Heu... Hem... Bonjour ?
Bon, force est de constater que je n'ai pas pu tenir le rythme x) Depuis juin, ma vie a énormément changé et j'ai été très prise mentalement. Il en découlait que je n'avais plus le besoin, ni la volonté, ni le temps, ni la capacité d'écrire. Ça ne m'empêchait pas d'y penser régulièrement et de regretter le fait de ne pas avancer car cette histoire me tient à cœur. Je savais que j'y reviendrais un jour et j'espérais seulement que ce ne soit pas dans 5 ans...
Depuis juin, j'accueille les différents évènements de ma vie comme des fruits qu'on ne peut cueillir qu'à maturité. La remise à l'écriture fait partie de ces points. Après ce bouleversement, alors que je voyais tout s'entrechoquer, je supposais, assez sereinement, qu'il fallait juste attendre patiemment que petit à petit les choses se remettent dans l'ordre d'elles-mêmes, intégrant, incorporant à elles les changements causés par tout ça.
Aujourd'hui, tout est plus simple, mais je manque toujours de temps et de disponibilité d'esprit pour retrouver le rythme que j'avais avant l'été. Je ne sais pas quand le prochain chapitre sortira, mais il sortira, c'est sûr. Il est même déjà écrit. Je dois juste reficeler la temporalité et me relire sérieusement.
En tous cas, je pense à vous et plus particulièrement à vous, qui aviez laissé des reviews. Je vous remercie encore pour votre soutien, Ccassandre24, Maryssandra, Ivy, "Guest", Jaimelanougatine, Jojoserpentard, Drou, Jules Des Bois, Jenny4594, AlexiaHime, La litteraturen'estpasmonfort et Apko.
J'espère que ce chapitre vous plaira ! Bonne lecture et à la prochaine ! :)
55- «Et chaque fois, les feuilles mortes, te rappellent à mon souvenir» («La chanson de Prévert», Gainsbourg)
J'arrivais à Ardwell Park. Il était quatre heures du matin mais la neige qui était tombée la veille et qui avait tout recouvert éclairait la forêt de chênes verts. Si Oaksey House était bucolique, le terme approprié pour désigner Ardwell Park était « paumé ». On était au beau milieu d'une forêt, au beau milieu du Cumberland, par Merlin ! C'est dire le niveau de solitude ! Pas besoin d'utiliser la magie pour cacher le château aux moldus à ce stade ! C'était même à se demander comment les Nott eux-même faisaient pour retrouver leur manoir.
Je marchais jusqu'au portail en fer forgé qui semblait tenir à bout de gonds les mur rongés par le lierre. Des traces de pas, qui devaient être celles de Blaise et Pansy, s'égrenaient sur la poudreuse. J'hésitais un instant devant l'interphone. Quoi dire ? « Je suis vraiment désolé pour ton père... connard ? » Ça ferait mauvais genre. Je soupirais : il fallait juste enterrer la rancœur pour quelques jours. Enterrer, je savais bien faire, non ? Bon, peut-être plus aussi bien qu'avant... mais le tout c'était de ne rien laisser paraître, il me semble ?
J'actionnais donc l'interphone magique et une voix enrouée me répondit :
-Oui ?
Après un temps où aucun son ne put sortir de ma bouche, reconnaissant le timbre fatigué de Nott, je réussis seulement à articuler :
-C'est moi.
Je ressentis une certaine stupeur chez mon interlocuteur qui étouffa de peu une exclamation de surprise et m'ouvrit avec empressement.
Une fois franchi le portail, je remontais l'étroit chemin pavé de petits blocs de granit et bordé d'hortensias hivernant. La forêt se faisait de moins en moins dense jusqu'à s'ouvrir sur une clairière. Après dix bonnes minutes de marche, j'accédais enfin à l'escalier colossal menant à la terrasse dont les abords étaient agrémentés d'une profusion d'arbustes. Des rosiers, des pivoines, des hortensias et je ne sais quoi d'autre. Depuis la terrasse close par une basse haie de buis, je remontais encore quelques marches pour arriver à un étroit perron. Le tout était perdu dans un écrin de saules pleureurs.
Alors que j'arrivais en haut des marches, on ouvrit la porte d'entrée. Pansy se jeta dans mes bras en pleurant.
-Tu es venu !
-Ça y ressemble bien.
-Entre, il fait froid, dit-elle en se détachant de moi tout en essuyant ses larmes.
Elle me prit la main et je la suivis.
A peine eus-je franchis la porte qu'une nouvelle paire de bras m'enlacèrent. C'était Blaise qui me soufflait à l'oreille :
-Merci.
Alors que nous nous séparions, je remarquais Nott prostré dans un coin de la pièce. Je ne l'avais jamais vu comme ça. Dans ses yeux une lueur d'espoir mais tout dans le reste de sa posture respirait l'abattement et l'envie de disparaître. Il me fit mal au cœur. Je fis un pas ou deux incertains vers lui et cela sembla le rassurer. Il se dirigea vers moi à son tour avec une démarche hésitante. Puis, n'y tenant plus, en deux ou trois enjambées efficaces, nous nous serrions dans les bras l'un de l'autre avec force. Je n'avais plus en tête, à ce moment-là, tout le mal qu'il avait pu me faire : seulement une peine partagée.
-C'est vraiment fini cette fois, murmura-t-il.
-Tu es libre, c'est le plus important.
Je le sentis acquiescer au creux de mon cou.
-Je suis tellement, tellement dés...
-Pas maintenant, le coupais-je. Ce n'est pas le moment.
-Tu me détestes ?
-Pas pendant cette nuit.
Nous nous séparâmes alors qu'il hochait la tête pour me signifier qu'il comprenait.
-Je vais refaire du thé.
Et sur ces mots, il s'éclipsa, sans doute pour reprendre contenance.
000
Nous passâmes le reste de la nuit à veiller le mort, comme la tradition sorcière Sang-Pur le voulait. Nott allait devoir rester au chevet de son père jusqu'à l'enterrement.
Pendant ces longues heures de silence mon esprit vagabondait. J'avais tout de même un peu d'affection pour le père de Nott, bien qu'aussi violent que le mien, il était moins austère et s'était un peu occupé de nous lorsque nous étions petits. Mais la mort de sa femme, survenue lorsque nous avions sept ans, l'avait rendu encore plus borné et lugubre qu'il ne l'était déjà et il nous délaissa parfaitement.
Mes pensées prirent ensuite une toute autre direction pour délaisser le mort. Les brefs regards que Nott me lançait à la dérobée me faisaient croire qu'il n'était pas bien concentré non plus. Dévoré par la jalousie, je brûlais de savoir s'il se passait quelque chose entre Nott et Hermione mais je ne voyais pas comment obtenir la réponse sans arriver avec mes gros sabots. Je ne voulais pas paraître intéressé et surtout... ce n'était pas le moment. En attendant, dans toutes les pièces que j'avais pu parcourir, je n'avais trouvé aucune trace d'elle.
Dès que j'en avais l'occasion : faire du thé, aller au toilettes, chercher des couvertures... je partais en exploration à la recherche de traces laissées par la Gryffondor. Mais je ne trouvais rien. Pas même dans la salle de bain de la chambre aux oiseaux dans laquelle je m'étais débarbouillé pour me réveiller un peu, ni dans les quelques autres chambres, dont celle de Nott, que j'avais pu visiter discrètement, l'air de rien.
Je me détestais de faire ça. Fouiller une maison en deuil ! Mais c'était plus fort que moi : je devais savoir. Une inquiétude sourde me faisait penser que je n'avais pas assez bien observé les choses autour de moi et que sans doute une preuve m'avait échappé.
Pourtant, son absence à la veillée était assez révélatrice du fait qu'ils n'avaient rien poursuivi... Mais mon esprit tordu et souvent enclin à l'autodestruction se convainquait lui-même qu'il devait nécessairement y avoir anguille sous roche et que les mensonges et les apparences trompeuses ne cesseraient jamais d'être désormais entre eux et moi. Peut-être n'avaient-ils pas officialisé leur couple ? Peut-être que Blaise et Pansy, qui m'étaient fidèles, avaient posé un ultimatum entre elle et eux pour la veillée. Et il avait choisi ses amis. Si ç'avait été le cas, j'imaginais sans peine la Gryffondor fulminer de ne pas pouvoir être à ses côtés pour un moment aussi important. Elle devait mal vivre le fait de ne pas pouvoir réconforter elle-même celui qu'elle aimait... D'autant plus qu'elle détestait être mise de côté... Je ne pus retenir un rictus en l'imaginant bouillir intérieurement.
Je sentais croître en moi cette mauvaiseté, cette amertume qui apparaissait à chaque fois qu'Hermione demeurait un rêve inaccessible, comme ça avait pu être le cas lors de sept ans sur huit à Poudlard. Alors, je me réjouissais de voir que Nott faisait un piètre amoureux pour elle. Je n'avais pas été le bon et lui non plus ne le serait jamais en privilégiant ses amis à elle. Qu'il la fasse souffrir autant qu'elle m'avait fait souffrir, tiens ! Et qu'elle le jette, comme elle l'avait fait pour moi ! Moi, je l'avais placée au dessus de tout. J'espérais d'une force égale à mon ressentiment qu'elle me regrettait. Au moins un peu. Et que jamais je ne lui pardonne. Jamais. Et qu'elle pleure, par Merlin !
Ben sûr, je devais parfaitement fantasmer. Elle ne devait plus penser à moi. J'imaginais que j'avais été englouti par plein d'autres préoccupations : ses cours, ses partiels qui approchaient... Et bien-sûr, Nott... Comme moi-même j'avais dévoré la pensée de Ron.
De moi, il ne devait rester plus rien. Un spectre... dont Nott et sa maladresse d'associable seraient le bras vengeur.
Grand prince, je voulais bien partager ma revanche avec Ron. Il devait jubiler à l'idée de me voir jeter par celle qui l'avait quitté. C'était honnête. Sans doute pensait-il que c'était un juste retour de bâton après des années d'injures.
L'aube aux doigts gris se présenta et je rejoignais Blaise dans le hall d'entrée. Il était l'heure pour nous de reprendre notre service à l'hôpital. Pansy et Nott avaient pu prendre leur vendredi pour continuer la veille... Tradition aussi absurde qu'éprouvante.
-On revient ce soir, énonçais-je sans oser croiser le regard de notre hôte.
Et sur ces mots, nous sortîmes pour transplanner.
000
Nous remontions l'allée du cimetière en silence dans la neige salie par notre passage aller. La cérémonie avait été difficile à supporter. Nous n'avions été que tous les quatre et un pasteur moldu, comme il est d'usage dans les enterrements de Sang-Purs dont les ancêtres avaient été les seigneurs du fief alentour. Ainsi, toute sa famille, depuis un nombre incalculable de générations, se faisait enterrer dans le cimetière du village voisin du manoir.
Un pasteur moldu... les Sangs-Purs n'étaient pas à une contradiction près mais celle-ci était sans doute ma préférée ! Franchement ! Mais je suppose qu'au Moyen-Age, il fallait bien donner le change auprès des paysans à qui on taxait l'impôt... D'autant plus que les sorciers n'avaient pas vraiment la côte à cette période de l'histoire.
Il en serait de même pour mes parents à Oaksey. Et alors, il me semblait que cette matinée au temps maussade devait être une sorte d'entraînement pour moi. Je me doutais que nous ne serions pas plus nombreux pour mes parents. J'imaginais que les Greengrass n'oseraient pas se présenter : seuls les Malfoy en vie et innocentés étaient fréquentables...
Peut-être que le pasteur, tout comme pour le père de Nott, émettra des regrets à voir l'assemblée si peu nombreuse. Il nous consolera sans-doute en nous rappelant qu'une grande famille les attend au Royaume de Dieu... Malheureusement pour lui et son pardon universel, la seule pensée capable de me réconforter serait plutôt de les savoir enfermés à double tour dans le Tartare, loin de leurs victimes.
Arthur Weasley, dans un temps qui me paraissait lointain, presque mythologique, m'avait confié que leur exécution aurait lieu en juin de cette année. Dans trois ou quatre mois environ. Il me restait trois mois pour préparer.
Jusqu'à présent, j'avais fait l'autruche, comme je savais si bien faire. Il me semblait que ce moment où j'allais recevoir leurs dépouilles dans l'austère coffre en sapin réglementaire d'Azkaban n'allait jamais arriver... Mais je devais me réveiller : il me restait trois mois ! Je ne gagnais pas assez d'argent pour trouver un cercueil digne d'eux et de notre rang mais, Merlin merci, j'allais pouvoir faire l'économie d'une stèle en calcaire bon marché et ridicule : il restait de la place dans le caveau familial...
J'allais devoir trouver... des habits ? Certifier leur mort par accident aux autorités moldues (Heureusement, les langues de plomb du ministère se chargeaient de toute la paperasse lorsqu'il s'agissait d'un prisonnier) ... Et les veiller. Comme Nott. Et on les enterrerait... J'imaginais qu'on serait tous les quatre, unis plus souvent pour le pire que pour le meilleur, remontant l'allée du cimetière privé d'Oaksey House.
Au passage, nous nous arrêtâmes sur la tombe de la mère de Nott. Ce dernier, qui n'avait pas prononcé un seul mot de toute la matinée, se perdit un instant dans une contemplation rêveuse. C'était Blaise qui, comme d'habitude, s'exprimait à notre place, pleurant à chaude larme dans un silence aussi lourd et épais que l'air humide d'un caveau.
Aucun de nous n'eut le cœur de retourner au manoir. Aussi nous nous rendîmes au pub moldu du village où nous avalâmes mécaniquement une daube aigre à la bière servie avec de la purée grumeleuse. D'abord, on nous jeta des regards curieux, de ceux qu'on réserve aux étrangers puis, une fois les digestifs passés, on nous ignora parfaitement, ce qui nous allait nettement mieux.
Exténués de ces trois nuits sans dormir, nous convînmes de nous séparer après le repas et nous transplanâmes dans une ruelle sombre.
000
La sensation désagréable du transplanage me réveilla et j'eus un regain d'énergie qui, j'espérais, se tasserait vite. Je devais dormir, par pitié ! Et, de préférence, sans cauchemar ni réveil brusque et halluciné.
Après avoir envoyé mes affaires d'hiver se ranger d'un coup efficace de baguette magique, je relevais la tête et parcourais accidentellement du regard le grand hall vide. J'avais passé quatre jours entiers entouré de monde. Il me semblait alors qu'en une seconde j'étais passé de la chaleur et du nombre au froid et à la solitude. Une peine sourde me saisit la poitrine tandis que le silence me hurlait dans les oreilles. Et je ne pus m'empêcher de penser à Théodore... lui aussi tout seul dans son grand salon peut-être... ou dans sa chambre.
Théodore, moi... nous étions tellement misérables ! Tellement seuls ! Et tellement... ridicules !
L'avantage de ces trois jours, c'était qu'ils m'avaient sorti de l'apathie dans laquelle me plongeait mon deuil de ma relation avec Hermione. Je ne devais pas y replonger. Ce n'était pas possible. Je refusais de m'ensevelir de nouveau dans ce Shéol. J'y avais passé trop de temps, à contempler mes souvenirs, à répéter les gestes d'une vie antérieure.
Hors de question.
Fini de tourner mon regard instinctivement vers son fauteuil. Fini de cuisiner pour deux. Fini de mettre des couverts à sa place. Fini de chercher son corps à tâtons dans les draps froids. Tout cela devait cesser. Ça devait finir.
Pris d'une inspiration soudaine, je montais en trombe les escaliers, le cœur battant, une nouvelle excitation bouillonnant dans mes veines. Une fois dans ma chambre, par des gestes rageurs mais efficaces, je convoquais à moi tous mes vêtements, trousse de toilette et linges qui se rangeaient d'eux-mêmes dans mon ancienne malle de Poudlard. Puis, je descendis dans la cuisine récupérer tout ce qui était périssable.
Sur le pas de la porte avec Pattenrond dans les bras, de nouveau vêtu pour affronter le froid, je parcourais des yeux une nouvelle fois le hall. Ce n'était pas le même regard cependant : dans ce dernier, plus d'abattement mais de la détermination par Merlin ! J'oubliais sans doute des choses mais ce n'était pas grave : un transplanage et je retrouvais ce qui me manquait.
Alors, sentant en moi le feu de la volonté comme un reste de vie, je transplanais avec l'idée de m'installer chez Severus. «Tu dois toujours avoir un refuge» m'écrivait-il, et il avait raison... Même si ma fuite n'était pas exactement celle qu'il imaginait. Mais avant, j'avais quelqu'un d'autre à sauver, je suppose.
000
Théodore avait fini par s'asseoir sur les marches du perron, à même la neige. La chose était simple : il n'arrivait pas à entrer chez lui. Il s'était figé, la main sur la poignée sans oser l'actionner pendant un bon quart d'heure. Il espérait que le froid et la faim finiraient par le forcer à entrer dans ce caveau pour vivant qu'était la bâtisse de ses ancêtres.
Merlin qu'il était fatigué... Il ne s'était octroyé - ou plutôt Pansy l'avait obligé à dormir deux heures la nuit dernière mais, évidement, ça n'avait pas été suffisant. Il ferma les yeux et sentit qu'il aurait très bien pu s'endormir sur place. Une prière s'imposa à lui, comme idée fixe ; celle pour un sommeil qui ne devrait jamais s'arrêter. Enfin du repos. Plus jamais endolori ni harassé.
Il ne sentait plus ses pieds : ses chaussures de ville en cuir n'avaient pas su le protéger du froid et de l'eau. A l'aide de sa satanée magie, il aurait pu se sécher et se réchauffer. Il aurait pu. Et ses mains ! Tellement... bleues ! et si rigides qu'il n'arrivait plus à les décrisper. Il aurait pu les réchauffer. Il aurait pu.
Mais il était tellement... épuisé. Tant et si bien qu'il n'arrivait presque plus à bouger et il se sentait s'enfoncer dans une torpeur qu'il savait mortifère... Mais qu'importe ? La vie était-elle si précieuse ?
Peut-être pas... Il avait tant perdu !
Soudain, il réalisa qu'il sentait, depuis quelques minutes sur son visage découvert, les légers impacts froids et mouillés caractéristiques de gros flocons. Blotti dans sa lassitude, il releva la tête avec lenteur puis ouvrit difficilement ses yeux gelés, ses cils collés par le froid sur ses joues.
Les flocons tombaient encore épars et, dans la nuit, parmi les tâches blanches agitées par le vent, il lui semblait distinguer... d'étranges mouvements... une forme... comme une écharpe perdue dans une tempête... ou un corps... qui dansait. Ses bras de glace se balançaient au dessus de sa tête et ses hanches tournoyaient selon un rythme qui leur était propre. Cette silhouette lui semblait familière comme si ses mains en avaient souvent dessiné le contour. Ces cheveux lisses et sombres qui se diluaient dans la nuit, il pouvait presque en prédire les ondulations. C'était s'il s'y était souvent perdu pour en apprendre tous les secrets.
Il plissa les yeux pour mieux la voir, sans se demander s'il s'agissait bien d'elle ou non : la voir seulement lui suffisait, en songe ou pour de vrai.
-Abi... Abigail ? S'entendit-il appeler d'une voix si rauque qu'elle lui semblait étrangère, dans un murmure ou dans un cri, il n'aurait su le dire.
Malgré son état proche d'une hypnose dont elle serait le pendule, elle disparut et il convoqua ses dernières forces pour se lever, paniqué à l'idée de la perdre. Encore. Il scruta les horizons bouchés par les noires cimes des arbres, sans succès. Il lui semblait alors, qu'il se faisait aspirer par l'obscurité de la végétation qu'il ne lâchait pas du regard. Sa vue se brouilla légèrement et un tournis le prit, à force de fixer avec insistance la noirceur de la nuit.
-Abigail ! appela-t-il plus fort qu'il ne l'avait fait la première fois et sa voix se perdit en écho contre les branchages dénudés par l'hiver.
Il ne sentait plus le vent qui avait forci en blizzard et la chute de plus en plus dense des flocons agités en tous sens étaient autant de visages potentiels... Mais jamais celui de celle qu'il aimait. Si seulement elle pouvait revenir ! Si seulement elle pouvait le laisser l'aimer !
Il reprit, sans faire attentions aux larmes qui lui échappaient :
-Reviens ! Abigail ! Juste une fois ! Ecoute-moi ! Abigail !
-Nott ! entendit-il hurler au loin.
Ce dernier sursauta et sortit de cette espèce de délire qui l'avait transcendé au point d'en oublier la fatigue et le froid.
-Nott !
Il se précipita vers le portail pour s'assurer qu'il ne rêvait pas. La personne derrière le portail, entendant ses pas reprit de plus belle :
-Nott ! Ouvre-moi ! Je sonne à l'interphone depuis tout à l'heure ! Tu n'as pas entendu ?
C'était la voix de Drago ? Lui ? De retour ici ?
-Allez, N... Théodore ! Il fait froid ! Ouvre-moi !
Théodore se ressaisit et ses mains engourdies se saisirent avec maladresse de sa baguette magique. Il dut s'y pendre à plusieurs fois pour ouvrir au nouveau venu. Il regarda le blond avancer à grand pas en s'emmitouflant dans son écharpe aux couleurs de Serpentard d'une main et tenant fermement le chat orange d'Hermione de l'autre.
-Qu'est-ce que tu faisait dehors ? Reprit Drago d'un ton suspicieux. Tu es trempé et tu as l'air frigorifié.
-Rien.
Ils échangèrent un long regard que Théodore ne sut pas décrypter. A faire entrer Malfoy chez lui, il se serait attendu à se prendre un coup ou un sort. Après tout, il avait de quoi lui en vouloir et la période de trêve était sensée être terminée. Mais contre toute attente, il ne semblait pas hostile. Et alors, une fois rassuré sur les intentions du blond, la surprise le saisit complètement : pourquoi revenait-il ?
-Vas chercher tes affaires, on s'en va.
-On s'en va ?... Mais... où ?
Est-ce que ce mirage qui lui faisait confondre Abigail et les flocons avait seulement cessé ?
-On va chez Severus...
Bon, c'était sûr maintenant, c'était une hallucination : le chat orange qui lui lançait un regard réprobateur en soit la preuve.
-Chez Severus ?
-Je ne te l'ai pas dit mais... il m'a laissé un appartement sur le chemin de traverse. Je vais m'y installer et je t'emmène avec moi. Alors vas chercher tes affaires.
Théodore ne fut capable que d'un regard hébété.
-Dépêche-toi avant que je ne change d'avis, grogna Malfoy en frictionnant ses bras.
Alors, comme fouetté par la réalité, le brun se ressaisit. Il entra avec précipitation dans ce manoir devant lequel il avait tant hésité, Drago sur ses talons. Si Théodore était du genre à rougir, il serait sans doute écarlate de honte. Il ne méritait pas ça. Qu'on s'inquiète pour lui, qu'on prenne soin de lui, qu'on fasse abstraction de ce qu'il avait fait de mal... Et tout cela renforçait sa culpabilité.
Dans sa chambre, il se fit plus rapide que l'éclair : s'il pouvait au moins éviter à celui qui pouvait s'apparenter à son sauveur de trop attendre ! Son dos fut parcouru d'un frisson : quelles pensées insensées avaient pu traverser son esprit ?!
D'un coup efficace de baguette magique il rassembla ses affaires et les fourra dans le premier sac qui se présenta à lui après avoir lancé un sortilège d'attraction au hasard. Il sortit et ferma la porte mais alors qu'il apprêtait à faire un pas dans le couloir, il se figea un instant puis, cédant à sa tentation, il retourna dans la pièce.
-Accio photos d'Abigail.
Alors les clichés qu'ils avaient pris dans un photomaton moldu il y avait plus de six mois maintenant s'imposèrent dans ses mains et il les glissa dans son portefeuille, derrière la surface en plastique d'une des pochettes. Puis, d'un pas décidé, il entra dans l'ancien bureau de son père et se saisit de la première photo de famille les représentant tous les trois qui lui tomba sous la main. Enfin, il s'autorisa à dévaler les escaliers au pied duquel Drago l'attendait en parcourant des yeux le dallage complexe du sol. Le blond releva les yeux vers lui mais ne lui sourit pas. Il ne fallait pas trop espérer non plus.
Dehors, Théodore verrouilla l'ensemble des portes et des fenêtres tout en lançant le sort qui transformait le splendide manoir romantique en un lieu abandonné et dont la rumeur moldue en faisait un des plus hantés d'Angleterre. Puis, il prit le bras du blond pour transplaner dans la minute.
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-Hermione ! On a besoin de toi au comptoir ! S'écria une note volante.
Alors celle-ci lâcha son carton de fioles d'encre pour se précipiter là où on l'appelait. Elle descendit les escaliers en trombe et s'occupa des clients qui commençaient à s'amasser en queue entre les rayons pour prêter main forte au sorcier libraire.
Il avait fallu qu'elle se prenne en main. Elle avait passé tout le mois de janvier en vieille loque déprimée entre chez les Weasley et la fac. Ça avait été un cauchemar. Puis, un jour, elle avait eu un déclic, pendant qu'elle pleurnichait sur son thé chez Pansy, un vendredi soir, alors que Blaise était de garde. Drago ne se reconquerrait pas tout seul.
Alors, elle avait d'abord dû trouver un travail, refusant de vivre au crochet de qui que ce soit comme ça avait pu être le cas avec Drago. Peut-être que sa sensation d'étouffer avec lui venait aussi du fait qu'elle était dépendante financièrement. Elle avait trouvé un emploi sans problème, son nom et sa réputation lui ouvrant beaucoup de portes. Même : elle se faisait régulièrement démarcher par les autres commerçants de la rue avec des contrats toujours plus avantageux. Cependant, elle restait fidèle à son premier amour : Fleury et Bott. Elle connaissait leurs titres et les rayons par cœur et elle ne se voyait de toute façon pas vendre autre chose que des livres.
Sa liberté acquise par cette rentrée d'argent régulière, il fallait qu'elle quitte le Terrier où elle s'était réfugiée. Mme Weasley, lui lançait régulièrement des piques concernant son inconstance et la défense farouche qu'opposaient les enfants à leur mère lorsqu'elle se faisait trop dure ne suffisait pas à la faire se sentir confortable chez eux.
Au hasard d'une discussion avec Siegfried, ils s'étaient tous deux rendus compte qu'ils cherchaient un colocataire. Siegfried venait de se faire virer de sa précédente chambre car il s'était fait un peu trop pointilleux sur le ménage pour les sorciers qui partageaient son appartement. Alors, ils avaient écumé les petites annonces de tous les journaux sorciers et celles du panneau d'affichage de l'université. Ainsi, entre les appartements hors de prix, les cours particuliers et les boursoufflets perdus, ils finirent par trouver quelque chose de pas trop cher et qui ne présentait pas trop mal.
Une fois devant la porte, elle frissonna en se rendant compte qu'il s'agissait de l'immeuble pile en face de celui du glacier Fortarôme... Et qui dit glacier Fortarôme dit appartement de Severus juste au-dessus. Cependant, elle essaya de raisonner : il ne s'agissait pas du logement principal de Drago. La preuve : les volets étaient présentement fermés et puis au pire... elle connaissait bien ses horaires : elle pouvait très bien l'éviter... ou, au contraire, faire en sorte de tomber par «inadvertance» sur lui... Une fois que Pansy lui aura donné son feu vert pour lancer la mission «reconquête». Car l'image de Drago flottait sans cesse autour d'elle et avec lui, son manque. Elle ne comptait pas le nombre de fois où elle avait cru voir sa chevelure blonde surplomber la file de clients qui patientaient pour régler leurs achats ou entendre sa voix dans un rayon parallèle. A chaque fois, bien sûr, c'étaient de fausses alertes... Mais elle aurait tant voulu que cela soit vrai. Juste le voir.
Elle essayait désormais de suivre les conseils de Pansy à la lettre : attendre que ça se tasse et la laisser œuvrer pour elle, en espérant qu'il lui pardonne. Ne pas lui écrire, ne pas essayer de le voir même si tout en elle lui hurlait de le retrouver. Pour ronger son frein elle se perdait dans ses études... plus encore, si c'était possible, qu'avant. Et apprendre, toute seule, dans le noir, à dire "je t'aime". Accepter de s'en remettre à lui. Rêver d'oublier l'urgence de survivre et laisser couler sur elle l'inconnu.
De toute façon, elle savait qu'elle finirait immanquablement par revoir Drago le mois prochain au mariage de Pansy et Blaise et si le temps passait vite-Car cela faisait déjà plus d'un mois déjà qu'ils avaient rompu-il lui semblait que ces potentielles retrouvailles étaient dans une éternité. Elle priait de toute ses forces pour qu'il lui laisse lui parler. Pour qu'il accepte de lui adresser la parole au moins. Et, par pitié, que Théodore reste le plus loin d'elle possible. Elle ne voulait rien avoir à faire avec lui.
Le logement était petit et vétuste mais peu cher au vu de son emplacement. Il se trouvait au premier étage et se composait d'une chambre, un salon et une grande cuisine. Il fut décidé que le salon séparé serait transformé en chambre et le tour était joué ! Le loyer et les frais qui y étaient relatif étaient tels qu'il lui restait tout juste de quoi payer à manger. A la fin du mois, elle n'avait plus rien. Mais c'était quand-même la liberté ! Et un vent nouveau soufflait en elle. Et elle développait cette étrange amitié avec Siegfried.
Ce qui était reposant avec lui, c'était qu'il n'y avait jamais eu une seule once ambiguïté dans leurs rapports. Lui, ne semblait être intéressé par rien d'autre que par les études. Il n'avait pas vraiment de passe temps : tout son temps était consacré au travail et elle ne savait pas si c'était Durmstrang qui l'avait rendu comme cela ou si c'était son caractère. Parfois, en lui, elle retrouvait la rigueur, pour ne pas dire la rigidité de Drago... Mais il manquait cruellement de la fantaisie dont pouvait faire preuve son ancien amant. Il avait un humour très premier degré auquel il n'était pas toujours facile d'adhérer et bien souvent l'ironie dont pouvait faire preuve Hermione tombait à l'eau. Ce n'était pas grave car en compensation il se montrait d'une profonde gentillesse désintéressée et d'une attention portée aux autres qui ajoutaient encore à la candeur de son esprit. Et puis... n'ayant plus autant de temps pour réviser qu'elle ne l'aurait voulu, il était d'une grande aide en lui prêtant ses fiches de révision...
