Nous voici de retour, un vendredi 13, pour un chapitre de 13 pages, où nous avons pris le temps nécessaire

pour vérifier toutes les informations y apparaissant... Car oui, il est le temps pour quelques révélations.

Il y a aussi une future révélation cachée sous forme d'indices dans ce chapitre... saurez-vous la trouver?

Ventus avait à peine fermé l'œil de la nuit.

Hébergés dans la maison faisant office de quartier général pour le Comité de Restauration de la ville, Lea, Kairi et lui avaient veillé Sora et Riku toute la nuit, espérant leur réveil mais également des informations quant à la disparition de Hayate et Iwako.

L'attente et l'angoisse tordant leurs entrailles et harcelant leurs esprits en alerte, ils finirent par se retrouver, vers les premières lueurs de l'aube, dans le couloir boisé menant à la chambre où les deux jeunes hommes avaient été placés le soir d'avant.

Lea avait installé trois chaises de fortune sous une lampe murale diffusant une lumière orange et tamisée sur un vieux papier peint. L'ancien simili s'y était installé, le dos de la chaise reposant sous ses coudes nonchalants. Néanmoins, le mouvement incessant de sa botte tapotant le sol dans un geste nerveux témoignait de son impatience inquiète. Ven devait rester debout. Parcouru de tensions électriques dans chacun de ses membres à chaque fois qu'il essayait de s'asseoir également, il avait décidé de laisser sortir son stress par un va et vient dans le couloir, bras joints dans le dos, mimiquant sans le vouloir la position réflexive d'Eraqus, son Maître dont il portait aujourd'hui les habits. Kairi, quant à elle, se trouvait derrière la terrible porte close, au chevet des deux rescapés dont la vie, heureusement, n'était plus menacée…

Plusieurs fois durant la nuit, Ventus avait senti comme des sursauts dans son cœur. Il avait cru au début qu'il ne s'agissait que de sa propre détresse nerveuse, cependant son lien avec l'élu de la Keyblade s'était avéré être l'origine de son affliction. Désirant briser le lourd silence du point du jour et soulager ses inquiétudes avec quelqu'un, Ven se décida à lâcher, arrêtant sa marche militaire pour poser deux yeux brillants sur la serrure de la chambre:

"Sora… Il est changé."

"Ah purée toi aussi t'as remarqué? enchaîna Lea, sa main cachant une partie de son visage, alors qu'il murmurait comme un complotiste. Il a plus son collier… Ca me fait hyper bizarre…"

"Non maintenant que tu le dis je n'avais pas vu ça… admit le jeune homme blond en se permettant un sourire. Je voulais parler de son coeur… il est changé."

"Tu veux dire… tenta de traduire Lea, toujours chuchotant. Comme s'il était brisé ou un truc du genre?"

"Non… infirma Ven en balançant lentement sa tête de gauche et de droite, son regard fixant un point à ses pieds. Plutôt comme si… sa nature même s'était modifiée."

Perdu dans ses réflexions, l'ancien élève d'Eraqus faillit ajouter quelque chose mais se ravisa: il avait la désagréable impression que de dire tout haut ce que son être redoutait allait pousser le ciel à réaliser ses craintes les plus folles… Il posa deux yeux bleu roi sur la paume de sa main gantée, avant de refermer le poing, phalange par phalange, pour se convaincre: les démons de son passé avaient été enterrés avec lui. Sora n'avait rien à voir avec tout ça.

Les deux Porteurs de Keyblade tournèrent bientôt leurs têtes en direction de la cloison de bois qui s'ouvrit dans un léger grincement. La gracile Aerith en sortit, ses yeux péridot légèrement cernés sous sa double frange brune bouclée. Kairi la raccompagnait et lui dit, avenante, tout en s'inclinant respectueusement sur le pas de porte:

"Merci infiniment pour ton aide… Je sais que tu as beaucoup d'obligations maintenant que tu es la Maire de Jardin Radieux, alors avoir sacrifié ta nuit pour les soigner…"

"C'est le moins que je puisse faire, la coupa la soigneuse en levant une main devant elle, invitant la Porteuse à se redresser. Mon monde a toujours une énorme dette envers Sora, sans qui nous ne serions même pas ici. Mes plus puissantes Materia n'étaient pas de trop pour les aider…"

"Alors? s'empressa de demander Lea en sautant sur ses jambes, renversant sa chaise dans sa brusquerie. Comment ils vont?"

"Riku est simplement épuisé, le rassura Aerith avec un doux sourire. Toutes ses brûlures n'étaient finalement que superficielles, sans aucun doute soignées durant la bataille pour la plupart. Il porte des traces de lutte, mais rien d'affolant. Quant à Sora, j'ai dû lui administrer des soins plus intensifs mais… il devrait s'en tirer indemne."

"Qu'est-ce qu'il a?" la pressa Ven, redoutant la réponse.

"J'ignore ce qui lui est arrivé, avoua la magicienne blanche en abaissant ses sourcils bruns de compassion. Mais en plus de côtes brisées, de marques de coups et d'une perforation refermée dans sa jambe, il semble que tous les vaisseaux sanguins de sa main droite aient…éclatés."

Lea grimaça de douleur et Ven posa une regard désemparé sur Kairi, qui précisa rapidement:

"Aerith a fait un remarquable travail: il ne pourra pas utiliser son bras durant quelque temps, mais aucune lésion irréversible ni dommages graves ne sont à signaler."

Ventus poussa un profond soupir de soulagement, alors qu'Aerith terminait:

"Je vais aller me reposer à présent… Mais ne vous en faites pas. Sora et Riku sont jeunes et forts; leurs corps se remettront."

Après un dernier sourire encourageant, la Maire de Jardin Radieux partit dans le couloir, une main devant sa bouche pour étouffer un long bâillement. Kairi s'écarta alors pour laisser passer ses deux compagnons, qui ne tardèrent pas à se précipiter aux chevets de leurs deux amis: à gauche, Riku dormait à demi-retourné contre le mur en briques, son impressionnant dos camouflé par ses cheveux argentés et le drap blanc qui le couvrait. A droite, Sora était couché sur le dos, le bras droit entouré de bandages blancs teintés de rouge, alors que de la sueur fiévreuse mouillait son visage à demi-caché sous sa frange brune. Une grimace de douleur tirait parfois les coins de sa bouche.

"Crotte de troll… lâcha Lea en passant ses deux mains dans sa chevelure de feu. Mais qu'est-ce qui a bien pu les foutre dans un état pareil…?"

Ventus se contenta d'aller s'asseoir au chevet de son frère d'âme, s'agenouillant tout en prenant sa grande main de libre dans l'une des siennes. Il observa les expressions faciales du jeune élu et se permit finalement de soulever l'une de ses paupières du plat du pouce: un filament violet, à peine visible, courait de l'iris jusqu'à la pupille, étrangement dilatée.

"Tu… hésita Kairi en s'approchant de lui. Tu sais ce qui lui arrive?"

"Il est en train de se battre… soupira le jeune homme blond en baissant la tête, résigné. Contre ses ténèbres."

"Ses ténèbres?! répéta Lea abasourdi, la mâchoire s'en décrochant. Sora?!"

"Il n'en est pas dépourvu… rappela Ventus en resserrant sa prise autour des doigts du jeune homme. Je me souviens que Terra avait eu le même genre de symptômes, la première fois qu'il avait utilisé leur pouvoir… Mais selon Maître Eraqus, il ne fallait pas s'inquiéter: il disait que c'était comme une maladie contre laquelle le corps allait naturellement lutter."

Du moins je l'espère, pensa Ventus, ne désirant pas alarmer ses deux amis. Sa déclaration alourdit toutefois l'atmosphère dans la chambre des convalescents. Quand deux coups contre la cloison de bois brisèrent leurs cogitations intérieures.

"Puis-je?" demanda la voix chaude de Léon, qui passa la tête par l'entrebâillement de la porte.

Tous opinèrent du chef, Ven restant comme d'habitude sans voix devant la prestance du chef du Comité de Restauration. L'homme fit quelques pas à l'intérieur de la pièce, qui firent cliqueter les chaînes accrochées à ses multiples ceintures. Contre toute attente, il posa un regard bleu électrique sur Kairi au travers de sa longue mèche brune, et leva nonchalamment vers elle l'un de ses gants de cuir noir. Dans celui-ci se trouvait un petit papier blanc, plié en deux et coincé entre deux doigts.

"L'adresse que tu m'as demandée de trouver, annonça le guerrier, mystérieusement. C'était la plus probable dans les archives de la ville, selon tes indications."

Une adresse? se demanda Ventus en levant un sourcil blond sur son front, tandis que Kairi acceptait la note avec un hochement de tête en guise de remerciement. Léon se détourna lentement de la jeune Princesse et s'apprêtait à quitter la pièce, lorsqu'il tourna son fin faciès vers eux, fixant Ven d'un oeil incisif en affirmant sur un ton presque autoritaire:

"Je resterai là pour surveiller Sora et Riku. Elle ne devrait pas y aller seule."

Il referma la porte, disparaissant d'une manière aussi abrupte qu'à son arrivée dans un geste puissant et ferme, et Ventus cligna plusieurs fois des paupières, ébahi.

"Il a raison… dit Lea d'une voix douce en allant vers Kairi, qui n'osait pas ouvrir le morceau de papier. Je viens avec toi."

"Je…hésita Ven, ayant la désagréable impression d'avoir manqué un épisode. Je veux bien t'accompagner aussi Kairi, mais je ne sais pas du tout où nous allons…"

"Désolée Ven, s'excusa la jeune femme en rangeant la note dans la poche de sa robe. On aurait dû le dire plus tôt qu'on avait eu cette idée, mais à vrai dire je ne savais même pas si Léon trouverait quoi que ce soit…Et vu tout ce qui vient de se passer, ça m'était sorti de la tête… Mais tu te souviens de la raison pour laquelle on était venus à Jardin Radieux en premier lieu?"

Un souvenir heurta alors la mémoire honteuse de Ventus, qui lâcha, à s'en décrocher la mâchoire:

"Ta grand-mère… Léon a retrouvé ta grand-mère?!"

Les indications de Cid et Youffie, qu'ils croisèrent en train de réparer la charpente ocre d'une maisonnette à colombages, les aidèrent à s'orienter dans les faubourgs. Leurs pas les menèrent bien vite à la place centrale circulaire se trouvant juste les premières grilles menant au château d'Ansem le Sage. Ce quartier avait à peine été restauré par le Comité, car il était encore peu habité. Néanmoins, de magnifiques parterres de fleurs blanches à tous les coins au centre de la place indiquèrent à Ven que la main de Aerith devait être responsable de cette amélioration notable du paysage urbain. Une partie de la mémoire de Ventus se réactiva également, se revoyant combattre un Lea de 14 ou 15 ans. Les deux jeunes hommes, ayant déjà plaisanté auparavant sur ce souvenir, ne jugèrent pas le moment opportun pour en reparler et Ven se contenta de questionner Kairi, qui était étrangement silencieuse:

"Quelles indications avais-tu données à Léon?"

"J'ai très peu de souvenirs de mon enfance à Jardin Radieux… admit Kairi, avec un léger sourire nostalgique néanmoins. Je devais avoir 4 ou 5 ans à l'époque. Je n'ai jamais compris comment j'avais quitté mon monde d'origine, vu que je me suis réveillée sur la plage de l'Île… Mais je me souvenais de ma grand-mère, avec qui je passais toutes mes journées à cueillir des fleurs, ou à les planter. Elle me racontait des histoires de l'Ère des Contes de Fées durant toutes nos séances de jardinage… Et je me souviens aussi que je voyais les grilles d'entrées du château depuis la fenêtre de sa maison…J'en ai déduis que c'était peut-être la jardinière du château, ou du moins une fleuriste qui devait vivre proche de la bâtisse."

Quelques enjambées les menèrent rapidement à l'adresse indiquée sur la note de Léon, une petite chaumière dont les fenêtres débordaient de fleurs jaunes tandis que du lierre sauvage courrait le long de sa façade brun sable, sur deux étages. Kairi s'arrêta net devant un petit portail en bois, qui les séparait d'un joli chemin de pierres menant à l'entrée principale de la maisonnette, bordé de pissenlits. La jeune femme redressa lentement son visage, quittant le mot dans sa main crispée, son regard se relevant en même temps que son menton, jusqu'à observer la toîture pointue au-dessus d'elle avec une claire appréhension.

"ça va…?" s'inquiéta Lea d'une voix douce que Ven ne lui connaissait pas.

"Je… murmura Kairi, comme par peur de se faire entendre. J'aurais vraiment aimé que Riku soit là… Je m'étais toujours vu présenter mon frère à mes vrais parents… Pour qu'il…"

Elle fit une pause, déglutissant de travers, avant de soupirer profondément et d'admettre encore:

"Mais maintenant que je suis là, je… Je ne sais même pas si elle est encore en vie… ma grand-mère… Ou si mes parents…"

La suite de la phrase mourut dans sa gorge serrée par l'émotion et Ven sentit ses sourcils s'abaisser de tristesse, ne comprenant que trop la crainte de la Princesse de Coeur. Lea entoura affectueusement l'épaule de la jeune femme de sa main et se pencha en avant, de manière à pouvoir poser un regard émeraude bienveillant sur sa compagne. Il lui souffla, souriant chaleureusement:

"Si tu n'y vas pas maintenant, tu n'iras jamais. Et peut-être que tu le regretteras toute ta vie… Ne t'inquiète pas: peu importe ce qui t'attend derrière cette porte, on sera là, avec toi."

Ventus dut reconnaître que son ami avait un certain don pour parler à la gente féminine, et son charisme (qu'il utilisait finalement très rarement) était indéniable et fort convainquant dans ce genre de situation. Kairi, après avoir rangé le mot dans sa poche et avoir reniflé discrètement, lâcha, une nouvelle flamme dans le regard:

"Tu as raison… C'est maintenant ou jamais."

Kairi passa le portail et traversa rapidement le jardin qui la séparait de la porte sur laquelle elle toqua doucement, après une dernière et ultime hésitation.

Dans un premier temps, il n'y eut aucune réaction.

Lea et Ven l'encouragèrent du regard et elle réitéra son geste, avec plus de fougue.

Cette fois-ci, une voix chevrotante résonna derrière la cloison:

"C'est toi, ma chère Aerith?"

Kairi se figea sur place, parcourut par un frisson. Puis elle déglutit et se présenta, en haussant le ton:

"Désolée, je ne suis pas Aerith… Je…"

La jeune femme hésita, serrant les poings le long de son corps, avant de redresser la tête et de s'écrier:

"Je crois que c'est vous que je cherchais depuis des années! Mon cœur l'espère du moins de toutes ses forces! Si vous êtes d'accord, j'aimerais pouvoir vous rencontrer…"

Un long silence s'abattit sur eux, qui fut brisé par cinq coups de cloche de l'horloge du château d'Ansem le Sage. Puis la voix féminine s'éleva à nouveau, plus faiblement cette fois-ci:

"Passe la porte, jeune fille."

Ventus et Lea suivirent Kairi à l'intérieur de la petite bâtisse, qui força le grand rouquin à baisser la tête pour passer l'encadrement de la porte. Une odeur de bougie et de fleurs enveloppa toute suite les sens de Ven, tandis qu'ils essayaient d'éviter de faire tomber les piles de livres ou de vases débordants de roses, jacinthes et pivoines qui décoraient la plupart des meubles du salon dans lequel ils venaient de pénétrer. Là, à côté de l'âtre éteint et devant une table ronde en chêne, une dame âgée semblait en plein tressage d'une couronne florale. Son chignon rebondit retenait une abondante chevelure argentée et elle était vêtue très humblement, un simple châle en laine brune protégeant ses épaules et sa robe violette paraissant usée aux encolures. A leur arrivée dans la pièce, elle releva son visage en leur direction. Cependant, ses yeux bleus ternes ne rencontrèrent aucun des leurs.

Elle semblait atteinte de cécité.

"Viens vers moi… demanda-t-elle poliment, en tendant une main couverte de tâches de son en direction approximative de Kairi. Que je puisse te voir…"

Après une dernière seconde d'hésitation, la jeune sœur de Riku rejoignit la vieille dame et s'agenouilla à ses côtés, de manière à ce que ses deux paumes puissent passer sur les traits de son visage. A ce contact, Kairi ferma ses yeux brillants d'émotions. Alors que l'aïeule passait ses phalanges cassés par les ans dans la chevelure magenta de la jeune fille, elle souffla, ses propres yeux voilés se remplissant de larmes:

"Par Cosmos… C'est toi…? C'est bien toi ma petite Iris…?"

Kairi accepta la caresse de la main de la dame sur sa joue avant de rouvrir ses paupières, qui déversèrent deux filets de larmes le long de ses pommettes rondes. Avec un radieux sourire, elle affirma:

"Si cette Iris est la petite fille à qui vous racontiez des contes de fées et que vous avez vue pour la dernière fois en compagnie d'une jeune femme aux cheveux bleus, alors oui… c'est bien moi."

La vieille dame ne put retenir un hoquet de surprise et dut se cacher la bouche derrière une main osseuse, avant de s'écrier, le coeur débordant de gratitude:

"C'est un miracle! Les saints rayons de la Déesse soient loués! Tu es en vie! Et tu as réussi à revenir jusqu'à moi! Oh ma chère petite!"

La vieille dame attira Kairi à elle et les deux femmes échangèrent une étreinte sororale qui tira quelques larmes à Ventus, profondément touché par cette jolie réunion familiale qui lui redonnait un peu d'espoir.

"Oh grand-mère… murmura Kairi en enfouissant son visage dans son châle brun. J'avais tellement peur que tu sois…"

"Allons allons, la réconforta la dame âgée en tapotant gentiment sur son crâne. Ne pensons plus au pire… Le plus important, c'est que la Destinée nous aient permis de nous revoir dans cette vie…Par les cieux, tu dois avoir dix-sept… Non, dix-huit ans aujourd'hui!"

La grand-mère se redressa, le visage brillant de larmes, et agrippa Kairi par les épaules tout en chantonnant:

"Tes parents seront tellement heureux et soulagés de te savoir saine et sauve…"

"Mes parents?! s'exclama Kairi, tombant des nues. Alors ils sont eux aussi en vie?!"

"Oh je l'espère bien… pouffa-t-elle. Malheureusement, Nixe et Cole ne sont actuellement pas dans ce monde…"

"Ce monde? ne put s'empêcher d'intervenir alors Lea, posant un pied devant lui, faisant de ce fait craquer le parquet. Alors vous savez, pour les mondes extérieurs?"

"Lea…" soupira Ventus, en se plaquant une paume dépitée sur le visage.

"Ho-ho et j'entends que tu n'es pas seule… fit la vieille dame avec une sorte de roucoulement réjoui. Dis-moi qui sont les deux jeunes hommes qui t'accompagnent?"

"Grand-mère, présenta alors Kairi en se redressant, tout sourire. Je te présente mon petit ami, Lea, et Ventus, un très bon ami. Ils ont tous les deux eu la gentillesse de m'accompagner aujourd'hui."

Si un radieux sourire illumina le visage de la dame à l'annonce du mot "petit ami", toute joie quitta rapidement son faciès à l'énonciation du prénom entier de Ven, la femme reprenant un masque ridé, d'une vieillesse sérieuse et sans âge.

"Qu'as-tu dit…? s'étrangla-t-elle, s'appuyant sur la table de bois pour se remettre sur ses jambes. Quel nom as-tu prononcé?"

"Lea… répéta Kairi en soutenant sa grand-mère dans son geste. Et Ventus…?"

De désarroi, la dame âgée dut se retenir au bras de sa petite-fille, manquant de tomber par terre. Ven, le coeur battant la chamade dans sa poitrine, osa s'approcher d'elle et demander:

"Vous… me connaissez?"

"Que les Darklings m'emportent… murmura la vieille dame en s'accrochant maladroitement au kimono de l'élève d'Eraqus avant de passer sa main sur son visage barbu. Comment…?! Comment peux-tu être encore si jeune?"

"Vous…? commença à réaliser le jeune homme blond en ouvrant de grands yeux bleus estomaqués. Désolé si ma question va vous paraître bizarre mais… ces histoires que vous racontiez à Kairi quand elle était petite… Était-ce vraiment des contes ou…"

Il fixa la vieillarde, cherchant à reconnaître ses traits, avant de terminer:

"...les avez-vous réellement vécus?"

Kairi ouvrit de grands yeux, tandis que la mâchoire de Lea menaçait de divorcer de son crâne. La grand-mère de la Princesse de Coeur ne répondit pas, mais une ombre passa sur ses traits plissés par le poids des ans et elle chercha du bout des doigts une canne, posée contre la cheminée. S'en aidant, elle clopina en direction d'une porte encastrée dans un des murs du fond du salon, lâchant seulement, sans se retourner:

"Suivez-moi…"

Ventus, Lea et Kairi suivirent ainsi la mystérieuse vieillarde dans des escaliers sentant l'humidité et qui les conduisit à une petite cave, cachée sous la maisonnette. Derrière des piles de confitures et des caisses de réserve de vin et de pommes-de-terre se trouvait une grande armoire, fermée à clé.

Les trois jeunes gens présents faillirent avaler leurs langues lorsque la grand-mère fit apparaître une grande Keyblade dorée et rosée, figurant comme des nuages à sa pointe et arborant comme une tête d'animal sur son manche.

"Aide-moi ma chère petite… appela-t-elle Kairi, qui s'empressa de prendre l'arme légendaire des mains de son aïeule. Je n'ai plus la force à présent de la manier…"

Après un regard interdit vers ses deux compagnons masculins, s'attendant à tout sauf à découvrir une Porteuse dans sa famille, la jeune femme leva la lame en direction de l'armoire, qui s'ouvrit magiquement dans un déclic lumineux.

Apparurent alors sous les yeux ébahis de Ventus, une toge blanche, une capuche saumonée ornée de cristaux et un masque facial en forme d'animal.

Un renard, sans l'ombre d'un doute.

Des flashs de souvenirs traversèrent l'esprit de Ventus en une fraction de secondes, lui causant un désagréable mais familier mal de tête: la Ville de l'Aube, la place de la Fontaine, les Cinq Prophètes se battant dans les ruelles, l'Oracle de Vulpes rassemblant des jeunes Porteurs pour créer sa propre alliance…

"...Maître Ava…?" lâcha Ven dans un souffle, en reculant d'un pas, comme s'il avait vu un fantôme venu tout droit d'un passé oublié.

"...Maître…? répéta Lea abasourdi, en dévisageant la grand-mère de sa dulcinée d'un nouvel œil. De la Keyblade?"

"Une des premières Porteuses à avoir reçu le don de manier une Keyblade du Maître des Maîtres… récita Ventus, un profond respect dans la voix. L'une des Cinq Prophètes, Oracle de Vulpes…"

La vieille dame resserra ses deux mains sur sa canne de bois, souriant sereinement, avec peut-être une petite pointe de nostalgie accrochée au coin de ses lèvres.

"Grand-mère…? intervint Kairi, qui n'en croyait visiblement pas ses oreilles. Mais…comment? Je croyais que les Prophètes avaient vécu il y a des centaines d'années, au temps de Contes de Fées, avant la Première Guerre des Keyblades…"

"C'est exact, affirma l'aïeule calmement, avec une nouvelle forme de sagesse dans son timbre abîmé. Je viens de ce passé… tout comme ton ami, Ventus. Même si je l'avais oublié durant des années, cela dit… Parcourir les couloirs du temps ne se fait pas impunément. Un mortel en subira forcément les conséquences, Enna Kros nous avait prévenu. Ainsi, ma mémoire fut altérée, et il me fallut de nombreuses années pour rassembler toute la chaîne de mes souvenirs passés et me rappeler de qui j'étais vraiment…"

"Vous aussi vous étiez amnésique… comprit Ven, se sentant soudain extrêmement proche de la grand-mère de Kairi. Vous avez pris l'Arche, n'est-ce pas? Sûrement quelques temps après Skuld et moi."

"Lorsque j'ai compris que la Guerre des Keyblade annoncée par mon Maître au travers des Livres ne pouvait que se terminer en un monstrueux bain de sang et en l'anéantissement de tous les Porteurs de Keyblades, narra la vieille dame avec une lueur sombre dans son regard aveugle, regardant des ombres invisibles sur le mur en face d'elle. J'ai déserté le champ de bataille en rassemblant le plus possible de mes Dandelions encore en vie, et je les ai amenés vers l'Arche. Notre Maître l'avait construite peu de temps avant sa mystérieuse disparition et c'est alors que j'en ai compris l'utilité, et mon véritable rôle dans l'Histoire de notre Destinée: je devais partir. Disséminer les graines que j'avais rassemblées à travers les époques et les mondes. Sauver les derniers fragments de Lux et permettre aux mondes de se reconstruire après le chaos que nous avions nous-mêmes provoqués de par nos actions insensées…"

"Les derniers fragments de Lux… répéta Kairi, comme en transe. La lumière dans le cœur des enfants… Grand-mère c'est de cela dont tu voulais parler quand tu me racontais cette histoire?! ça parlait de ces Porteurs, ces Dandelions, qui possédaient des fragments de Lux?!"

"Les éclats de Lux primordiaux ne sont pas n'importe quels fragments… précisa Ava en levant un doigt devant elle. Les seuls capables de sauver des mondes à l'agonie, voués au néant… Des morceaux de la Gardienne de l'Ordre et de l'Harmonie elle-même, s'étant sacrifiée pour nous sauver du Chaos… "

"Lumen… comprit alors Ventus. La déesse du Crépuscule…"

"Pour ma part, le corrigea gentiment Ava, je l'appelais Cosmos et je l'appellerai toujours ainsi, même si elle a changé et même si à présent on lui donne plusieurs noms…"

Un silence presque religieux suivit toutes ces révélations, le poids du passé et de la vérité étant retombés sur les épaules de Ven, tandis que le reste des informations devaient sans doute être digérées par Lea et Kairi, laquelle venait tout de même d'apprendre que le sang des premiers Porteurs de Keyblades coulaient dans ses veines…

"Je suis navrée… s'excusa Ava en allant vers l'armoire, s'aidant de sa canne. J'aurais voulu te raconter tout cela bien plus tôt, ma chère petite Iris… Mais le Destin en a voulu autrement. Néanmoins, le fait que ton coeur ait pu retrouver le mien et que Ventus soit à présent à tes côtés n'est pas le fruit du Hasard…"

L'Oracle farfouilla quelque chose au fond du meuble, dans un compartiment secret dissimulé derrière son costume de Prophétesse… Lorsqu'elle se redressa avec difficulté, elle tenait un grand ouvrage à la reliure bleu foncé et dont la couverture arborait un cœur orné d'une aile d'ange et d'une aile de chauve-souris. Ventus déglutit de travers en reconnaissant un Livre des Prophéties, alors qu'Ava tendait le légendaire manuscrit à sa petite-fille, un grand sourire sur les lèvres:

"J'ai mis plusieurs années à retrouver l'un de ces précieux exemplaires… La comptine que je te narrais, elle vient de ces pages. "La Légende des Mondes", c'est comme cela qu'elle se nomme. J'ai marqué la page… Ventus saura t'aider à déchiffrer les symboles."

La jeune sœur de Riku papillonna plusieurs fois des paupières en recevant l'œuvre, sans doute à la fois abasourdie et touchée par le geste. Elle tenta de refuser le présent, visiblement mal à l'aise:

"Grand-mère… Ava? Je ne peux pas accepter… ce Livre t'appartient de droit. De plus, mes amis ont déjà en leur possession le Livre de Ventus. Nous n'avons pas besoin d'un second…"

"Tes amis ont acquis le Livre de Leopardus? la coupa son aïeule, intriguée. C'est bien. Très bien… Chacun des Livres est, selon ma théorie, légèrement différent. Il y a des pages manquantes, ou des pages ajoutées. À ma connaissance, je suis la seule à avoir eu vent de la Légende des Mondes. A l'inverse, je sais que Gula, le Maître de Ventus, possédait des informations que je n'avais pas. De plus, ma chérie…"

Ava se permit à nouveau de lever sa main flétrie par les ans en direction du visage de Kairi, qu'elle caressa avec affection tout en expliquant:

"Ton cœur est spécial, je l'ai toujours su… Tu es une Princesse de Coeur, dénuée de ténèbres… Tu es la personne la plus à même de garder ce Livre et de l'utiliser à bon escient."

Il y eut un silence chaleureux, durant lequel les deux femmes profitèrent de la présence de l'autre dans une scène touchante et familiale. Puis, comme piquée par une guêpe, Ava tapa dans ses mains et les poussa vers les escaliers de la cave à l'aide de sa canne de bois en s'exclamant:

"Mais assez parlé de moi! Montez, montez! Je vais faire du thé, j'ai des gâteaux au miel au four, ils sont presque prêts! Et vous allez me raconter toutes vos aventures! Il y a trop de questions sans réponses dans ma vieille tête, allez!"

Ventus, Lea et Kairi passèrent le reste de la soirée dans le salon de l'Oracle, partageant boissons, gâteaux et souvenirs. Ava s'avéra être une grand-mère joviale, curieuse et aimante, désireuse de rattraper le temps perdu avec sa petite-fille. Toutefois, lorsque Lea narra son adolescence mouvementée et sa recherche du Sujet X, qui s'avéra être Skuld amnésique, Ava se rembrunit et se mit à poser de nombreuses questions à Ventus et à Lea, tentant de reconstituer le puzzle de l'existence de la jeune femme devenue Iwako.

"Disparue? murmura soudain la vieille femme en se laissant retomber contre le dossier moelleux de son fauteuil. Par la grâce d'Etra… "

"Enfin pour l'instant on sait pas où elle est… tenta de la rassurer Lea, en levant ses deux longs bras devant lui. Mais une fois que Sora et Riku se seront réveillés, on va leur demander ce qui s'est passé et…"

"Mais pourquoi n'étais-tu pas avec elle Ventus? le coupa sans ménagement Ava, ce qui Lea prit visiblement très mal au vu de sa grimace vexée. Tu as donc également oublié la mission que le Maître des Maîtres t'a donnée?"

Ven serra les poings posés sur ses genoux et baissa la tête, honteux. Il avait rêvé de cette mission et de cette scène oui, il y a quelques mois en arrière… ou plutôt, il s'en était souvenu. Mais à ce moment-là, Iwako voyageait en compagnie de Sora, Riku et Hayate, et il ne voyait pas qui mieux que ces trois-là pouvaient efficacement veiller sur elle. Et aussi… il avait eu envie de voyager. En compagnie de Lea et Kairi. De retrouver un peu de sa personne, loin du coeur de Sora, durant quelques temps… A présent cependant, il réalisait que son voeu pouvait paraître égoïste, et il espérait de tout coeur que sa décision n'avait pas attiré des ennuis à Skuld…

"Je me souviens que je devais la protéger… admit-il en redressant deux yeux bleu roi peinés en direction du regard aveugle de l'ancienne Leader de Vulpes. Mais Maître Ava… de quoi? Savez-vous quel est véritablement le but de ma mission?"

La grand-mère de Kairi relâcha ses épaules et poussa un profond soupir tout en fermant ses yeux. Après quoi elle avoua, d'un air navré:

"Malheureusement, je l'ignore… Le Maître ne nous a jamais révélé son plan exact te concernant. Ni même… la plupart de ses plans, pour être honnête. Il disait que connaître l'avenir était dangereux, car en essayant de le changer, on pourrait altérer la Destinée et faire plus de mal que de bien par nos actes et décisions…"

Un silence réflexif suivit la tirade de l'Oracle, lourde de sens, avant que Lea ne relâche tout l'air contenu dans ses poumons tout en plaquant sa chevelure de feu vers l'arrière à l'aide de ses deux mains. Il lâcha ensuite:

"Pffffiouu… ça en fait des liens improbables quand même! Ven connaît Skuld, qui me connaît moi et en fait c'est Iwako qui a perdu la mémoire. Puis Ven vous connaît aussi vous, Madame Ava, qui êtes une sorte de devin venue du passé, comme Ven, et en plus vous êtes la grand-mère de Kairi, qui est maintenant ma petite copine! C'est OUF! Qui a écrit ce scénario de dingue?!"

"En effet, pouffa la vieille dame, une main cachant sa bouche dans un geste pudique. Cela peut paraître fou mais sache, jeune homme, que du haut de ma longue vie, j'ai appris une vérité immuable…"

L'Oracle fit une pause avant de fixer quelque chose de ses yeux bleu clair vitreux, et de déclarer:

"Les chaînes du Destin nous relient tous les uns aux autres…"

Rassurez-vous, on n'a pas oublié Sora et Riku et ils restent nos personnages principaux.

Retour sur eux (les pauvres) dans le prochain chapitre.