Ccassandre24 : Merci pour ton soutien indéfectible ! Je suis heureuse que ce chapitre t'ait plu et j'espère que celui-ci te plaira également ! :) Pour la rencontre, c'est pour bientôt ! Je pense bien à toi en développant le personnage de Nott désormais ! Comme l'histoire se centre quand-même sur Drago, je ne pensais pas trop m'étendre sur l'histoire de Nott... Faut dire que, pour une raison que je n'explique pas, je n'ai pas énormément d'inspiration... Bref, je te laisserais en juger au chapitre 32 !

30 - J'avais appris un compliment, / Et j'accourais pour célébrer ta fête, / On y parlait de sentiment / De tendre amour, d'ardeur parfaite / Mais j'ai tout oublié, / Lorsque je suis venu, / Je t'aime est le seul mot que j'ai bien retenu. («Mon cher Papa», Mallarmé)

-Tu es sûr que tu n'as besoin de rien ? Demanda Adeline, mal à l'aise.

-Non, c'est bon ! Grogna Dunn en se redressant sur son lit d'infirmerie. Ça fait déjà trois fois que tu demandes !

-Ohlala ! Excuse-moi d'être prévenante ! Répliqua-t-elle, piquée.

-Et arrête de t'excuser !

-Et toi arrête de me donner des ordres ! Je m'excuse si je veux et je te demande si tu as besoin de quelque chose le nombre de fois que je veux ! Alors, as-tu, encore une fois, besoin de quelque chose ? S'emporta-t-elle, un air de défi sur son joli visage en posant sa dernière question.

Il sourit : tout ceci était absurde. Et il aimait l'absurde.

-Non, je n'ai besoin de rien, je te remercie, répondit-il avec une politesse pompeuse.

Elle sourit à son tour, sa colère retombant.

-D'accord.

Elle se rassit confortablement sur la chaise à proximité du lit. Il la regardait, amusé.

-Ce n'est pas Rogers qui devait m'apporter les cours ?

-Si. Mais comme c'est moi qui t'ai stupefixé, je me suis dit que je devais en prendre la responsabilité.

-Tu n'es là que par devoir alors ? Demanda-t-il avec un fond de déception.

-Pour quelles autres raisons pourrais-je être ici, demanda-t-elle, les yeux brillant de cette malice qui à la fois plaisait à Dunn et le blessait. Décidément, cette troisième année n'avait aucun respect pour ses aînés !

-Pour rien, trancha-t-il, boudeur. Tu peux laisser ça à Rogers. Ne t'embête pas.

-Ça ne m'embête pas.

-On est lundi : tu devrais être en heure d'étude.

-Tu connais mon emploi du temps ?

-Pas du tout ! C'est juste que... j'avais le même en troisième année. Et sans doute préfères-tu réviser...

-Je t'ai dit que ça ne me dérangeait pas.

-Si tu es là par obligation... repartit-il grincheux.

Pourquoi espérait-il tant que ce soit pour lui, rien que pour lui et pas par devoir, qu'elle sèche son heure d'étude ?

-Mais ça ne change pas le fait que ça ne me dérange pas !

-Mais tu as une évaluation dem...

-CA. NE ME. DÉRANGE. PAS ! T'ES SOURD OU QUOI ?

-D'accord ! D'accord ! Battit-il en retraite.

000

Comme convenu avec McGonagall samedi soir, Hermione et moi partîmes ensemble m'acheter une nouvelle baguette. Nous passâmes par la cheminée de la directrice pour nous rendre sur le chemin de traverse. Un soleil printanier éclairait la rue, moins bondée qu'à la fin de l'été. Je pris la main d'Hermione pour avancer d'un pas décidé vers la boutique.

En réalité, j'étais mortifié : retourner dans la boutique d'Ollivander ! Lui qui avait passé plusieurs mois dans le cachot du manoir, allait sans doute bien me recevoir ! Je réalisais alors que j'allais devoir payer le prix de toutes les horreurs perpétrées par ma famille. J'avais payé pour Ron, pour Dean. J'allais sons doute aussi payer pour le vendeur de baguette. C'était comme si la guerre ne finissait jamais.

Hermione me regardait de biais, soucieuse. Je lui souris pour l'apaiser. Les gens dans la rue nous dévisageaient plus ou moins discrètement et chuchotaient sur notre passage. Rien de bien différent qu'à Poudlard.

A peine avions-nous avancé de dix mètres que déjà, les ennuis commencèrent :

-Va crever, me chuchota un homme qui marchait en sens inverse en me bousculant légèrement.

Mon sang ne fit qu'un mais je me retins de réagir : je n'en voyais pas la peine. Le prendre à parti, c'était en réalité provoquer toute la rue.

-Laisse tomber, me chuchota Hermione. En plus de ma main, elle s'était saisie de mon bras pour m'entraîner au loin. Sans doute craignait-elle une réponse de ma part.

Mais nous n'avions pas parcouru cinq mètres que nous fûmes de nouveau arrêtés.

-Hermione Granger ! Quel honneur ! Quel plaisir de vous rencontrer enfin ! Je suis Bromhilde Martin. Vraiment, quelle jeune femme magnifique vois faites ! Et si courageuse ! Vous êtes épatante !

La vieille femme se détourna pour me dévisager de la tête au pieds. Elle reprit :

-Enfin, je ne voudrais pas vous déranger... Je vous souhaite une bonne journée, conclut-elle en souriant à la Gryffondor.

-Merci, à vous aussi, réussit à caser Hermione alors que l'inconnue s'éloignait en lui faisant un signe de la main.

-Je ne sais pas laquelle de nos de deux situations est la plus enviable, grognais-je tandis qu'elle arborait un sourire gêné.

Nous accélérâmes le pas, courant presque, pour dissuader toute interruption. Une fois devant la porte de la boutique, j'hésitais un instant, la main sur la poignée.

-Je... peux passer devant si tu veux, chuchota-t-elle, bien consciente du malaise.

J'acquiesçais en silence en lâchant la poignée. Alors, elle entra et je lui emboîtais le pas. Une petite clochette signala notre présence et une ombre se détacha des rayons plongés dans l'obscurité de la boutique.

-Bonjour, risquais-je timidement.

Ce n'était pas Ollivander, remarquais-je, soulagé. C'était un homme d'un trentaine d'année, maigre, le teint pâle, les yeux clairs et les cheveux d'un noir de jais, qui ressemblait beaucoup à l'ancien vendeur. Un fils ou un neveux peut-être. Il avait l'air d'une plante maladive qui aurait grandi à l'ombre. A son air surpris, je compris qu'il nous avait reconnus. Cependant, il resta très professionnel.

-Bonjour, que puis-je pour vous ?

-Je viens acheter une baguette. La mienne... s'est cassée. La voici.

Et je lui tendais les deux fragments. Il me considéra un instant, pensif, puis porta ses yeux sur mes mains tendues vers lui. Il se saisit des morceaux et les observa avec attention.

-Bois d'aubépine et crin de licorne, 24,5 centimètres, relativement souple ?

-25 centimètres.

Il acquiesça avec un air appréciateur.

-Ce devait être une bonne baguette. C'est ici que vous l'aviez achetée ?

-Oui.

-Elle vous convenait toujours ?

-Oui.

-Je vais voir s'il me reste une jumelle.

Et il disparut dans l'obscurité du fond de la boutique. Je lançais un regard furtif à Hermione qui me sourit en pressant mon bras. Le vendeur revint bien vite avec plusieurs boites en main.

-Ce ne sont pas exactement des jumelles. Crin de licorne, châtaigner, relativement souple, expliqua-t-il en ouvrant la première boîte et en me présentant la baguette.

Je m'en saisis et immédiatement une fumée âcre se dégagea de son extrémité.

-Non, ça ne va pas.

Il me prit la baguette des mains.

-Cyprès et crin de licorne cette fois-ci.

Je la pris dans mes mains et cette dernière fut instantanément prise de tremblements incontrôlables.

-Toujours pas... Alors celle-ci peut-être... Noisetier et crin de licorne.

A peine la touchais-je des doigts que des étincelles surgirent et manquèrent de mettre le feu à la boîte. Le vendeur me reconsidéra un instant :

-Oublions le crin de licorne, après tout, vous êtes sans doute plus attaché à l'aubépine.

Et il disparut à nouveau dans les rayons. Il revint avec un nouvelle boîte.

-Bois d'aubépine, ventricule de dragon.

Je réussis à prendre la baguette dans mes mains. Elle semblait m'accepter... Mais l'énergie qui m'avait traversé à mes onze ans lorsque j'avais saisi ma précédente baguette ne se manifesta pas.

-Ce n'est toujours pas bon, mais nous progressons ! C'est intéressant, M. Malfoy, poursuivit-il en rangeant la baguette dans son étui, l'aubépine est connue pour son caractère ambivalent. Avec une baguette en aubépine vous excellerez dans les sorts de guérison... mais aussi dans les maléfices.

Ses yeux me fixaient avec attention, comme s'il pouvait lire en moi.

-Il semblerait... que vous n'ayez pas perdu toutes vos contradictions.

Je frissonnais pendant qu'il repartait se terrer dans l'arrière boutique. J'avais tant espéré être limpide ! Il revint encore une fois avec un nouvelle boîte mais cette fois-ci, il s'arrêta avant d'arriver au comptoir.

-Non. Nous avons assez joué, M. Malfoy. Je pense que je vous dois une baguette à la mesure de votre histoire.

Et il fit demi-tour pour disparaître à nouveau, assez longtemps cette fois-ci. Un fracas vint du fond de la pièce. Des boîtes qui tombaient. Il revint échevelé, le front luisant. Ses mains tremblantes de nervosité tenaient une boîte qui devait dater de Merlin lui-même.

-Personne n'a jamais essayé cette baguette. C'est à dire aussi que jamais personne chez Ollivander n'a osé la proposer non plus. C'est une conception tellement... étrange ! Nous désespérions d'un jour pouvoir la vendre ! C'est Geraint Ollivander, le fondateur de la boutique, qui l'a faite en 1226. Aubépine, souple, 25 cm... crin de sombral. Vous avez perdu votre pureté M. Malfoy, le crin de licorne, ce n'est définitivement plus pour vous. Mais le sombral en revanche... allez savoir à qui cela se destine.

Il avait justement le sourire entendu de quelqu'un qui savait pertinemment à qui se destinait de telles baguettes. Je ne relevais pas.

Le crin de sombral... C'était bien la première fois que j'entendais parler de ce composant et j'imaginais qu'il devait être aussi puissant qu'il pouvait être sinistre. Le sang, la souffrance, la mort entourée par la vie, la reconnaissance. Je voyais les sombrals depuis mes quinze ans. A partir du moment où le Seigneur des Ténèbres s'était installé chez nous et que toute ma vie avait commencé à m'échapper. Un nouveau frisson me parcourut : cette baguette, l'aubépine alliée au sombral, pouvait être particulièrement maléfique... ou bénéfique. Elle ne devait définitivement pas tomber entre toute les mains...En étais-je seulement digne ?

Lorsqu'il ouvrit la boîte, je fus complètement hypnotisé par son contenu. Plus fine que ma précédente, je reconnaissais le bois clair de l'arbre. Il avait été sculpté très sobrement mais aussi plus grossièrement, selon les manières de faire de l'époque sans doute. A peine l'effleurais-je des doigts dans sa boite qu'elle produisit des étincelles noires aux reflets bleus, à l'image de la robe de ces créatures aillées. Je la pris dans mes mains et instantanément une vive chaleur se diffusa dans tout mon corps. C'était elle. C'était moi.

000

-Si nous nous dépêchons, nous réussirons à être à l'heure pour le cours d'histoire de la magie, fit remarquer Hermione une fois sortis de la boutique.

Le cours de botanique devait tout juste se terminer : nous avions dix minutes pour transplaner et nous présenter à la salle de Binns. Ou alors...

Je la retins de justesse par la main :

-C'est vrai... Mais, hélas, je suis un sorcier complexe, il faut du temps pour me trouver une baguette. Et... il y avait la queue. Au moins deux personnes devant nous. D'abord, un trentenaire un peu étourdi venu cherché du vernis pour entretenir sa baguette qu'il avait fait tomber dans un chaudron de pimentine.

Le regard d'Hermione, marquant d'abord la surprise, prit ensuite une teinte réprobatrice

-Drago...

Je continuais sur ma lancée, espérant au moins l'amuser :

-Il avait laissé sa baguette chez lui car elle semblait incontrôlable mais il était incapable de se souvenir du type de bois... Alors finalement, il est reparti bredouille.

-Ce n'est pas raisonnable.

Nous échangeâmes un long regard. Je me retenais d'éclater de rire, un sourire vibrant étirant ma bouche. Finalement, elle soupira en levant les yeux au ciel, un peu trop facilement vaincue :

-Et la deuxième personne ? sourit-elle, mordillant sa lèvre inférieure, sans doute rongée par une culpabilité accablante.

Je contenais mon explosion de joie et repris immédiatement mon récit pour satisfaire mon charmant auditoire.

-Une vieille mégère pour qui ça a été interminable !

Je la pris par la main pour la mener délicatement jusqu'au glacier Fortarôme.

-Elle avait cassé sa baguette en s'asseyant dessus. C'est à dire que ça faisait deux jours qu'elle la cherchait. Elle était pourtant persuadée qu'elle l'avait posée à côté de ses lunettes ! D'abord, frêne et ventricule de dragon. Une catastrophe : elle a inondé la boutique !

Je passais devant Hermione pour lui ouvrir la porte du commerce. Elle hésita sur le seuil en me jetant un regard à la fois rieur et désabusé.

-Tu ne veux pas savoir la suite de nos palpitantes aventures ? Taquinais-je, un sourire serpentardesque en coin.

Elle leva les yeux au ciel une nouvelle fois, surjouant un agacement mais son sourire jusqu'aux oreilles la trahit. C'était sa parade habituelle pour se retenir de rire lorsqu'elle s'en voulait de trouver une chose amusante. Finalement, elle entra. Je repris, alors qu'elle se dirigeait vers une table au fond de la salle. La moins visible de toutes.

-Ensuite, cornouiller et poil de Womatou. Un carnage ! Ça a soufflé toutes les vitres du magasin !

Je luis désignais la banquette tandis que je m'installais sur la chaise en rotin en face d'elle.

-Finalement, pour elle, bois de poirier et moustache de fléreur, 22 cm, rigide.

Un silence se fit où nous nous regardâmes en souriant.

-Tu as vraiment une très mauvaise influence sur moi ! s'exclama-t-elle en pouffant.

-Et toi une très bonne sur moi !

-Juste une heure, pas plus ! Je veux être présente au cours d'astronomie !

-Quoi ? Une heure ! Tant que ça ?! M'exclamais-je théâtralement, je ne pensais pas sécher autant ! Enfin, je te ferais remarquer, au cas où tu aurais oublié, que nous avons des ASPICS à passer à la fin de l'année ! Il y a vraiment un manque de sér...

-Tu as raison, me coupa-t-elle en entrant dans mon jeu. Ce n'était pas raisonnable : allons-nous-en tout de suite !

Et elle fit mine de remettre son manteau avec un sourire malicieux.

-Attends ! La retins-je moitié amusé, moitié inquiet à l'idée qu'elle puisse réellement partir. Une heure, ça ne me parait pas si mal finalement.

Elle se stoppa immédiatement, laissant retomber son manteau derrière elle. De la comédie. Évidemment que c'était de la comédie. Elle n'allait pas vraiment m'abandonner, si ?

Ce fut ce moment que choisit le serveur pour venir prendre notre commande.

-Citron, s'il vous plaît, demandais-je au hasard, sans prendre la peine de réfléchir.

Pendant ce temps, Hermione parcourait fébrilement la carte, à la recherche d'une bonne réponse.

-Heu... heu... framboise ! S'écria-t-elle, exactement de la même manière que lorsqu'elle participait en classe.

Le serveur s'éclipsa rapidement.

-J'ai dit complètement au pif ! Esclaffa Hermione, écarlate, en se cachant derrière le carton répertoriant la liste des innombrables parfums de glace.

Je pouffais, attendri, devant tant d'ingénuité. Malgré tout ce qu'elle avait pu vivre, cette simplicité, cette fraîcheur, cette pureté, presque, elle ne l'avait pas perdue.

-Si nous nous donnons une heure, j'aimerais aller... dans un endroit un peu particulier...

Elle reprit un air sérieux :

-Quel endroit ? Pas l'allée des Embrumes...

-Non ! M'exclamais-je, surpris. En fait, cet endroit se trouve... au premier étage de cet immeuble. C'est un appartement.

-De qui ?

-C'est le mien, depuis septembre.

-Le tien ?! Mais combien de biens est-ce que tu as exactement ?!

J'éludais précautionneusement la question car la réponse était indécente.

-Il m'a été légué. Avant... il appartenait à Severus.

-Rogue ?!

J'acquiesçais en silence. Le serveur nous servit nos glaces et disparut prestement.

-Rogue habitait sur le chemin de traverse ?

-Seulement pendant les vacances.

-Et là, on peut y aller ?

Je sortis les clefs en guise de réponse.

-C'est complètement fou ! Tu t'y es déjà rendu ?

-Jamais encore. Je n'en ai pas eu le courage et... J'avais déjà bien assez à faire avec le manoir.

Ce fut à son tour d'acquiescer avec un air compréhensif.

-Tu imagines ça comment ? Finit-elle par me demander, un sourire en coin.

-Je ne sais pas : austère sans doute. Des murs blancs sans décoration, sans rideau...

-Très fonctionnel.

-Et parfaitement rangé, poursuivis-je, son sourire gagnant mes lèvres.

Alors, en deux coups de cuillère efficace, elle engloutit sa boule de glace.

-Tu crois qu'il achetait des glaces ? Demanda-t-elle la bouche pleine.

-Peut-être, pouffais-je.

-Un parfum triste...Sans saveur... fleur de lait, proposa-t-elle.

-J'aurais plutôt dit un parfum corsé, noir comme son âme : chocolat 90% ou café...

Je finis rapidement à mon tour, pressé par Hermione et notre curiosité commune. Au comptoir, tandis que je réglais pour nous deux, j'osais interroger le serveur :

-Vous connaissiez le propriétaire de l'appartement au dessus ?

-Severus Rogue ? Bien sûr ! Je l'ai eu en professeur de potion... Je n'étais pas mauvais : il ne me détestais pas je pense...

-Il venait ici ?

-En été, presque tous les jours.

-Il... avait un parfum préféré ?

-Il prenait toujours fraise : ça lui rappelait quelqu'un, disait-il.

Je souriais poliment en le remerciant et en prenant congé. Même son parfum de glace devait rendre hommage à Lilly Potter. L'horreur. Je n'avais jamais mesuré à quel point cet homme était dévoré par son passé. Il avait raison : il n'aurait pas pu m'aider, perdu dans ses obsessions.

A côté de l'entrée du glacier, un passage menait à une petite cour sombre mais propre. Un escalier extérieur en pierres ternes et rongées par le lichen sur notre droite devait nous conduire au premier et deuxième étage du bâtiment. Nous l'empruntâmes sans hésiter tandis que je ressortais les clefs. Nous nous arrêtâmes devant la porte, un paillasson «Welcome» à nos pieds.

-Tu es sûr que c'est ici ? me chuchota Hermione, avec un air perplexe.

-Oui, c'est l'adresse.

C'est vrai que cela ne lui ressemblait guère mais après tout pourquoi pas ? Sans attendre, j'ouvris la porte qui laissa échapper une plainte grinçante. L'appartement était plongé dans le noir, les volets étant fermés. Je traversais ce qui devait être le salon pour les ouvrir. Il y faisait froid. Plus froid qu'à l'extérieur : il n'avait pas été chauffé de tout l'hiver. Lorsque le soleil baigna la pièce, nous découvrîmes un appartement très cossu, meublé avec goût, très épuré, du style scandinave. Une cuisine ouverte moderne prête à être utilisée, un fourneau à cinq feux, un four à gaz. Propre, presque aseptisé. Un large plan de travail en pierre massive couleur anthracite. Des meubles encastrés, laqués de couleur bleu roi. Il devait aimer cuisiner. Dans l'un des placards, une impressionnante collection de thés et des ingrédients pour faire des potions basiques. Au centre de la pièce, une table avec quatre chaises rembourrées recouvertes de tissus bleu clair chiné de blanc. Dessus se trouvait un vase en terre cuite glacée gris clair avec des fleurs, de la belladone et des sceaux de Salomon, séchées. Association étrange ! Une lettre reposait contre le vase. Elle m'était adressée. Je la pris dans mes mains tremblantes, le cœur battant à tout rompre. Ses derniers mots... pour moi !

Attention, l'évier fuit.

Severus.

La déception fit de mon cœur une pierre qui tombait au travers de moi : vraiment ? C'est tout ce que Severus avait à me dire ? Une fuite et un foutu bouquet de Belladone et de Sceaux de Salomon ! Quelle... blague !

Hermione me lança un regard surpris depuis le seuil.

-C'est pas du tout ce à quoi je m'attendais...

-Moi non plus, avouais-je en feignant l'entrain, cachant la lettre dans une poche de la doublure de mon manteau. Entre !

Alors, elle se dirigea directement vers la bibliothèque.

-Adepte de romans policiers moldu et de science fiction.

Elle se détourna des livres pour aller inspecter la chambre et je lui emboîtais le pas. Le lit était fait, recouvert d'une parure bleu pétrole. La pièce était meublée plus sommairement. Le sommier n'avait pas de tête. L'armoire était parfaitement vide, si ce n'est des couvertures supplémentaires et un scrutoscope désactivé.

-Il s'était installé au manoir, vers la fin, expliquais-je.

Un évier merdique, un bouquet de belladone et de sceaux de Salomon.

Aussi, rien de périssable n'avait heureusement été laissé ; juste des pâtes et des conserves... Assez pour tenir au moins quinze jours ! Il n'y avait en réalité que très peu d'effets personnels. Tout ce qui aurait pu être trop intime avait disparu si ce n'est sur sa table de chevet un roman policier qu'il n'avait sans doute pas terminé au regard de la place occupée par le marque page parmi les feuilles de l'ouvrage et un cadre photo avec évidemment, une photo de Lilly Evans à l'intérieur. Qui d'autre ?

Le tri, la lettre... C'était comme s'il savait...

-Je peux ? Demanda Hermione en se saisissant du cadre.

-Bien sûr. Pour Harry ?

-Oui.

Un foutu bouquet de Belladone et de Sceaux de Salomon.

Il y avait une deuxième pièce qui pouvait servir de chambre, laissée complètement vide. La salle de bain, quant à elle, était aussi simple que la chambre, si ce n'est la grande douche à l'italienne.

-Tous les élèves de de septième année pourraient rentrer là-dedans, commenta Hermione avec un air étonné.

Je souris de l'approximation exagérée.

-Ça va faire une heure, remarquais-je en consultant ma montre. Nous y retournerons dans deux semaines pour les vacances ?

Elle acquiesça. Alors, en silence, je refermais les volets de la pièce à vivre. Devant le bouquet, je me figeais.

Un foutu bouquet de Belladone et de Sceaux de Salomon.

Un foutu bouquet de Belladone et de Sceaux de Salomon ! C'était ça ! Je me précipitais dans la cuisine et ouvris un peu brusquement le placard sous l'évier : un chaudron s'y trouvait.

-Ça ne va pas ? s'inquiéta Hermione.

-Si ! Sous l'évier qui fuit, il y a un chaudron !

-Comment sais-tu que l'évier fuit ?

Alors je lui montrais le lettre de Severus. Elle fronça les sourcils, sans doute préoccupée par le fait que je lui avais caché le papier. J'étais décidément un éternel cachottier : c'était un réflexe par défaut.

-Rien d'étonnant pour éviter un dégât des eaux, commenta Hermione, désormais perplexe devant mon agitation.

-Sauf que l'évier ne doit pas vraiment fuir, Hermione ! Le chaudron, les fleurs ! M'exclamais-je fou de joie et d'espoir en la prenant dans mes bras. Il veut que je fasse une potion de révélation !

-Une potion de révélation ? demanda-t-elle en levant son visage vers moi. On n'a jamais vu ça à Poudlard.

-C'est une potion très simple mais son utilité est assez limitée, c'est pour cela qu'on ne nous l'apprend pas. Elle sert seulement à révéler une encre transparente spécifique.

Je l'embrassais furtivement puis rompis mon étreinte pour fouiller la cuisine : je trouvais enfin un flacon dans un des tiroirs.

-Hermione, demandais-je nerveux, dans le placard au dessus de l'évier, pourrais-tu récupérer des lamelles de racine de valériane et de la poudre de pierre de lune s'il te plaît ?

Elle s'exécuta pendant que je récupérais délicatement plusieurs fleurs sur les tiges du bouquet et les insérais dans le flacon. Je rangeais précieusement tous les ingrédients dans une autre poche intérieure de mon manteau.

-Potion, ce soir, dans les toilettes des filles ?

Elle acquiesça en souriant.

Nous transplanâmes dès que nous fûmes dehors et arrivâmes pile à l'heure pour le cours d'astronomie.

000

Je remuais délicatement l'infusion de belladone et de sceaux de Salomon. J'ajoutais ensuite une à une les lamelles de racine de valériane. Elle flottaient sur le liquide en diffusant une couleur vert clair. Je laissais bouillir deux minutes puis je me remis à remuer dans le sens contraire des aiguilles d'une montre. Enfin, la poudre de pierre de lune donna un reflet argenté à la préparation. Cette dernière gagna en fluidité, à un tel point qu'aucune goutte ne restait accrochée aux rebords de mon chaudron : chaque projection coulait immédiatement vers le fond. Parfait. C'était absolument la couleur et la consistance espérée.

D'une main, je continuais encore à remuer quelques instants, le temps que la potion refroidisse pendant que l'autre caressait les mains croisées d'Hermione qui, reposant contre mon dos , avait entouré ma taille.

Lorsque le liquide fut tiède, j'y trempais délicatement la lettre. Contre toute attente, le papier ressortit complètement sec du chaudron, les gouttes de la potion roulant dessus comme des perles. Alors, progressivement, un texte écrit à l'encre verte apparut. C'était, à n'en pas douter, l'écriture de Severus.

Drago,

Si tu lis cette lettre c'est que je suis mort. Je n'ai que peu d'espoir concernant mon sort pendant cette guerre, quelque soit son issue. Je prie Merlin pour qu'il te garde sauf avec Potter.

Peut-être auras-tu toi aussi besoin de disparaître un jour. Cache-toi ici. Ne le loue pas. Garde-le. Tu dois toujours avoir un refuge. On ne sait jamais. Personne ne connaît ce lieu et tu dois le garder secret.

Sous le lit, tu trouveras une malle avec dedans des fioles de polynectar, un sachet de cheveux moldus, un ensemble d'antidotes généraux et du véritaserum. J'espère que tu n'en auras pas l'usage. Si tu ne l'as pas encore trouvé, sache qu'un chaudron se trouve sous l'évier. Dans le placard au dessus de celui-ci, tu trouveras tous les ingrédients pour faire les potions les plus communes. A droite du four, des provisions qui pourraient te permettre de tenir deux semaines. Je t'ai laissé de l'argent dans le tiroir de la table de chevet et un scrutoscope dans l'armoire. Le miroir de la salle de bain est une glace à l'ennemi.

Prend soin de toi, ne fais rien d'idiot. Pas de sortilège impardonnable. Je connais ton cœur et tes hésitations : ta mère m'a raconté, furieuse, ce qu'il s'était passé au manoir en mars... N'hésite plus : fuis et tiens tes résolutions. Tu en es capable. Il n'y a pas d'avenir pour toi dans le monde du Seigneur des Ténèbres. Va voir les Weasley : ils ont bon cœur, bien plus que tu ne pourrais le concevoir. Ils sauront t'aider : même si la guerre est perdue, ils ne se rendront jamais. Crois-moi, il y aura toujours une résistance. Rejoins l'Ordre. Dis leur simplement la vérité à l'exception que tu viens sur mon conseil. Cache-leur aussi l'existence de ce lieu. Je te laisse juge de tout le reste. Et, s'il te plaît, retrouve aussi Potter s'il n'est pas mort et donne lui, en signe de bonne foi, la photo de sa mère qui se trouve sur ma table de chevet. Si tu es amené à le côtoyer, s'il te plaît, pour moi, garde un œil sur lui... D'une certaine manière, tu as déjà commencé ! Car contrairement à toi, ce crétin est incapable de survivre par lui-même.

Je ne sais pas ce que je peux m'autoriser à te souhaiter en ce temps de guerre. Ne perds pas espoir : tu as droit au bonheur. Je ne te donnerai pas le sage conseil d'éviter l'amour tant que la guerre ne s'est pas terminée car je sais pertinemment que tu ne le suivrais pas. Drago, je soupçonne ton inclination et, si je ne me trompe pas, elle devrait être un argument supplémentaire pour te pousser à fuir le manoir. Alors, fuis !

Mon filleul, mon élève le plus doué, encore une fois, que Merlin te garde !

Severus

PS : l'évier fuit vraiment.

Une bouffée d'affection chaleureuse et de tristesse me submergea. Voilà. C'était tout ce que j'attendais. Alors, je pouvais le laisser partir et oublier ce simulacre qui m'était apparu en rêve. Ma gorge se serra mais je tins bon. Dans cette pièce se trouvait ma famille, celle qui me fallait : Severus, Hermione.

Hermione, lorsqu'elle eut fini de lire la lettre, entreprit de caresser mes épaules en enfouissant son visage dans mon dos.

-Il t'aimait comme un père.

J'acquiesçais en silence, incapable de formuler quoi que ce soit. Je me retournais et passais mes bras sur ses épaules et posais mon front contre le sien, nos souffles se mélangeant. Elle me serra fort dans ses bras et je me sentis inondé d'amour, le sien, le mien.

-Allons nous coucher, il est tard, réussis-je à articuler.

Elle hocha la tête en signe d'approbation tandis que j'embrassais son front.

000

La semaine se passa sans accroc. Le couple que nous formions avec Hermione commençait petit à petit à se faire accepter. Chaque jour, nous étions moins épiés, nous recevions moins de remarques et les insultes à mon égard diminuaient. Avec les Serpentards, nous continuions vaillamment à rejoindre le groupe de Potter à chaque repas.

D'autre part, ma nouvelle baguette m'apportait entièrement satisfaction. Elle était plus nerveuse et plus caractérielle que ma précédente : alors que je tentais un sort de guérison pour faire disparaître une plaie mineure à la main que je m'étais infligée à dessein, je sentis le manche palpiter dans mon poing. C'était comme si elle s'en délectait. C'était étrange, c'était comme une compagnie, une présence... et cette sensation ne devait sans doute pas me déranger tant qu'elle se satisfaisait de sorts bienfaisants. Et, comme l'avait suggéré le vendeur, le sort avait en effet été plus efficace, plus élégant que lorsque je le lançais avec ma précédente.

Le lundi, alors que je m'attendais à passer avec Hermione notre premier cours de potion ensemble depuis longtemps, je fus surpris de trouver Ron à la place de ma belle.

-Il ne peut décidément plus se passer de toi, se moqua Nott à mon oreille.

-Hermione va finir par être jalouse, ajouta Pansy, un sourire en coin.

Je leur lançais un regard amusé en m'avançant vers mon binôme. Hermione que j'avais déjà vu lors du petit-déjeuner se retourna pour me sourire.

-Salut, adressais-je au rouquin en m'installant.

-Salut... me répondit-il, les yeux rivés sur la paillasse.

Un silence s'installa tandis que je sortais tranquillement mes affaires. Hermione se retourna à nouveau. Je souris en lui faisant les gros yeux tout en désignant Ron d'un discret mouvement de tête pour marquer mon incompréhension. Cette dernière n'y fit pas attention, concentrée sur Ron.

-Ron ! Demande-lui !

Ce dernier prit sa couleur cramoisie habituelle et, après avoir lancé un regard furtif de reproche à Hermione, il se lança :

-Il y a ... deux choses.

-D'accord...?

-La première : je veux être Auror.

-Et c'est... bien ? Je suppose ?

-Mais je suis nul en potion. Il faut que tu m'aides Malfoy !

-Heu... d'accord...? Répondis-je, surpris, mais je me ressaisis rapidement, un sourire ironique en coin apparaissant sur mon visage. Tu tombes bien : il paraît que porter mon sac fait obtenir des Efforts Exceptionnels aux ASPICS.

-Drago ! souffla Hermione, outrée.

-Va mourir, Malfoy ! Sourit mon voisin alors qu'Hermione levait les yeux au ciel en se retournant vers sa paillasse pour de bon.

-Bon, et... la deuxième ? risquais-je.

-Pour les vacances...

-Oh, bien-sûr, tu peux venir au manoir, si tu le souhaites. Avec Hermione et Harry, nous avions pensé à la première semaine...

-Non... enfin, oui, pourquoi pas... mais je pensais surtout à t'inviter toi... au Terrier.

-Au Terrier...?

Je fus parcourus d'un frisson à l'idée de me retrouver assis à cette grande et joyeuse tablée, en face de la meurtrière de ma tante, à côté de celui qui avait perdu une oreille à cause de mon parrain et un jumeau à cause de je ne sais quel ami de mes parents. Tous. Absolument tous avaient risqué leur vie dans la bataille de Poudlard et avaient potentiellement affronté ma mère ou mon père. L'horreur.

-Enfin, Ron...

Tu n'es pas sérieux !?

-... tu penses vraiment...?

-Ma mère insiste.

Ah. Alors, si la meurtrière insiste...

-Réfléchis-y : toute la famille t'attends.

Toute la famille ?! Bill, défiguré par Greyback m'attend ? Arthur, bouffé par ce foutu serpent m'attend ? Tout était parfaitement normal !

-Je vais y réfléchir, mentis-je.

S'il y avait bien une chose certaine, c'était bien que je ne mettrai jamais les pieds dans ce repaire du deuil et de la douleur... Quoi qu'en pense Severus.

Slughorn finit par arriver et nous présenta rapidement la potion du jour. J'essayais tout le long du cours d'aiguiller Ron. Son problème était qu'il n'était pas assez méticuleux, ni assez précis. Alors j'essayais comme je pouvais de rectifier ses travers de mufle Gryffondor.