Bonjour à toutes et à tous !

Merci à Cassye pour son commentaire, et merci à tous les lecteurs anonymes.

J'ai beaucoup aimé rédiger le chapitre que vous vous apprêtez à lire, j'espère que vous l'apprécierez autant que moi !

Réponse aux reviews :

Cassye : Oui les bases du complot sont posées, je continue un peu avec ce chapitre avant d'attaquer une scène bien précise héhé... Merci pour ta review !

Je vous souhaite une bonne lecture !


Chapitre 07 :

Masques

Ce fut l'odeur qui les arrêta, de l'autre côté du pont. Une puanteur âcre de corps en décomposition. Des charrettes et des tonneaux avaient été abandonnés, comme si leurs propriétaires s'étaient enfuis précipitamment. Les vivres à l'intérieur étaient de bonne qualité, signe que la débandade devait être récente. Ils aperçurent les premiers cadavres à l'approche de l'enceinte du village.

" Des cornus, analysa froidement Lae'zel.

- Ont-ils été attaqués alors qu'ils se rendaient au Bosquet ?" s'enquit Ombrecoeur.

Nymuë fut prise de nausée ; elle comprenait mieux l'aspect misérable des tieffelins, ainsi que leur réluctance à quitter la demeure des druides. Dès le départ, la chance n'avait pas été de leur côté.

Alors que la prêtresse et la guerrière se lançaient dans l'inventaire des ressources, Astarion s'avança. Il était concentré sur un mouvement à quelques mètres, par delà les arbres. L'elfe noire le suivit prudemment. Derrière les fourrés se tenait un homme, un humain, aux vêtements de cuir et à la peau basanée. Les compagnons froncèrent le nez ; les exhalaisons semblaient plus fortes à proximité de l'inconnu, un mélange métallique et suave tout bonnement répugnant. Il était accroupi près des restes d'un sanglier, et observait l'animal avec grand intérêt. Leur approche ne parut pas l'inquiéter outre mesure :

"Ah, étrangers, les accueilli-t-il, veuillez excuser l'odeur. Poudre de lianefer : un vieux truc de chasseur pour décourager la plupart des créatures de me dévorer.

- Vous êtes un chasseur de monstres ? questionna Astarion, sans parvenir à dissimuler son dédain. Etonnant. Moi qui croyais que tous les Gurs étaient des coupe-jarrets sans foi ni loi…"

Nymuë lui jeta un bref coup d'œil, surprise. L'elfe avait adopté un ton affable, mais sa raillerie était évidente.

" Ah, reprit l'inconnu, encore un adepte des légendes de tavernes ! Que vous a-t-on dit ? Que nous sommes un peuple aussi mystique que dangereux ? Que parce que nous parcourons le monde sans jamais nous installer nulle part, alors nous volons vos poules, maudissons vos récoltes, séduisons vos filles ? J'aimerais avoir ne serait-ce que la moitié du pouvoir que les peuples sédentaires imputent aux miens. Mais hélas, je ne suis qu'un humble voyageur. Un humble voyageur, doublé d'un chasseur de montres. Vous pouvez m'appeler Gandrel.

- Et quel monstre chassez-vous, au juste ?" demanda poliment Nymuë, espérant ainsi atténuer le manque de manières de son camarade.

C'était peine perdue. Astarion prit sa question comme une invitation à surenchérir :

" Un adversaire terrifiant, à n'en pas douter. Un dragon ? Un cyclope ?"

Il fit mine de réfléchir, restant songeur l'espace d'une minute :

"... Un kobold ?

- Rien de si impressionnant, j'en ai peur. Je traque un rejeton de vampire."

L'elfe noire patienta, mais la pique suivante se fit attendre. Elle tourna la tête vers le roublard, agréablement étonnée : une panne d'inspiration, enfin ? Pourtant, quand elle le regarda, elle ne vit nulle trace d'ironie.

À la place, elle aperçut de la peur.

" Je crains qu'il ne se terre quelque part. Voyez vous-mêmes…"

Gandrel se pencha à nouveau vers le sanglier à leurs pieds ; la bête avait l'air en pleine forme, si ce n'était son décès évident. Aucune blessure, ou trace de sang. D'un doigt, le chasseur leur indiqua deux petits trous à la naissance du cou :

" Il est mort il y a peu, deux heures tout au plus, leur indiqua-t-il. On l'a vidé de son sang.

- Pourquoi… quel intérêt avez-vous pour ce rejeton de vampire ? interrogea Astarion.

- Je suis en mission sacrée pour la cheffe de ma tribu. C'est elle qui m'a chargé de capturer ce monstre et de le lui rapporter.

- Et pour l'amener où ? siffla le roublard.

- Baldur's Gate. C'est là que les miens m'attendent."

En dépit de son sourire de façade, Nymuë sentit l'elfe se crisper. Il était prêt à bondir, la main proche de son arme. Les sourcils de la jeune femme se froncèrent : quelque chose n'allait vraiment pas. Faisant mine d'être prise d'une bruyante quinte de toux, elle chancela et son bras heurta les doigts d'Astarion, à proximité de sa dague. Il tourna la tête de son côté et elle lui jeta un regard d'avertissement.

" Vous vous sentez bien ? lui demanda gentiment Gandrel. J'ai un thé qui pourrait vous aider…

- Elle se porte à merveille, répondit Astarion à sa place. Nous devons y aller. Amusez-vous bien à traquer votre monstre."

L'homme les salua, et quitta la forêt pour rejoindre la route principale. Restés seuls, l'elfe noire et son compatriote de la surface se dévisagèrent, tous deux disposés à entamer les hostilités :

" J'ai eu l'impression que vous étiez à deux doigts de tailler en pièces ce chasseur de montres, commença finalement Nymuë. Pas fan des Gurs ?

- Difficilement. J'ai eu mon content de mauvaises surprises avec ce peuple, il est donc normal que je me montre prudent. Ce Gandrel n'en avait peut-être pas l'air, mais les siens sont de vrais fourbes.

- Sont-ils les seuls ? J'ai comme l'impression que vous manquez désespérément de franchise depuis le début de notre voyage. Alors pourquoi ne profiteriez-vous pas de ce que nous soyons seuls pour vous montrer un minimum sincère ?

- Oh, parce que c'est moi qui suis malhonnête ici ? Darling, me croyez-vous aveugle ? Pensez-vous que je ne vois pas clair dans votre petite comédie ?

- Je vous en prie, détaillez donc, siffla la jeune femme.

- Vous prétendez être la sympathique drow du quartier, aidant la veuve et l'orphelin et vous montrant altruiste à outrance… Mais ça ne prend pas. Votre masque change en fonction du rôle que vous pensez devoir jouer. Tantôt un leader, ensuite une héroïne ? Oh, vous rêvez d'être acclamée par la foule, pas vrai ?

- Vous me désespérez !

- Ne flirtez pas, darling, vous n'êtes pas mon genre. Même si je dois avouer avoir été très intéressé par ce qui se dissimulait derrière votre dernière imposture. Les larves, reprit-il triomphalement en voyant sa confusion. Malgré vos discours si sages… Vous avez adoré, n'est-ce pas ?

- Le rejeton de vampire, lança soudainement Nymuë. C'est une de vos connaissances ?

Sa question eut au moins le mérite de le désarçonner, car Astarion interrompit ses sarcasmes. Satisfaite, la jeune femme poursuivit :

" Vous sembliez très préoccupé par sa recherche. Un parasite capable d'influencer les esprits plus faibles… Je suis sûre que, dans sa situation, votre ami vampire adorerait ça aussi."

Et elle tourna les talons, sans plus de cérémonie. Elle entendit le haut-elfe la suivre alors qu'ils rejoignaient Lae'zel et Ombrecoeur :

" Où étiez-vous ? s'enquit la prêtresse. Un homme a traversé le pont il y a un instant. Il nous a dit avoir croisé nos compagnons.

- Un chasseur de monstres, oui, répondit Nymuë. Il poursuit une proie dans les environs.

- Que traque-t-il ?"

L'elfe noire pivota légèrement vers le roublard, resté en retrait. Les yeux rubis d'Astarion la dévisageaient, à la fois crispés et… anxieux. Elle reporta son attention sur Ombrecoeur :

" Rien qu'il ne saurait trouver."


L'entrée du village, une grande arche de pierre à moitié effondrée, était gardée par deux gobelins. Qui fut le plus surpris, des créatures ou des voyageurs, nulle ne sut le dire ; les aventuriers s'attendaient à trouver les lieux complètement vides.

Ils avaient déjà agrippé leurs armes quand un des gobelins donna un coup de coude à son comparse, pointant Nymuë du doigt. Aussitôt, ils se mirent en garde-à-vous :

" Salut, Votre Sérénissime ! Tous les drows sont les bienvenus à Rancetourbe !

- Et leurs esclaves aussi.", confirma le deuxième.

Lae'zel poussa un rugissement indigné, la main posée sur le pommeau de son épée :

" Ses quoi ?", cria-t-elle.

Nymuë la fit taire d'un regard appuyé ; comme pour Brynna et Andrick, un symbole lumineux était apparu autour de l'œil gauche des créatures. La jeune femme s'immobilisa, mais son parasite n'eut aucune réaction ; elle ressentait d'ailleurs toujours les affres de sa dernière intervention.

"Intéressant, songea-t-elle. Ainsi donc, le pouvoir des larves n'est pas illimité. Cette… emprise qu'elles ont sur nous les oblige à se régénérer après utilisation. Jusqu'à ce qu'elles gagnent en influence, du moins."

L'elfe noire réfléchit ; si les gobelins étaient de mèches avec les étranges cultistes rencontrés plus tôt, ceux-là mêmes qui les avaient nommés "Âmes éveillées…" cela pouvait tourner à leur avantage. S'éclaircissant la gorge, elle décida de vérifier son hypothèse :

" Longue vie à l'Absolue !", scanda-t-elle.

Les gobelins frappèrent leur lance sur le sol, répétant son hymne avec enthousiasme. D'un geste de sa part, ils s'arrêtèrent tout aussi vite :

" Où sont nos troupes ? demanda-t-elle avec autorité.

- Au camp principal, Votre Suzerainerie.

- Suzainereté !

- Ouais, ça. Minthara sera sûrement heureuse de recevoir une des siennes. Vous venez de Hautelune ?"

Nymuë hocha la tête, continuant sa mascarade. Il y avait une autre drow dans les parages ? Au cœur même du camp gobelin ? Ça expliquait la stratégie militaire dont ils avaient fait preuve… La curiosité et le doute la saisirent : elle n'avait jamais rencontré d'autres elfes noirs. N'avait pas particulièrement recherché leur compagnie, non plus. Quelque chose lui disait que cette expérience ne serait pas des plus agréables.

" On peut passer une vie entière sans les apercevoir, et voilà maintenant qu'elles poussent comme des pâquerettes. Comme si une seule drow, ce n'était pas déjà pénible !", souffla Astarion derrière elle.

Un léger glapissement, suivi d'un juron des plus élégants, lui apprit que le pied de Lae'zel s'était sans doute écrasé sur le sien. La jeune femme sourit :

"Seule ma soeur sera là pour me recevoir ? poursuivit-elle.

- La prêtresse Haruspia pourra vous montrer nos nouvelles recrues, Votre Grandiose.

- Grandeur !

- Surveille la route toi !

- Y a pas de route, y a rien que des cailloux.

- Ben surveille les !

- Ok, boss.

- Je disais ? grogna le gobelin. Ah, ouais. La prêtresse s'occupe des petits nouveaux, donc. Elle leur met la marque, et comme ça les fidèles se reconnaissent entre eux. Et puis, y a le chef ! Dror Ragzlin ! Lui aussi, il pourra vous faire un topo, Votre Majestisance.

- Sont-ce là les seules âmes éveillées du camp ? s'enquit Nymuë.

- Ouais m'dame ! Les autres, ils sont à Hautelune, pour vous-savez-quoi.

- Quoi ? demanda aussitôt Ombrecoeur.

- Hein ? Oh, euh… J'sais pas non plus. J'suis pas une âme éveillée, moi.

- Là, boss ! Le caillou ! IL A BOUGÉ !", hurla l'autre.

Les compagnons s'engagèrent dans le village alors que le subalterne gobelin se prenait une gifle magistrale.


La plupart des habitations étaient vides, les années et les pillages ayant remporté une bataille depuis longtemps abandonnée. Quelques gobelins fouillaient les environs, mais ils s'écartaient bien vite de leur passage lorsqu'ils apercevaient Nymuë.

" Donc, les gobelins vénèrent les elfes noirs… songea Ombrecoeur à voix haute.

- La preuve qu'ils ne sont pas si primitifs que ça, répondit malicieusement la concernée.

- Cela pourrait nous servir, intervint Lae'zel. S'ils vous pensent de leur côté, et s'ils vous admirent, nous pourrions les détruire de l'intérieur. Aussi vexant que cela soit pour moi d'être considérée comme étant un de vos sujets.

- Sans compter qu'ils semblent honorer cette nouvelle déité… "l'Absolue", ajouta Astarion. Autrement dit, grâce à nos larves, nous pourrions même nous occuper des plus suspicieux.

- Ça veut surtout dire, murmura Nymuë, que nous pouvons enquêter sur Halsin sans nécessairement déclencher de combats. Et si l'archidruide se révèle disparu, nous pourrons toujours poursuivre notre route jusqu'au col de la montagne sans épuiser toutes nos ressources.

- N'oublions pas que nous connaissons désormais les noms de leurs leaders, rappela la prêtresse. Les gobelins ne sont pas des créatures promptes à la stratégie. Si nous réalisons que seules les armes nous permettent d'atteindre notre objectif, nous savons qui éliminer en premier. Sans chefs, les gobelins prendront peur et se disperseront rapidement.

- Alors, il semblerait que nous ayons un plan.", conclut l'elfe noire.

Apercevant au loin l'échoppe d'un guérisseur, ainsi qu'un atelier ressemblant à une forge, les aventuriers décidèrent de se séparer pour explorer les lieux. Ils avaient peu d'espoir de trouver quoi que ce soit d'utile parmi les ruines, mais il aurait été dommage de ne pas saisir l'occasion.

Nymuë et Ombrecoeur partirent d'un côté, Astarion et Lae'zel de l'autre. Sans grande surprise, la boutique était vide, les herbes médicinales ayant pourries et les potions ayant été volées depuis des lustres. La prêtresse trouva quelques ouvrages intéressants sur l'art de la guérison, qu'elle fourra sans ménagement dans son sac à dos. Alors qu'elles s'apprêtaient à rejoindre leurs camarades, la demi-elfe lui désigna un étrange monument, à quelques pas de là. Cela ressemblait à un autel religieux, mais la statue de la divinité à qui il avait été dédié s'était effondrée. A moins qu'elle n'ait été profanée.

Nymuë avait toujours eu une relation conflictuelle avec la religion. Enfant, elle avait cherché à se renseigner sur le culte de Lolth, après une énième insulte lors d'une représentation. Le peu qu'elle découvrit suffit à lui glacer le sang ; la Reine Araignée était une déesse cruelle et capricieuse, se délectant tout aussi bien du sang de ses ennemis que de celui de ses fidèles. Elle régnait en maîtresse absolue sur les elfes noirs, et était rapidement devenue pour les habitants de la surface l'objet de nombreuses angoisses nocturnes. Ses disciples étaient encouragés à se trahir, à comploter, afin de grappiller les miettes de pouvoir qu'elle daignait leur laisser ; et plus sournoise était la félonie, plus dense devenait sa toile. La jeune femme avait essayé de se rapprocher du panthéon des hauts-elfes, ceux que l'on appelait les dieux de la Seldarine ; s'ils avaient entendu ses prières toutefois, ils n'avaient guère jugé utiles de lui répondre.

Ombrecoeur ne paraissait pas partager ses doutes ; c'est même avec un intérêt passionné qu'elle chercha à identifier l'allégorie. L'elfe noire avait une fois tenté de lui soustraire le nom de sa divinité, curieuse de connaître l'origine de ses croyances. Mais la prêtresse s'était toujours montrée discrète sur sa foi, et se recueillait dans sa tente lorsqu'elle avait besoin d'entrer en communion avec son éternel. Depuis, Nymuë ne l'avait plus interrogée ; après tout, sa religion ne regardait qu'elle.

La demi-elfe poussa un cri de douleur, serrant sa main droite ; une vive lumière violette s'en dégageait, si forte qu'elle enleva son gant comme s'il la brûlait. Une blessure profonde perçait sa paume, un trou sombre et net, fait au fer rouge. Lorsque Nymuë fit un geste vers elle, la prêtresse recula brusquement :

" Ne faites pas attention à ça, haleta-t-elle. Ce n'est rien.

- Vous auriez pu nous en parler, plutôt que de souffrir dans votre coin. On vous aurait soignée.

- Ce n'est pas récent, répondit prudemment sa compagne. D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours eu cette marque. De temps en temps, elle me provoque une vive douleur, mais cela passe rapidement. C'est juste… quelque chose avec lequel je dois vivre. Pas besoin d'en faire toute une histoire.

- C'est donc d'origine magique ? s'enquit Nymuë.

- Ça n'a rien à voir avec nos larves ! Et je vous l'ai dit, c'est juste une écorchure."

Ombrecoeur croisa les bras, bornée ; il n'y avait rien de plus à en dire. Ses yeux, toutefois, revenaient malgré elle sur la statuette en morceaux. En approchant, Nymuë discerna un symbole en forme de demi-Lune. Elle le reconnaissait : l'emblème de Seluné, la Vierge Lunaire. Une divinité plutôt populaire en Faerun, symbole de lumière dans l'obscurité, "Celle-qui-guide dans le noir"... Pourtant, c'était de la colère qui déformait les traits de sa camarade, et non de la vénération. Silencieusement, Nymuë la dévisagea puis s'assit sur l'autel :

" Vous n'allez pas lâcher le morceau, pas vrai ? lui demanda la prêtresse.

- Je respecterai votre silence si vous refusez de vous confier à moi, lui répondit l'elfe noire. Mais j'aime autant que vous me parliez de vous-même.

- Si nous continuons ensemble, je peux tout aussi bien vous en faire part, je suppose. Je suis au service de Shar, Maîtresse de la Nuit et Dame de l'Égarement. J'imagine que vous avez entendu parler d'elle ?"

Nymuë plissa le nez, fouillant sa mémoire à la recherche d'informations potentielles. De ce qu'elle se rappelait des leçons de Revan, lorsqu'elle ne s'endormait pas ostensiblement sur ses ouvrages, Shar était la sœur de Seluné. Constamment en concurrence, les jumelles étaient représentées comme étant à la fois ennemies jurées et les deux facettes d'une même pièce. Pas de lumière sans ténèbres, et point de nuit sans Lune. Leurs… disciples, en revanche, se révélaient moins poétiques et prenaient à cœur de défendre les intérêts de leur idole. Le conflit entre Shar et Seluné était vieux comme le monde car, selon les mythes, il était à l'origine même de Toril. "Au début, il n'y avait que Shar et le Néant. Puis, Séluné créa une lueur"...

" Je connais sa liaison avec Seluné, ainsi que leur différent, répondit prudemment l'elfe noire. Mais j'ignore tout de son royaume divin.

- Ma dame Shar est le Chant Nocturne. La plupart des gens, tels des enfants, craignent le noir ; car dans l'obscurité leurs peurs sont magnifiées. Mais l'on m'a enseigné à dépasser cette peur. Et dans le noir, les enfants de Shar ne se cachent pas… ils agissent. La douleur, l'espoir, la promesse de meilleurs lendemains… Toutes ces considérations pèsent sur les épaules et les cœurs. Nombreux sont ceux qui craquent avant de pouvoir accepter la vérité de Shar, la douceur de son Oubli. Cela se fait souvent dans la souffrance, parfois même dans la mort."

C'était peut-être bien la première fois que la prêtresse se montrait aussi véhémente ; sa foi envers Shar l'animait d'une ferveur qui embrasait ses yeux verts et exaltait sa voix. Ça allait au-delà de la simple piété : c'était du zèle, de l'adoration pure. Comme si elle réalisait s'être laissée aller, Ombrecoeur reprit aussitôt contenance et poursuivit sur un timbre plus sobre :

" Voilà, vous connaissez la vérité maintenant, pour ce que ça vaut…"

Nymuë sentit que son interlocutrice la jaugeait, presque avec défi. Si Seluné était populaire, sa sœur en revanche était considérée comme une déité plutôt maléfique. La jeune femme comprenait désormais la discrétion de sa camarade : probablement que de telles croyances n'étaient pas toujours accueillies à bras ouverts. Ironique ; elle n'aurait jamais pensé qu'un jour quelqu'un craindrait sa réaction sur des questions religieuses. Si Ombrecoeur n'avait pas un air aussi sérieux, elle aurait peut-être même éclaté de rire.

" Je ne vous juge pas, Ombrecoeur, si c'est ce qui vous effraie, déclara-t-elle. Après tout, aux yeux du reste du monde, je suis une adepte de Lolth. Ses dossiers comportementaux laissent davantage à désirer. Vous pouvez bien prier qui vous voulez, je m'en moque. A vrai dire, une intervention divine serait même fortement appréciée au vu de notre situation.

- La plupart des gens ont peur de ma Dame, murmura la prêtresse en essayant - difficilement - de contenir un sourire. Mais je crois que j'ai eu raison de me joindre à vous. J'apprécie la compagnie, en tout cas.

- Je suis toutefois curieuse : qu'est-ce qui vous a incité à vénérer Shar ?

- Elle m'a acceptée alors que tout le monde me rejetait. Sans elle, je serais morte depuis longtemps. Elle est ma mère, qui m'aime, m'éduque, et prend soin de moi."

L'elfe noire sursauta, et malgré elle ses pensées dérivèrent vers Revan. Son travail à Baldur's Gate n'avait jamais été une source de joie, et encore moins de fierté. Elle suivait son mentor lors de ses missions, et lui offrait ses services dans la mesure du possible. Certains boulots faisaient désormais partie de ses plus beaux souvenirs, le genre d'histoires que l'on raconte au coin du feu.

Et d'autres tâches hantaient encore ses pires cauchemars. Pourtant, elle savait que si tout était à refaire, ses choix seraient les mêmes. Car Revan l'avait recueillie alors qu'elle était faible et misérable, là où le reste du monde l'aurait achevée sans la moindre arrière-pensée.

Malgré elle, ses mains saisirent celles d'Ombrecoeur, encore légèrement illuminées, et les serrèrent. La prêtresse tiqua, mais se laissa faire. Au bout d'un moment, elle redressa leurs paumes vers le ciel :

" Ma foi me protège. Je prierai pour que vous puissiez trouver quelque chose en lequel croire à votre tour."


Notes de fin :

Et voici pour ce chapitre !

Vous l'aurez compris, j'ai mixé les scènes du sanglier et de Gandrel dans les marais, car je trouvais qu'elles fonctionnaient bien ensemble.

Le fait de jouer drow permet également d'obtenir plus rapidement des informations sur l'Absolue auprès des gobelins, étant donné qu'ils vous allient d'office à Minthara ! Même pas besoin d'utiliser la larve illithid, le fait d'être elfe noir vous offre tous les honneurs !

J'aime beaucoup choisir des noms de chapitre à double-sens quand je le peux, et suis donc assez satisfaite de l'appellation de celui-ci.

La semaine prochaine, le chapitre arrivera peut-être un jour plus tard (le lundi), car je reçois de la famille durant le weekend. Je ferai au mieux ! En attendant, n'hésitez pas à me donner votre avis, cela me motive beaucoup ! Bonne semaine et à bientôt.