Printemps, jour 1
On était au début du printemps, et la nature était luxuriante à Pelican Town. Les oiseaux s'égosillaient tout autour du blond et tout lui semblait plein de vie. Mais Naruto n'eut pas le loisir d'observer plus en détail les alentours car il n'était pas seul à l'arrêt de bus. En effet, un homme était de toute évidence venu l'accueillir. Grand et musclé, il arborait des cheveux d'un noir de jais et des yeux tout aussi noirs soulignés de cernes marquées. Il portrait un pantalon vert kaki rentré dans de lourdes bottes, et une chemise à carreaux dépassait d'un gilet sans manches. Il s'avança vers le blond et lui sourit en lui tendant une main aux ongles vernis de noir.
- Bonjour, je suis Itachi Uchiha, le charpentier du coin. Le Maire Sarutobi m'a envoyé te récupérer. Je vais te conduire à ton nouveau chez toi. Il nous attend là-bas, il a tenu à préparer un peu les lieux pour ton arrivée. Personne n'avait mis les pieds à la ferme depuis des années.
Naruto salua chaleureusement à l'homme, touché qu'il ait pris la peine de venir le chercher, et attrapa sa main, la serrant fermement tandis qu'un sourire s'épanouissait sur son visage sans qu'il ne puisse le retenir. Il se demanda depuis combien de temps il n'avait pas parlé avec un autre être humain pour autre chose que le travail ou le paiement de son loyer, et il préféra ne pas répondre à cette question. Il passa son autre main dans ses cheveux blonds en désordre et remercia le brun.
- Je suis Naruto Uzumaki, enchanté! J'espère que je ne vous ai pas causé de soucis, je dois dire que je suis parti sur un coup de tête.
Il lâcha la main du charpentier et se gratta la joue, sentant les fines cicatrices qui les barraient du bout du doigt, un peu embarrassé, réalisant soudain qu'il avait peut-être fait mauvaise impression à ces gens avant même de les avoir rencontrés. Il s'apprêtait à s'excuser, la peur de se retrouver seul une fois de plus lui tordant l'estomac, mais Itachi s'avança vers lui avec un sourire amical et lui posa une main sur l'épaule.
- Pas de problème, c'est vrai qu'on a été un peu surpris, mais tout le monde au village est très heureux de voir la ferme reprendre du service. Il y a beaucoup de boulot pour la remettre en état, mais je suis sûr que tu t'en sortiras comme un chef. Bien, assez bavardé, Sarutobi nous attend. Suis-moi, c'est par là.
Le charpentier - Itachi - s'élança sur le chemin, ignorant le bus qui repartait en pétaradant sur la route abimée. Il emprunta un petit sentier de terre mangé par les herbes folles. Il ne fallut pas longtemps pour que Naruto apperçoive la ferme… SA ferme. Un terrain s'étalait devant lui, totalement envahi par les herbes, les ronces, et dieu seul savait quoi d'autre.
- Nous y voilà, la Ferme de Konoha, énonça Itachi en montrant le bâtiment à la peinture défraîchie et écaillée. Comme je te le disais, c'est un peu en mauvais état, mais il y a de la bonne terre sous tout ce bazar. Un peu de bonne volonté et tu auras nettoyé tout ça en un rien de temps! Il y a de vieux outils stockés quelque part, tu devrais trouver tout ce qu'il te faut pour déblayer tout ça.
Naruto haussa un sourcil aux mots du charpentier, car il allait falloir un peu plus que de la bonne volonté pour nettoyer. Le terrain qui s'étalait devant lui était très probablement de la bonne terre, mais il était totalement recouvert d'herbes, de ronces, de vieux bois pourri et de cailloux. Des arbres avaient poussé partout, et il régnait un tel capharnaüm qu'il en était épouvanté. Voyant son air dépité, Itachi se détourna du terrain en friche et montra la maison, espérant visiblement pouvoir changer de sujet rapidement.
- Et voici ta nouvelle maison! s'exclama-t-il avec enthousiasme.
Itachi posa une main dans son dos pour le guider vers le porche quand la porte s'ouvrit, laissant place à un homme âgé au menton orné d'une barbiche grise. L'homme portait un beret marron, une chemise verte impeccable et un pantalon maintenu par une paire de bretelles. Une cravate d'un jaune criard complétait le tout. Il sourit aux deux hommes et s'approcha pour saluer Naruto.
- Voilà donc notre nouveau fermier! Bonjour, je suis Sarutobi, le maire de Pelican Town. Tout le monde ne cesse de poser des questions à ton sujet depuis que j'ai annoncé ton arrivée. Il faut dire que ce n'est pas tous les jours qu'une nouvelle tête fait son apparition. C'est même un sacré évènement!
Le maire se détourna pour contempler le bâtiment, et on pouvait voir dans ses yeux les souvenirs qu'il avait de l'endroit à l'époque où Jiraya était encore en vie. Une ombre de tristesse passa dans ses yeux, et il avala péniblement sa salive, mais se ressaisit vite et fit de nouveau face à Naruto.
- Alors comme ça tu emménages dans la ferme du vieux Jiraya… C'est un bel endroit. Très… rustique?
- Rustique? répéta Itachi avec un sourcil levé. C'est une façon originale de présenter les choses. "Délabré" serait plus juste…
- Mais pas du tout! s'offusqua Sarutobi. Ne l'écoute pas petit, il essaye juste de te démoraliser pour mieux te vendre ses services, il est notre charpentier après tout.
Itachi ne répliqua pas, mais Naruto nota qu'il ne démentait pas non plus. L'homme se détourna, faisant mine d'examiner les piliers soutenant l'avant toit sur la terrasse tout en marmonant.
- Quoi qu'il en soit, tu dois être épuisé par le voyage. Prends le temps de te reposer un peu. Demain, tu devrais venir voir à quoi ressemble la ville et te présenter. Ça fera plaisir à tout le monde, j'en suis sûr. Et bien, bonne chance!
Itachi et Sarutobi prirent congé, laissant Naruto seul devant la ferme. Décidant d'ignorer volontairement l'extérieur pour l'instant, il pénétra dans la maison, faisant craquer le bois de la porte et grincer les gonds, qui s'activèrent dans une pluie de rouille. Le blond arriva dans une pièce innondée de lumière, et il trouva les volets et les fenêtres ouverts. Il remercia silencieusement Sarutobi d'avoir pensé à aérer l'endroit avant son arrivée. Curieux, Naruto déposa son sac et s'avança. Une cuisine ouverte équipée de l'essentiel donnait sur une pièce de vie lumineuse dans laquelle trônait une télé d'un autre temps et un fauteuil au cuir craquelé. Un lit simple était poussé contre un mur dans un coin de la pièce, qui servait donc également de chambre. L'unique porte de la pièce donnait sur une salle de bain vétuste. L'eau du lavabo chariait de la rouille mais heureusement l'eau de la douche était claire. Une machine à laver qui avait l'air plus vieille que lui prenait l'essentiel de la place, et contre toute attente, elle s'alluma quand Naruto pressa le bouton d'alimentation. C'était sommaire, mais c'était déjà plus grand et sûrement en meilleur état que l'appartement miteux qu'il avait quitté le matin même. Il déposa son sac sur le lit poussiereux, remonta les manches de sa veste orange et se mit en quête d'un balai, d'un seau et d'une serpillère.
Le nettoyage l'avait occupé jusqu'à la tombée de la nuit, mais il n'y avait plus une toile d'araignée dans la pièce. Le sol ne brillait peut-être pas, mais il était propre, et des draps fraîchement lavés finissaient de sécher à l'extérieur dans l'air frais du printemps. Fier de lui, il s'apprêtait à se laisser tomber dans le fauteuil en cuir quand son estomac se rappella à lui dans un gargouillement tonitruant. Il n'avait rien mangé de la journée et il était affamé.
Sans trop y croire, il ouvrit les placards de la cuisine. Les deux premiers étaient vides, mais il tomba finalement sur de la nourriture en ouvrant le troisième.
- Bingo! s'écria-t-il joyeusement, heureux de ne plus avoir à se soucier de déranger ses voisins.
Il se mit sur la pointe des pieds pour examiner de plus près sa trouvaille, mettant le nez dans le placard. Quelques boîtes de conserve trônaient devant lui, bien alignées, accompagnées de deux paquets de biscuits, d'un pot de confiture et de plusieurs paquets de nouilles instantanées. Un petit mot gribouillé à la main était glissé entre les deux paquets de biscuits.
"En attendant de pouvoir faire quelques courses en ville. Sarutobi"
Naruto remercia le vieil homme et, un grand sourire aux lèvres, il mit de l'eau à bouillir et attrapa un paquet de nouilles dans le placard. Une fois prêtes, il les versa dans un bol ébréché qui avait réussi à dénicher, prenant garde à ne pas se brûler, et sortit pour s'asseoir sur les marches du porche. Il dévorra son dîner, profitant du calme et regardant les étoiles. Dans l'obscurité, il ne voyait plus le terrain envahi par les herbes de la ferme, et c'était très bien. Il serait bien temps de s'en préoccuper le lendemain.
Une fois son repas englouti, il resta là, contemplant le ciel nocturne, avec pour seule compagnie le vrombissement de quelques insectes et les battements d'ailes de chauves-souris.
Pour la première fois depuis bien longtemps, il se sentait heureux et libre. Mais il était toujours seul.
