Venir en aide

Hermione Granger, treize ans, bientôt quatorze, avait mis près de deux ans pour mettre son plan au point. Deux années où elle avait été convaincue de l'absurdité du monde sorcier qu'elle avait intégré à ses onze ans. Ou plutôt, du côté britannique du monde sorcier. Le fait que Dumbledore dirige leurs pensées les plus intimes depuis qu'il a soi-disant vaincu Grindelwald ne devait pas y être étranger …

Les événements concernant la pierre philosophale l'avaient convaincu de se dépêcher. En effet, quand elle avait raconté son année à ses parents, son père, Malcom, qui avait son doctorat en psychologie, était persuadé que si d'autres aventures du même genre arrivaient à Harry les prochaines années, il ne serait pas surprenant qu'il devienne névrosé à l'âge adulte, au minimum, voire avant. Une collègue en médecine pédiatrique leur avait confirmé d'après une photo du jeune homme et de ses parents que sauf maladie de longue durée, elle ne serait pas étonnée que le jeune Harry Potter n'ait pas bénéficié des soins minimaux au sein de son foyer.

Quand Hermione retourna à Poudlard pour sa deuxième année, elle fut donc chargée d'une mission difficile mais d'une importance capitale : faire parler Harry sur ce qu'il vivait chez sa tante et son oncle. Ce ne fut pas facile – surtout avec Ron qui collait le brun comme un pot de colle – mais un soir, alors que quelques jours plus tôt, toute l'école avait découvert qu'il était fourchelang, il avait craqué. La brune n'était pas fière mais elle avait enregistré les confidences de son ami sans qu'il ne le sache et avait envoyé le magnétophone et une copie de la cassette à ses parents dès le lendemain matin.

Les aveux de l'adolescent avaient été déchirants mais c'était tout ce qu'il fallait pour que le couple Granger enclenchent les procédures. Ils avaient pris soin de déposer leur signalement dans un poste de police plus important que celui qui gérait la ville de Little Whinging et de rappeler que d'autres signalements, du propre aveu de la victime, avaient été faits mais classés sans suite alors que l'enfant semblait toujours mort de faim et habillé avec des vêtements bien trop grands pour lui alors que son cousin, vivant sous le même toit pourtant, portait des vêtements à la dernière mode.

L'enquête avait duré des mois et visiblement, les voix des instituteurs de l'école du village s'étaient libérées. Celles et ceux qui avaient été renvoyés pour s'être mêlés de la vie des Dursley n'avaient pas hésité à révéler ce qu'ils avaient vu et leurs soupçons, impliquant également le chef de la police locale qui était un grand ami de Vernon Dursley.

Tant et si bien que quand Hermione et Harry descendirent du train à l'issue de leur deuxième année, les services sociaux avaient pris la décision de placer Dudley Dursley et Harry Potter dans des familles d'accueil.

-Pardon ? hoqueta Harry

Ne tenant pas compte de Dudley qui se roulait par terre depuis qu'il avait compris qu'il ne retournerait pas chez ses parents cet été, Harry assimilait avec difficulté que les Dursley étaient sur le point de répondre de leurs actes à son encontre. Oui mais voilà, il ne pouvait pas prendre une chambre d'hôtel pour les deux prochains mois, les services sociaux préféraient l'avoir sous les yeux jusqu'à ce qu'il retourne dans son école privée à l'autre bout du pays. De toutes les façons, il n'avait clairement pas envie de retourner dans le monde sorcier, tout le cirque concernant l'héritier de Serpentard l'avait dégoûté pour un bon moment.

-Est-ce que je ne pourrais pas aller chez des amis ? demanda Harry, qui gardait quand même la tête sur les épaules

-Ce n'est pas impossible, fit l'assistante sociale. A qui penses-tu ?

-A ma meilleure amie, Hermione Granger, répondit Harry. Ses parents sont dentistes, je crois. J'ai son numéro.

Il fouilla dans son sac à dos et feuilleta un petit carnet.

-Le voici, fit Harry en lui indiquant une feuille précise.

-Merci, fit l'assistante sociale en le recopiant. En attendant d'avoir leur réponse, ton cousin et toi allez être installés dans un foyer pas très loin.

-Je pense que tante Marge serait ravie de s'occuper de Dudley, grimaça Harry.

-Tante Marge ? releva l'assistante

-La sœur d'oncle Vernon, Marjorie Dursley, répondit Harry. Elle adore Dudley mais pas moi.

-Je vais le lui proposer, fit l'assistante en notant cela dans le coin de sa tête.

Elle regarda Dudley qui était toujours en train d'hurler, cette fois parce qu'il n'avait pas de glace.

-Est-ce qu'il est toujours comme ça ? demanda l'assistante sociale

-Dudley ? sourit mystérieusement Harry. S'il n'a pas ce qu'il veut dans la minute, oui.

-D'accord, fit lentement l'assistante sociale, des questions plein la tête. Allons-y.

§§§§§

-Harry !

Hermione se jeta dans les bras d'Harry et le serra dans ses bras.

-Merci d'avoir accepté de m'accueillir pour l'été, souffla Harry, appréciant l'étreinte à sa juste valeur.

-Il était hors de question que tu ailles n'importe où, renifla Hermione. Allez viens, on va t'installer à la maison.

Quand les services sociaux avaient contacté les Granger, ces derniers avaient immédiatement accepté d'héberger Harry le temps que le cas des Dursley soit statué. Ils n'avaient pas tardé à se rendre à Londres pour récupérer l'adolescent qui avait passé une nuit difficile, si on se fiait aux bleus qui finissait de se former sur ses bras.

-Sortons d'ici, fit Helen Granger. Nous avons plusieurs choses à faire avant d'aller déjeuner.

Malcom termina de signer les documents leur permettant d'accueillir Harry Potter chez eux puis tous les quatre quittèrent le foyer. Ils s'installèrent dans un salon de thé non loin pour établir leur planning pour les prochains jours autour d'une tasse de thé et d'une bonne part de gâteau.

-Nous allons commencer par faire un tour à Gringotts, déclara Helen. Je doute que tu aies de l'argent de poche et connaissant ma fille, tu vas vadrouiller en ville avec elle et elle va te convaincre de tout acheter.

-D'accord, sourit Harry.

-Du peu que ce qu'Hermione nous a raconté sur ce qui s'est passé cette année, nous n'irons pas sur le Chemin de Traverse, assura Malcom.

-Mais Gringotts s'y trouve, fronça des sourcils Harry.

-Il y a un accès direct de la banque dans le monde normal, assura Hermione. Les gobelins ont toujours pensé à ceux qui n'étaient pas nés dans le monde sorcier et ont aménagé des entrées spécifiques.

Harry nota dans un coin de sa tête que la façon dont Hermione avait prononcé pas nés dans le monde sorcier englobait plus que les mots prononcés et se promit de l'interroger plus tard.

-Autant te le dire tout de suite, grimaça Hermione. Tu te souviens de ce que tu m'as confié quand on a su que tu parlais fourchelangue ?

-Oui, soupira Harry.

Ce n'était pas un bon souvenir et il pesait ses mots.

-J'ai enregistré toute la conversation sans que tu ne le saches avec un magnétophone, avoua Hermione. Ensuite, je l'ai envoyé à mes parents et c'est grâce à ça que ta tante et ton oncle sont devant la justice.

Harry soupira plus lourdement. Il y avait bien longtemps qu'il savait que les comportements de Pétunia et de Vernon Dursley à son encontre n'étaient pas normaux mais il avait toujours cru qu'il devrait attendre son dix-huitième anniversaire pour révéler ce qui se passait exactement derrière les murs du 4 Privet Drive. Pire, les parents d'Hermione – et Hermione elle-même – étaient les seuls qui s'étaient doutés de quelque chose et qui n'avaient pas détourné les yeux parce qu'on leur avait assuré que c'était normal. Mais même s'il s'agissait de confidences faites à sa meilleure amie, justice se faisait enfin pour lui, même si ses plus sombres secrets allaient être dévoilés.

-Merci, souffla Harry. De toutes les façons, avec ce qui se passe dans le monde sorcier, je commence à avoir l'habitude que ma vie privée soit révélée contre mon gré. Au moins, ici, c'est réellement pour ma sécurité, pas pour qu'on puisse me cracher dessus.

Le regard d'Hermione lança des éclairs, outrée par tout ce par quoi son ami avait dû passer sans que les professeurs et le directeur en tête – qui déclarait pourtant avoir les meilleurs intérêts d'Harry à cœur – ne lèvent le petit doigt pour faire cesser les calomnies.

-Au fait, je pensais que les objets électroniques non magiques ne fonctionnaient pas à l'école, s'étonna Harry.

-Je le pensais aussi, jusqu'à ce que pendant mes vacances en France, je découvre la technomagie, ricana froidement Hermione. Visiblement, le reste du monde a compris qu'il fallait compter avec toutes les évolutions de ce monde et s'est adapté également. Je t'expliquerai tout à la maison.

-Est-ce que tu es d'accord avec le programme ? demanda Helen

-Oui, madame, répondit Harry.

-Appelle-nous par nos prénoms, autorisa Malcom. Tu seras largement plus à l'aise.

-Merci mon … Malcom, se rattrapa Harry.

§§§§§

-Eh, mec ! Pourquoi tu n'es pas venu à la maison ?

-Bonjour Ron, salua froidement Hermione. Harry et moi allons bien, merci de t'en être inquiété, même si nous l'avions compris à travers nos nombreuses lettres sans réponse cette été. Oui, nous avons passé de bonnes vacances, et toi ?

Ronald Weasley rougit de colère pour s'être fait reprendre sur ses manières et il n'en fallut pas plus pour qu'il se détourne et se mette à bouder dans un coin. Harry ne lui adressa pas un regard et continua sa conversation avec Neville, que le roux avait coupé sans aucune considération ni pour l'un, ni pour l'autre.

Ce furent plusieurs heures plus tard, quand Neville dut se rendre aux toilettes, qu'Harry s'adressa à Ron.

-Bonjour Ron, lâcha Harry.

-Tu peux me dire pourquoi tu parles à ce débile de Londubat ? cracha Ron

-Parce qu'il est également mon ami ? cingla Harry. Je ne suis pas obligé de ne parler qu'à toi, tu sais, et si tu continues à te comporter comme ça, en me tournant le dos à chaque fois qu'il y a quelque chose qui ne te plait pas, nous pouvons toujours arrêter là.

Ron blêmit.

-Mais … mais … balbutia Ron.

-Tout ne tourne pas autour de toi, asséna Harry. J'étais déjà en train de discuter avec Neville quand tu t'es imposé sans même dire bonjour. Je t'ai envoyé de nombreuses lettres et tu n'as répondu à aucune, sauf pour me dire que je venais chez toi pour les deux dernières semaines d'août, sans même me demander si je pouvais ou pas. Maintenant, soyons clairs, Ron. Ou bien tu deviens enfin mon ami, ce qui veut dire que tu acceptes que je ne sois pas comme le héros de ton enfance, que j'aie d'autres amis et que je sois différent de toi, ou bien je ne t'adresse plus la parole. Choisis et préviens-moi quand tu sauras ce que tu veux.

Sur ces mots, le brun sortit un livre de son sac à dos et se concentra dessus.

Harry avait passé le meilleur été de sa vie chez la famille Granger mais avait été extrêmement déçu de ne pas avoir reçu de nouvelles de Ron. L'été précédent, les lettres du roux étaient rares mais cette année, il n'avait même pas fait l'effort. Fred et Georges, au contraire, avaient entretenu une correspondance épistolaire soutenue, avec une lettre tous les deux ou trois jours. Le brun était déçu par son ami mais avec les séances avec Malcom Granger, il avait compris qu'il devait s'affirmer et ne plus dire amen à tout et à tous parce qu'il se considérait comme quantité négligeable.

La thérapie express qu'il avait suivi avec le père d'Hermione l'avait beaucoup soulagé concernant son enfance mais également ses deux premières années à Poudlard. L'homme, même s'il n'était pas sorcier, avait mis le doigt sur les nombreuses incohérences qui l'entouraient du point de vue non magique et ça avait été avec la tête remplie de questions qu'il s'était rendu une nouvelle fois à Gringotts sans déclencher d'émeutes à son plus grand soulagement. Là, il avait appris des vérités déplaisantes et avait pris les mesures qui s'imposaient. C'était d'ailleurs à la suite à cela qu'il avait décidé de mettre les points sur les i avec Ron. Soit, les préjugés sorciers voulaient que le fourchelangue soit associé aux mages noirs mais il aurait pensé que le roux lui laisserait au minimum le bénéfice du doute ! Mais non, il n'avait rien fait de cela et Harry voulait pouvoir compter sur lui dans les moments les plus durs, pas uniquement quand il fallait s'amuser.

Le trio d'or ne s'était toujours pas adressé la parole lorsque les élèves arrivèrent dans la Grande Salle. Bien entendu, cela fut remarqué et commenté mais autant cela faisait enrager Ron, autant Hermione et Harry ne s'en préoccupaient pas, à la plus grande consternation des autres. La répartition puis la présentation du nouveau professeur de défense contre les forces du mal eut lieu et après le repas, chacun put rejoindre sa salle commune et son lit. Même l'évasion de Sirius Black ne déclencha pas autant de rumeurs que le froid qui s'était installé entre Harry Potter et son meilleur ami Ron Weasley.

§§§§§

-Le village de Pré-au-Lard était génial ! sourit Hermione. Comme promis, je t'ai rapporté tout ce que j'ai découvert …

Tandis que la jeune fille sortait de son sac une bièreaubeurre, des bonbons magiques et plein d'autres choses, Harry souriait.

Ayant quitté les Dursley au début de l'été, il n'avait pas pu faire signer son autorisation de sortie et donc, devait rester avec les élèves de première et de deuxième année dans le château. Ça ne le dérangeait pas dans le sens où on parlait de quelques jours dans toute l'année scolaire et surtout, il avait déjà eu l'occasion de le visiter cet été avec la famille Granger, qui avait appris l'existence de ce village sorcier en même temps que la liste des fournitures pour la troisième année. Hermione jouait essentiellement le jeu pour qu'on ne se demande pas pourquoi son ami n'avait pas plus envie que cela d'y aller alors qu'il vivait chez des moldus le reste de l'année. Le brun s'était réfugié dans la bibliothèque le temps de la sortie et les rumeurs de son absence n'allait pas tarder à se répandre. Quand les premiers élèves furent de retour, il avait rangé ses affaires pour attendre son amie dans la salle commune.

Tandis qu'elle décrivait sa sortie à Harry, Hermione nota les regards noirs de Ron. Cela faisait maintenant deux mois qu'Harry avait lancé son ultimatum mais le roux n'avait pas estimé nécessaire de faire son mea culpa. Pire, quand les élèves commencèrent à jaser concernant l'éclatement du trio d'or, il s'était permis de dire qu'il attendait les excuses d'Harry pour avoir douté de lui. Malheureusement pour lui, son attitude était en train de lui revenir en pleine figure car le brun n'avait aucune intention de revenir vers lui. Certes, les premiers jours après la rentrée, le brun avait douté des mots qu'il avait prononcé mais Hermione lui avait conseillé de l'observer avant de prendre une décision. A bon escient puisque son comportement ne les avait pas convaincus de lui pardonner, loin de là.

Hermione lança une bulle de silence autour d'eux.

-Harry, souffla Hermione. Des aurors patrouillaient au village à cause de Sirius Black.

-Ce n'est pas étonnant, fit Harry. Les rumeurs disent qu'il se serait évadé pour me tuer.

-Dumbledore ou un professeur ne t'a toujours rien dit sur lui ? s'indigna Hermione

-Bien sûr que non, railla Harry. Tu oublies qu'on ne doit rien me dire qui me concerne directement.

Hermione secoua la tête, complètement blasée. Alors que Gringotts n'avait pas hésité à lui révéler que le sorcier dont le portrait était placardé dans tous les lieux publics sorciers était en réalité son parrain arrêté et envoyé en prison pour avoir tué quinze personnes, y compris ses parents et l'un de leurs meilleurs amis, Peter Pettigrow, aucun adulte sorcier n'a pensé à lui indiquer cette petite information qui pourtant, avait son importance. Pire, s'il se fiait aux testaments de ses parents, l'évadé était totalement innocent des crimes dont il était accusé mais visiblement, personne n'avait voulu aller au-delà des allégations de Peter Pettigrow avant qu'il ne se fasse tuer.

-Et pour le professeur Lupin ? demanda Hermione

-Il m'a dit qu'il était un ami proche de mon père mais il n'a toujours pas l'air décidé à me raconter comment il était vraiment, haussa des épaules Harry.

-Tu vas lui donner une chance ? demanda Hermione

-S'il la veut, peut-être, fit Harry. Mais je n'irais pas le chercher. Je demanderai à des personnes qui sont prêts à parler de mes parents sans croire que je ne suis pas assez grand pour les entendre.

Hermione sourit. Quand il avait entendu les testaments de ses parents, Harry avait suivi le conseil de son gestionnaire de coffre, Gemna, et avait transmis une copie des documents directement à la directrice de la justice, Amelia Bones. Cette dernière, qui avait fait ses études en même temps que Lily et James Potter, avait décidé de se faire extrêmement discrète pour faire toute la lumière sur cette affaire. La famille Granger et Harry gardaient donc le silence sur ce qu'ils savaient et n'avaient pas l'intention de divulguer l'étendue de leurs connaissances à leur entourage sorcier.

-Tu as des nouvelles de madame Bones ? demanda Harry

-Non, répondit Hermione en secouant la tête. Mais nous savions que ça prendrait du temps.

Pour éviter qu'on ne s'intéresse trop à ce que pourrait apprendre Harry, Amelia Bones et Gemna avaient décidé de faire transiter leur courrier par le biais de la famille Granger. En effet, elles avaient découvert que le professeur Dumbledore avait fait détourner tout le courrier officiel d'Harry vers sa personne, même après qu'il ait atteint ses onze ans, ce qui était totalement illégal. Elles étaient donc parties du principe que s'il ne voulait pas qu'il apprenne ce qui faisait réellement le monde sorcier, il n'avait pas besoin de savoir ce qu'il apprenait hors de sa « bienveillance ».

Ils repartirent sur des sujets plus sûrs.