Ccassandre24 : Merci pour ta review et tous ces compliments ^^ Merci beaucoup pour ton soutien infaillible ! ^^ J'espère que la suite te plaira ! :) A bientôt !
Guest : Merci pour ta review ! C'est toujours un plaisir ! Bonne lecture !
Hello !
Voici la suite, après deux semaines d'absence !
Je suis actuellement en train de terminer la rédaction du chapitre 48, ce qui fait que je pourrai assurer la publication de chapitre deux fois par semaine jusqu'à juillet de façon certaine, sachant que je ne pourrai pas publier ce week-end (RDV donc mercredi prochain).
Il est fort probable que la publication en juillet et août soit complètement anarchique. Je vous tiendrai au courant le moment venu de toute façon ! :)
Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture ! :)
35-«C'est que, perdu dans leurs nombres,
Hélas, je compte les ombres
Quand tu comptes les clartés !»
(«Soirée en mer», Victor Hugo)
Attablé devant son assiette : deux toasts, un œuf au plat, des haricots, deux saucisses et bien sûr, le meilleur : du bacon, Arthur Weasley se creusait les méninges sur des mots fléchés moldus en sirotant un bon bol de café dilué dans du lait. Le petit déjeuner était décidément le meilleur repas de la journée.
A six-heures trente du matin, tout le monde dormait. Molly-chérie se lèverait vers sept heures et les enfants vers neuf heures au plus tôt.
Voyons : «symbole de Paris et de Pise en quatre lettres ? Facile : TOUR. «Créateur du pendule de Foucault», en trois lettres ?! Ah, ce devait être le roman moldu... Alors... Umberto «ECO» -classique définition des mots croisés- et «luth oriental» qui finit par un D... OUD...? Il consulta rapidement le dictionnaire : ce mot lui disait quelque chose, mais il n'était pas certain.
Oud : n. m. Instrument de musique à cordes pincées très répandu dans les pays arabes, en Arménie, en Grèce, en Azerbaïdjan et en Turquie. Très bien, ça mon Arthur ! Son nom vient de l'arabe al-oud, terme transformé...
Le bruit d'un pas dans les escaliers. Une démarche qui se voulait discrète mais qui ne savait pas placer ses pieds efficacement pour éviter de faire grincer les marches. Arthur se leva pour faire chauffer du café et lancer une nouvelle poêlée d'œufs au plat. Le temps que le possesseur des pieds qui faisaient malgré eux tant de bruit descende les cinq étages, il avait déjà servi l'assiette. Il était en train de verser le café dans un grand bol orange à pois blancs quand Drago Malfoy fit irruption dans la cuisine, habillé et rasé de près.
-Bonjour, lui sourit Arthur.
-Bonjour, chuchota le grand blond dans un souffle.
Arthur se rendit compte qu'il était déjà chaussé et qu'il avait déjà revêtu son manteau.
-Matinal ?
-Oui. J'ai un train moldu dans une heure à Londres Warterloo.
-Tu prendras le réseau de cheminette.
Il hocha la tête.
-Merci.
-Tu as bien le temps pour petit-déjeuner. Installe-toi, c'est chaud.
L'hésitation traversa le visage du garçon comme l'ombre d'un nuage sur un paysage.
-Merci, finit-il par répéter à voix basse en s'asseyant devant l'assiette.
Pattenrond revenait de son escapade nocturne et passa devant eux en les toisant puis s'enfuit dans les escalier à pas de velours.
-Tu allais vraiment disparaître comme un voleur ? Tu aurais dû nous dire que tu partais si tôt : Molly aurait aimé te dire au revoir... Je lui dirai que tu l'embrasses.
Il acquiesça en silence.
-Merci, dit-il encore, les yeux baissés sur son assiette dont le contenu disparaissait à une vitesse vertigineuse.
Pressé et stressé, pensa Arthur. Rien à voir avec son père à qui tout était dû. Drago Malfoy savait où était sa place et que rien n'était acquis. Une bonne chose. Un brave garçon.
-Ça va bien se passer, assura le père de famille toujours avec un sourire qu'il voulait bienveillant.
-Il y a beaucoup de choses à faire et... c'est compliqué.
-Ton père ne t'a rien expliqué ?
-Non, ces dernières années, ses affaires n'étaient pas... sa priorité.
Ce fut au tour d'Arthur acquiescer en silence.
-Tu vas apprendre. Tu es intelligent. Tu t'en sortiras.
Soudain, une fulgurance :
-Tu veux que je vienne avec toi ?
L'expression de soulagement qui traversa le visage de son interlocuteur suffit comme réponse. Cependant, Drago se ressaisit bien vite et sa raison, sa rigidité, sa réserve peut-être, sombre berger, avait fermé l'enclos sur le troupeau de son imagination. Il ouvrit la bouche pour parler mais Arthur ne lui laissa pas l'occasion de poliment refuser. Il avait besoin d'aide : il lui en donnerait. Point.
-Donne-moi cinq minutes. Ne perdons pas de temps, il faudra acheter mes billets au guichet !
D'un coup de baguette magique, il débarrassa la table puis, d'un pas vif, remonta les escaliers.
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-Pattenrond, laisse-moi... réussit-elle finalement à articuler d'une voix pâteuse sous les coups de langue râpeuse appliqués sans ménagement sur son visage.
Cela ne lui ressemblait guère et ce mystère allié à l'insistance du chat la tirèrent pour de bon du sommeil.
-Franchement, il est six heures et demie...
Une intuition acheva son réveil : Drago ?
Hermione frotta ses yeux pour reprendre ses esprits puis se leva en vitesse, le cœur battant. Il n'allait quand-même pas partir si tôt ? Elle descendit en vitesse les marches en veillant à bien respecter le motif des lattes silencieuses. En bas, deux personnes discutaient à voix basse. Puis, un peu plus fort, à cause de l'excitation :
-Donne-moi cinq minutes.
Enfin, M. Weasley qui se précipitait dans les escaliers. Il sursauta en la trouvant là. Alors qu'ils se croisaient, il lui tapota l'épaule et il reprit sa course jusqu'à sa chambre.
Elle le trouva debout, lançant un sort pour faire la vaisselle.
-Drago !
Elle se précipita vers lui pour faire ce dont elle rêvait depuis hier soir, à savoir : le prendre dans ses bras. Pour l'instant, de tous ses sentiments, c'était l'amour qui surnageait.
-Tu t'en vas ?
-Oui, souffla-t-il en plongeant dans sa chevelure.
Il resserra son étreinte.
-Tu reviendras ?
-Je ne sais pas. On se reverra lundi prochain à Poudlard, au plus tard.
-Pourquoi ? Tu sais, les Weasley semblent vraiment avoir envie que tu restes...
-C'est que... J'ai du travail.
-Quoi comme travail ?
-Des affaires de mon père, répondit-il plus évasivement qu'elle ne l'aurait souhaité.
-Avec les Greengrass.
-Oui, répondit-il en se crispant légèrement.
-Je sais Drago, chuchota-t-elle.
Il se redressa alors pour lui faire face, un air perplexe sur le visage :
-Tu sais ?
-Le lien...
Elle n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Ces deux mots suffirent pour que la panique gagne ses yeux. Il l'attira de nouveau à lui pour l'étreindre avec la force d'un désespéré.
-Je vais régler ça, je te le promets ! Pas aujourd'hui... Mais bientôt !
-Pourquoi tu ne m'as rien dit ?
-Je ne sais pas, répondit-il d'une voix à peine audible. C'est juste que...Je ne voulais pas t'embêter avec ça. Ce n'est pas que je voulais te le cacher ! Je sais bien que tu ne veux pas que je te cache des choses ! Mais quand je suis avec toi, je ne veux pas y penser... Ne m'en veux pas !
Comprenant son erreur, il s'était blotti dans son cou, la serrant presque à lui en faire mal, effrayé qu'une seule erreur fasse qu'elle l'abandonne.
-Je ne t'en veux pas, mentit-elle : il n'avait pas besoin que l'on rajoute à son trouble et elle-même, face à lui, n'était plus tout à fait certaine d'être en colère. Cette dernière reviendrait peut-être plus tard, en ruminant.
Elle le sentit se décrisper.
-Merci, répondit-il dans un souffle. Ma merveille.
Elle sourit de ce joli surnom. Il relâcha son étreinte pour poser sa joue toute douce de son rasage contre la sienne. Un temps passa pendant lequel il put reprendre contenance.
-Tu m'as manqué cette nuit, finit-elle par dire pour rompre le silence.
-Toi aussi, sourit-il à son tour en s'écartant d'elle pour la regarder dans les yeux.
Il embrassa son front puis reprit :
-Et Ron grince des dents. Insupportable.
Elle caressa son visage avec tendresse. Il avait toujours besoin d'une pirouette après s'être confié, comme pour mettre de la distance ou faire croire que ça n'avait pas d'importance.
-Tu ne voudrais pas de l'aide pour comprendre tout ça ? Tu disais hier soir que c'était compliqué...
-M. Weasley vient avec moi.
-Et moi ?
Il sourit tendrement :
-Tu m'aides déjà beaucoup...
-Ce n'est pas assez ! S'écria-t-elle en sautillant sur place et cette manifestation d'impatience fit s'élargir son sourire.
-Je te raconterai comment s'est passé le rendez-vous et...
-Je pourrais aussi venir !
-Hermione, tu t'en doutes, c'est délicat...
Elle soupira. Il avait raison mais ça la frustrait. Elle décida alors de changer de cheval de bataille :
-Alors tu reviens ce soir ? insista-t-elle malgré sa crainte de le lasser.
Il pouffa avec un air exaspéré.
-Oui ! Je reviens ! Voilà ! S'exclama-t-il en embrassant ses cheveux.
Elle rit et se pendit à son cou pour l'embrasser avec tout l'amour qu'elle ressentait pour lui. Elle saisissait son pull tandis qu'elle sentait ses mains parcourir les plaines de son dos et ses côtes pour la presser contre lui. Cette manière qu'il avait quand il avait envie d'elle.
-Je t'aime, lui chuchota-t-il après qu'ils ne se soient séparés, à bout de souffle.
Alors, elle resserra son étreinte.
Des bruits de pas dans les escaliers et des planches qui grincent sans doute à dessein. M. et Mme Weasley descendaient. Cette dernière, emmitouflée dans sa robe de chambre mauve à fleurs blanches, le visage encore bouffi de sommeil, les salua en les prenant dans ses bras pour embrasser leur joue.
-Drago, ne tardons pas, reprit M. Weasley en revêtant son manteau.
Alors ils se placèrent dans la cheminée :
-Gare Waterloo, dirent-ils en cœur en jetant la poudre à leur pied et ils disparurent, comme consumés par les flammes vertes.
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Nous nous faufilions dans l'étroite allée du train.
-42-44 ! S'exclama Arthur, que je suivais docilement.
Il s'assit à sa place, à l'aise dans le monde moldu, et je m'installais à ses côtés. Le wagon était pratiquement vide, du fait sans doute de l'heure matinale. Il avait, à côté du Poudlard express, des allures futuristes. La moquette pastelle du sol et des sièges, la couleur blanche du plafond et des cloisons lui donnaient un côté aseptisé.
-Et le meilleur ! me chuchota Arthur, ça !
Il tourna la languette qui retenait la tablette rabattue contre le dossier du siège devant nous. La surface en plastique s'abaissa lentement vers lui.
-N'est-ce pas ingénieux ?!
-Si, répondis-je poliment, bien plus impressionné par les soupirs du moteur.
Il effleura du doigt un espace renfoncé sur la tablette qui avait une forme circulaire.
-C'est pour éviter que leurs tasses en carton ne tombent. Ils la posent là et comme ça, même si le train tourne ou tremble, l'objet ne se déplace pas. C'est incroyable : Tout est si... pratique ! Ils pensent vraiment à tout !
Il me lança un regard pour que je partage son enthousiasme.
-C'est vrai ! répondis-je en forçant l'entrain.
-Je vois bien que tu n'es pas sensible à tout cela, sourit-il avec un air désolé. Personne ne comprend vraiment.
Un trait de culpabilité pour cet homme me traversa.
-C'est à dire que... enfin, vous avez vu ces petits filets noirs au-dessus ?! A mon sens, c'est encore plus impressionnant !
-Mais oui, tu as raison ! Magnifique !
Un silence pensif se fit pendant que mon compagnon examinait les mailles du porte bagage sous toutes leurs coutures. Après un temps, il s'interrompit, le visage grave.
-Tu iras les voir, tes parents... avant... ?
Surpris du brusque changement de ton, je mis un certain temps pour répondre.
-Je ne sais pas encore... Je ne saurais pas quoi leur dire...Et puis eux, de toute façon, ne voudront pas de me voir, j'imagine.
-Tu sais, il y a des bruits de couloir au ministère. On parle de juin de l'année prochaine... La procédure est longue.
J'acquiesçais en silence. Après qu'une voix d'une platitude assommante n'ait fait une annonce, le train se mit en marche, à l'inverse de notre sens.
-Tu devrais aller les voir, reprit-il. Il vaut mieux des remords que des regrets.
J'acquiesçais une nouvelle fois avec la même réserve. Nous restâmes interdits un instant. Il reprit une nouvelle fois la parole.
-Je connais ton père. Bien plus que tu ne le crois. Ta mère, bien moins... mais ton père... Nos conflits incessants ont créé une sorte de proximité...
Il regardait dans le vague, comme perdu dans ses souvenirs.
-Il avait... une petite photo de toi, sur son bureau, reprit-il. Tu devais avoir entre sept et huit ans... Sage comme une image ! Rien à voir avec la tribu Weasley... Il t'aimait. Il t'aime sans doute encore. Je ne suis pas sûr qu'on puisse renoncer à l'amour que l'on porte à ses enfants...
J'étais sceptique. L'amour que je ressentais encore pour eux me faisait croire qu'un enfant, malgré tout le mal que ses parents pouvaient lui faire, persistait dans son attachement, espérant toujours au fond de son cœur un geste tendre ou un sourire. En revanche les parents, eux, me semblaient tout à fait capable d'haïr leur progéniture. Ma mère et ses malédictions en étaient une preuve formelle.
-Il se vantait, se souvint Arthur, un franc sourire nostalgique éclairant son visage. Lui, son fils était à Serpentard ! Et il avait de bonnes notes. C'était même le meilleur en potion ! Et il était attrapeur, un des plus jeunes depuis longtemps ! Et il était sérieux, travailleur ! Et il était digne ! Et il lui rendait hommage ! Et il avait toujours une petite attention pour sa mère ! Le fils parfait ! ...
J'opinais du chef, buvant ses paroles. Il soupira en se réinstallant confortablement. L'espace entre nos sièges et ceux de devant était bien trop étroit pour nous.
-Son air suffisant me rendait fou... mais il avait ce petit sourire discret qu'il n'arrivait pas à réprimer lorsqu'il parlait de toi et qui me le rendait plus humain. Vraiment, il était heureux ! Pour lui tu étais la meilleure chose qui lui soit arrivé, et quand je vois qui tu es devenu, je le comprends. Mais je devine aussi qu'il n'a jamais su te le dire. Les pères, je crois, ne sont pas doués là-dedans. Alors... Ne deviens pas comme nous. Tu leur diras, à tes enfants. Et avec les femmes, bien sûr, c'est la même chose, à la différence près que elles, elles savent tirer les vers du nez.
Un sourire furtif illumina mon visage brièvement tandis que l'image de ma jolie Hermione s'imposa à mes pensées, interrompant le flot de pensées sombres qui traversait mon esprit. Il n'avait sans doute pas tort et j'imaginais sans mal Mme Weasley œuvrer et réussir à ce que M. Weasley lui révèle tout de ses plus noirs secrets, si tant est qu'il en ait car cette figure si débonnaire et ce sourire si bienveillant ne pouvaient décemment pas cacher grand chose de terrible. En tout cas, c'est ainsi que je me le figurais.
-Je sais aussi qu'il voulait le meilleur pour toi, mais malheureusement le meilleur ne signifie pas la même chose pour lui que pour nous... que pour toi.
Je ne pus retenir un pouffement ironique. Ça, c'était le moins que l'on puisse dire. Il avait simplement failli gâcher ma vie. C'était par lui que tous mes malheurs s'étaient abattus. Il était une fenêtre brisée qui laisse entrer le vent et la pluie.
Il se tortilla une dernière fois avant de retrouver une position qui lui convenait.
-Le problème du train, c'est que ça me berce.
Alors, il se reposa sur l'appui-tête et s'endormit en moins d'une minute.
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Hermione lisait sur la table de la salle à manger, près de la cheminée, guettant le retour d'Arthur. Elle préférait imaginer Drago parti pour la semaine, pour éviter toute déception. Pattenrond, sur ses genoux, avait délaissé les gnomes pour la journée, la pluie ayant tombé sans discontinuer. La fin d'après midi passa. Après le dîner, ceux qui étaient en vacances et qui étaient restés au Terrier s'étaient éparpillés dans les étages de la maison. Seule Mme Weasley était restée en bas. Elle s'affairait dans sa cuisine avec plus de nervosité que d'habitude.
A Vingt-deux heures trente, elle lui apporta une tasse de thé.
-Ils vont finir par revenir, dit-elle, peut-être plus pour elle-même que pour la jeune femme. Ce n'est pas comme si ils étaient partis affronter... je ne sais quoi !
Elle s'assit en face pour prendre son thé, elle aussi. Elle reprit après un temps :
-Une vie de tracas. Cet homme aura passé sa vie, de ses douze à ses quarante-neuf ans, à me causer du souci.
-Et c'est pas fini, sourit Hermione.
-Et c'est pas fini ! S'exclama la mère de famille en lui rendant son sourire. Tu verras, quand tu auras mon âge ! Enfin, tu ne dois déjà pas être en reste !
-Ils doivent s'en faire aussi.
-Sans doute... Mais il gardent tout soigneusement enfermé, si bien qu'on ne soupçonne pas la moitié de ce qu'ils traversent. On pourrait les prendre pour des pierres ! Bien sûr, on remarque le pli d'un front, des lèvres qui se pincent ou des sourcils qui se froncent mais c'est bien les seules choses qui parleront d'elles-mêmes chez eux et ce n'est que quand on les presse qu'ils se confient. J'ai l'impression d'être un auror parfois !
-Ça ne devrait pas être comme ça.
-Non. Je ne sais pas pourquoi ça l'est. Bill et Charlie sont comme ça, eux aussi... Mais, grâce à Merlin, le reste de la famille est composée de moulins à paroles !
Soudain, le vrombissement d'un feu et ils apparurent enfin dans la cheminée. Elle étouffa un cri de joie en se rendant compte que Drago, fidèle à sa parole, était de retour. Mais son enthousiasme retomba bien vite : ils avaient un air sombre et fatigué. Ils n'étaient pas encore sortis de l'âtre de la cheminée qu'Hermione leur sautait déjà dessus, impatiente.
-Alors ?
-Le train a eu du retard. Un animal sur les voies, commenta Arthur avec un sourire un peu crispé.
-Et Exeter ?
-Il y a... du travail, soupira-t-il. Nous ne sommes pas trop de deux. Nous y retournerons demain.
Hermione se retint de lever les yeux au ciel : elle avait espéré qu'Arthur serait plus communicatif que son cher et tendre. Elle se tourna alors vers ce dernier qui retirait posément son manteau avec un air plus fermé que jamais. La fatigue ? ou autre chose ?
-Les Greengrass ? Demanda aussitôt Hermione pour faire taire une bonne fois pour toute la crainte qu'elle avait gardé en elle toute la journée.
-Leur régisseur seulement. Ce sont des gens importants très peu disponibles, répondit Arthur.
Elle soupira de soulagement.
- Allons nous coucher, reprit le père de famille. Nous avons un train à 7h30 demain.
-Vous éteindrez la lumière en montant, demanda Molly qui grimpait les escaliers à la suite de son mari exténué.
-D'accord, sourit la Gryffondor.
Une fois qu'ils furent montés, elle se retourna vers Drago dont l'ombre n'avait pas quitté le regard.
-Ça va ?
-Fatigué, se força-t-il à sourire.
-Que s'est-il passé ? Demanda-t-elle en posant ses mains sur sa poitrine, jouant avec le revers de sa veste de costume.
-Rien d'important... On a lu de la paperasse toute la journée...
Il passa une main nerveuse sur son front pour dégager ses mèches.
-Il y a autre chose.
Elle inclina sa tête, pour capter son regard baissé.
-Non ?
Il inspira une grande bouffée d'air. Il sembla sur le point de parler mais se ravisa. Il expira l'air dans un soupir.
-C'est à dire que... Comment... ? En fait... Bon. La famille Malfoy doit une énorme dette, une amende exorbitante en réparation de la guerre. Un tribut, presque. Nous ne sommes pas pauvre et, déjà, j'ai pu en payer une partie avec les économies de mes parents dont j'ai hérité et les miennes... Mais il reste encore une forte somme à pourvoir. Je vais pouvoir compter sur des loyers ici et là... mais ce ne sera pas suffisant. Cette société, à Exeter... Je compte beaucoup sur elle mais... les associés. C'est à dire que mon père... la rédaction des contrats... Il comptait sans doute vraiment à ce que la famille Malfoy et la famille Greengrass... s'unissent. Il faudrait réécrire les termes... Mais le régisseur semblait... réticent.
Il se dégagea de l'étreinte pour commencer à faire les cents pas.
-Je suis sûr que c'est pour ça qu'ils n'étaient pas là... C'est certain ! Je vais devoir y aller... C'est ce qu'ils veulent ! finit-il par affirmer, visiblement en colère.
-Aller où ? Demanda Hermione d'une toute petite voix.
-A Whitecross Hall.
Hermione n'avait strictement aucune idée de l'endroit dont il s'agissait, mais elle devina que c'était le manoir des Greegrass. Elle acquiesça silencieusement.
-Ne pas honorer ce rendez-vous, expliqua-t-il en continuant ses aller-retours, c'était de la provocation. Comme si je leur étais inférieur en droit ! à leur service !... Ils savent pourquoi je veux les voir. Et ils veulent que cette conversation ait lieu chez eux. Mais que croient-ils ? Qu'ils peuvent m'impressionner ?! M'écraser par leur importance et leur richesse ?! Comme si ça avait de l'importance pour moi ! On voit bien qu'ils font partie de l'ancien monde !
Il s'était arrêté pour regarder par la fenêtre, mais ses yeux dans le vague ne lui permettaient sans doute pas de voir grand chose...
-Tu iras à Whitecross Hall demain ?
-Non, je ne fais pas partie des intimes de la maison, je ne peux pas me présenter comme ça. Je vais prendre rendez-vous.
Hermione se rendait bien compte que la réalité qu'il lui décrivait était à des milliers de miles que ce qu'elle pouvait connaître et imaginer.
-Tu vas... leur écrire ?
-Oui, mais pas tout de suite. Nous sommes déjà en avril. Je vais laisser passer l'été et me donner le temps de prendre en main toutes les subtilités des contrats. Et puis... ça doit se tasser. Si je leur donne l'impression d'être pressé... ça leur donne du pouvoir.
Hermione écoutait attentivement, interdite, ne voulant pas faire d'impair. Une angoisse l'avait saisie, comme si elle s'était immergée dans une mare glacée : elle avait tout à apprendre pour être à l'aise dans le monde de l'aristocratie : les codes, les traditions... et les règles d'un jeu qui semblait bien cruel. Il se retourna vers elle et plongea son regard dans le sien.
-Je dois préparer un argumentaire : ce n'est pas tant après moi qu'ils en ont qu'après ma fortune je suppose, reprit-il avec un rictus sardonique. Je pourrais leur montrer l'état de mes comptes : rien que ça devrait suffire à les faire fuir !
Il finit par se laisser tomber négligemment sur l'un des fauteuils près de la cheminée. Avec une élégante désinvolture, il desserra sa cravate et défit le bouton du col de sa chemise. Ce qui rassurait Hermione, d'un côté, c'est que Drago, semblait parfaitement maîtriser les usages de ce monde : il n'était visiblement pas dupe des sous-entendus qu'on lui adressait. Il ne se laisserait pas berner facilement et saurait riposter : comme un boxeur, il esquivait pour mieux répliquer. En tout cas elle l'espérait.
Elle se rapprocha à pas mesurés jusqu'à lui et derrière lui, le prit par les épaules.
-On va s'en sortir.
Il acquiesça d'abord en silence.
-Ce n'est pas une option.
-Non, sourit-elle en embrassant ses cheveux.
Il se défit de ses bras pour la faire venir sur ses genoux et elle obtempéra avec joie. Une fois assise, elle se blottit contre lui.
-Oublions ça pour l'instant, proposa-t-elle à voix basse.
Il opina légèrement de la tête et sourit faiblement, les yeux fermés, l'air plus fatigué que jamais. Il inspira longuement le parfum de la Gryffondor en se perdant dans son abondante chevelure. Elle ferma les yeux à son tour pour profiter de ce moment de tendresse.
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Weasley grogna en son fort intérieur en descendant les escaliers, à six heures du matin : ils n'avaient pas éteint la lumière du bas ! Aussi, il sursauta lorsqu'il vit les deux tourtereaux reposer sur le fauteuil. Il sourit attendri. Il connaissait ça, avec Molly dans la salle commune des Gryffondors ! Une belle époque, tiens ! Tellement simple et joyeuse ! Au réveil, en tout cas, il en connaissait un qui allait avoir des fourmis dans les jambes pendant un bon moment !
Il sortit trois assiettes et trois bols, et se mit à préparer avec le moins de bruit possible le petit déjeuner. Déjà, il se replongeait dans ce qui le menait à se rendre deux fois de suite en deux jours dans une ville où, jusqu'à présent, il n'avait jamais mis les pieds.
Salle affaire que cette histoire... Et ils allaient devoir s'y remettre encore aujourd'hui. Il se félicitait d'avoir accompagné Drago. Seul, il ne s'en serait jamais sorti. Tout était si compliqué, alambiqué... Et il fallait connaître le monde moldu pour tout comprendre. Mais ils allaient bien réussir à démêler tout ça pour obtenir ce qu'ils veulent ! Lui, au fait des usages du monde non-magique, Drago excellant dans les relations diplomatiques entre les familles nobles... Ils se complétaient parfaitement et rien ne saurait leur résister.
Le bruit de quelqu'un qui s'étire se superposa au chant de la cafetière. Du coin de l'œil, Arthur vit Drago s'étirer, puis caresser le dos d'Hermione pour la réveiller en douceur.
Brave garçon.
