Hello !

Petit avis concernant la publication : Je suis actuellement en train de terminer le chapitre 46. Je n'ai donc plus que 12 chapitres d'avance, c'est à dire six semaines de publication, si je veux garder mon rythme de deux fois par semaine (et j'y tiens !). Il est donc très probable que je ne publie rien pendant ces deux semaines où je suis en vacances pour reprendre un peu d'avance. Après, il n'est pas non plus impossible que je publie un ou deux chapitres, selon ma progression... Bref : tout ça pour dire qu'il y aura un possible silence radio pendant deux semaines. Prochain chapitre, donc, le mercredi 10 mai au plus tard.

N'hésitez pas à me faire un petit coucou en review ou MP pour me faire part de votre avis. Je réponds toujours et ça encourage ! ;)

Bonne lecture !

34- «Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer» («L'Homme et la mer», Baudelaire)

La partie dut s'arrêter suite à l'épuisement des joueurs et ce malgré le match nul qui mécontentait beaucoup. Clairement, Ginny et Charlie avaient fait le match à eux deux, mais je me flattais d'avoir fait quelques passes décisives. Je n'avais pas vu le temps passer et il était près de dix-neuf heure trente lorsque nous rentrâmes, dégoulinants de transpiration, dans la maison.

-C'est pas possible de se mettre dans un état pareil, nous houspilla Mme Weasley. Vous êtes en nage ! Allez vous doucher et changez-vous !

Alors que la mauvaise troupe montait les escaliers la queue entre les jambes, je décidais de prendre congés et en fit part à la maîtresse de maison.

-Oh tu resteras bien pour le dîner ? C'est l'heure. Ron te prêtera des affaires. Vous devez faire la même taille.

Et, sur ses mots, elle se dirigea vers les escaliers.

-RON?! hurla-t-elle, dans le vide central autour duquel les marches s'organisaient.

-OUI ?! répondit une voix depuis les hauteurs de la maison.

-TU PRETERAS DES AFFAIRES A DRAGO ?!

-... D'ACCORD !

-Allez, monte te changer.

Ainsi, sans oser contredire, l'héritier Malfoy monta se changer dans la chambre d'un Weasley après s'être fait gentiment grondé par sa mère. Cette journée, c'était vraiment n'importe quoi !

-Cinquième étage, m'indiqua Bill qui sortait déjà de la salle de bain du premier étage, épongeant à l'aide d'une serviette d'un jaune poussin délavé ses longs cheveux encore ruisselants. Charlie, en caleçon noir, son drap de bain bleu clair à petits pois blancs sur l'épaule, s'engouffra dans la pièce à sa suite en chantonnant un dernier air à la mode. Maison de fous !

Ron passa sa tête par-dessus la rambarde des escaliers.

-Par ici !

Alors, je montais les marches grinçantes, avalant les paliers les uns après les autres d'un pas rendu pesant par la fatigue. Soudain, surgissant d'un coin sombre, on me saisit par le col pour me forcer à me baisser et alors, on m'embrassa. Hermione, je suppose. J'espère !

Le baiser fut trop furtif pour que je puisse réagir. A mon grand soulagement, ce fut bel et bien elle qui s'écarta de moi, le regard brillant de malice. A cette vue, je me serais sans doute jeté sur elle dans un autre contexte. Des deux mains, je caressais son visage et posais mon front contre le sien en souriant.

-Ça va ? Demanda-t-elle.

-Bien mieux, répondis-je en embrassant sa joue.

-Merci d'être là. Reprit-elle en passant une main dans mes cheveux.

-C'était une bonne idée, cette journée, la rassurais-je, car je la sentais toujours pleine de culpabilité.

-C'est vrai ?

-Oui ! Les tartes aux pommes valent vraiment le détour.

Elle pouffa. Elle se blottit contre moi et je me baissais dans l'idée de l'embrasser.

-Il est passé où ? s'inquiéta la voix de Ron.

-Au ravitaillement, renseigna Georges, un étage plus bas.

-C'est à dire ?

-Laisse tomber, gloussa Harry.

Décidément, la promiscuité, que ce soit avec un Nott angoissé ou des Gryffondors entassés ne nous réussissait pas.

-File ! Me chuchota-t-elle. Avant que tout le monde ne soit au courant !

Alors, trop inquiet à l'idée d'être réellement découvert par n'importe qui vivant dans cette maison, je m'exécutais, mais pas sans avoir d'abord embrassé sa tempe avec légèreté. Rituel oblige. Elle sourit et je repris mon ascension.

La chambre de Ron était spacieuse, comparée aux autres. Elle occupait tout le dernier étage et, au plafond, une trappe qui devait mener aux combles, avec sans doute la fameuse goule dont m'avait un jour parlé Hermione. Les murs étaient peints en orange, ce qui rendait l'espace très lumineux. Harry et Ron étaient assis sur leurs lits respectifs en bavardant tranquillement du match de cet après-midi. A leur droite, un troisième lit avait été fait.

-Je crois que maman a prévu que tu restes aussi dormir, expliqua Ron devant mon regard interrogatif.

Ce traquenard ! Et je savais d'avance que je n'allais pas avoir la force de caractère nécessaire pour refuser.

-C'est toujours comme ça, continua-t-il, elle ne comprend pas que les gens puissent vouloir partir un jour.

Je souris :

-Mieux vaut ça que l'inverse !

-C'est libre ! Cria Charlie.

-J'y vais ! s'empressa de hurler Ginny en dévalant les marches.

Comment, par Merlin, pouvait-elle continuer à sauter partout ?! Possédée. Décidément. Plus je la fréquentais et plus le diagnostique se confirmait.

-On ne court pas dans les escaliers grogna Arthur à voix haute pour la énième fois en quarante-neuf ans d'existence. Il avait sans doute perdu le compte depuis longtemps, en même temps, peut-être, que la conviction que cela servait à quelque chose, mais par habitude ou par principe, on essayait de rappeler quelques notions de prudence élémentaires à la turbulente petite dernière.

Lorsque Ginny libéra la salle de bain, ce fut au tour d'Angelina, suivie de Georges. Enfin, il ne restait plus que nous trois. Les deux autres me prièrent de prendre la suite. Ron me tendit un pull rouge et or, un lion brodé sur la poitrine. Je sentais dans ce geste un fond d'espièglerie, et je ne pouvais lui en vouloir d'avoir sauté sur l'occasion. C'est moi-même ce que j'aurais fait à sa place.

La salle de bain, comme toutes les autres pièces communes, appartenait au corps de logis et semblait moins branlante que les chambres. Une atmosphère étouffante y régnait, conséquence des douches successives. J'entrouvris légèrement la fenêtre pour pouvoir aérer et me déshabillais. La température de l'eau était instable et tour à tour me brûlait ou me frigorifiait. Est-ce que c'était si difficile que ça à fixer ?

Enfin au calme, je repensais à ce qui m'attendait pendant la suite des vacances : trier les assurances, aller à Exeter... Mes pensées vagabondèrent jusqu'à Hermione et son baiser clandestin. Elle allait me manquer pendant cette semaine. Je me remémorais alors nos nuits, nos couchers et nos réveils, sa peau, sa chaleur, sa douceur, mais aussi sa fougue. Bien vite, mon corps manifesta son intérêt. Je me souvenais alors de ces fois...

Un jet d'eau particulièrement glacial me surprit et j'étouffais un cri. Cela me calma tout de bon. Je me crispais et fermai rapidement le flux d'eau une fois rincé, mes esprits parfaitement recouverts.

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Lorsque le repas fut annoncé, nous nous plaçâmes de manière aléatoire autour de la table. Hermione, qui me tenait fermement la main, s'assit à côté de moi. Charlie vint s'installer en face. Curieux, je l'interrogeais sur son travail en Roumanie et il répondait avec entrain. La soirée s'éternisa en bavardages et en parties d'échec, que je remportai, sans exception. Je ne m'attendais pas à un tel succès, surtout face à Charlie ou Bill. Hermione se fit tendre avec moi tout le temps qu'il nous restait à être ensemble avant la séparation du coucher, suivant distraitement le tournoi, tantôt caressant ma main, mon bras ou reposant sa tête sur mon épaule. Je le lui rendais bien.

Alors que certains commençaient à évoquer la possibilité d'aller se coucher, je fis au moins semblant de prendre congé.

-Oh, vu l'heure, tu resteras bien dormir, répondit M. Weasley, visiblement de mèche.

Je souriais, pour cacher ma gêne.

-Mais oui, il reste, trancha Molly.

-Je devrais partir, demain, prévins-je, car je sentais qu'ils n'étaient pas encore au bout de leur plan machiavélique.

Et, comme pour confirmer mon intuition, la mère de famille répondit :

-Oui, oui, nous verrons demain, accompagnant ses paroles d'un mouvement de la main qui semblait balayer toute pensée désagréable.

-J'ai des affaires à régler.

Le regard d'Arthur s'éclaira. Sans doute, côtoyant mon père régulièrement au ministère, savait-il à quoi je faisais référence.

-Rien qui ne t'empêche de revenir pour la semaine, supputa Molly, révélant ainsi son sombre projet.

-Ça prendra quelques jours.

-Alors tu reviendras le soir. Enfin ! Tu ne vas pas rester seul à Oaksey House !

-Je ne reste pas au manoir, tentais-je de la rassurer.

-Molly, laisse-le. Ce sont les affaires de ton père que tu dois régler ? finit par demander le père de famille.

A ces mots, elle devint sérieuse, comprenant la situation délicate dans laquelle j'étais. Hermione se redressa, intéressée. Je ne lui avais rien dit à ce sujet. Ce n'est pas que je lui cachais : je m'étais promis de ne plus rien occulter. C'est juste que je trouvais cela d'un tel ennui, d'une telle fadeur, que je ne voulais pas perdre le temps précieux que j'avais avec elle à évoquer cela. Les ASPIC remplissaient déjà parfaitement ce rôle !

-Oui, avouais-je. Je dois me rendre à Exeter et je dois m'entretenir avec les Greengrass.

Il acquiesça.

-Sacrée famille, elle aussi, dit-il, comme pensant à voix haute.

-Oui, souriais-je, pour cacher mon inquiétude.

C'était le moins que l'on puisse dire...

-Si tu as besoin de quoi que ce soit, demande-moi. J'ai l'habitude de traiter avec ces gens-là.

Ces gens-là. Je faisais partie de «ces gens-là».

-Pour l'instant, je dois essayer de comprendre les contrats.

Arthur opina une nouvelle fois du chef, l'air pensif.

-Apporte-les un de ces jours, nous pourrions y jeter un œil.

-Merci, souriais-je à nouveau, ce qui clôt la conversation.

Alors, tous d'accord pour se coucher, je montais à la suite d'Harry et de Ron, non sans dire furtivement «au revoir» à Hermione qui réclamait son dû en me retenant par la main.

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Audrey peignait consciencieusement ses longs et soyeux cheveux bruns puis elle les tordit en deux tresses interminables pour la nuit. Assise sur le lit, on aurait dit la Lorelei sur son rocher. Douce et délicate, jamais Hermione n'avait vu de personne aussi effacée qu'elle. Elle était en adoration devant Percy et lui semblait toute dévouée. Heureusement pour elle, le troisième fils Weasley n'était pas du genre à se mettre dans des situations qui nécessitaient courage et sacrifice.

-Tu as vu le dernier match des Canons ? Demanda Ginny en se jetant sur son lit qui grinça sous son poids.

-Oui, tu aurais du voir ça ! S'exclama Angelina, en étalant de la crème hydratante sur son visage à l'aide d'un petit miroir. Hopkins est en grande forme cette saison !

-Tu rigoles ?! Elle est toujours en forme tu veux dire !

-Pfff ! On en reparle du match contre les Harpies de septembre dernier ?

-Elle était blessée !

-Cox aussi, et il était pas autant à la ramasse ! T'es jamais objective quand on parle d'Hopkins de toute façon ! Répondit l'ancienne poursuiveuse en rangeant ses affaires dans une petite trousse de toilette en tissu bleu.

-N'importe quoi ! Rit la rousse.

Hermione tentait de lire un peu avant de s'endormir mais c'était peine perdue. Elle aurait pu se faire aux bavardages de Ginny et Angélina : elle était habituée à ceux du dortoir Gryffondor. Non. Ce n'était pas ça le problème. Le problème, c'était juste que là, trop, c'était trop. Elle était un cocktail d'émotions.

D'abord l'angoisse à l'idée que Drago parte traiter avec les fameux Greengrass. Ce nom la faisait frissonner, sans qu'elle ne sache pourquoi. C'était un spectre qui planait au-dessus de leurs têtes. Elle se souvenait parfaitement des sœurs : Daphné, l'aînée, qui avait leur âge, et Astoria, de deux ans sa cadette avec qui Drago était engagé selon Aurora Malfoy. Deux beautés froides aux nattes blondes et à l'œil fixe, comme des poupées. Elles n'étaient pas revenues à Poudlard. Que faisait-elles ? Est-ce que Drago allait les voir ? Une jalousie sourde tordit ses entrailles. Ils n'avaient jamais pris le temps d'en parler. Sans doute d'ailleurs le Serpentard ignorait-il qu'elle était au courant du lien qui l'unissait à cette famille.

Les Greengrass et les Malfoy étaient associés, ou un truc de ce genre, semblait-il... Est-ce qu'il en profiterait pour leur parler du contrat de mariage à annuler ? Alors, le fait qu'il s'en préoccupe la rassurait et diffusait une chaleur agréable dans sa poitrine car ce devait être par amour pour elle ?

Mais ensuite la tristesse et la colère de découvrir qu'il lui cachait encore des choses se mêlaient au reste. Est-ce qu'il ne lui faisait pas confiance, bon sang ?! N'était-elle pas capable de comprendre ? Pourquoi se montrait-il aussi pudique sur ce sujet ? Et quelles autres choses lui cachait-il encore ?! Elle se sentait frustrée de ne pas pouvoir le soutenir autant qu'elle le voudrait... qu'elle le pourrait. Sans doute ne voulait-il pas l'inquiéter mais, pourtant, elle lui avait déjà fait connaître son avis sur ce sujet lorsqu'elle avait découvert qu'il avait essayé seul, ou presque, de faire disparaître sa marque des ténèbres. N'avait-il pas appris ? N'avait-il pas compris ? C'était pas croyable d'être aussi borné : elle ne voulait pas être protégée ! Elle préférait mille fois l'angoisse à l'innocence, l'appréhension au déni ou à l'ignorance !

C'est à dire que cela faisait sept ans qu'elle se trouvait au centre de l'action, à décider de tout et à agir en conséquence, maître d'elle-même et de sa vie. Depuis qu'elle était avec Drago, il y avait toute une part de son univers qui désormais lui échappait, qu'elle ne comprenait pas, qu'elle ne soupçonnait pas, qu'elle ne dirigeait pas. Et elle le vivait mal.

Mais elle ne se laisserait pas faire : elle était une lionne ! Elle avait envie d'y aller avec lui, alors elle irait. Il lui avait déjà dit au revoir car il devait partir tôt, le lendemain. Alors elle mit un réveil en conséquence-disons... sept heures, heure à laquelle il se réveillait naturellement- et se coucha aussitôt, trop préoccupée pour s'intéresser aux bavardages d'Angelina et Ginny.

000

Ron venait d'éteindre la lumière. Ils étaient couchés dans le noir dans une sorte de silence gêné que personne n'osait briser. Finalement, un courageux prit la parole :

-Il y a un an, si quelqu'un m'avait dit que Malfoy dormirait dans ma chambre, dans un lit bordé par ma mère...

Il pouffèrent de concert puis le silence retomba. Harry se repositionna dans son lit, sur le dos, il glissa ses bras sous sa tête pensif. Il n'avait absolument pas envie de dormir et devinait que les deux autres étaient dans le même état que lui.

-En couple avec Hermione en plus ! poursuivit Ron. Tu l'aurais cru Malfoy ?

-Le rêver, peut-être. Le croire, non, sourit-il dans l'obscurité. Il y a un an, je ne pensais même pas finir l'année.

-Moi non plus ! S'exclama Harry d'un ton qu'il trouvait, après coup, étrangement enjoué. J'étais sensé mourir ! Dumbledore l'avait prévu.

-Ce vieux fou... On ne pouvait vraiment se fier à personne. Même pas à lui ! On nous répète qu'il faut faire confiance à nos parents, à nos professeurs... Mais dans cette guerre, ils nous ont tous sacrifiés sans aucun état d'âme ! S'emporta Malfoy. Et McGonagall qui me reproche aujourd'hui de ne pas lui demander d'aide ! Elle yoyote, ma parole !

-On aurait dû mourir, répéta Harry dans un souffle, soudain pris d'un vertige. Vous vous rendez compte ?

-Clairement, non... Je ne mesure pas...

-Mais déjà, est-ce qu'on peut mesurer le fait d'être en vie ? Demanda Ron, déterminé à se faire une idée précise de la chose, si c'était possible. Si c'était une distance par exemple, ça ferait combien pour vous ?

-Ça ferait... des milliards de miles ? Suggéra Harry.

-Au moins...

-Pffff ! Pour eux, notre vie devait valoir tout au plus un ou deux inches ! remarqua Drago, poursuivant son idée fixe.

Un nouveau silence contemplatif s'étira entre eux.

-Comme ta bite, intervint alors Ron.

-Par Merlin, Ronald, quelle vulgarité ! s'exclama le Serpentard, faussement outré.

Le calme... puis, soudain, une tempête de rire adolescent. Ils se calmèrent vite et le silence retomba, plus profond que le premier.

-Mais alors... qu'est-ce qu'on fout là ? Demanda Drago semblant être victime du même tournis qui avait pris Harry plus tôt.

-Peut-être qu'on est morts pour de vrai et qu'on voit une sorte de réalité parallèle... ? Réfléchit le Gryffondor à haute voix.

-Ça me va, sourit son voisin de couche.

-Non ! Je veux aussi une copine dans l'au-delà ! protesta Ron.

-T'as qu'à prier pour un incendie meurtrier à Beauxbâtons.

-T'es horrible, Malfoy ! Rit le propriétaire de la chambre.

Il reprit :

-Si on est morts, j'aimerais ne pas avoir à passer les ASPIC et être directement auror...

-Weasley... toi et Potter, vous n'avez qu'à frapper directement à la porte du bureau et ils vous recrutent. Je suis sûr qu'ils vous ont déjà attribué des bureaux, y a même vos noms écrits en lettre d'or sur les portes !

-Tu crois ?

-C'est toi qui va leur apprendre des trucs.

-N'importe quoi ! gloussa Ron.

-T'es capable, prends confiance en toi ! S'exclama le Serpentard.

Le bruit de froissement du drap et le grincement du sommier laissaient deviner qu'il s'était mis sur le côté pour mieux houspiller son voisin.

-Mais toi...

-Arrête de te comparer, l'interrompit Malfoy. Est-ce que tu n'as pas de valeur par toi-même ? Tu as détruit des horcruxes, entré dans la chambre des secrets, tu t'es battu, infiltré Gringotts... Qu'est-ce qu'il te faut de plus ?

-Je ne sais pas... Je sais juste que ça ne sera jamais assez.

Harry se figea : évidemment, il savait que pour Ron, c'était dur, mais c'était la première fois, après de longs mois, qu'il le formulait. Et il ne le disait pas à lui, mais à leur ancien ennemi. Pourquoi pas à lui ? Ils devaient être meilleurs amis ! Est-ce qu'il était incapable d'être un confident ? Une sorte de jalousie teintée de culpabilité saisit son cœur.

-Je pensais que ce serait facile de trouver le bonheur, après tout ça, reprit le roux. Mais à chaque obstacle passé, je retombe la tête la première dans la boue... Et je suis fatigué...

-Si tu penses à Her...

-Je ne pense pas à Hermione. Avec ou sans toi, ça n'aurait jamais pu se faire. J'ai fini par le comprendre. Non, je pense à mon frère, qui est mort. Je pense... au moment où j'ai abandonné Harry et Hermione dans les bois...

-Ron, ce n'était pas ta faute, réagit épidermiquement Harry.

Il ressassait encore ce moment et le sorcier à lunette se sentait impuissant : il ne savait pas comment rassurer son ami à ce sujet. Tout ce qu'il avait pu dire n'avait été qu'en pure perte. Harry était alors découragé face à cet océan de douleur. Il sentit son cœur se serrer encore davantage. Il ne pouvait rien faire ! Rien ! Pourquoi ? Pourquoi, après tant d'épreuves, vivre normalement était celle qui était la plus dure ? Ils en avaient tant rêvé ! Un nœud de désespoir se noua autour de sa gorge.

Ron poursuivit, comme s'il ne l'avait pas entendu :

-Je pense à toutes ces fois où j'ai juste été médiocre à la place d'être héroïque. Tout le monde se trompe à mon sujet. Je suis un imposteur.

-Tu es un héros, répondit Malfoy avec un ton vindicatif.

Un ton qui laissait entendre bien plus. Ce sentiment d'être un usurpateur et de ne pas mériter le bien qui peut arriver... tout cela devait particulièrement parler au Serpentard. Alors, bien sûr, c'était lui qui devait répondre à Ron.

-Tu es un héros, même si tu n'as pas gagné toutes les batailles. Écoute, ce matin... tu sais...?

-Ta crise de panique ?

-Cela faisait bien longtemps que ça ne m'était pas arrivé. Je m'étais cru sauvé, mais non ! J'ai compris alors que la guerre... ne finirait jamais. Weasley, tu comprends ? Elle continue en nous, dans nos souvenirs, dans nos consciences... On devra toujours se battre ! Toujours ! Si on arrête, on coule, on se noie !

-Et tu n'es pas fatigué ?

Harry se crispa soudain : que devait-il se passer si la réponse à cette question était simplement «si» ? Harry remercia la nuit de cacher les quelques larmes qui désormais coulaient de ses yeux. Et cette envie de hurler, par Merlin ! Il ouvrit la bouche pour respirer, camouflant sa respiration devenue sifflante. Il ne pouvait rien faire, juste écouter et pleurer pour eux. Cette abîme au-dessus de laquelle ils se débattaient pour ne pas sombrer le sidérait. S'il avait pu la sonder, la deviner ! Mais non. Il était inutile... Et ce sentiment lui était parfaitement étranger. Pour une fois, il n'était pas dans la tourmente : il en était spectateur. Et ça le rendait fou.

-Je ne me pose pas la question. Je ne me la pose plus. Je me la suis posée, en novembre... Mais toi, reprit-le blond avec véhémence, tu ne dois pas te la poser, tu m'entends ? Il faut se battre, c'est tout. Écoute, ceux qui se moquent ou te comparent ne te connaissent pas, ils ne savent pas de quoi tu es capable. Toi-même tu ne le soupçonnes pas. Mais, moi, je te le dis : tu vas devenir auror, tu vas avoir un Optimal en potion, tu vas...

-T'es devin, Malfoy ? se moqua le roux, pour donner le change, la voix enrouée par l'émotion.

-Je ne suis pas si mauvais que ça en divination, figure toi ! Répondit le Serpentard, modulant sa voix et son ton à loisir, quittant l'emportement désespéré pour le sarcasme.

Homme aux multiples visages.

-T'as même pas été autorisé à poursuivre la matière.

-Quand même ! C'est Trelawney qu'est nulle ! Rétorqua-t-il avec sa suffisance habituelle.

-T'as l'air bien sûr de toi.

Un pouffement dans la nuit.

-Tu veux une autre prédiction ? Pour lundi prochain, tu connaîtras tous les ingrédients de potions principaux et leurs effets.

-D'accord, rit le Gryffondor.

-Ça va le faire, invectiva encore le Serpentard. Demain, ça ira mieux, et encore mieux après-demain...

-Ouais, souffla le roux.

Personne n'osa reprendre la parole après cela. Ron, au vu de son léger ronflement, avait fini par s'endormir mais Drago continuait à tourner dans son lit, rongé sans doute par des milliards de préoccupations. Harry ne sut pas qui, d'eux deux fut le premier à succomber au sommeil.