Cassandre24 : Je suis ravie que tu aies bien aimé ce chapitre et qu'il t'ait fait rire ! ^^ Effectivement, difficile de ne pas faire arriver ce genre de personnage sans de gros sabots... ^^ Contente de savoir que tu attendes la suite ! Merci pour ton soutien indéfectible ! Bonne lecture ! =)

42-«Este pueblo está lleno de ecos. Tal parece que estuvieran cerrados en el hueco de las paredes o debajo de las piedras.»

(«Ce village est plein d'échos. Ils semblent avoir été reclus au creux des murs ou sous les pierres.»)

(Pedro Paramo, Juan Rulfo)

-Vous vous rendez compte qu'il en avait une pleine poignée à la main ?!

-Oui, je me rends compte, oui...

-Il aurait pu en manger ! Est-ce que vous imaginez ?!

-J'imagine parfaitement. Mais... il n'en a pas mangé, n'est-ce pas ?

-Non ! Bien sûr que non ! Je l'ai arrêté à temps ! J'arrivai par la cheminée pour venir le récupérer. Et c'est là que je l'ai vu prendre une pleine poignée de poudre ! Son père, qui le laisse sans surveillance ! Vous vous rendez compte de l'inconscience ?!

-Vous l'avez vu faire un mouvement vers sa bouche ?

-Non... Mais il aurait pu !

-Écoutez, votre fils va bien. Je l'ai ausculté et à part les brocolis de ce midi...

-Quoi ?!

-... A part les brocolis de ce midi, il n'y...

-Il lui donne des brocolis alors qu'il n'aime pas ça ?!

-Enfin... c'est bon pour la santé et...

-Vous voyez : la poudre de cheminette, les brocolis... C'est intolérable ! Est-ce que vous ne pouvez pas faire un papier pour dire que mon ex-mari est inapte à la garde de notre fils ?! Ça fait partie de votre travail, non ?

-Si la situation était préoccupante je le ferais, mais dans votre cas...

-Mais il a mangé une pleine poignée de poudre de cheminette !

Rester calme et avenant.

-Mais vous venez de dire qu'il n'en a pas mangé...

-Je me rappelle mieux maintenant, et je me suis mal exprimée. Il en a vraiment pris une grosse bouchée !

-De toute façon, il n'y a rien dans son estomac !

-Vous devez rev...

-MALFOY, ICI, TOUT DE SUITE !

Le doux son de la libération. Je repris d'une voix ferme :

-Madame, on a besoin de moi ailleurs, c'est urgent. Et votre fils est en parfaite santé. La sortie est en bas des escaliers, rez-de...

-Sale Mangemort, tu mérites le même sort que ton père !

L'air se figea et tous les yeux qui suivaient la scène depuis dix minutes déjà s'arrondirent.

-Bonne journée à vous également.

Je les plantai là, elle et son fils qui jouait tranquillement avec un livre dans la salle d'attente. Le pauvre. Être au centre de tout ça... Mes parents étaient peut-être malfaisants mais au moins, ils avaient été soudés.

Je rappliquai au pas de course auprès de la propriétaire de la voix chantante qui venait de m'appeler.

-Oui, Mage Wood ?

Un sourire discret qu'elle essayait de camoufler.

-Range ces dossiers, et plus vite que ça, c'est urgent.

Il était dix-neuf heures, c'étaient les dossiers des visites de demain. Je m'affairais, concentré, combattant à mon tour un pouffement impérieux.

-Tu es prêt pour ta première garde ?

Rien dans son ton ou son expression ne laissait deviner au premier abord qu'elle était réellement intéressée par la réponse. Le ton égal, une expression neutre... Et elle mettait un point d'honneur à ne pas me regarder. Mais petit à petit, je commençais à déceler les marques de l'intérêt : une légère hésitation au début de sa phrase, un bref temps de pose dans ce qu'elle faisait quand je commençais à lui répondre.

-Je pense, Mage Wood.

-Je te le dis : tu l'es pas ! Tu verras, le temps est long et on entre dans un autre monde.

-Un autre monde ?

-Tu verras par toi-même.

Sur ce, elle m'abandonna là pour rentrer chez elle.

Je ne me laissais pas impressionner par son ton énigmatique. Une nuit de garde, ça ne devait pas être si terrible, si ? En plus, j'étais avec Zabini ! On allait s'installer tranquillement en salle de pause qui servait également de salle de garde. Nous nous raconterions notre journée et la conversation dériverait nécessairement sur les partiels, les mages de l'hôpital, le mariage, Pansy ou Hermione. Ce qui nous préoccupait, en somme. Ou peut-être sur Nott et Abigail, que nous devions rencontrer ce samedi soir. Cette histoire, c'était du pur délire et je me demandais si cela se passait de cette manière pour tous les coupes mixtes.

J'étais justement en train de terminer de classer les dossier lorsque Blaise me rejoint.

-On va manger ?

J'acquiesçais d'un sourire et le suivis jusqu'à la cafétéria qui était en train de fermer. Un regard suppliant et un sourire gêné suffirent pour nous faire accepter par la caissière. Moins d'une minute plus tard, après avoir choisi au hasard le premier sandwich qui me tombait dans la main, je me rendis rapidement à la caisse pour payer. Après s'être fait sermonné par la sorcière, Zabini arrêta ses hésitations et reposa le sandwich au saumon pour prendre finalement celui au poulet-crudités.

Les troisièmes années Sarah O'Kelly, la marraine de Chang, et Tracy Roberts, celle d'Abbot, vinrent nous rejoindre vers vingt-heures trente alors que nous finissions notre repas.

Sarah me faisait beaucoup penser à Ginny Weasley dans sa façon d'être : une sorte de gentillesse emballée dans des manières de fonceuse. Tracy était plus effacée mais semblait tout aussi sympathique. Elles nous racontèrent leurs souvenirs de première année. Tracy avait commencé en maternité et Sarah en pathologie des sortilèges avec Dorian O'Brien. Pour elle, ç'avait été l'horreur.

Ainsi, baver sur O'Brien et Hugues nous occupa une bonne demie-heure, riche en potin. Il paraissait que Michael s'était pris un râteau avec Joanne Turner des virus et microbes magiques et que Dorian était sorti deux semaines avec Sarah, alors qu'il était son parrain, mais qu'elle l'avait quitté en se rendant compte quelle ordure il pouvait être avec les autres. Son orgueil blessé l'empêchait encore aujourd'hui de la regarder dans les yeux et de lui adresser la parole. C'était sans doute pour cela que Chang, sa filleul, était miraculeusement épargnée par ce dernier.

A coup de devinettes, elles nous firent deviner qui couchait avec qui dans le service, qui était en couple, et qui convoitait qui de manière plus ou moins discrète. Ces anecdotes légères nous amusèrent beaucoup. Nous apprîmes alors que Joseph, le parrain de Zabini, était un véritable Don Juan auprès des infirmières, que Joyce avait été testé et approuvé à la fois par Tracy, Sarah mais aussi par la fameuse Joanne Tunrner-Performant, mais décidément, il parlait trop et était beaucoup trop sentimental pour simplement quelques parties de jambes en l'air. Nous découvrîmes aussi que Wood et Smethwyck fricotaient régulièrement, que Cecil Lam des accidents matériels ne pouvait pas piffrer son ancien titulaire Rutherford Doissec sans qu'on ne sache trop pourquoi et que Chang était déjà admirée par tous les mâles de moins de trente-cinq ans de l'hôpital. Joyce allait avoir de la concurrence. Je ne pus que ressentir de la pitié pour elle car sa beauté objective devait lui faire subir les assauts des pires lourdauds de l'établissement alors qu'elle était encore en train de mener un deuil difficile.

Soudain, un infirmier du service des pathologies des sortilèges, nommé Philippe vint nous trouver, paniqué :

-Vous n'auriez pas vu M. Fawley par hasard ? Je devais lui apporter ses potions pour la nuit mais il n'est plus dans sa chambre.

Devant interrogatif, il se sentit obligé d'expliquer d'avantage :

-Il n'a plus toute sa tête et revit ses années d'étude à Poudlard... Il a tendance, certains vendredi soir, à se cacher dans l'hôpital.

Je tiquais à moitié en entendant ce nom : Fawley, c'était une famille inscrite au registre des Sang-Purs et ce monsieur devait être un des derniers de cette lignée bientôt éteinte.

-Oh non Fifi, pas encore ! S'exclama Sarah.

-Qui se charge de réveiller Doissec ? Demanda Fifi.

-Un seau d'eau sur la tête ! S'exclama Sarah.

Nous pouffâmes de concert.

-Bon, en tout cas, il faut le chercher, recadra l'infirmier.

-Allons-y. Pas besoin de Doissec : il n'y a rien de médical dans le fait de chercher un papi de soixante-douze ans dans un hôpital. Tracy, tu fais le premier étage ; Fifi, le deuxième ; Malfoy, le troisième ; Zabini, le cinquième. Je m'occupe du rez-de-chaussée. Ceux qui terminent en premiers font le quatrième.

-Est-ce qu'on rentre dans les chambres ?

-Pas dans un premier temps. Allez, c'est parti, intima Sarah qui se révélait être une meneuse née lorsque la situation l'exigeait.

Alors nous nous levâmes et partîmes en quête du septuagénaire.

000

Les couloirs du troisième étage étaient plongés dans l'obscurité et j'avançais à l'aide de la lumière de ma baguette. Un silence profond avait pris place là où l'agitation régnait quelques heures plus tôt. Il était vingt-deux heures dix-sept. Tous les bruits semblaient étouffés.

Elle avait raison, Wood : c'était un autre monde.

-Psssst ! Pssssst !

Je sursautais passablement. Visiblement, quelqu'un dans l'obscurité essayait d'attirer mon attention.

-Qui est là ? Chuchotais-je.

-Chut ! Tu vas nous faire repérer ! Cache-toi, vite !

-Je suis seul !

-Tu sais bien que Janus est toujours dans les parages. Dépêche-toi de te cacher, je te dis !

Janus ?

Je me rapprochais prudemment de l'origine de la voix.

-Janus est parti, risquais-je.

-Il ne part jamais vraiment.

-Qu'est ce qu'il pourrait faire, s'il nous trouvait ?

-Bah nous mettre en retenue, pardi ! Il t'attache par les pieds dans les cachots ! Tu ne savais pas ? Les cris la nuit...

Évidemment, c'était Fawley, recroquevillé sous une table... Il était souple pour son âge ! Et je devinais que Janus devait être le prédécesseur de Rusard.

-Pourquoi tu es sorti alors ?

Il me regarda d'un air suspicieux sans répondre à ma question.

-Ta tête me dit quelque chose... Tu ne serais pas en première année de Serpentard ?

-Si, répondis-je, sans savoir si c'était une bonne ou une mauvaise idée.

-Et toi ? Reprit-il, pourquoi tu es dehors à cette heure ?

-Eh bien...

Mais il se ravisa vite et me coupa :

-Après tout, peu importe. Il y a plus important. Écoute : tu vas pouvoir m'aider. Ça m'arrache la bouche de le dire, mais il n'y a qu'un Serpentard qui le peut... Si je suis dehors à cette heure, c'est que j'avais rendez-vous.

-Avec qui ?

-Laisse-moi finir ! Avec Aurora.

-Aurora ?

-Bah oui, il n'y en a qu'une d'Aurora !

-Malfoy ?

-T'es pas très vif, hein ?

-Et donc vous... vous vous... vous vous... fréquentez ?

Il soupira.

-On devait se voir ce soir, mais elle n'est pas venue... Elle a dit à Lucretia qui a dit à Esma qui a dit à Miranda, qui a dit à Rubeus qui m'a dit que ses parents voulaient la marier pendant les vacances de mai... Avec cet abruti d'Abraxas en plus ! Tu ne dois pas le connaître et Merlin t'en garde : il a quitté Poudlard il y a quatre ans. Plus triste et borné que lui, tu meurs ! Pire qu'un Serdaigle ! Tu te rends compte un peu ?! S'exclama-t-il. Mais bien-sûr, quand on est un Malfoy on a forcément toutes les qualités du gendre idéal. Plein aux as, pour commencer... Mais moi aussi, pourtant, je suis un Sang-Pur ! Mais pas assez Serpentard à leur goût...

Il reprit un air pensif :

-Ça fait trois jours déjà qu'elle est malade... Comme demain c'est les vacances, on devait s'enfuir à l'aube. Ne pas prendre le Poudlard Express et se cacher chez les Moldus, se marier puis revenir à la rentrée. Comme j'ai eu dix-sept ans en janvier...

-Tu n'es pas allé la voir à l'infirmerie ?

-Tu sais bien que les visites sont interdites ! On est fin avril ! Il serait temps que tu connaisses le règlement intérieur !... Bon, si jamais elle ne vient pas, tu voudrais bien lui donner ça discrètement, si tu la vois dans vos dortoirs ou lui mettre dans ses affaires ? ... Et je donnerai 50 points pour Serpentard ! Et si tu oses parler je t'en retire 150. Compris ?

-Tu es préfet ?

-Mais vraiment, tu débarques ou quoi ?! Je suis le préfet de Gryffondor et préfet en chef !

Et il me tendit un bout de papier plié en quatre.

-D'accord. Mais tu dois tout de suite retourner dans tes dortoirs, repris-je sans perdre le Nord malgré ces étrange révélations : on n'était pas à Poudlard, et il n'avait plus dix-sept ans...

-C'est moi ou un première année est en train de me donner un ordre ?! Vous les Serpentards, vous ne connaissez pas les limites...

Un bruit dans l'escalier. Sans doute Zabini ou Fifi.

-Tu as entendu ? lui demandais-je en feignant un air apeuré.

-Non.

-Je crois... que quelqu'un approche...

-Janus ?

-Qui d'autre ?

-Ça pourrait très bien être ce taré de Jedusor... Il est sans arrêt à traîner dans les couloirs... Je passe mon temps à le rappeler à l'ordre... Tu le connais ?

-Très peu, répondis-je le souffle coupé, frissonnant de tous mes membres.

-Et bien si tu veux mon avis, c'est très bien comme ça. Il n'est pas net. Reste loin de lui. Je ne sais pas ce qu'il mijote, mais une chose est sûre, ça va mal tourner... Il paraît qu'il est cleptomane et qu'il dort avec les objets qu'il a volé dans la journée... C'est vrai ?

-Je ne sais pas...

-Bon, reprit-il après un temps de réflexion, je n'aime pas qu'un première année traîne seul dans les couloirs la nuit. Je te raccompagne à ton dortoir. Si on croise Janus, tu trouveras bien un mensonge... Vous êtes bon à ça les Serpentards.

-Et toi ?

-Moi, je vais attendre ici toute la nuit, au cas où. Et si elle ne vient pas, je compte sur toi !

-Mais si elle est enfermée à l'infirmerie, elle ne viendra pas du tout, c'est sûr, essayais-je de raisonner. Alors autant retourner dans ton dortoir aussi te reposer. Ta journée de demain risque d'être chargée...

-Non, je ne veux prendre aucun risque. Allons viens, on y va. Dépêche-toi, je ne veux pas quitter notre lieu de rendez-vous trop longtemps.

Le septuagénaire se mit alors à quatre pattes pour quitter sa cachette. Hélas, il se releva trop vite sur ses jambes branlantes et sa tête cogna le bord de la table. Il retomba à terre et se frotta l'endroit où il s'était fait mal.

-Saloperie !

Aussitôt, je retirais sa main pour l'ausculter et il se laissa faire docilement. Pas de plaie. Sans doute plus de peur que de mal, malgré le bruit impressionnant que l'impact avait fait.

-Mais... où on est ? A l'hôpital ?

Il parcourait des yeux les lieux d'un air hagard. Il devait avoir retrouvé ses facultés. Une partie du moins.

-Oui. Vous êtes tombé. Je vous raccompagne à votre chambre ?

Il acquiesça en hochant vivement de la tête. Alors, je l'aidais à se relever. Il était lourd comme un âne mort et je crus plusieurs fois perdre l'équilibre alors qu'il s'accrochait à mes bras pour se mettre debout. Finalement, il réussit à se mettre sur ses deux pieds, malgré ses articulations douloureuses. Ses pas se faisaient hésitants et je ne savais pas si c'était parce qu'il était désorienté ou si c'était à cause du coup à la tête. Voûté, cet homme qui avait dû être plus grand que moi dans sa fleur de l'âge, avait désormais son visage incliné vers le sol au niveau de ma poitrine. De lui-même, il s'accrocha à mon bras pour que je le conduise dans sa chambre.

Il avait un étage à monter et je sentais que cela lui serait impossible. Alors qu'il empoignait vaillamment la rampe, en bon Gryffondor qu'il était, et resserrait son emprise autour de mon bras, je l'arrêtais.

-Je vais vous faire léviter.

-Mais le docteur a dit qu'il fallait que je marche.

-Oui, mais il est tard. Allons nous coucher. Demain, on fera autant de pas que possible pour compenser, négociais-je. Je vous promets de dire à Mage Strout de ne pas vous faire de cadeau, souriais-je.

-Bon d'accord... capitula-t-il après un temps de réflexion.

Alors je le fis léviter juste ce qu'il faut pour qu'il ait l'impression de monter lui-même les escaliers.

-Quand j'étais capitaine de l'équipe de Quidditch, ce n'était comme ça...

-Capitaine ! Vous deviez être sacrément fort ! Surjouais-je pour faire passer la mélancolie.

-Ah ça, je n'étais pas mauvais, non !

La vantardise des Gryffondors, ça, ça ne rouille jamais.

Nous arrivâmes devant sa porte et je le fis entrer. Je défis les couvertures étroitement bordées et il s'installa non sans une grimace de douleur.

-Vous n'avez pas encore pris vos potions de nuit.

-Ah bon ?

-Je vais appeler pour vous.

Alors, je lançais mon patronus pour avertir tout le monde que M. Fawley était désormais bien au chaud dans son lit et que «Fifi» pouvait désormais lui apporter son traitement. Je signalais également qu'il s'était cogné la tête. L'affaire fut rapidement réglée. Fifi arriva dans les deux minutes et je retrouvais les autres dans la salle de pause. Ils me pressèrent de questions mais je restais évasif sur le contenu de son délire. La main dans la poche de ma blouse, je serrais le papier qu'il m'avais donné, incertain de ce que je devais en faire.

La suite de la soirée se déroula sans trop d'imprévus : une brûlure provoquée par une tisane trop chaude rapidement soignée à l'aide d'un cataplasme à minuit quarante cinq et un accouchement qui se déroula sans encombre de deux à six heures.

-C'était une bonne nuit ! S'exclama Sarah alors que nous nous changions dans les vestiaires.

Il était huit heures du matin.

-J'imaginais pire, souffla Zabini, comme soulagé.

-Rien de grave et, bon, chercher Curiatus, c'est devenu une routine... Sourit Tracy.

-A chaque fois, il a l'impression d'être à Poudlard ?

-Oui, il attend pour un rendez-vous mais elle ne vient jamais, renseigna Sarah.

-Qu'est-ce qui l'a rendu comme ça ? S'enquit Zabini.

-L'âge... et la solitude sans doute.

Nous finîmes de nous changer rapidement. Puis, dans l'espace dédié, nous transplanâmes vers nos chez-nous respectifs, non sans s'être souhaité un bon repos avec un sourire de connivence que seule la recherche d'un septuagénaire en pleine nuit peut faire naître.

000

Elle dormait profondément quand j'entrais dans notre chambre. Dans deux heures environ elle se réveillerait. Elle reposait sur son flanc gauche. Pattenrond blotti contre elle, ses cheveux cachaient son visage.

Éreinté, je me mis rapidement au lit. Quelques heures de sommeil ne me feraient pas de mal. Je m'allongeais contre elle en la prenant dans mes bras. La chaleur de son corps m'avait manqué.

000

Je me réveillais sous une multitude de sensations. D'abord, un truc râpeux et humide qu'on frottait contre ma joue. Un poids sur mon torse et mes jambes. Des caresses sur mon front et des baisers sur ma joue droite.

Le truc râpeux, perdant peut-être un peu patience, commença à me mordiller de lobe de l'oreille et je laissais échapper un grognement de douleur, portant ma main à l'appendice qui se faisait désormais goulûment attaquer.

-Doucement Pattenrond...

Les terribles morsures s'arrêtèrent net et j'imaginais sans mal le fauve lancer un regard dédaigneux au possible à sa maîtresse qui avait osé tempérer ses ardeurs.

J'ouvris difficilement les yeux. La pièce était baignée de lumière. Le visage d'Hermione à quelques centimètres du mien.

-Salut, sourit-elle.

-Salut... articulais-je d'une voix rauque de sommeil.

-Il est midi et demie et je pensais qu'il ne faudrait pas trop te décaler... On essaiera de ne pas se coucher trop tard ce soir ?

J'acquiesçais en finissant d'émerger. Toujours efficace dans mon réveil, je sentais néanmoins que j'aurais eu besoin de quelques heures de sommeil supplémentaires... Mais elle avait raison. J'allais subir aujourd'hui, mais demain, ça irait mieux...

Je repensais rapidement au dîner que nous avions «chez» Nott le soir-même. Ça allait être une vaste blague. Il faisait vraiment n'importe quoi.

Hermione se blottit contre moi.

-Tu m'as manqué, cette nuit.

-Toi aussi, souriais-je en embrassant sa chevelure.

-Ça s'est bien passé ?

-Ça va... Un vieil homme s'est échappé et on a dû fouiller tout l'hôpital pour le retrouver, j'ai soigné une brûlure superficielle et j'ai assisté une troisième année dans un accouchement somme toute classique...

-C'est incroyable ! S'exclama Hermione en se redressant pour me regarder dans les yeux. Tu te rends compte ? Tu soignes des gens !

-Oui, pouffais-je.

-Je... suis tellement fière de toi ! Moi, à côté... Je ne fais rien d'important...

Je me redressais pour la faire basculer et la surplomber afin de l'embrasser plus à mon aise. Elle étouffa un cri de surprise puis sourit. Allongée à son tour, elle caressa ma joue en scrutant mon visage d'un air attendri.

-Ça va venir, lui susurrais-je à l'oreille. Une peu de patience.

J'allais l'embrasser pour passer à quelque chose de plus sérieux mais elle m'interrompit sans m'en laisser le temps :

-J'ai fait à manger. Tu as faim ?

Je me rendis compte que c'était effectivement le cas. Elle, déjà lancée dans sa journée, avait sans doute des choses à faire. J'acquiesçais en silence en essayant de calmer mon envie impérieuse d'elle. Ce soir.

-Tu viens ? Demanda-t-elle en se levant.

-J'arrive, souriais-je et, m'étirant, je m'assis sur le rebord du lit.

Ce soir... Si je ne suis pas trop éteint.

000

Hermione avait passé son après-midi à réviser et j'avais pris du temps pour moi. Installé dans un fauteuil devant un des premiers feux de l'année, je lisais un roman que j'avais pris au hasard dans la bibliothèque de Severus pendant l'été. Il avait toute une série du même romancier. Un certain Sir Arthur Conan Doyle, qui racontait les aventures d'un détective moldu : Sherlock Holmes. J'en avais déjà lu plusieurs et le moins que l'on puisse dire c'était que j'étais complètement accro. Ce moldu était vraiment surprenant !

-C'est bientôt l'heure, non ? Fit remarquer Hermione.

Je sortis de ma lecture et consultait ma montre.

-Oui.

Je me rassis convenablement. Une bouffée de stress m'envahit. Je n'aimais pas la suite qu'allait prendre les événements à partir de maintenant. Je n'avais pas encore fait part de la situation à Hermione, espérant sans doute un miraculeux rétropédalage de Nott, mais désormais, je ne pouvais plus repousser l'échéance.

Je ne lui avais pas menti, conformément au serment que je m'étais fait. Mais je savais que j'avais trop tardé à tout lui révéler. C'était une erreur et ce n'était pas la première fois que je la commettais... J'étais un crétin.

-Écoute... commençais-je incertain.

Mais soudain un vain espoir me traversa l'esprit.

-Nott t'a sans doute expliqué la situation ?

Hermione pouffa.

-Non. Il ne me parle jamais d'Abigail... Tu es inquiet ? Demanda-t-elle en s'asseyant sur mes genoux.

-Oui, répondis-je sans détour.

Elle fronça les sourcils, à la fois surprise et soucieuse.

-Pourquoi ? C'est fréquenter une moldue qui...

-Non, ça n'a rien à voir ! M'insurgeais-je.

Comment pouvait-elle encore croire à mon aversion pour les moldus après... tout ce que j'avais pu vivre... avec elle ? Je serai sans doute mal à l'aise par ignorance de leur monde... mais ça, ce n'était pas condamnable, si ? Je repris :

- C'est juste qu'il va falloir beaucoup mentir...

-Elle ne sait toujours rien ?!

-Non, fus-je contraint d'avouer.

Je repris, en sachant que le reste de ce que j'avais à dire allait la rendre d'autant plus furieuse... Mais je n'avais pas le choix.

-Et l'appartement de Nott... N'est pas vraiment l'appartement de Nott.

-Pardon ?

Un ton sec, sans surprise. Elle s'était levée pour me faire face. Je continuais : je n'avais pas d'autre option et je me sentais m'enliser jusqu'au cou.

-C'est un appartement loué pour l'occasion. Il ne pouvait pas l'emmener à Ardwell Park avec son père...

-Cacher ses pouvoirs est une chose mais là... Rien n'est vrai ! Drago ! S'exclama-t-elle.

-Je sais ! Je suis d'accord ! Répondis-je vivement, rongé par la culpabilité.

-Et tu penses à elle ? Une vie de mensonge !

-Je suis d'accord, répétais-je, mais elle ne semblait pas m'entendre.

Ses yeux lançaient des éclairs alors qu'elle commençait à faire les cents pas devant moi. Passant une main nerveuse sur son front, elle reprit :

-Et toi, ça ne te dérange pas de participer à cette mascarade ?! Tu es complice ! Tu es tout aussi coupable que lui ! Ce n'est pas correct !

-Dans six mois, il lui dit tout.

-C'est n'importe quoi ! S'écria-t-elle d'une voix suraiguë qui auraient bien pu faire exploser les vitres. Elle aurait pu accepter ses pouvoirs. Mais qui ? QUI ?! Pourrait accepter un an de mensonge ? Moldu ou sorcier ?! Personne ! Et vous l'encouragez là dedans ! Et tu m'entraînes dans votre... délire ! C'est malhonnête ! C'est bas !

-Il l'aime et il a peur...

-Ce n'est pas l'amour ! S'insurgea-t-elle. Ce n'est pas son amour qui le fait mentir. C'est son égoïsme ! Et tu me dis tout ça un quart d'heure avant de partir ?!

-Je ne pensais pas...

-Tu ne pensais pas ?! Mentir, pour toi, c'est rien, peut-être !? C'est juste un moyen comme un autre pour parvenir à ses fins !?

Je ne comprenais pas comment le procès de Nott était en train de devenir le mien. Piqué, je me ressaisis et repris d'un ton aussi sec que le sien :

-Je te ferais remarquer, si tu m'avais écouté, que je partage ton avis. Son mensonge est mal et intenable. Ça ne peut que mal finir.

-Mais...

Je la coupais sans ménagement.

-En attendant, pour lui, je veux être présent. Car même si ça semble un enchaînement de mauvaises décisions, de son côté, il fait de son mieux. Et crois-moi, il ne fait pas tout cela de gaieté de cœur.

Je le sentais, en disant cela, j'avais revêtu mes manières détestables : mon rictus et mon visage aussi froid que le marbre. Elle me regardait rouge de colère, les yeux pleins de ressentiments. Cela faisait bien longtemps que je ne l'avais pas vue dans cet état à cause de moi. Une bouffée d'inquiétude me submergea. Je maudissais Nott et ses histoires qui faisaient s'immiscer la discorde sous notre toit.

Un silence épais s'était installé entre nous. Elle s'était figée et me regardait d'un air de défi.

-Dois-je en conclure que j'irai seul ? Finis-je par dire d'un ton cassant et ma voix résonna douloureusement dans le hall.

Sans un mot, elle jeta un sort d'attraction à ses chaussures et son manteau dont elle s'habilla en silence. Son maudit silence buté. J'essayais de combattre ma colère comme je pouvais et tendis une main vers elle.

-Hermione...

-Non, je viens. Reprit-elle, répondant à ma question précédente, ignorant ce que j'étais en train de dire. Il faut bien qu'elle ait une alliée pendant cette soirée.

Je me retins de rétorquer que nous n'étions pas ses ennemis pour éviter une nouvelle boucle de dispute infructueuse. Ses manières me blessèrent. Elle prit ma main à contre cœur pour transplaner.

000

Hermione relâcha vivement ma main mais une fois la porte ouverte sur nos hôtes elle revêtit à son tour un masque de jovialité qui me surprit. Je le savais, pourtant, qu'elle réussissait parfaitement à cacher ce qu'elle pouvait ressentir quand la situation l'exigeait. J'en avais été plusieurs fois témoin à Poudlard. J'avais été celui qui avait délié une à une les lanières qui tenait en place ce masque douloureux et aujourd'hui, j'avais l'horrible sensation de les lui renouer derrière la tête.

Nott n'aurait pas pu trouver un appartement d'apparence aussi miteuse, aussi sombre, aussi délabrée que celui où il nous accueillit avec Abigail. Mal meublée, cette unique pièce servait à la fois de cuisine, de salon et de chambre. Nous avions été contraints de nous asseoir autour d'une étroite table en bois branlante avec des chaises et des tabourets dépareillés.

Derrière moi, se trouvait un évier en inox étroit, encadré au-dessus et au dessous de placards aux portes mal fixées en bois composite dont le plastique blanc et granuleux qui le recouvrait se décollait. À sa droite, un plan de travail sous lequel se tenait un mini-frigo qui lançait de temps à autre quelques plaintes. Priant sans doute qu'on l'achève. À gauche, une gazinière se devinait sous son épaisse couche de gras et de brûlé.

Devant moi, un lit deux places défoncé était collé au mur rongé par les moisissures. Aussi, je n'osais même pas imaginer l'état de la minuscule salle de bain plongée dans l'obscurité.

Même mon père n'aurait pas permis à ses elfes d'habiter ici.

C'était parfait.

Malgré tout, Nott était nerveux et semblait regretter absolument tout : nous présenter, nous accueillir dans ce taudis, mentir.

000

-Et donc vous, vous êtes en première année de médecine ? Demanda Abigail en se servant de carottes râpées.

-Oui, sourit Zabini. Nous avons fait notre première garde hier soir ! compléta-t-il fièrement.

-Déjà ?! Je croyais que c'était en septième année qu'on commençait...

-C'est... que... C'est une méthode de formation alternative proposée par la fac et qui a débuté cette année... Réussit-il à rebondir.

-Mais ça ne concerne pas toutes les facs, complétais-je pour nous laisser plus de latitude.

Elle acquiesça d'un air perplexe.

-Et ça s'est bien passé, cette garde ? Sourit-elle sans faire grand cas de ce qui pouvait clocher.

-Très bien, répondis-je en lui rendant son sourire. Rien de bien terrible : juste une personne âgée à retrouver, une brûlure à soigner et un accouchement à assister.

-C'est super ! S'exclama-t-elle.

J'eus la déchirante sensation de revivre la même scène qu'avec Hermione. Elles se ressemblaient. Un peu.

-Et toi alors ? Demanda Abigail à Pansy alors que la conversation sur nos études en médecine commençait à s'essouffler. Nous passions aux lasagnes préparées par Abigail.

-Moi je suis en école de commerce, en partenariat avec une école moldue.

Elle avait parlé trop vite, à force de toujours répéter l'intitulé de sa formation. Un silence figé. En face de moi, Nott avait les yeux écarquillés de terreur.

-ave.

-Pardon ? demandant Abigail en me regardant avec un air perdu.

-uave. Molduave. Moldave. En partenariat avec une école moldave. Ta langue a fourché, Pansy.

Abigail acquiesçait comme si soudain tout venait de faire sens. Nott en face de moi, plus reculé que sa petite-amie, le bras sur le dossier de sa chaise, fermait les yeux de soulagement. Il semblait que tous autour de la table avions repris notre respiration.

-Et Nott nous a dit que tu étais en fac de lettres ? Enchaînais-je pour ne pas lui laisser le temps ni de réfléchir ni de sentir la tension palpable qui s'était installée.

-Je me suis réorientée en école de journalisme.

-Vraiment ? Pour quelle raison ? Poursuivit Hermione, sincèrement intéressée.

-Je voulais faire des choses concrètes, et vite. L'information, c'est primordial pour pouvoir agir. C'est une arme aujourd'hui et on ne peut rien espérer de bon dans une société où des citoyens exerceraient leur pouvoir sans être correctement éclairés. Le droit de savoir, c'est important !

Une violente quinte de toux. Pansy qui s'étouffait avec la salade qui accompagnait son plat de pâte. Blaise lui vint rapidement en aide en lui tapant dans le dos. Une suée froide me coulait dans mon dos et je ne devais pas être le seul, au vu des visages défaits de Nott et de Blaise. Seule Hermione avait une sorte de sourire triomphant qui m'exaspéra. Évidemment qu'elle avait raison. Mais elle n'avait pas besoin d'en faire l'étalage.

-En tout cas, ces lasagnes sont excellentes, poursuivit vaillamment Blaise pour donner le change. Ça à l'air compliqué à faire...

Abigail pouffa :

-Oh tu sais, ce n'est vraiment pas sorcier !

Un nouveau silence gêné s'installa.

-... Pas sorcier ? C'est à dire ? Demanda le Serpentard, prudemment.

-Eh bien, ce n'est pas très compliqué, répondit Abigail, surprise de devoir expliciter son expression. Je te donnerai ma recette si tu veux !

-C'est gentil, merci, s'exclama Blaise sans comprendre s'ils l'avaient encore une fois échappé belle ou non.

La discussion se poursuivit cahin-caha jusqu'au dessert. Pour plus de sécurité, il apparaissait qu'il était bien plus facile de la faire parler d'elle que de parler de nous.

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Nott ne savait pas exactement ce qu'il voulait. Il hésitait entre l'envie de s'enfuir, de se noyer, de hurler... Liste non exhaustive.

Tout criait en lui. C'était une catastrophe.

Déjà, sa pitié pour Malfoy et Zabini qui avaient lutté courageusement tout le long du repas mais qui, après avoir englouti leur dessert, avaient abandonné la bataille et faisaient seulement l'effort de ne pas laisser tomber leur tête somnolente dans leurs assiettes vides. Pansy, inquiète toute la nuit pour son fiancé n'avait pas dormi davantage et subissait le même appel de Morphée. Seulement, elle se serait tuée plutôt que de quitter la première la soirée. Elle aussi, avait un côté Poufsouffle.

Ainsi, il se retrouvait coincé entre Abigail qui, toujours compréhensive, avait pris l'initiative de chuchoter pour ne pas réveiller les autres- elle était tellement adorable ! -et Hermione. Son air jovial, ses attentions portées à Abigail la rendait tout aussi touchante que la première et les deux semblaient pouvoir devenir les meilleures amies du monde. Hélas, le regard noir que la Gryffondor réservait à toute autre personne dans la pièce et son dos droit, crispé au possible, envoyaient des signaux on ne peut plus clair : la situation, le mensonge devaient lui faire horreur et elle leur en voulait à mort de recourir à ce stratagème.

Malfoy et elle avaient dû se disputer avant de venir : elle évitait son regard et se soustrayait à toutes les timides marques de tendresse qu'il pouvait avoir pour elle. Le pauvre avait son regard voilé de tristesse derrière son masque de marbre et l'entrain qu'il avait réussi à investir en début de soirée avait fini par s'essouffler. Alors, il semblait à Nott que cette situation, qui pourrissait sa relation avec Abigail était en train de contaminer celles à proximité, comme un fruit véreux dans une corbeille répand sa peste sur d'autres à son contact. Il n'était qu'un sombre connard. Voilà tout. Trahir la crédulité, l'enjouement et la gentillesse d'Abigail lui donnait envie de vomir.

Mais pourquoi fallait-il qu'elle insiste autant pour découvrir son monde, ses amis, son appartement ? Ils étaient pourtant si bien avant ça ! C'était terrible, cette propension des hommes à courir à leur perte aveuglément. Et Hermione ? Sa colère était une énième meule qui participait à broyer son cœur.

Hermione et Abigail se motivèrent à faire la vaisselle sur le moment. Elles se levèrent de table dans un bruit de couverts qui réveillèrent deux des trois dormeurs.

-Je pense qu'on va y aller, si cela ne vous dérange pas, annonça Blaise en voyant la mine endormie de sa fiancée.

-Oui, vous faites bien ! Reposez-vous bien ! S'exclama Abigail à mi-voix.

-Merci pour la soirée ! Répondit Blaise avec gaieté. Tout était très bon !

-Merci, sourit la jeune femme. Rentrez bien ! A bientôt !

-A bientôt, répondit Pansy en lançant un regard interrogatif à Nott auquel ce dernier ne jugea pas bon de répondre.

La porte se referma sur eux et quelques secondes plus tard, un crac sonore déchira le silence du palier, mal étouffé par la porte branlante.