Salut à tous ! Me voici de retour avec un peu de retard !
J'espère que vous avez passé un bel été !
Malheureusement, je n'ai pas réussi pendant l'été à avancer autant que j'aurais voulu, ce qui va faire que nous allons pour l'instant reprendre un rythme d'une publication d'une fois par semaine...
J'espère que ce chapitre vous plaira ! :) Bonne lecture !
54-«Je crois entendre encore, cachée sous les palmiers, sa voix douce et sonore comme un chant de ramier» («les pêcheurs de perle», Bizet)
C'était lundi, celui de la reprise. Cela faisait une semaine, je crois, qu'Hermione et moi nous étions séparés. Ou peut-être un peu plus. Je ne savais pas.
Les premières comme les troisièmes années, nous avions tous passé notre journée le nez dans nos examens et il allait en être ainsi toute la semaine. J'avais finalement réussi à me concentrer sur mes révisions, à force de volonté... à seulement deux jours des examens. Pour la première fois de ma vie, je me sentais douter de mes capacités. Bien sûr, ce n'était pas comme si je découvrais le cours... J'avais bonne mémoire et toutes mes gardes m'avaient permis d'apprendre sur le tas. Mais... cette sorte de chômage technique imposé par mon cerveau m'avait fait peur. Aussi, profitant que ma crainte de ne pas pouvoir me concentrer le jour de l'examen surpasse ma tristesse, ce week-end avait été le plus studieux de ma vie.
L'esprit concentré de tous les étudiants de Sainte Mangouste fit que personne ne s'intéressa à ma mine fatiguée et à mon manque d'entrain. Nous avions peu parlé, plongés dans nos révisions de dernière minute. C'était une bonne chose. C'était tout ce qu'il me fallait. Moins serein que d'habitude, je m'ensevelissais dans mes lectures pour éviter toute discussion. En rentrant au manoir, j'essayais de compter mes points en passant mentalement en revue mes copies : je découvrais l'impression particulièrement désagréable d'avoir raté. L'horreur. J'en étais presque à avoir pitié de Seamus Finnigan qui avait dû subir ça pendant toute sa scolarité à Poudlard.
Alors que je lançais la cuisson des pâtes pour mon repas du soir, je pestais contre moi-même d'avoir dosé instinctivement pour deux personnes. Toute la semaine précédente, avait été ainsi : une série de saloperies d'actes manqués qui étaient autant de gifles reçues sur mes joues.
Je me perdais dans l'observation des remous de l'eau et son écume amidonnée, sans pensée, parfaitement apathique, quand je sentis qu'on se pressait contre mes jambes. Je sortis brusquement de ma torpeur.
Je n'avais toujours pas réglé le problème du plumours, ni de la bouteille de parfum, ni de la disparition étrange du mien (Pourquoi, par Merlin, avait-elle eu l'idée de faire l'échange ?! Ils n'étaient pas rangés aux mêmes endroits et les deux bouteilles étaient très différentes... Ça avait été fait consciemment... Mais ça n'avait aucun sens !). Et je me rendais petit à petit à l'évidence que ces problèmes resteraient irrésolus.
Je n'allais sans doute plus jamais la revoir... D'un côté ma rage vivace me faisait le souhaiter ardemment mais d'un autre, cet amour, ce traître, me rendait son absence insupportable. Et je contemplais, impuissant, ces deux forces prodigieuses se battre en moi sans que je ne puisse rien faire. Mon incapacité à me concentrer pour preuve, j'avais perdu en rigueur. Avant, je pouvais sans effort cloisonner mes humeurs... Mais aujourd'hui, j'étais une feuille morte dans un ouragan.
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Installé devant ma plâtrée de pâte, je balayais le hall vide du regard. Pattenrond s'était installé à la place qu'elle occupait d'habitude. Sans faire attention, j'y avais installé des couverts. Nous étions un soir de semaine. Cela faisait un mois, je crois, qu'Hermione et moi nous étions séparés. Ou peut-être un peu plus. Je ne savais pas.
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Cho regrettait amèrement d'avoir pris la salade de lentille à la cantine. Elle avait voulu prendre soin de sa ligne et résultat des courses : elle avait fini son plat, qui s'était avéré peu consistant et fade, alors que les autres mordaient à pleine dents dans leurs sandwichs copieux. Elle le savait : elle craquerait à seize heure pour un muffin au chocolat. Ceux avec un cœur fondant. Elle écoutait d'une oreille distraite Alexander se plaindre de son célibat et du fait qu'il passerait une nouvelle fois sa soirée du quatorze février seul.
Drago venait de les rejoindre et Tracy le suivit trente secondes après.
-Et toi, Drago, tu as prévu quoi pour ce soir ? attaqua rapidement Sarah qui se lassait des litanies de son voisin de table.
Il esquissa un sourire perplexe.
-Rien, pourquoi ?
-Oh là ! Malheureux ! S'exclama Alexander.
-Quoi «malheureux» ? Pouffa le blond, habitué aux extravagances de son parrain.
-Tu ne sais pas ce qu'il y a ? En plus, si vous n'en avez jamais parlé, elle doit s'attendre à une surprise ! Continua Alexander sur sa lancée.
-Mais parlé de quoi ? à qui ? Demanda Drago qui devenait suspicieux.
-Tu ne sais pas quel jour on est ? S'étonna le troisième année. En plus, pour trouver un restaurant maintenant, ça va être coton ! Mais rassure-toi. Ton parrain est là ! J'avais réservé une table pour deux il y a un mois, au cas où, et il se trouve que je n'ai finalement personne à inviter : je veux bien te céder la réservation si tu me remercie très gracieusement.
-On est quel jour ? Demanda succinctement le filleul en restant insensible au ton dramatique de son interlocuteur.
-Bah, c'est la Saint Valentin, répondit Sarah en coupant l'élan d'Alexander.
-Ah.
-Alors, tu veux la réservation ? Elle est au nom de M. Veux-tu-emménager-avec-moi.
Face aux regards mi-dégoûtés, mi-incrédules de tous, Alexander fut obligé de s'expliquer :
-C'est juste que cette soirée, c'était potentiellement le moment de lui faire ma demande...
-Si je comprends bien, tu prévois une soirée de Saint-Valentin alors que tu ne sors avec personne et tu imagines que cette soirée sera l'occasion de lui demander d'emménager avec toi ? Demanda Tracy, désabusée.
-Bah... oui ? Pourquoi ?
-Rien, c'était juste pour être sûre, répondit Tracy sur un ton faussement détaché qui en disait long sur ce qu'elle pensait de cette manière de faire.
-On ne sait jamais de quoi l'avenir est fait, se défendit le troisième année en interprétant parfaitement les sourires moqueurs échangés par son interlocutrice et Sarah. Il faut être prévoyant et organisé !... Bon alors, tu la veux ou pas ? Si non, j'y vais seul !
Cho crut surprendre un regard lourd de sens entre Blaise et Drago mais elle ne sut pas quel sens lui donner.
-Je ne vais pas en avoir besoin, finit par lâcher le blond en baissant les yeux résolument vers son sandwich, d'un ton digne d'un blizzard polaire.
-Quoi ? Pourquoi ? C'est un très bon restaurant de fruits de mer !
-Joyce, tais-toi, intima Sarah. Drago...?
Il acquiesça aux regard interrogatifs de Sarah et Tracy en soignant sa posture désinvolte tandis que Cho n'était pas sûre d'avoir parfaitement compris le sous-entendu. Heureusement, Alexander revint à la charge, bien plus sérieux cette fois-ci :
-Vous n'êtes plus ensemble ?
Drago fit un signe négatif de la tête en forçant un sourire. Cependant, il n'avait pas osé relever les yeux vers eux.
Cho comprenait alors pourquoi il semblait encore plus fatigué que d'habitude, et pourquoi il continuait à rentrer à des heures indues chez lui, restant sourd aux remontrances de Doissec.
-Depuis quand ?
-Le premier janvier, répondit Blaise d'une voix enrouée.
-Tu aurais du nous le dire... Nous, on a continué à te chambrer...
Il haussa les épaules, le regard toujours vissé sur son reste de sandwich.
-Bon, vous savez quoi ? On est presque tous célibataires et malheureux. La vie c'est tout pourri mais on a pas à subir ! S'exclama Sarah. Qui est pour une contre-soirée de la loose chez moi ce soir ?
-Moi ! S'exclama Alexander. J'annule le restau ! A moins que tu veuilles y aller Zabini ?
L'intéressé signifia la négative : il avait déjà quelque chose de prévu.
-Bonne idée, sourit Tracy. Ça me va !
-Cho, Hannah ? Vous venez ? Drago ?
-Mais... la nuit d'après, je suis de garde... Hésita Hannah.
-Nous aussi on est de garde ! On s'en fout ! On regrettera mais c'est pas grave !
-Toi aussi Drago, viens !
Ce dernier sembla réfléchir un instant puis son sourire s'élargit :
-Bon... d'accord.
-Allez les filles, il ne manque plus que vous !
-D'accord... Répondit Cho en feignant un air hésitant.
En réalité, que Drago accepte l'invitation avait parfaitement achevé de la convaincre.
C'était un sentiment étrange... de joie profonde. D'euphorie presque. Quand elle avait appris qu'Hermione et lui étaient séparés d'abord... Et puis là, cette soirée... N'était-elle pas une personne horrible, à se réjouir de leur malheur ? En Septembre, pourtant, ils avaient l'air si bien ensemble... Il lui semblait alors que le destin était une chose parfaitement illisible, qui s'amusait à construire des édifices improbables pour ensuite, une fois un équilibre trouvé, tout détruire. Et peut-être alors que l'espoir, la joie, le bonheur... Tout cela était d'une quantité précise de par le monde et en recevoir impliquait d'en voir d'autres s'en faire nouvellement priver... Jusqu'à de nouveau en être démuni au profit de ces fameux autres... comme une roue qui tourne, des vases communicants, un cycle ininterrompu.
Tout cela était trop nouveau pour que Cho puisse en profiter. Pour l'instant elle était seulement spectatrice des mouvements d'humeurs qui s'opéraient en elle.
Surtout, ne rien montrer de cette agitation. Lui, devait se trouver six pieds sous terre.
-Super ! S'exclama Sarah. Alors on se donne rendez-vous ce soir à dix-huit heures dans les vestiaires, on transplanne jusqu'à chez-moi, au passage, on se prend des pizzas à la pizzeria en bas de l'immeuble. Ça vous va ?
Tous acquiescèrent et Cho suivit le mouvement. Il était l'heure de reprendre leur service et elle savait d'avance qu'elle passerait l'après-midi à ne penser qu'à ça.
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-Tu viens ? me demanda Sarah alors que je terminais de trier les dossiers de la journée.
Elle était venue me chercher et je devinais qu'elle craignait que je ne traîne trop pour les rejoindre. Elle me laissa trois minutes pour que je termine ma tâche puis je la suivis.
Dans les escaliers je me figeais. Là, devant moi, dans des cheveux inconnus, Sa pince. La même. Exactement la même, venant d'un de ces magasin moldus bons marchés, aux produits de médiocre qualité. Faite en ce métal dont la peinture dorée commençait à s'user pour révéler une teinte argentée. C'était comme si on m'avait hypnotisé. Malgré moi, j'accélérais le pas pour tenter de dépasser la personne, avec ce besoin impérieux de voir son visage... sans raison. Je savais pertinemment que ce n'était pas elle. Peut-être était-ce pour découvrir la coupable dont le crime était de m'avoir fait penser à Elle... A moins que ça ne soit pour retrouver, avec un peu de chance un peu d'Elle dans son visage.
Ces impressions me saisissaient souvent et, dans ce service qui brassait énormément de monde, elle pouvait survenir plusieurs fois en une demi-journée. C'étaient... son sourire chez l'une, ses sourcils froncés chez une autre, sa bouche ronde de surprise, ses cheveux, ses yeux, un éclat de voix, son rire, son sac, sa veste, son foulard... Et tous ces éléments qu'avant je voyais sans voir, dessinaient les contours de tout ce qui chez elle, faisait qu'elle était elle et pas une autre. C'était son essence diluée en toutes les femmes et qui ne rendait justice qu'à elle. Car cette pince rendait infiniment mieux dans ses cheveux et tous ses organes n'étaient jamais aussi beaux que lorsqu'ils étaient agencés sur elle.
Je n'allais plus jamais la revoir.
Faites que plus jamais je ne la voie ! Car je craignais que ma colère, furieuse tempête de feu, paraisse bien pâle face à mon amour ardent.
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Cho venait de se changer et attendait les autres. Depuis septembre, elle avait développé une vitesse hors norme... Car si le matin, elle était tranquille, protégée par son gardien, le soir, c'était une toute autre paire de manche... et alors, comme Alexander l'avait prédit, elle avait fini par s'y habituer... Sur le principe, elle aurait même pu mettre fin à ce rituel de début de journée et se changer avec lui... Mais sans trop savoir pourquoi, elle tenait à ce temps. C'était, d'abord... un moment à eux... où ils pouvaient parler et elle chérissait cet instant sans se l'avouer. Ensuite, se changer dans la même pièce que lui, sa proximité... tout cela lui paraissait parfaitement inconfortable... Et pourtant, ce n'était pas faute d'en rêver de temps en temps. Elle se rappelait parfaitement les portions de son corps qu'il avait révélées le jour de la rentrée. Elle avait rougi. Aujourd'hui, cela l'incommodait toujours mais elle ne pouvait s'empêcher, dans ses rêves, de confondre son corps avec celui de Cédric.
Lorsqu'il entra, elle baissa vivement les yeux en essayant de se concentrer sur ce que racontait Sarah qui se trouvait fièrement en brassière de sport au centre de la pièce, mimant la manœuvre de Heimlich sur Hannah. Le cœur de Cho accéléra la cadence quand il se dirigea vers elle -ou plutôt, soyons honnête, vers son casier qui se trouvait à à peine deux mètres d'elle-son regard sérieux glissant rapidement sur elle. Il s'arrêta devant sa porte et l'ouvrit. Puis, sans autre forme de cérémonie, il se changea. C'était la première fois depuis septembre qu'il le faisait devant elle. Concentré sur ses gestes, il ne faisait plus attention à ce qui se passait autour : Zabini qui cherche sa chaussette, Alexander qui cache ladite chaussette dans la poche de la blouse suspendue d'O'brien, Hannah qui s'entraîne sur Sarah sous les encouragements de Tracy... Cho ne pouvait s'empêcher de lancer des regards discrets au blond. Elle en était honteuse mais c'était plus fort qu'elle.
C'est vrai qu'il était beau. Elle sourit pensivement en se souvenant de la rumeur qui courrait chez les infirmières qui disait qu'il avait le corps recouvert de tatouages. Des dessins différents à chaque fois, selon la conteuse. Des cicatrices seulement. Lorsqu'il se retourna pour s'asseoir mettre ses chaussures, elle se détourna vivement.
Que jamais il ne connaisse son étrange trouble.
Heureusement pour sa santé mentale, ils transplanèrent quelques minutes plus tard dans la rue de Sarah, récupérèrent efficacement les pizza puis montèrent chez la blonde.
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Me lavant les mains dans la salle de bain, j'entendis un brouhaha surpris dans le salon de Sarah où nous nous étions installés pour manger.
-Drago ? Tu as reçu du courrier !
Je sursautais passablement : qui savait que j'étais ici et avait quelque chose d'à ce point important à me communiquer ? Sous les regards curieux des autres, je pris la missive que me tendait Sarah et l'ouvris avec impatience.
"Drago..."
Je reconnus immédiatement l'écriture de Blaise. Cela me surprit bêtement : il n'y avait bien que lui pour savoir me trouver à l'adresse de Sarah. Il avait écrit précipitamment et avait oublié de signer.
"... Le père de Théodore..."
Vivement, je repliais la lettre. Je ne voulais pas entendre parler de lui et je devinais que le sujet allait être trop sérieux pour laisser les autres lire par-dessus mon épaule.
-Qu'est-ce qu'il se passe ?
-Rien d'important souriais-je d'un ton convainquant. Juste Zabini qui stresse pour la Saint Valentin.
Je ne savais pas s'ils m'avaient cru mais quoi qu'il en soit, ils ne me posèrent pas plus de question. Bien vite Alexander accapara de nouveau l'attention et je pus m'isoler. Je combattais l'envie de déchirer la lettre de rage pour laisser libre cours à ma curiosité, étranglé par une appréhension sourde car une lettre évoquant le père de Nott en premier lieu ne devait rien annoncer de bon... Je patientais cinq minutes pour noyer le poisson puis allai m'enfermer dans les toilettes pour pouvoir lire au calme.
" Drago,
Le père de Théodore est mort tôt dans la matinée. Nous l'apprenons à l'instant. Il n'a pas osé t'écrire. Ce soir, nous veillons avec lui. Viens, s'il te plaît. Il a besoin de toi. Au moins à l'enterrement, dimanche à 9 heures, au cimetière d'Ardwell."
Et joyeuse Saint-Valentin !
Je me retins de froisser hargneusement la lettre. Je la pliais soigneusement pour la ranger précieusement dans la poche arrière de mon pantalon, dans un état étrange mêlant colère et incrédulité. Le père de Nott ! Mort ! Et je les imaginais sans mal tous les trois assis à son chevet en silence, luttant toute cette nuit contre les ténèbres et la mort. Théodore ne pleurerait pas. Il était de ce genre de personne qui ne savent pas faire. Mais je savais que malgré toute la haine qu'il vouait à son père, sa peine de le perdre serait immense.
Et sa solitude dans ce grand manoir ! La même que la mienne. Je le comprenais un peu lorsqu'il parlait de le vendre... A moins qu'Hermione n'emménage avec lui ? Peut-être veillait-elle avec eux ? Non. Impossible. Je ne voyais pas Blaise, au courant de toute l'histoire, me demander de venir veiller, sachant qu'elle était là. J'osais imaginer que pour lui comme pour sa fiancée la situation était claire : c'était elle ou moi... Ainsi... dans un moment aussi important pour lui... Elle n'était pas là... Ce pouvait-il qu'ils n'aient rien poursuivi après notre rupture ? Qu'importe. En quoi cela devait-il m'intéresser ? Je ne devais plus rien avoir affaire avec ces deux traîtres. Alors faisant taire toute pensée en lien avec eux je rejoignis le salon où m'attendaient les autres.
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Si j'arrivais à chasser de mon esprit l'image d'Hermione et Nott, ce n'était pas pour longtemps. C'était une sorte d'album photo que mon imagination feuilletait pour moi. Le songe de leur baiser, leurs caresses, leurs mots doux... qui me broyait le cœur... Puis c'était le spectre de Nott qui, tour à tour, se trouvait tout seul à Ardwell, puis, découvrant son père inconscient et qui essayait de le réveiller en vain... ou recueillant son dernier soupir après une longue nuit d'agonie, Nott, Pansy et Blaise qui veillaient... et si les premières ravivaient les feux de ma rage, les dernières grignotaient ma conscience.
Au moins, à moi, cela ne m'arriverait pas. On ne permettait pas à la famille de voir le baiser du détraqueur. Je savais qu'un jour j'allais recevoir dans un écrin de bois, la dépouille de mes parents, prêtes à être inhumées. Et c'était tout.
Je savais que sur terre, je devais être celui qui devait le mieux comprendre ce que Nott vivait en ce moment-même. Perdre un père qu'on a détesté... et aimé malgré tout. La colère, la révolte, l'écœurement, la haine... mais aussi l'attente et l'espoir... tout cela envers cette même personne. Alors, bien sûr que je devais être là pour lui, en soutien... Mais la trahison, par Merlin ! Ne méritait-il pas que je le trahisse à son tour en lui refusant le soutien dont il avait besoin ? Il m'avait volé ma joie, piétiné ma confiance, méprisé notre amitié et les fondements même de l'honneur. Il avait été abject.
-Draaagooo ! Atterrit ! C'est à toi ! Alors ? Action ou vérité ?
-Vérité répondis-je sans hésiter, ayant préparé en avance ma réponse, pour laisser mon esprit vagabonder : il n'y avait aucun intérêt à prendre "action" alors qu'on avait la possibilité de répondre un mensonge qui nous arrangeait.
-Est-ce que tu aimes toujours Hermione ?
-Non, répondis-je farouchement, sans trop savoir pourquoi.
J'en convainquis sans doute quelques uns, mais pas Sarah qui me dévisagea un instant.
-C'est toi qui l'a quittée ? Poursuivit Tracy.
-J'ai déjà répondu à une question répliquais-je malicieusement.
-Mais on veut savoir ! S'exclama Joyce, avide de potin.
-Tu me poseras la question au prochain tour... à condition que je prenne vérité bien-sûr !
-Drago Malfoy, petite canaille !
-Si tu continues à me faire des compliments, je vais rougir !
-Arrête de faire bouillir ton parrain et pose la question, arbitra Sarah.
Je devais donc interroger Chang, qui s'était installée à ma gauche. Elle commençait déjà à rougir.
-Chang, action ou vérité ?
-Action, répondit-elle précipitamment.
Quelles questions craignait-elle ? Celles sur Cédric sans doute. Je la ménageais.
-Mange une croûte de pizza de Joyce.
Elle écarquilla les yeux. Peut-être trouvait-elle cela dégoûtant, mais c'était bien gentil en comparaison de Sarah qui voulait faire s'embrasser tout le monde. D'ailleurs, cette dernière répliqua :
-C'est pas un vrai gage, ça ! C'est quoi ces premières années qui savent pas s'amuser ?!
-Et c'est quoi ces troisièmes années parfaitement obsédés ? réagit vivement Hannah tandis que Chang se saisissait en soupirant de la croûte que lui tendait Joyce. Il avait choisi la plus petite. Gentiment.
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Je n'arrivais pas à dormir. Trop fatigués et alcoolisés pour transplaner, nous nous étions couchés en rang d'oignon en travers de la banquette dépliable de Sarah. J'avais personnellement très peu bu mais je n'avais pas envie de rentrer. Joyce, à qui je tournais le dos, grogna dans son sommeil. Je craignais qu'il ne ronfle mais, Merlin merci, il se contentait de répéter les diagnostics de la journée.
Chang s'était étendue de mon autre côté, à ma droite. Au hasard de ses rêves, elle s'était blottie contre moi et je n'avais guère de place pour me mettre à l'aise. Cependant, cette proximité, n'était pas tout à fait pour me déplaire. Il me semblait qu'il y avait une éternité que je n'avais senti la présence de quelqu'un ainsi. C'était comme si mon corps se souvenait d'une de ses vies antérieures, sans avoir vraiment vécu le moment. Comme si je me reconnectais avec les sensations anciennes d'un autre corps... d'un autre moi.
Réveillée sans doute par mon agitation impatiente de ne trouver aucune position confortable, elle finit par ouvrir les yeux. Son visage n'était qu'à quelques centimètres du mien et nos souffles se mêlaient. La chaleur en était suffocante. Nous nous regardâmes longuement puis, sans mot dire, elle prit mon bras droit et l'étendit de manière à ce qu'elle puisse reposer sa tête dessus, son corps plaqué contre le mien, en me tournant le dos. Ensuite, elle saisit mon bras gauche pour le poser sur sa taille. Je me laissais faire, trop surpris pour réagir.
C'était peut-être une sorte de câlin réconfortant, un échange de chaleur humaine sans but si sens, si ce n'est de se réconforter un peu l'un l'autre. Alors, je raffermis mon étreinte autour d'elle en me perdant dans ses cheveux, à la recherche d'un parfum perdu, et, comme un enfant rassuré, je trouvais enfin le sommeil.
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Je ne savais pas combien de temps j'avais dormi. A vue de nez, une ou deux heures, je pense. Cho s'était retournée pour me faire face et avait son visage enfoui contre me poitrine. Il arrivait à Hermione de dormir ainsi, avant. Je refermais les yeux pour m'imaginer avec elle. Mais à la place de la retrouver elle, ce fut de nouveau l'image de Nott veillant qui s'imposa à moi.
Son père était mort.
Il n'y aurait peut-être qu'une fois, dans sa vie, où il aurait vraiment besoin de moi. Et cette fois-ci, c'était maintenant. Par Merlin ce que je le haïssais... Mais, Merlin, ce que je le comprenais ! Je pouvais peut-être... être là... pour ces trois jours puis de nouveau le fuir comme la peste ? Je ne lui pardonnais pas. Seulement, je lui rendais sa monnaie de sa pièce, pour toutes les fois où il avait été là lorsqu'il s'agissait de mon père. Le procès par exemple...
Je me levais le plus doucement possible mais hélas Cho se réveilla. Elle me regarda avec un air perdu alors que j'avais réussi à me relever de trois-quart.
-Où tu vas ? Chuchota-t-elle.
-Je m'en vais. J'ai des choses à faire.
Elle me regarda sans acquiescer, avec une moue inquiète.
-On se voit à sept heures quarante, comme d'habitude.
Cela ne semblait pas lui convenir. Je ne pus retenir un sourire :
-Rendors-toi. Tout va bien.
Et inspiré par je ne sais pas trop quoi ou qui, je m'abaissais pour embrasser sa tempe, comme pour rejouer mon rituel avec Hermione. Puis, je me levais pour de bon et partis sans me retourner, impatient de retrouver mes amis.
