QUI LAISSE UNE TRACE, LAISSE UNE PLAIE
(avril 845)
Livaï

Visiblement, je suis pas le seul à faire des cauchemars ; Erwin et Greta aussi ont pas arrêté de se retourner toute la nuit, si bien qu'ils m'ont même passé l'envie d'essayer de dormir. Gelgar par contre en a écrasé jusqu'au matin, et il était à peu près frais. C'est donc pas le vin. J'ai un mauvais pressentiment...

Nous galopons tous en phase deux, le regard mobile et portant au loin, en direction de notre prochain point de ralliement. Je connais pas du tout les lieux alors je m'en remets aux autres. Des collines où l'herbe commence à pousser verte, des bouquets d'arbres à moitié dénudés... pas grand chose pour se cacher. J'aperçois des titans au loin, qui passent sans nous voir. Erwin nous a ordonné de rester près du chariot de tête, tandis que la bigleuse se charge de l'autre. Une escouade de bleus est restée en arrière, nous sommes trois maintenant.

La nouvelle avance en parallèle à nous, et je remarque de nouveau ce jeune, Emmerich, qui me fixe avec intensité par-dessus le chariot. C'est très gênant... J'ai l'impression qu'il attend quelque chose de moi. Il veut que je le félicité ou ?... Erwin s'en est chargé déjà, ça devrait lui suffire. Mais non, il arrête pas de me coller depuis le jour où je suis revenu de la cité industrielle ; il rate pas une occasion de se poster là où il faut pour être vu ou entendre ce qu'on raconte. Faut dire qu'il a du cran, je l'ai observé se battre hier, il a pas hésité une seconde.

Mais ça commence à me gonfler, son regard fixe, alors j'échange ma place avec Greta. A l'extérieur de la colonne, je peux laisser mes pensées vagabonder un peu et regarder le paysage. J'y peux rien, à chaque fois, j'imagine qu'on va tomber sur l'océan... C'est stupide, Erwin le saurait. Non, ce décor est monotone à mourir... J'ai presque envie d'une bonne bataille.

Le pas de ma jument change, elle porte son poids sur ses antérieurs : on descend des collines dans une petite vallée. Ce qui signifie qu'on sera visibles pour nos ennemis. Mike me glisse que si nous avions continué, nous serions allés trop au sud-ouest, et on ne sait pas ce qu'il y a là-bas. J'enclenche mes lames et continue de tirer sur mes rênes tout en tenant mes épées prêtes au cas où. Tout le monde fait pareil. Nous ralentissons le pas, pour réserver nos montures et les faire détaler en cas de besoin.

Ma jument souffle fort. J'ai remarqué que nos chevaux ont presque autant de nez que Mike quand il s'agit de deviner la présence des titans. Mais Mike fait mieux : le visage levé, il sait dans quelle direction ils se trouvent et à quelle distance. Il suffit de le regarder. Quand il hoche la tête vers Erwin, je sais qu'on doit faire gaffe. C'est très utile quand la visibilité est quasi nulle.

On entre dans un espèce de défilé entre deux hautes collines, presque des falaises. J'ai les yeux levés vers le ciel, dans l'attente qu'un déviant nous tombe dessus. Ils en seraient bien capables, ces tarés... Le moindre bruit est un indice a prendre en compte ; même quat'z'yeux a arrêté de parler...

Le sol tremble... Je le savais. Mike hoche la tête, et Erwin nous met en position. Le major passe en phase trois et nous suivons le mouvement, voulant à tout prix sortir du défilé pour livrer bataille. Mais c'est trop tard. Une gigantesque masse noire s'élance dans les airs au-dessus de nous ! Il faut pas qu'il atterrisse sur les chariots !

Le premier titan fait un vol plané vers nous mais la marge de manoeuvre est mince. Il dégringole dans le défilé, la tête la première et se retrouve coincé en travers de la route ; les lignes arrières ne peuvent plus avancer ! Le titan essaie de se relever mais il a beau ne pas être grand, il a pas assez d'espace. Il bat des bras vers nos camarades, un rictus figé sur sa face déformée, comme s'il réclamait qu'on l'achève. Il arrive à attraper un cheval avec son cavalier avant qu'il n'ait le temps de réagir et s'apprête à les enfourner. J'ai bien envie d'y aller mais je suis pas tout à côté...

La nouvelle escouade entre en action. Emmerich, et un autre que je connais pas, fondent les premiers sur la main mortelle qui tient l'explorateur hurlant, un autre sur la nuque en tournant deux fois autant que possible pour l'atteindre. Le bras géant retombe et ne tarde pas à se disperser au vent. Les recrues remontent à cheval et reprennent leur place, tout en restant prêtes à intercepter un autre assaillant.

Nous continuons à avancer derrière le major avec le premier chariot, mais je reste tourné pour regarder ce qui se passe. le cortège ne tarde pas à reprendre sa route, et finit par nous rattraper. Mais c'est pas fini : une bras horriblement maigre et allongé se tend vers nous depuis les hauteurs et manque agripper Greta. Elle se baisse juste assez pour l'éviter, mais cette fois Erwin nous donne l'ordre d'intervenir. Il fait bien car un autre bras squelettique se présente, tout aussi avide, les doigts comme des os, et réduit ma cape en lambeaux. Ah, non, ça, ça passe pas. J'y tiens à cette cape, bon sang !

Greta, Mike et moi jaillissons du défilé, les câbles accrochés aux rebords, et fondons sur nos ennemis. Ils sont vraiment horribles, avec leur tête comme un crâne... Leur bouche est un gouffre, et je commence par taillader la mâchoire du premier - celui qui a encore des débris de tissu vert dans ses ongles. Je jette un oeil en contrebas, et repère le convoi qui file en-dessous, très rapidement. Erwin et Steff se portent en avant car les silhouette d'autres titans se pressent près du défilé. Ils se croient au marché, ou quoi ? Je distingue la sortie du défilé, encore loin. Bon sang, pourquoi on est passés par là ? C'est un vrai piège ! Je suppose qu'il n'y avait pas le choix...

Ils vont pas y arriver à deux ! L'escouade de recrues a beau se presser pour les aider, Erwin et Steff vont essuyer le gros de la bataille ! Et quand je regarde vers le nord, c'est l'escouade d'Hanji que je vois en difficulté, d'autres mochetés sont en train de les choper ! Merde ! Qu'est-ce que je peux faire ?! Déjà me débarrasser de ces deux-là ! Mike, laisse-moi celui-là et dès que tu as fini, va aider la bigleuse ! Moi, je retourne à l'avant !

Greta achève le dernier et je prends même pas le temps de remonter à cheval ; j'utilise les câbles pour parcourir le défilé - Erwin va me tuer s'il s'en rend compte - et tombe directement sur la nuque du premier titan qui se présente. Même Shadis est obligé de mettre la main à la pâte et de couper des jambes pour pas se faire piétiner. Le chariot de réappro est cerné par les pieds des titans qui essaient d'entrer dans le canyon. Je réussis à atteindre Erwin dans la mêlée et lui gueule qu'il faut tout de suite se tirer de cette souricière avant de se faire bouffer ! Il me hurle en retour que pour ça, il faut déjà se débarrasser de ceux-là. Bordel, Hanji et les jeunes ne vont pas tenir longtemps derrière ! Et on peut pas se battre correctement avec ce terrain merdique !

T'en es où, Mike ?!