Chapitre 404 : Incan-décence

J'ai encore soif de Rook. Et quand je dis soif...

Signal lui est donné dans la carrière, à l'orée de son verdoyant domaine.

Tout, en cette période, chante l'éclosion du printemps. La forêt regorge d'odeurs ; fleuries, terreuses. Les oiseaux n'ont de cesse de saluer le renouveau.

Il se fraye un chemin à travers ces bois qu'il connaît par cœur, stationnant un moment en retrait pour m'observer passer les obstacles, s'amusant des facéties hormonales de mon étalon entier. Na'ir soudain se fige, tête tournée dans une certaine direction, oreilles hautes, hennissement à l'appui.

Rook fait avancer sa jument.

Mon parcours est terminé car en présence de la jument de Hunt, Na'ir n'obéit plus qu'à son instinct de reproducteur.

Il s'approche de la barrière et câline sa muse.

Rook rit. "Belle journée, Princesse." tirant son chapeau à plume.

Je libère les rênes - inutile que je m'évertue à retenir la tête de mule qui me sert de monture.

"Rook. M'honorerais-tu d'une balade en forêt ?"

"Absolument, Princesse." m'invitant à le rejoindre.


Comme c'est agréable !... Rênes libérées, je m'étire, dirigeant Na'ir de mes seules jambes.

"C'est splendide, Rook, merci."

"Je suis flatté que tu portes un tel intérêt à la forêt, Princesse. Moi qui y passe les saisons, je demeure toujours aussi sensible aux surprises qu'elle m'accorde. Dernièrement, j'ai fait mon lit dans un confortable tapis de mousse."

Je ris. "N'étais-tu point recouvert par la faune qui y loge, à ton réveil, Rook ?"

"Le ruisseau non loin m'a permis de me montrer présentable à mon retour au château."

"Mon bel homme des bois." souriante. "M'emmènes-tu à la cabane ?..."

"Si c'est bien là que tu souhaites que nos pas nous mènent..." délicat.

Je reprends les rênes de Na'ir. "Donne-moi la chasse, Rook." talonnant, faisant appel à son fougueux tempérament pour filer telle une bombe dans le chemin.

Il demeure un instant là, incrédule, finissant par secouer la tête, optant pour un raccourci, finissant par se retrouver sur mon chemin, follement amusé.

Je choisi de couper par les fourrés - choix extrêmement risqué vu que le sol est jonché de souches, risquant la chute à tout moment.

"Princesse !" inquiet, me troussant. "Ralentis !"

Arrive la clairière et je fais sauter le ruisseau à Na'ir, talonnée par Rook.

Nous tombons presque par hasard sur sa cabane de chasse et je m'y arrête, aussitôt rejointe.

"Eh bien, Princesse... quelle course !..."

"Fais-moi descendre de cheval, Rook." libérant mes étriers pour passer la jambe par-dessus l'encolure basse de Na'ir, attendant qu'il vienne m'accueillir dans ses bras, ce qu'il fait sans tarder.

Proches, nous nous regardons - Seigneur, ce que nous nous plaisons !... - avant de nous embrasser, placés entre nos deux montures statiques, bouches heureuses de se retrouver - goût remarquable de pomme mentholée.

Il pose sa joue sur mon épaule, humant mon cou que la course a rendu délicieusement moite, y laissant glisser ses lèvres, sensuel. "Mon corps heurte tant il a envie du tien, Princesse." à mon oreille.

"Derrière la cabane, Rook ?..." coquine, sachant le chemin peu passant.

Sourire. M'attrape par la main pour m'y conduire, me plaquant lentement contre le bardage, attirant ma cuisse contre lui, paume passée dessous, reprenant ses baisers fous partout où sa bouche est capable de m'atteindre, faisant résonner son contentement.

Sous son manteau, travaillé tel un kimono court, frappé des armoiries de Pomefiore, son sexe manifeste clairement ambition et appétit.

Je cherche à glisser la main entre nous pour le flatter mais hey, l'endroit se mérite !... Agile, il la guide jusqu'au vertueux renflement, laissant passer un rauque faisant vibrer sa gorge entière lorsque je l'atteins en plein.

Son cœur frappe tant qu'il a l'impression que les pulsations habitent son corps entier !...

Ses gants jetés au sol, deux mains viennent ouvrir mon pantalon beige pour l'abaisser, paumes se promenant sur mes fesses nues.

"Princesse..." au comble du désir, incapable de ralentir, sang affluant à haut débit dans toutes ses artères. "Tu me fais... véritablement... imploser... de bonheur..." sur un sourire qui se meurt, déchiré par un spasme lascif.

"Possède-moi... Rook... n'en laisse... rien..."

Ses doigts passent devant et ce qu'il y trouve lui arrache un spasme vigoureux.

Il me goûte à même ses doigts, m'offrant un baiser d'une profondeur réjouissante l'instant d'après.

Il abaisse mon pantalon à mi-cuisses, se défaisant en un tour de main, sexe allant se porter à la rencontre du mien, me pénétrant d'un vif coup de reins, suffoquant de sensations exquises qui lui font manquer de peu l'orgasme.

Il ramène mes poignets au-dessus de ma tête, les maintenant d'une main, commençant à mouvoir ses hanches pour se faire coulisser, appelant, à chaque nouvelle poussée, un éclat de voix commun.

"Rook !..."

"Princesse !..."

Son joli chapeau à plume au sol, il donne vertement des hanches, sensations lui venant de partout, le faisant presque perdre ses appuis.

"Princesse... princesse, je... je..." sur un éblouissant éclat de voix.

Ici nous pouvons saluer nos orgasmes à voix déployées et ne nous en privons guère !...


"Rook. Ici, je te prie."

Il bisque puis s'approche.

Vil l'attrape par le dessus des cheveux pour observer son visage. "Tu y es retourné, n'est-ce pas ?... Sur le tas de fumier de la petite dinde."

La poigne de Vil, c'est quelque chose. Rook grimace d'un côté, paupière étroitement serrée.

"Ma reine..."

"As-tu le diable au corps, Rook ?!"

Vil libère violemment Rook qui heurte un meuble.

"Moi qui pensais t'avoir initié à ce qu'était la véritable beauté, Rook, je suis profondément déçu." sur une moue dégoulinant de mépris. "Par le poison de la pomme, que lui trouves-tu donc ?! Je ne saisis pas !"

"Nous partageons un goût commun pour la nature, les bois, la chasse, l'équitation."

Geste qui lui ordonne d'abréger l'énumération. "Tu m'offenses, Rook. Je pensais ton âme tranquille puisqu'elle n'était plus dans le secteur ! Force est de constater que dès qu'elle réapparait, tu lui tombes tout cuit dans le bec !"

"Ma reine, je comprends votre contrariété... mais aucun règlement ne stipule que vous êtes en droit de choisir mes relations. Nous sommes tenus par un serment de vassal à suzerain."

"Ta voix même m'irrite, Rook." s'éloignant, furibond.


"Gamin, arrête !... Tu es impatient !..." alors qu'il me pousse de la tête, piaffant sur place. "Doucement, gamin, doucement."

Nouveau coup de tête.

"Na'ir !..." amusée.

Il fait échapper sa jambe lorsque je désire lui appliquer les protections pour le saut.

"Shhh, gamin !..."

Même jeu.

"Tu es insupportable aujourd'hui. Le temps est à l'orage ou quoi ?"

Il remet ça.

Je me redresse. "Bon. Tu veux aller à la balade sans passer par la case obstacles, c'est bien ça ?"

Hennissement bref.


Je m'arrête à l'orée des bois. "Chasseur, tu es là ?..." l'appelant assez fort.

Il m'apparaît au bout du chemin, se rapprochant.

Na'ir commence à faire son beau, s'élançant d'un pas aérien jusqu'au couple.

Nous nous arrêtons flanc-à-flanc et il quitte son chapeau pour m'embrasser, tendre.

Nous nous rendons calmement jusqu'à la cabane, montures aux encolures détendues, rênes longues, au pas tranquille.

En chemin, il s'arrête pour cueillir de la camomille sauvage et la faire infuser.

Porte ouverte, nous savourons cette tisane improvisée, accompagnée de quelques fruits secs.

"J'espère que... la reprise de notre relation ne va pas t'apporter d'ennuis, que ce soit du côté des Leech que celui de ta reine." posant ma main sur la sienne. Il la retourne pour caresser l'intérieur de mon poignet.

"Je m'en moque, Princesse. Le monde entier pourrait se liguer contre nous ; je ne renoncerai point."

"Cela veut dire que... tu as subi des remontrances."

"Ne t'en préoccupe point, Princesse. J'ai le dos large, tu sais." souriant.

Je glisse les doigts dans ses cheveux couleur blé, rehaussé de ces magnifiques reflets roux.

"J'y avais renoncé pourtant... et c'est revenu me frapper d'autant plus fort."

"Ne dit-on point de l'amour qu'il s'agit d'un enfant de bohème qui n'a jamais connu de loi ?..."(*) citant un célèbre air d'opéra, levant la main pour caresser ma joue d'un revers doux.

"Chasseur... j'en ai envie..." soufflé.

Il glisse le revers de deux doigts joints le long de mes lèvres. "Je m'en ferai un plaisir."

"Ce que tu m'inspires... est si fort, Rook." entrouvrant la bouche à son passage.

"J'aime la façon dont tu me consumes, Princesse. Lentement. Sûrement. Telle une bougie."

"Par derrière, Hunt. Sur le lit."

"Tout ce que tu voudras, Princesse." souriant.


Une fois de plus, son orgasme l'a conduit entre mes reins, s'y égarant avec une belle ardeur.

Nous reposons dans les bras l'un de l'autre après l'amour, lui caressant mes cheveux.

"J'y avais renoncé..." souriante. "Quelle folie." embrassant son torse bien fait, me hissant sur lui, conquérante tandis qu'il place ses bras en croix, totalement livré à ma merci.

Je butine ses lèvres, descendant dans son cou, coinçant sa pomme mâle entre mes dents, suçotant le creux de sa gorge, lui arrachant un son exalté.

Je me redresse pour l'admirer, me gavant de ses traits.

"N'as-tu jamais eu peur de moi, Rook ?..."

Il ouvre les paupières sur moi. "Peur ?..."

"Hmm mmm." taquinant le bouton pale d'un sein.

"J'ai surtout été effrayé par cette passion irraisonnée qui a repris feu à ton arrivée à Wonderland."

"Pour un homme qui ne m'avait pas même regardée en Provence..."

"Tu étais bien trop jeune, Princesse."

"Tu étais bien trop occupé à cajoler ma tante, Chasseur."

"Ah. Ce reproche. Qui flatte mon orgueil et l'agace à la fois." levant la main pour caresser ma hanche. "A présent que voilà ta tante écartée, je pensais que tu savourerais, sans la bouder, ta jolie victoire, Princesse." souriant. "Je suis à toi sans partage."

"Une femme, quelle que soit son âge, n'oublie jamais, Rook."

"L'histoire ne peut malheureusement pas être réécrite, Princesse."

"Pourquoi ? Tu y mettrais du tien ?..."

Il rit. "Tu ne lâches rien."

"Jamais."

"J'ai préféré laisser... la jolie demoiselle se faire femme. Est-ce à ce point condamnable à tes yeux ?"

"Cela m'aurait plu que tu me courtises."

"Et que je sois à l'origine d'une querelle familiale ?"

"Personne n'en aurait su quoi que ce soit, Rook. Je serai demeurée discrète à notre propos."

"Je doute fort qu'à cet âge tu aurais été capable de faire mentir ton regard, Princesse."

"Je pense surtout que tu n'étais pas capable d'assumer deux relations, Rook."

"En effet, je déteste être dans deux lits à la fois. Je préfère m'accorder tout entier à la personne de mon choix." arrimant ses mains à mes hanches.

Je lui fais lever le bras, parcourant de baisers l'intérieur jusqu'à l'aisselle. La manœuvre le fait frémir de tout son corps, libérant un soupir marqué.

Je renouvelle la même opération avec l'autre bras.

"Alors certes, j'aurai été un peu moins dégourdie qu'actuellement..."

"Nous ne... réécrirons pas l'histoire, Princesse. Pourquoi t'acharner ?..."

"Il n'empêche que j'ai été... très jalouse et frustrée, Rook." me penchant pour capturer sa bouche dans un baiser affirmé, attrapant ses poignets pour les rendre prisonniers, lui arrachant un geignement lourd.

"Et ta reine ?... Ne te demande-t-elle plus dans son lit ?..."

Petit rire. "Elle est bien trop furieuse pour cela."

"Et si elle venait à entrer dans de meilleurs jours ?..."

"Princesse, tu aimes te torturer." libérant ses mains pour caresser mes seins, notant leur pli sous ses attouchements, troublé. "Le temps qu'elle revienne à de meilleurs sentiments à mon égard... plusieurs saisons passeront."

"Leech avait raison, Rook... je suis un véritable aimant à emmerdes..."

"Ah oui mais tu restes un... aimant, justement." souriant, m'appelant pour un baiser chaud qui nous fait plonger à nouveau.


Je l'avise alors qu'il règle un étrier, pieds à terre, me soulevant pour m'emparer de son chapeau, filant avec l'objet sur un rire joyeux, attrapant Na'ir au passage.

Petit sourire de Rook. "J'y tiens plutôt à ce chapeau, Princesse." grimpant en selle d'un bond, me donnant la chasse.

"Hiyaaaaaaa !" talonnant sa jument, regagnant le sentier à bride abattue.

Je ris, peinant à tenir chapeau et rênes à la fois, fonçant à vive allure.


"Rook... mets-toi nu et baigne-toi dans le ruisseau... régale ma vue." caressante.

"S'il n'y a que cela pour te faire plaisir." se redressant alors que nous étions allongés dans l'herbe.

Debout, il ouvre lentement sa chemise d'été, la quittant une manche après l'autre, défaisant la boucle de sa ceinture, se mettant sur un genou pour abandonner ses chaussures avant de faire glisser le pantalon sombre, conservant le boxer.

Il se retourne et quitte la dernière pièce, me proposant sa chute de reins, jolies fesses à l'air.

Il s'avance dans l'eau, prenant garde de ne pas glisser sur les pierres, se trouvant un endroit où reposer, loin du courant.

Je m'avance à quatre pattes, le découvrant bas du corps immergé.

"Elle est bonne ?..."

"Excellente."

Je bascule sur le ventre, profitant pleinement de la vue, plaçant un brin d'herber entre mes lèvres.

"Tu es beau."

Il repose la tête sur ses avant-bras rassemblés sur une pierre qui borde le rivage, regard dans ma direction, ravi du nouveau souffle pris par notre relation.

Je m'amuse beaucoup à imaginer la façon dont les choses se seraient passées si j'avais été étudiante à Noble Bell College.

En dehors de l'établissement, Rook m'aurait galamment courtisé.

Nous nous serions rencontrés dans les bois, à cheval, au détour d'un sentier, quelques semaines avant mon entrée à Noble Bell.


J'admire la silhouette dans le miroir, notant que mes jolies fesses font rebondir la longue tunique mais qu'à l'avant, le plastron, camoufle mes appâts.

J'ai déjà sympathisé avec Viane, l'assistante. Le vice-président, Tristan, me paraît intéressant également.

Par contre, je n'ai aucune idée de la tête de mule à laquelle je vais me heurter.

Leur Président. Un gars qui possède le sourire en option. La rigidité comme seul bréviaire.

Oui mais moi je rêve de fantaisie !...

Il m'accueille avec un regard aussi toisant et méprisant que glacial. Quelque chose, définitivement, ne tourne pas rond chez ce gars !

Il me rappelle, en quelques mots brefs, les règles de cette école. Travail. Ponctualité. Civisme.

Je suis déjà prise par l'envie de bâiller.


En cours, je me distingue, apportant des réponses et des réflexions qui satisfont les enseignants.

Rapidement, je me fais une réputation. Ce qui évidemment plaît peu à celui qui culmine au plus haut poste.

Chaque éloge se trouve entachée par une remarque cinglante ou un soupir.

Il y met une telle mauvaise volonté !...


Notre première altercation a lieu lorsqu'on amène Na'ir, mon étalon. Étalon entier, cela s'entend !... Na'ir trotte à mes côtés, faisant le beau dans l'allée, manquant d'agresser un hongre un peu trop curieux.

Planqué derrière son mouchoir aux motifs célestes, regard mauvais, pincé, bouche révulsée, la remarque tombe. "Pour l'amour de notre Sainte Patronne, faites-moi castrer ce fou. Il semble aussi enragé que sa propriétaire."

Je le fixe, piquée au vif.

"Vos remarques désobligeantes, vous pouvez vous les garder !"

Le fait que j'ose répliquer lui provoque immédiatement une attaque épidermique !...

"Désobligeantes, dites-vous ?! Elles me semblent pleines de bon sens."

Je fais tourner Na'ir sur lui-même.

"Ne serait-ce point à vous qu'il faudrait appliquer cette barbare méthode ?!"

Il hallucine, incapable de camoufler ses pensées derrière le moindre poker face, ses doigts viennent de trembler sur son mouchoir, rage lui montant au ventre.

Ça y est : je viens de me mettre Cerbère à dos !...

"Propos inqualifiables." irrité.

Na'ir hennit dans sa direction, sentant pertinemment que celui-ci n'est pas animé de bonnes intentions à notre égard.

Il nous plante là. La guerre est désormais déclarée.


Il m'attrape également lorsque je fais le mur pour rejoindre Rook.

"Puis-je savoir où vous comptez vous rendre en cette heure tardive ?" me barrant le chemin alors que je dirige Na'ir hors des écuries. "Je trouvais cela étrange de ne point vous voir à l'étude. Votre manque de sérieux n'est, à présent, plus à prouver. Et il sera noté dans votre dossier. Je ne donne pas cher de la longévité de votre séjour ici, Mademoiselle. Manque de sérieux, irrespect. Tout ce que notre établissement réprime."

"Dégagez du chemin." le poussant presque.

"Possédée !" se planquant derrière son mouchoir.

Je lui tire la langue en passant, grimpant illico à cheval, d'un bond.

Totalement incrédule, il me regarde foncer hors de l'établissement, me vouant aux pires insultes misogynes de son répertoire extrêmement fourni en la matière.


(*) Carmen de Bizet