle en désignant Drago, Harry et Théodore d'un doigt vengeur, rigolez autant que vous voudrez ! Un jour les femmes sauront faire bloc et vous serez bien obligés de les accepter comme vos égales !

-Mais on rigole même pas ! S'exclama Drago d'une voix tremblante de rire, rouge à force de se retenir .

-Et on vous considère déjà comme nos égales, protesta Harry.

-Ah ouais ? C'est pour ça que vous nous avez rien dit à Poudlard ?

-Mais c'est pas parce qu'on voulait vous protéger, répondit Drago, qui commençait à s'exaspérer.

-Eh bah voilà ! Qu'est-ce que je viens de dire ! hurla Pansy.

-Comme si on était pas capable de se protéger toutes seules, se moqua Ginny.

-Vous n'êtes déjà pas capables de vous protéger vous-mêmes ! Quand on voit ce que ça a donné... compléta Hermione en croisant les bras sur sa poitrine.

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-Et manifestement on avait tort et on est vraiment désolés pour ça. Tu as raison, Pansy, nous n'avons pas été correct, mais le plus important est que nous soyons réunis maintenant, et on va lui faire sa fête à cette marque, arrondit Blaise avec le sentiment de se faire avoir : après tout, il n'avait même pas fait partie de ce plan foireux !

Il sentit le corps de sa fougueuse Pansy se détendre et il adoucit son emprise, comme un câlin, et embrassa son cou.

-Mouais, répondit la jeune femme de mauvaise grâce et il la relâcha complètement.

-Et ton patronus Blaise ? demanda Hermione.

-Un loup.

-Alors, comment s'y prend-on ? demanda Ginny, soucieuse de recentrer le débat une bonne fois pour toute.

-On y va tous ensemble ? proposa Harry. Il faut le submerger dès le début.

-Mais on ne sait même pas l'effet de deux patronus sur le bras de Drago, contredit Hermione. Commençons par deux, puis on enverra du renfort progressivement. Sept patronus, est-ce qu'ils ne se marcheront pas dessus ? Ils pourraient se blesser entre eux... on en sait rien !

-D'accord avec elle, répondit Théodore.

-Alors, qui envoyons-nous en premier ? demanda Pansy.

-Moi ! S'exclama Ginny.

-Un cheval ? Il ne faudrait pas quelque chose de plus offensif ? Contredit Théodore.

-Un loup pour le corps à corps et un dragon pour des attaques à distance, puis la hyène et l'albatros, le cerf, le cheval et la loutre ? Proposa Hermione et tous y consentirent, plus ou moins à contre-cœur.

Alors Drago releva la manche de son pull et révéla la marque, comme neuve. Harry déplia la feuille et la glissa sous le nez de Drago et Blaise qui s'était rapproché. Il était content d'ouvrir le bal et espérait que son loup féroce, allié à un dragon en très grande forme, suffirait à épargner les autres... une autre... quoi qu'elle en pense.

Les deux jeunes hommes récitèrent la formule et instantanément leur patronus jaillirent de leur baguette. Comme lors de cette fameuse soirée de l'horreur, ils décrivirent un cercle autour d'eux puis plongèrent en direction du bras. Ils disparurent dans un claquement sonore pour mieux réapparaître sur la peau, illuminés en bleu. Alors, comme la dernière fois, le serpent se dressa dans une posture d'attaque et commença à cracher. Sans attendre, le dragon fonça sur le reptile et projeta une langue de feu qui atteint le serpent en plein cœur.

-Tellement balèze, commenta Harry.

Cependant, il en fallait plus et après avoir claqué une fois ses mâchoires de douleur, le serpent était de nouveau prêt à recevoir des visiteurs.

Alors le loup s'élança vers lui et le saisit dans sa gueule. Ni une, ni deux, le serpent se contorsionna pour le mordre à la truffe sans lâcher prise. Le loup essayait de se défaire avec ses pâtes avant, sans succès. Finalement, le loup relâcha sa gueule et secouait sa tête dans tous les sens pour se débarrasser du serpent.

Blaise ne put réprimer un cri de douleur, le nez et les lèvres ensanglantés. C'était une douleur vive qui l'aveuglait. On le fit asseoir, brumeux, sur une chaise et tandis que le loup se débattait, ses plaies se déchiraient davantage. Il entendait et sentait Pansy s'affairer autour de lui, éponger ses blessures en essayant des sorts cicatrisant.

-Le feu ne suffit pas...

-Et les pattes du dragon sont trop grosses... Il lui file entre les griffes !

-Il faut réagir vite où il va prendre le loup dans ses anneaux.

-J'y vais ! Hermione, occupe-toi de Blaise.

Soudain un hurlement de hyène s'éleva dans les airs puis le claquement caractéristique qui indiquait que Pansy était partie au front. Blaise essayait de combattre la douleur pour ne pas louper une miette de ce qui pouvait arriver. Il prit la main d'Hermione qui continuait à compresser des plaies d'où s'écoulait un sang noir de venin.

-Dis-moi ce qu'il se passe, réussit-il à articuler.

-Pansy s'est lancée dans la mêlée. Le dragon n'est pas efficace, il continue à se tenir à distance et à cracher du feu. La hyène est en train de mordre le serpent et l'agite dans sa gueule.

Une douleur lancinante frappa Blaise. Il comprit que le serpent l'avait lâché pour s'en prendre à Pansy.

-Saloperie ! s'écria-t-elle en se tenant l'oreille.

-Le loup ? demanda Blaise, économe en parole.

-Il est reparti au combat, répondit Hermione d'une voix hésitante, gênée. Mais il n'est plus... aussi fort... Et la hyène essaye de se défaire du serpent... Mais le serpent est blessé aussi ! tu l'as bien amoché, reprit Hermione pour tenter de rassurer le sorcier.

-Envoyez... Quelqu'un d'autre...

-C'est à mon tour, répondit Théodore, non loin de lui.

A nouveau, un claquement sonore avertit l'entrée dans l'arène de l'albatros.

-Dis-moi ! ordonna Blaise, affolé, à Hermione et s'agrippant à sa veste.

-La hyène n'a pas réussi à faire lâcher le serpent... il l'a entouré d'un de ses anneaux.

Blaise gémit d'inquiétude tandis qu'il entendait des bruits de suffocations à l'autre bout de la pièce. Il fit mine de se lever mais mais ses appuis étaient trop instables et sa vue restait brouillée par la douleur. Hermione le fit asseoir de force.

-Reste là : tu es incapable de te tenir debout. Ginny s'en occupe. Écoute : albatros lacère le serpent. Il n'arrive pas à enserrer la hyène... et il a lâché son oreille ! elle se dégage !

Il entendit une toux sonore un peu plus loin.

-Pansy ? demanda Blaise

-Oui, elle reprend son souffle, tout va bien.

-Le serpent a perdu en force et la hyène continue de le mordre. L'albatros le broie entre ses pâtes... et le coupe avec son bec...

-Il faut la loutre ! Elle doit nous aider à l'immobiliser ! S'écria Pansy.

Alors, Hermione abandonna Blaise et se précipita vers Drago pour jeter son sort. Blaise se força à ouvrir les yeux pour suivre de lui même. Il vit les autres penchés sur le bras de Drago pour observer le combat tandis qu'Hermione se rapprochait d'eux d'une démarche décidée sous le regard anxieux de Drago. Mais il ne dit rien. Il se contenta de contracter sa mâchoire.

Elle lança le sort et son patronus sortit de sa baguette pour tourner autour de Drago dans une sorte de jeu réconfortant puis plongea vers la bataille. Harry se rapprocha de Blaise et poursuivit les soins.

-Ils l'immobilisent. Le corps du serpent est un peu gros pour la mâchoire de la loutre mais elle le tient avec ses pattes. L'albatros se rapproche par derrière et l'a saisi à l'arrière de sa tête... Il lui a brisé la colonne !... Le serpent ne bouge plus ! Et l'albatros l'avale ! S'écria Harry fou de joie.

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Soudain, Drago se tordit de douleur.

-La marque ! On dirait qu'elle brûle de l'intérieur !

Un épaisse fumée noire sortait des pores du bras et se rassemblait en un spectre immense de tête de serpent flottant dans le Hall, ondulant à une vitesse vertigineuse dans tout l'espace, prenant en chasse les sorciers, les séparant les uns des autres, claquant des mâchoires et sifflant, laissant derrière lui un brouillard épais qui obstruait la vue à moins de cinquante centimètres.

-Drago ?! Appelait Hermione, de plus en plus à l'étroit dans le nuage. Déterminée, elle plongea dans cette obscurité à la recherche du Serpentard. L'air et les particules la brûlaient mais elle n'y prêta pas attention et poursuivit son exploration. Au loin, elle entendait d'autres cris des sorciers qui s'appelaient.

-Drago ?!

D'un coup, un main sortit du brouillard et lui saisit le poignet.

-Drago, c'est toi ?

-Pas que je sache, répondit Nott, sèchement. Il faut sortir dehors. Il est peut-être déjà tiré d'affaire.

-Et s'il ne l'est pas ?

-Nous y retournerons.

Petit à petit, la brûlure de l'atmosphère devenait insupportable.

-Allez, viens, il faut nous refroidir. Si on succombe à nos brûlures avant de l'avoir trouvé, ça ne servirait à rien.

Alors Hermione se laissa entraîner par le sorcier, qui prit le parti de marcher droit devant lui jusqu'à trouver un mur.

-Quelle idée, d'avoir une baraque aussi grande, grommela Nott.

Il tenait fermement la main d'Hermione, comme s'il était sûr de lui et marchait à grands pas décidés. Soudain, il trébucha : ils étaient arrivés au grand escalier.

-Montons, on pourrait voir les autres d'en haut, décida Nott et Hermione acquiesça.

Au fur et à mesure qu'ils gravissaient l'escalier, la fumée se faisait moins dense et la température baissait. Enfin, ils arrivèrent au premier étage et se précipitèrent vers la galerie, comme une mezzanine donnant sur le Hall dont la hauteur de plafond égalait celle du premier étage. De là, ils virent des lumières bleues enfouies sous la fumée noire. Deux étaient groupées, deux autres continuaient d'errer et n'étaient pas loin de se trouver.

-Il manque une lumière, remarqua Hermione, la boule au ventre.

-Je leur envoie mon patronus pour les guider.

-J'envoie le mien chercher la personne qui manque.

Nott acquiesça en silence et fit jaillir de sa baguette son albatros qui plongea dans les ténèbres. Hermione fit de même et regarda sa petite loutre disparaître dans le nuage.

000

J'avais perdu ma baguette lorsque mon bras s'était mis à me brûler et j'errais au hasard, espérant trouver un mur ou une fenêtre. La douleur s'était calmée mais je sentais mon corps atteindre la limite de ce qu'il pouvait supporter en terme de chaleur. L'air devenait tout simplement irrespirable. Brusquement je me heurtais à quelque chose de dur et lisse : c'étaient les boiseries d'un des murs, Nord ou Sud ! Je devais aller à droite si j'étais au Sud, à gauche si j'étais au Nord. Et je n'avais aucun moyen de me repérer.

Mais, surgit de nulle part, à quelques centimètres de moi, Hermione, qui nous éclairait de sa baguette. Je me précipitais vers elle et la pris dans mes bras, soulagé de la retrouver et de voir qu'elle allait bien. Puis je lui pris la main, oubliant ma baguette, pour l'emmener loin de cet Enfer. Mais alors que je prenais mon élan, nos mains se détachèrent. Je me retournais vers elle ; elle n'avait pas bougé d'un pouce et me regardait d'un œil fixe, une expression dure que je ne lui connaissais pas, peut-être choquée de ce qui était en train de se passer. Je choisis la droite au hasard, priant Merlin et Salazar que ce soit le bon chemin.

-Viens, Hermione, réussis-je à articuler tandis que je raffermissais ma poigne autour de sa main.

Je la tirais vers moi mais elle semblait impossible à faire avancer. Je me rapprochais d'elle pour l'enlacer à nouveau mais elle resta de marbre. C'était pire sans doute que si elle me repoussait clairement. Je pris une large goulée d'air qui me brûla toute la trachée pour réussir à prononcer dans un souffle à son oreille :

-Je t'en prie, viens, on ne peut pas rester ici.

Mais elle ne se déplaça pas d'un centimètre, son expression restait figée dans une expression de colère et alors je sentis tout le ressentiment qu'elle pouvait avoir pour moi. Le cœur déchiré de tristesse et d'angoisse, j'essayais une dernière fois, désespéré :

-Tu ne viens pas ?

Rassemblant mes dernières forces, je saisis des deux mains son avant-bras et la tirais vers la droite aussi fort que je le pouvais, quitte à lui déboîter une épaule, mais ce fut sans succès. C'était comme si ses pieds avaient été soudés au sol. L'effort me déchirait la poitrine et j'essayais de doser entre la douleur de la brûlure de l'air pénétrant mes poumons et l'oppression causée par l'asphyxie.

-Tout ça, c'est de ta faute !

Son visage, déformé par la haine, me fit presque peur. Jamais elle ne m'avait regardé ainsi, même avant de me frapper de son poing, il y a cinq ans de cela.

-Je sais ! Parlons-en une fois sortis d'ici. Je t'en supplie, suis moi !

-Je te hais comme je n'ai jamais autant haï quelqu'un. Pour moi, tu es la pire personne qui puisse exister sur terre.

La tête me tourna subitement et je ne savais pas si c'était l'effet des paroles ou du manque d'oxygène. Ces paroles... c'était celles qu'elle m'avait dites en septembre. Est-ce que je devais comprendre qu'elle me quittait ? Mais je devais m'arracher à ces pensées douloureuses car il y avait plus important : survivre. Je ne comprenais pas : comment faisait-elle pour ne pas être affectée par la brûlure du l'air ? En tout cas, c'était folie que de rester dans ce brouillard et je devais l'en sortir coûte que coûte, qu'elle me haïsse ou non.

-Mais laisse-moi t'aider... au moins ! Réussis-je à articuler dans un effort qui me parut surhumain.

-Et comment pourrais-tu m'aider ? Tout ce que tu sais faire c'est semer la désolation autour de toi ! Comme si la marque était la seule chose pourrie en toi ! Pense seulement à ce que tu m'as fait cette nuit !

-Hermione... S'il te plaît... Il faut fuir ! Nous brûlons ! repris-je en essayant de contenir quelques larmes traitresses.

-Mais est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux pour nous que tu restes ici ? Reprit-elle, avec, au fond de la voix comme un crépitement de feu.

Alors que j'allais m'écrouler sous la douleur et l'air trop rare dans mes poumons, elle me retint et se plaqua contre moi avec un charme et une sensualité qui ne lui ressemblaient pas. Elle m'enlaça avec une force dont jamais je ne l'aurais cru capable. Elle avait grandi, me dépassant de plusieurs centimètres et me soulevait pratiquement du sol.

Ce n'était pas Hermione. Ça y ressemblait mais ce n'était pas elle. Alors qui ? Un frisson me parcouru malgré la chaleur. Qui me tenait étroitement enlacé ? Soudain, un rire sans âme s'éleva dans l'obscurité puis une voix rauque que ne connaissais que trop bien s'éleva dans les airs :

-Comment Drago, tu veux me quitter ?

Je concentrais toute l'énergie de mon désespoir en un dernier soubresaut pour me défaire de cette emprise mais ce fut sans effet.

-Tu te bats Drago ? Ce serait bien la première fois...

Mais soudain, dans l'obscurité s'élevèrent d'autres voix. Je reconnus celle de Ron :

-Comment oses-tu la toucher ? Elle voulait être avec moi ! Qu'est-ce que tu cherches ? Tu crois que tu n'as pas assez profité d'elle ? Ne fais pas croire que tu es capable d'aimer ! Tu vas la détruire par ton orgueil et ton égoïsme ! Avec moi, tout serait bien plus simple pour elle !

-Ce n'est pas un loup-garou qui a ces pensées malsaines, Drago, c'est toi, reprit la voix de Pansy. Tu es un Mangemort, c'est tout. Ce n'est pas la marque le problème, tu as ça dans le sang. Est-ce qu'on ne te l'a pas assez répété dans ton enfance ?

-Lui, un Mangemort... ? se moqua Nott. Mais il est trop faible... Il passe son temps à pleurer et à tomber dans les pommes et bon, on peut le dire, il est pas non plus le couteau le plus aiguisé du tiroir ! Et il pense être digne d'une héroïne de guerre ? Je vaux tellement mieux que lui !

-Et elle aussi tu comptes la trahir ? Enchaîna la voix de mon père. Tu ne vis que pour toi et ton petit confort. J'ai toujours su que tu serais la déception de ma vie et je ne me suis pas trompé. Ce matin, ils ont emmené ta mère. Il paraît que demain, c'est mon tour. Et tout ça est ton œuvre, Drago.

Subitement, une lumière bleue transperça les ténèbres et, déchirant un reste de fumée et fit s'évanouir cette force qui me maintenait en l'air. Le patronus d'Hermione surgit près de moi alors que je m'effondrais au sol. D'abord, la loutre se blottit brièvement contre moi puis avançait lentement vers la gauche :

-Drago ?! Suis-la ! Suis-la, on arrive !

Alors, je rampais sur quelques mètres, jusqu'à tomber sur ma baguette que j'allumais d'un sort informulé mais j'étais trop épuisé pour produire une lumière suffisante. Je continuais à progresser lentement quand soudain une lumière apparut. C'était Nott. Il me prit sur son dos et me mena jusqu'aux escaliers qu'il montait quatre à quatre. Une fois sortis de la brume sombre, Harry accourut pour l'aider.

-Il respire, il est conscient.

Je voulais les prévenir que ce brouillard pouvait produire des hallucinations mais je ne pus produire qu'un gémissement : ma gorge, ma trachée, ma bouche... tout avait été brûlé et le fait simple de respirer restait une torture, tandis que ma peau se couvrait de cloques.

-N'essaie pas de parler, me chuchota Hermione pendant qu'elle m'auscultait.

Incapable de bouger, j'essayais tout de même de relever la tête pour voir les autres.

-On est tous là, répondit Hermione à mon interrogation muette. Et tout le monde va bien. On a tous pris un coup de chaud mais nous allons bien. Harry a soigné Blaise et Pansy avec un «vulnera sanentur». Ils prennent un bain d'eau froide.

-D'ailleurs, c'est ton tour mon grand, reprit Nott en me reprenant sur ses épaules en m'arrachant un gémissement de douleur.

Il me porta jusqu'à ma chambre.

-Tu fais ton lit au carré tous les jours et rien que pour ça je t'admire, commenta le grand brun. Faire son lit pour le défaire, c'est un peu le symbole de la vanité humaine, non ?

Je grognais pour le faire taire et cela le fit sourire.

-Voooiiiiiilà, dit-il en me déposant assis sur la banquette en bout de lit.

Puis il sortit de la pièce, nous laissant seuls avec Hermione. Alors sans un bruit, sans une parole, mais une douceur infinie, elle retira mes vêtements. J'aurais pu fondre de honte, je crois, d'être aussi impotent. Elle devait tout faire : Me lever, me tourner, défaire mes chaussures, mon pantalon... tout. Car lancer un sort indélicat restait risqué.

Pourquoi ? Pourquoi moi ?

Elle me laissa un temps pour faire couler le bain dans la salle d'eau. Puis, elle prit mon bras et m'amena jusqu'à la baignoire en train de se remplir. Je sentais les embruns du liquide me rafraîchir. Dans un effort qui me parut surhumain je levais ma jambe pour entrer dans l'eau, puis la deuxième non sans étouffer des cris de douleur. Enfin, je réussis à m'asseoir puis m'allonger. Elle s'assit à mes côtés, toujours en silence, adossée au mur. Je la sentais émue. Recroquevillée sur elle même, elle enfouit sa tête contre ses genoux, sa dense chevelure dissimulant toute sa tête et je crus entendre des sanglots. Quant à moi, j'étais immobilisé par la douleur. Je ne pouvais rien faire si ce n'est sentir mon cœur tomber au plus profond de moi. La haine que je pouvais ressentir pour moi-même et qui ne m'avait jamais tout à fait quitté revint en force : j'étais vraiment le pire des abrutis.

Après un certain temps, on frappa à la porte. Hermione se leva pour ouvrir en s'essuyant les yeux. Au loin, je les entendais chuchoter. C'était Nott je crois. Au bout de quelques minutes, ils semblèrent se mettre d'accord sur quelque chose et Hermione revint avec un air décidé sur le visage. Elle s'agenouilla pour être à ma hauteur sans oser me toucher. Elle leva sa baguette et, avant que j'aie pu dire quoi que ce soit, elle m'endormit.