Hello !
Bonne année ! =)
Me voici de retour avec ce nouveau chapitre ! :) Je ne pensais pas publier "aussi tôt" ! x) Je crois que je vais trouver plus de temps pour m'investir dans l'écriture maintenant... On croise les doigts ! Je vais essayer de m'astreindre à une publication par mois... (Mais c'est loin d'être une promesse ! ^^) Quoiqu'il en soit, j'espère que ce chapitre vous plaira ! Bonne lecture ! :)
Maryssandra : Merci pour ta review et ta bienveillance, qui me met du baume au cœur ! J'espère que cette suite te plaira !
Ccassandre24 : Je suis vraiment heureuse de savoir que le chapitre précédent t'a plu ! J'ai beaucoup pensé à toi en écrivant celui-ci : j'ai bon espoir qu'il te plaise ! ^^ Et ça me touche vraiment que tu relises mon histoire ! A bientôt !
Ivy : Merci pour tes encouragements ! C'est vraiment gentil ! Promis ça ira de mieux en mieux pour nos personnages à partir de maintenant ! ^^
56- «Les pieds plongés dans la poussière d'un sol aussi désolé que ce ciel, ils cheminaient avec la physionomie résignée de ceux qui sont condamnés à espérer toujours.» («Chacun sa chimère», Baudelaire)
S'il y avait bien quelque chose qu'on ne pouvait pas retirer à Abigail, c'était bien sa persévérance. Elle était pire que la mauvaise herbe. Toujours elle repousse, jamais elle ne cède un morceau de terrain conquis. Et ce terrain, cette fois-ci, c'était Théodore et son amour.
Alors comme ça, il ne pouvait rien lui dire et ce secret les empêchait de vivre ensemble ? La solution était simple alors : il suffisait de percer le mystère par elle-même. Ainsi, de son côté, il ne trahissait rien, et elle, apprenait ce qui les détruisait de l'intérieur.
Mais par où commencer ? Faire un point sur ce qu'elle savait d'abord.
Elle sortit un carnet à la couverture de cuir, acheté exprès pour cette enquête qu'elle imaginait longue et fastidieuse. Elle sortit un stylo et commença à noter ses pensées.
Voyons... Elle savait... que c'était quelque chose en lui... Une sorte de handicap, d'anomalie qui les rendait différent, avait-il expliqué. Sur la page d'en face elle écrivit les questions que cela soulevait : Quelle anomalie ?
Évidemment, c'était le cœur du problème. Il allait falloir creuser autour. Cependant, elle n'avait absolument aucune piste. Elle savait seulement que ça ne s'aggraverait pas... que c'était anodin mais que c'était suffisamment important pour les pousser tous à mentir sans commune mesure.
Ainsi, ce n'était pas qu'il avait voulu lui cacher une maladie quelconque dont l'issue serait fatale ou dégénérative, craignant qu'elle ne l'abandonne face à la lourdeur du destin qui l'attendait. Elle nota : Pourquoi cacher quelque chose d'anodin ?
Elle avait emprunté, à la bibliothèque universitaire de médecine un de ces énormes dictionnaires sensés regrouper toutes les maladies connues mais d'une part, elle n'y comprenait rien et d'autre part elle ne connaissait absolument pas les symptômes. Jamais elle ne l'avait entendu se plaindre de quoique ce soit et jamais elle ne l'avait vu prendre un traitement... Alors, elle se sentit bien bête devant ses dix kilogrammes de papiers inutilisables.
Est-ce que c'était parce que son appartement était aménagé médicalement qu'il n'avait pas voulu lui montrer ? Mais ça n'avait pas de sens : tout le temps passé chez elle, il n'avait eu besoin de rien. Mieux : c'était lui qui faisait le ménage, la cuisine et le repassage : il était tout à fait apte à vivre seul dans un appartement normal.
Abigail écrivit alors sur la page des questions : Pourquoi cacher chez lui ? Peut-être se trouvait-il dans un endroit dont il avait honte ?
Il ne semblait pas terrassé par la pauvreté... Et cela ne devait pas lui faire honte, compte tenu du studio qu'il avait choisi pour éviter de lui montrer son réel appartement.
Peut-être était-il extrêmement riche ? Mais alors pourquoi aller dans une fac publique ? Pour changer d'air peut-être ? Elle l'imaginait alors sur le perron d'une maison immense avec tout un tas de gens à son service s'inclinant à son passage. Si c'était le cas, il s'était sacrément bien adapté, car il cuisinait merveilleusement bien et son repassage était impeccable.
Peut-être était -il le fils de personnes célèbres ? Abigail avait déjà fait des recherches concernant le nom Nott, après qu'il lui ait avoué qu'il y avait un secret. Rien n'était vraiment ressorti. Dans le journal local d'Ardwell, elle avait trouvé des avis de naissance et de décès en pagaille, rapportant d'ailleurs une mort souvent assez violente. Des accidents en tous genres, fauchant les membres de cette famille à des âges très variés. A croire que cette famille était maudite.
Mais à part ça, rien. Pas d'articles sur quoi que ce soit, à croire que les Nott étaient des gens qui se contentaient de naître et de mourir dans le Cumberland sans rien faire entre les deux.
Parmi tous ces avis, celui de la mort de sa mère, Imogène Nott, née le 17 mai 1970 à Iòannina, dans le Nord de la Grèce, et emportée par un mal inconnu le 23 décembre 1997 à Ardwell Park. Abigail imaginait sans mal le dépaysement que la jeune grecque avait pu ressentir en arrivant à Ardwell. Et peut-être qu'elle aussi, déracinée pour le Cumberland, se serait-elle, laissée mourir.
En revanche, elle ne trouva pas celui de son père. Elle n'y avait pas fait attention à l'époque mais aujourd'hui, cela pouvait être une piste supplémentaire... Le père de Nott était-il toujours vivant contrairement à ce que ce dernier avait pu lui affirmer ? Peut-être. Mais la recherche documentaire s'arrêtait là. Peut-être la mère de Théodore avait-elle porté le même mal, la même anomalie que son fils ? Et cela l'avait tuée...
Quoiqu'il en était, il apparaissait clairement à Abigail qu'elle était dans une impasse concernant la maladie, tant du côté du fils que de la mère. Il fallait qu'elle se concentre sur ce qui reliait le groupe d'amis ensemble. Comment se faisait-il qu'ils avaient tous les quatre la même anomalie ? Avaient-ils un lien de parenté ? Peu probable, mais il ne fallait exclure aucune piste pour l'instant.
Et cet internat où ils avaient vécu depuis leur onze ans ? Est-ce que c'était un établissement spécialisé pour les gens ayant cette anomalie ? Car c'était tout de même un hasard prodigieux que des personnes touchées par la même anomalie se croisent parfaitement fortuitement dans un obscur pensionnat, surtout si, à la base, ce devait rester secret.
Un jour, Théodore avait laissé entendre qu'ils se connaissaient d'avant... Est-ce qu'ils faisaient partie d'une communauté particulière qui partageait le secret ? Ce qui expliquait et l'internat et pourquoi ils étaient tous en couple ensemble, comme si le monde hors de cette communauté n'existait pas. Peut-être que Théodore avait voulu s'échapper de ça ? Malheureusement, il avait fini par se faire rattraper par son devoir.
Abigail frissonna. Peut-être était-elle en train de se faire un film toute seule... mais tout cela ressemblait fortement à un de ces thrillers qu'elle aimait tant lire.
Et c'était définitivement trop cool !
Voyons encore... Théodore n'avait rien voulu dire mais peut-être que les autres pourraient laisser échapper quelques informations ?
Alors, camouflée derrière l'identité de Gloria Williams, du service des bourses, elle entreprit d'appeler une à une les facultés de médecine, à la recherche de ce fameux Drago. Ne connaissant pas son nom de famille, elle prétexta avoir reçu un fichier à l'écriture illisible dont elle n'avait rien réussi à déchiffrer si ce n'est un prénom et le nom de la faculté... Elle espérait qu'un prénom comme celui-ci resterait gravé dans les mémoires des secrétaires et qu'elles sauraient la renseigner.
Hélas, elle ne trouva rien à Londres. Elle élargit alors ses recherches à l'ensemble de l'Angleterre... puis de Grande Bretagne... Mais rien. Toujours rien. Bon. Elle restait convaincu que "Drago" était son vrai nom : quitte à mentir, autant choisir quelque chose de plus banal, non ? Mais il avait dû mentir concernant ses études... Pourquoi ?
Elle procéda de la même manière avec Hermione, qui restait aussi un prénom rare mais de la même manière, elle fit chou blanc à la fac de droit. Elle ne se donna même pas la peine d'essayer de chercher Blaise et Pansy, dont les prénoms étaient beaucoup plus courants et puis... Si deux sur quatre mentaient, il y avait fort à parier que les autres aussi. Étrangement, Théodore était bien inscrit à la fac. Elle avait vu ses relevé de semestre. Pourquoi lui, avait-il pu dire la vérité sur ce point et pas les autres ?
Elle s'éparpillait. Il fallait en revenir au lien entre eux. Se renseigner sur ce pensionnat. Elle ne connaissait pas son nom... Mais il devait figurer dans le dossier d'inscription à la fac de Théodore. Ainsi que bien d'autres détails...
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Abigail poussait son chariot en bâillant. Le réveil à cinq heures du matin, c'était pas humain. Elle venait de terminer de nettoyer les toilettes de l'administration pour se rendre compte qu'une de ses collègues avait commencé la rangée des bureaux des secrétaires.
-Abigail ! Dépêche-toi ! Tu nous retardes ! Les premiers employés arrivent dans une demie-heure et tu n'as pas fait la moitié des bureaux !
Et ce disant, Linda entra dans celui de la secrétaire des étudiants de la faculté d'histoire, cible de l'apprentie femme de ménage.
Elle se retint de lever les yeux au ciel en soupirant : elle s'était imaginé réussir du premier coup mais malheureusement, le sort en avait décidé autrement... Demain, elle réussirait !
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Il était six heures. Réunion d'équipe.
-Abigail et Linda, vous vous occuperez du rez-de-chaussée.
-Je pourrais pas être avec Caroline plus tôt ? Se plaignit cette dernière.
-Tu m'as dit que tu ne voulais plus travailler avec elle parce que tu la trouvais hypocrite.
-Oui mais...
-Je vais aller plus vite cette fois-ci, promis ! coupa Abigail le cœur battant :
Linda regarda sa co-équipière d'un œil torve alors que la chef d'équipe s'éloignait discrètement pour se soustraire aux réclamations de ses sous-fifres.
Linda leva les yeux au ciel :
-T'as intérêt ! Commence par aller remplir mon seau d'eau : j'ai mal au dos.
Alors, la jeune fille se précipita vers leurs chariots malgré ses courbatures de la veille afin de remplir sa tâche avec zèle. Elle avait réussi à obtenir la zone qu'elle souhaitait : il fallait qu'elle la conserve !
Objectif du jour : être plus rapide que Linda pour pouvoir entrer dans le bureau convoité.
En passant énergiquement la serpillière sur le carrelage orange des toilettes des dames, la jeune investigatrice pestait : elle avait perdu de précieuses minutes pour recharger le papier toilette des hommes : avec ses gants, elle avait galéré à ouvrir le réservoir peint en blanc. Malédiction. Faisant une croix une nouvelle fois sur ses espoirs de pouvoir infiltrer le bureau aujourd'hui, il fallait au moins qu'elle rattrape son retard pour éviter la colère de Linda.
Lorsqu'elle sortit des toilettes, elle vit Linda traîner la poubelle de la fameuse secrétaire.
Si ce n'était pas pour aujourd'hui, ce serait pour lundi. Promis !
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Cette fois-ci, c'était la bonne ! Le vendredi était une journée calme et les locaux des toilettes avaient été rapides à nettoyer. Elle fit l'impasse sur le bureau de la secrétaire des étudiants de la fac d'anthropologie car, à temps partiel, elle était absente en fin de semaine. Elle passa rapidement dans celui de la secrétaire du département de sociologie... Puis le bureau de celui de psychologie... Qui était dans un était épouvantable ! On avait mangé sur le bureau sans retirer les miettes et il restait plein d'emballages qui n'avaient même pas été jetés dans la poubelle qui se trouvait à tout au plus un mètre du siège à roulette. Une honte ! Et elle allait perdre du temps ! Elle se fit plus rapide que l'éclair. Elle terminait de passer la serpillière quand elle entendit la clé entrer dans la serrure de la porte du bureau d'à côté. LE bureau !
Elle surgit d'un bond, ce qui fit sursauter Linda.
-Bah quoi ?
-Je vais le faire !
Devant le regard mi-incrédule, mi-méprisant de la quinquagénaire, Abigail se sentit obligée de se justifier.
-Je...
-J'irai plus vite que toi et on pourra partir plus tôt.
Et, sur ces mots, Linda fit mine d'entrer dans la pièce.
-Non ! Le... le... ton dos ! Pense à ton dos ! Ça ne doit pas être facile tous les jours ! Je vais le faire ! Tu n'es pas à cinq minutes près ! Mais ton dos en revanche...
Linda essaya de contenir un petit sourire de contentement : c'est vrai qu'elle avait mal au dos et enfin on la plaignait !
-Ah ça, c'est vrai que j'ai mal. Le kiné, il a dit que j'aurais toujours mal maintenant. «C'est votre scoliose» qu'il me dit. Je l'ai depuis mes onze ans. Et la nuit, je ne sais pas comment me mettre. J'ai des insomnies. Là où je suis le mieux c'est à mon fauteuil dans le salon. Mais mon mari il me dit «viens te coucher» mais moi je lui réponds à mon mari «laisse-moi, je suis bien sur mon fauteuil». Et des fois j'y dors dedans. Je vais m'asseoir là-bas. C'est gentil, hein.
Elle tourna alors les talons, poussant devant elle son chariot lourds de tous les produits ménagers et des ordures récupérées dans les poubelles.
Abigail médita un temps sur le témoignage de sa compagne, frissonnant en pensant à ce qui l'attendrait à l'approche de ses soixante ans. Mais ce n'était pas le temps pour ça ! Elle se ressaisit vite et poussa la porte du fameux bureau.
D'abord, nettoyer succinctement. Ensuite, fouiller. La pièce était très ordonnée et il fut facile de faire place nette. Elle cala le manche de sa serpillière contre le bureau et s'intéressa à l'armoire en fer au fond de la pièce et qui en occupait toute la largeur. Les petites clés avaient été laissées négligemment dans la serrure du rideau coulissant. Trop facile !
Elle ouvrit lentement les portes pour éviter de faire trop de bruit. Les dossiers d'inscriptions étaient là : à l'étage le plus bas. Tant mieux : si Linda revenait, elle pouvait toujours prétexter avoir fait tomber quelque chose.
Voyons... Murphy, Murray, Nash, Needham, Newton, Nguyen, Nixon, Norris, Norris, une deuxième fois, Norton... Nott ! Théodore Nott ! Il était bien inscrit à la fac, donc ! Plus de doutes possibles !
Fébrilement, elle retira le dossier et sortit de sa poche un appareil photo jetable. Voyons...
Sa fiche de renseignement... Thodore Thybalt Nott, né le 21 décembre 1980, domicilié à Ardwell Park... Rien de nouveau sous le soleil. Tiens : il n'avait pas renseigné son adresse actuelle... Ses bulletins... Aux résultats excellents, évidemment.
Et ses anciens bulletins... tout aussi excellents... qui provenaient d'un établissement nommé... Le Pensionnat du Lac, en Écosse. Pas d'adresse précise, juste une boîte postale à Londres... Étrange ! Ainsi, pas moyen de trouver l'endroit ! Enfin, une lettre de recommandation somme toute banale d'une certaine Minerva McGonagall, directrice de l'établissement... Nom bizarre !
Décidément, le mystère s'épaississait et Abigail se sentait arriver au bout de la piste. Comment faire pour trouver ce pensionnat au nom parfaitement banal dans toute l'Ecosse ?! Une aiguille dans une botte de foin ! Elle allait devoir passer au peigne fin une carte du pays... L'horreur ! Elle allait se bousiller les yeux ! Mais avait-elle seulement le choix ?
Elle prit en photo la lettre de recommandation et la fiche de renseignements à la va-vite car le temps passé dans ce bureau ne devait pas paraître trop suspect.
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L'appartement de Sevrus ne ressemblait pas à un appartement de Sevrus, ni à un appartement investi par un Malfoy. Tout y était trop confortable et pas assez austère.
-Comme tu le vois la cuisine est là ; là, la salle de bain, et au fond du couloir à droite, ta chambre, expliquait Drago d'un ton sec et nerveux en évitant son regard.
Peut-être regrettait-il son sauvetage ? Quoi qu'il en soit, Théodore n'était capable que de ressentir de la reconnaissance. Alors qu'il s'apprêtait à quitter la pièce, le blond s'arrêta. Même s'il était de dos, Théodore pouvait tout à fait deviner l'expression qu'il arborait. Une mine fermée légèrement teintée d'inquiétude, perceptible seulement pour ceux dont le regard était avisé.
Il n'y avait qu'une chose qui pouvait le retenir de quitter la pièce. Qu'une chose qui pouvait le consumer au point de lui faire ravaler sa rage. Et alors ce devait être en lui une véritable tempête de feu, un brasier infernal.
-Alors... Vous n'êtes pas ensemble ?
-Avec Hermione ? Non, soupira Théodore.
Ils y étaient.
-Nous n'avons jamais été ensemble, reprit le brun. Jamais.
Drago se redressa et croisa les bras contre sa poitrine. Il leva la tête pour regarder le plafond, sans doute en colère de ressentir cette joie ou ce soulagement en entendant cette réponse. Décidément, Théodore le connaissait par cœur.
-Pourtant... continua-t-il d'une voix qui se voulait assurée mais où l'émotion se glissait malgré tous les efforts, en un léger tremblement.
Théodore le coupa pour lui épargner de parler, ce qui semblait être particulièrement pénible pour le blond.
-Ce baiser était bête et absurde. Et... Je suis vraiment, vraiment, vraiment désolé d'avoir fait ça. Je m'en veux énormément... Et j'espère que tu me pardonneras un jour. Écoute : je n'ai jamais aimé Hermione et je ne pense pas qu'elle m'ait aimé un seul moment. C'est juste que... c'était dur, ce séjour.
-Elle ne m'aimait déjà plus.
-Tu sais, je ne pense pas que ce soit si simple...
Un grognement sceptique et Drago partit s'enfermer dans sa chambre.
Théodore ne put contenir un soupir. Au moins, ils parlaient.
Il s'intéressa à la vue offerte par le fenêtre. Il faisait noir et les habitants de l'immeuble en face avaient allumé la lumière. Une vaste cuisine éclairée par une lumière jaune et chaleureuse. Des ombres anonymes se tenaient dans la pièce. L'une d'entre elle était affairée devant ce qui devait être les fourneaux tandis que l'autre faisait les cents pas dans la pièce en agitant les mains devant elle, comme pour expliquer quelque chose.
Théodore sourit tristement: cela lui faisait penser à Abigail.
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Elle n'en pouvait plus ! Abigail s'étira en baillant et entendit son dos qui craquait : c'était tout ce qu'elle méritait après s'être penchée sur cette satanée carte de l'Écosse-la plus précise qui existait- tout un samedi après-midi. Elle avait quadrillé l'immense page, un centimètre sur un centimètre, et passait méthodiquement au crible chaque centimètre carré. Pour chaque commune, elle téléphonait à la mairie pour demander s'il existait un établissement nommé «Pensionnat du lac» dans la commune et, après qu'on lui ait répondu "non", elle barrait le carré légèrement au crayon à papier.
Elle devait en avoir fait les un petit quart... Sans résultat. A tous les coups, le pensionnat se trouvait dans le dernier petit carré, comme c'est souvent le cas. Alors, par acquis de conscience, elle s'intéressa au dernier carré tout en bas à droite de son quadrillage. Il n'y était pas. Elle soupira et reprit ses recherches.
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Elle y avait passé la semaine ! Vérifiant, revérifiant...mais elle n'avait rien trouvé. Ce foutu pensionnat était introuvable ! Ou alors... Il était caché ?
Non. C'était trop gros ! Cacher un pensionnat ! Pourquoi faire ? Dans quel but ? Elle devait se faire des idées... Et en même temps... C'était étrange de ne pas donner l'adresse du lieu-dit, obligeant le personnel à venir à Londres, c'est à dire traverser dans sa longueur l'île Britannique pour aller chercher son courrier ! Ça n'avait pas de sens ! En tous cas, c'était très suspect... Et un pensionnat qui voulait autant se faire discret avait de grandes chances d'être un lien avec le secret.
Mais sans savoir où il est, comment poursuivre les recherches ? Partir à la quête d'autres élèves ? Elle n'allait quand même pas écumer tous les dossiers d'inscription des universités anglaises ! Chantier colossal pour une chance trop infime de réussir.
Écrire au pensionnat alors ? Et pour leur demander quoi ? «Bonjour, Je sais que vous cachez quelque chose. Dites-moi ce que c'est, s'il vous plaît. Bisous.»
Une idée traversa l'esprit d'Abigail et fébrilement et se saisit de brouillon :
«Madame Macgonagall,
Un de vos ancien élève m'a dit le plus grand bien de votre Pensionnat du lac...»
Nommer ou pas Théodore ? Non : même si elle perdait en crédibilité, il ne fallait pas le mettre en porte à faux.
«...Et je souhaiterais y inscrire ma fille dès la secondary school. En effet, cette dernière a d'excellent résultats et rêve de devenir une brillante»... «avocate. Aussi, serait-il possible de convenir d'un rendez-vous, s'il vous plaît ? Je suis à votre entière disposition. N'hésitez pas à m'écrire à l'adresse suivante : Mme Abigail Peterson,
33 Stanhope Road
Slough
Bien cordialement,
Mme Peterson»
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Le flegme de Minerva ne réussit pas à réprimer le frisson qu'elle ressentit lorsqu'elle reçut cette étrange lettre. En cinquante ans de carrière, jamais elle n'avait vu quelque chose de semblable. Une demande d'inscription moldue ! Cela voulait dire qu'un moldu connaissait l'existence de Poudlard. Ça ne devait pas poser problème si le moldu en question avait un enfant sorcier mais ici, mais il ne s'agissait pas de cela : une moldue connaissait l'existence de Poudlard et s'y intéressait de près sans y avoir été autorisée par les Oubliators ! Et bien que cette Abigail Peterson ignorât encore ce que ce «pensionnat» du lac enseignait, Minerva craignait qu'elle n'en sache déjà trop...
Mais qui pouvait être ce crétin d'ancien élève ?!
-Et voilà que les moldus viennent s'inscrire eux-mêmes à Poudlard... C'est vraiment la débandade... Soupira Phinéas Black dans son portrait.
Et seul Merlin pouvait savoir à quel point Minerva regrettait de ne pas l'avoir en face d'elle en chair et en os pour pouvoir lui jeter personnellement un sort redoutable inspiré sur le moment. Il n'aidait vraiment pas.
Quoi qu'il en soit, elle devait avertir le bureau de désinformation et le service des Oubliators. Qu'ils enquêtent sur cette Moldue un peu trop perspicace et son ami sorcier un peu trop bavard.
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Après deux semaines, Abigail n'espérait plus de réponse : après tout, si le pensionnat était en lien avec le secret, ils n'allaient pas vouloir d'une intruse. Il fallait voir cette lettre comme une sorte de bouteille jetée à la mer... Et gobée par un poisson. Au moins, elle avait essayé ! En attendant, il fallait suivre d'autres pistes. Elle avait épuisé le filon du pensionnat... épuisé celui de la maladie...
La jeune femme se replongea dans ses souvenirs de la soirée qu'elle avait passé à l'appartement de Lydia avec les cinq «anormaux». Il y avait eu plusieurs flottements. Sur le moment, elle leur avait trouvé des excuses mais désormais, elle était convaincue que leurs approximations n'étaient plus tant causée par la fatigue que par autre chose.
D'abord, des premières années de médecine qui font des gardes. Drago avait essuyé les plâtres en expliquant que c'était un programme de formation innovant mais elle avait vérifié : aucun système de la sorte n'avait été mis en place au Royaume Uni. Ainsi, non seulement le blondinet avait menti sur ses études, mais en plus il n'avait aucune connaissance du cursus normal en médecine. Or, il fallait vraiment vivre dans sa grotte pour ne pas savoir qu'on ne confie pas des gardes à des personnes qui n'ont fait qu'un ou deux mois d'études !
Il y avait d'autres choses qui pouvaient aller dans le sens de «la grotte». Blaise, qui ne connaissait pas l'expression «ce n'est pas sorcier» ou encore le regard curieux de Pansy en découvrant le micro-onde... Bon, c'était peut-être léger mais l'hypothèse de l'autarcie plaisait bien à Abigail et restait cohérente avec ce pensionnat perdu dans les Highlands ou elle ne savait pas trop où... Au moins aussi paumé qu'un manoir dans le Cumberland...
Et puis... il y avait ce mot prononcé par Pansy et qui les avait tous fait se pétrifier sur place comme s'il s'agissait d'un mot interdit. Drago avait réussi à arrondir les angles en transformant le mot en «moldave»... C'était... c'était... Moldi ? Non. Mol... Moldu ? Oui, c'était ça : moldu. «En partenariat avec une école Moldue». Que pouvait bien dire le mot «Moldu» ? Elle chercha dans le dictionnaire, en vain. Est-ce que c'était un mot propre à leur groupe ? Un mot que seul eux utilisaient ? Et qu'il était important qu'elle ignore, visiblement, puisqu'il avait été grossièrement transformé en «moldave»...
Mais que désignait-il ? «Une école de commerce en partenariat avec une école Moldue». Ainsi il y aurait au moins deux types d'école ? Une «moldue» et une «pas moldue» ? Pourquoi le préciser ? A qui se destinait cette information répétée par automatisme ? Aux «pas Moldus» sans doute, qui ont leur propre école de commerce...
Ainsi... ceux hors de leur communauté seraient les «moldus»... Et ceux ayant l'anomalie seraient les «pas moldus» ?
Et ce pensionnat serait donc une école pour «non-moldus». Tout s'imbriquait si bien ! Si seulement elle savait ce qu'était cette anomalie !
Mais s'ils avaient une école de commerce et peut-être une faculté de médecine qui fonctionnerait différemment que celle moldue, et un système judiciaire (car, après-tout, peut-être que Drago, Blaise et Hermione n'avaient pas menti directement concernant leurs études), alors c'était d'une société toute entière dont il s'agissait. Une société parallèle ! Et non pas une simple communauté isolée comme elle s'était imaginée au départ. Peut-être à Londres même !
Un vertige prit Abigail et elle fut forcée d'arrêter la rédaction de son chemin de pensée dans son petit cahier. Elle releva la tête pour regarder par la fenêtre du train de banlieue qui la ramenait à Slough.
Une société parallèle, bon sang ! C'était tout simplement dément ! Mais il fallait plus de preuves. Tout cela n'était que pures déductions et elle avait du mal à y croire. Cependant, elle ne put s'empêcher de devenir suspicieuse. Combien pouvaient-ils être ? Une centaine ? Un millier ? Plusieurs milliers ? Un million ?! Et s'ils étaient autant, où cachaient-ils leurs infrastructures ?
Quoi qu'il en soit, elle avait fait une erreur en écrivant cette maudite lettre. Elle venait de leur avouer qu'elle cherchait des renseignements et s'ils étaient capables de s'organiser au point d'avoir des tribunaux, des hôpitaux, une économie propre et une école... alors sans doute avaient-ils une police ou un organisme quelconque qui s'occupait de garder le secret...
Son rythme cardiaque s'accéléra et elle dut essuyer une bouffée de chaleur provoquée par le stress. Ce qu'elle avait été imprudente ! De la bêtise à l'état pur !
Elle devait rentrer chez elle et s'y enfermer. Alors, elle commença à détailler chaque usager du train. A l'autre bout de la rame, un homme qui l'avait regardé furtivement. Roux à la moustache broussailleuse et à l'imperméable clair tâché de gras, il ne payait pas de mine... Alors, peut-être fallait-il doublement se méfier. Il tenait quelque chose à l'intérieur de son manteau. Un pistolet ?! Ah non, juste un sandwich que désormais il dévorait goulûment.
Ne pas sombrer dans la paranoïa. Cette hypothèse de société parallèle était parfaitement tordue, voire loufoque. Si elle devait la raconter, on la prendrait tout simplement pour une folle. En bonne journaliste à l'esprit scientifique entraîné, elle savait que désormais, elle devait chercher les failles de son modèle. Se prouver à elle-même qu'elle avait tort. Faites qu'elle ait tort ! Car si cela était vrai, tout cela était tout simplement glaçant.
Et pour trouver des preuves, elle n'avait plus le choix : elle allait devoir aller sur le terrain. Pas en Écosse. Mais dans le Cumberland. Il y avait un manoir là-bas qu'elle savait inhabité et qui devait receler moult indices... C'était sa dernière chance pour trouver quelque chose.
