Eh oui! On est déjà de retour!

Promis, on va aussi mettre de l'humour par la suite, mais c'est encore un peu drama actuellement.

"Tu devrais te reposer un peu…" souffla la voix de Lea dans le dos de Ventus, gorgée d'inquiétude.

"Non, trancha Kairi, dont Ven n'apercevait que le capuchon noir tombant sur le dos de sa robe rose pastel. Il faut qu'on les retrouve. Et vite. Quelque chose s'est passé. Je l'ai senti."

La chaussure magenta de la Princesse de Œil glissa brusquement sur des éclats qui jonchaient l'ancienne route déambulant dans les Falaises de Cristal, lui faisant perdre l'équilibre. Ventus réagit rapidement et la rattrapa en agrippant son biceps de sa main gantée. Son regard bleu roi rencontra alors celui, azuré, de la jeune femme, débordant de larmes de peur et d'appréhension. Ne comprenant que trop les sentiments éprouvés par son amie, l'ancien élève d'Eraqus se permit de lui suggérer:

"Lea a raison Kairi… Moi aussi je meurs d'inquiétude et je te crois quand tu dis que tu as senti que quelque chose n'allait pas: c'est pareil pour Sora. Son œil lui fait mal, je l'ai aussi ressenti. Mais tu n'as rien mangé depuis hier soir et à peine dormi quelques heures cette nuit: on doit faire une pause pour pouvoir reprendre les recherches plus efficacement."

Les sourcils magenta de la Porteuse se froncèrent d'abord de colère en entendant le début de sa tirade, avant de retomber lentement le long de son arcade, s'abaissant de tristesse et d'impuissance.

"D'accord… finit-elle par accepter, tout en se passant un avant-bras sur le visage pour en chasser la peine. On fait une pause."

La sœur de Riku quitta précautionneusement l'antique route pavée et alla s'asseoir, lasse, sur un rocher bleuté tombé aux pieds d'un pan de falaise. Lea, en tout bon petit ami qui se respecte, s'empressa d'aller la rejoindre pour lui proposer de boire un peu à la gourde qu'il avait eu la présence d'esprit de demander à Merlin le matin même.

Ven, de son côté, releva un menton préoccupé en direction du ciel, visible entre deux pics acérés de cristal qui les entouraient de toutes parts actuellement, telles les dents d'un monstre géant: le soleil commençait déjà à décliner. Cela ne présageait rien de bon.

Le jeune homme blond revit fugacement les visages soucieux d'Aerith et de Léon qui leur disaient, hier dans la journée, que Sora, Riku, Iwako et Hayate étaient injoignables et introuvables.

Depuis, Ven, Lea et Kairi avaient fouillé tous les faubourgs, retourné Hautvent de fond en combles et l'ancien Numéro VIII avait même utilisé le pouvoir des ténèbres pour se téléporter dans la forteresse oubliée et la traverser au pas de course. Mais à l'exception d'une "sale impression", le grand rouquin n'y avait pas trouvé âme qui vive.

Tous étaient donc encore bredouille et sans la moindre piste, si ce n'est que le quatuor ne semblait pas avoir quitté le monde de Jardin Radieux (du moins, pas à bord de leur vaisseau gummi).

"Je ne sais plus quoi faire… soupira brusquement Kairi en enfouissant son visage dans la paume de ses mains, ses cheveux magenta cachant ses doigts alors qu'elle posait ses coudes sur ses genoux dans un geste d'abandon. J'ai essayé de traquer le cœur d'Hayate, comme lorsque l'on cherchait Cendrillon… Mais rien ne fonctionne."

"T'en fais pas pour ça… tenta de la réconforter Lea en passant son long bras fin autour des épaules de la jeune femme pour l'attirer contre lui, assis à ses côtés. Hayate ne doit pas fonctionner comme une Princesse de Œil "standard". Ou alors, ils se sont coincés dans un endroit magique, ou un truc du genre… Oublie pas qu'il nous reste encore le labo du vieux à fouiller."

Les paroles du jeune homme à la crinière rougeoyante parurent apaiser Kairi, qui hocha lentement la tête, reprenant courage. Lea fit alors semblant de resserrer le bandana vert qui entourait sa masse de cheveux et profita du mouvement pour fixer résolument Ventus, le poussant muettement à l'aide pour remonter la morale à sa dulcinée.

"Heu oui! S'empressa de dire Ven, en se passant une main gênée sur la nuque. Il ne faut surtout pas dramatiser: c'est pas parce que je sens que Sora va mal qu'il va…vraiment si mal. Il y a un problème mais c'est peut-être qu'un petit… problème?"

Lea plissa ses paupières jusqu'à ce qu'elles ne deviennent que deux fentes à peine visibles et lâcha, avec jugement:

"T'es sérieux mec? C'est censé être rassurant ça?"

"Bah écoute je suis aussi super inquiet alors désolé de pas être très inspiré pour un discours plein d'espoir! Lança Ventus en même temps qu'un index agacé en direction de son front. C'est pas écrit "Sora" là, je te rappelle!"

"Alors essaye un truc! S'irrita Lea en se relevant et en faisant de grands moulinets avec les bras, tentant sans doute de mimer des danses étranges et ésotériques. Je sais pas moi: un sort de Princesse de Œil plein de lumière magique!"

"Pour la millième fois… s'énerva franchement Ventus (ou plutôt Roxas à l'intérieur de lui) tout en serrant les poings le long du corps. Je ne SUIS PAS une Princesse de Œil!"

Lea ouvrait la bouche, ses poings serrés en train de s'enflammer, pour rétorquer quelque chose lorsqu'il reçut une chaussure rose en pleine face, rapidement suivie de sa jumelle qui vint obscurcir la vue de Ventus durant quelques secondes. Les deux jeunes hommes clignèrent plusieurs fois des paupières en se dévisageant bêtement, avant de tourner leurs regards émeraude et saphir vers Kairi, qui se remettait sur ses jambes, un sourire mi-dépité, mi-amusé sur les lèvres:

"Vous êtes pas croyables… fit-elle en tentant de garder son sérieux. Allez, ce n'est pas l'heure pour une scène de ménage. On peut reprendre les recherches…Une fois que vous m'aurez rendu mes chaussures."

Sora toussa du sang et fronça ses sourcils en V, tentant d'ajuster sa vue brouillée sur son adversaire. Si les attaques de Riku envoûté par Xehanort s'étaient espacées et étaient devenues plus chaotiques, le jeune homme sentait ses dernières forces commencer à le quitter: ce combat n'avait déjà que trop duré à ses yeux.

Il se jeta rapidement sur le côté, roulant entre deux débris de colonnes de verre brisées en deux, tandis que le bruit caractéristique du sort de soin de Carbuncle résonnait derrière lui.

D'une voix agacée et pressée par la fatigue, Sora lança à l'adresse de la conscience de son meilleur ami, enterrée quelque part au fin fond de son corps possédé:

"Riku! Je veux pas déranger ta sieste, mais ce serait bien que tu te réveilles maintenant… genre, là, tout de suite!"

Un nouveau laser de ténèbres fut tout ce qu'il reçut en guise de réponse. Il esquiva comme il le put en se jetant en l'air, dans un saut maladroit peinant à soustraire son corps à la gravité. Néanmoins le souffle de l'attaque le plaqua contre un mur de cristal encore debout, qu'il percuta de plein fouet avant de s'écrouler dans de la poussière argentée.

"Ménage tes forces pour ton propre combat, ancien élu, se vanta la voix de Xehanort par la bouche de Riku, tout en avançant vers lui. Ce n'est plus qu'une question de temps avant que ton ami ne succombe à ses propres ténèbres… et à ma volonté."

Sora gémit de douleur avant de se redresser sur les genoux, tenant à peine sur deux avant-bras tremblants. Il parvint toutefois à rétorquer au Maître des Chercheurs, un œil à demi-fermé par la douleur:

"ça… c'est mal le connaître."

Tandis que Xehanort gonflait d'orgueil le poitrail dénudé et brûlé par endroit du jeune Maître, prêt à fondre sur sa victime, Sora farfouilla le sol de sa paume et se redressa lentement, sur ses gardes, tout en lançant d'une voix plus forte:

"Riku, si tu m'aimes et que tu es toujours là-dedans, lève un sourcil!"

Le visage altier en face de lui fit une pause inexpressive, avant qu'un familier haussement d'arcade sourcilière ne confirme à Sora que le temps qu'il était en train de gagner avait un espoir de réussite. Alors que son assaillant se ruait à nouveau sur lui, le jeune homme ouvrit sa main fermée et jeta brutalement le sable de verre qu'il avait ramassé à terre en plein visage du Maître en lançant, sincèrement navré:

"Désolé!"

Xehanort s'arrêta net, surpris, et poussa une douloureuse plainte en tentant de chasser la poussière de cristal qui l'aveuglait. Sora en profita pour se jeter sur lui et le faire tomber à terre à l'aide de tout son poids, se remémorant un des conseils dispensés par Hayate avec amertume:

"Ton corps est plus lourd à présent. Tu es moins rapide mais tu peux utiliser ta masse contre ton adversaire."

Les deux jeunes hommes roulèrent au sol, leurs bras nus griffés de toutes parts par les éclats de verre de la Tour en miettes, quand Sora parvint finalement à se placer derrière son adversaire, le maintenant dos contre lui grâce à une clé de bras qu'il avait réussi à placer sous son cou. Les puissantes jambes de Riku frappèrent le sol à plusieurs reprises, se débattant de plus belle, tandis que ses deux grandes mains tentaient de tirer sur les bras de Sora pour le faire lâcher prise sur sa gorge.

S'il arrivait à le faire s'évanouir, songea le jeune homme avec remords, alors il n'aurait pas besoin de continuer à le combattre et aucun des deux ne serait plus blessé.

"Non! S'écria soudain la voix d'Enna Kros quelque part derrière lui. Il doit rester conscient s'il veut réussir à combattre la présence en train de s'insinuer dans son esprit!"

"Si je le laisse filer… grogna Sora, dents serrées, en évitant un coup de crâne de Riku. Il va encore essayer de me tuer… Mais si vous avez une meilleure idée, je suis preneur!"

"Lâche-le! Ordonna encore Kros tandis qu'un râle de frustration sortait de la gorge de son meilleur ami. Et essaye plutôt un nouveau sort d'entrave! Il a l'air assez perturbé à présent pour être pris au piège plus longtemps!"

Maudissant la Gardienne du Temps, cette situation et ce crétin de Riku qui prenait des plombes à se bouger les fesses, Sora desserra finalement son étreinte étranglante et roula sur le côté, se dégageant le plus rapidement possible de leur posture de lutte pour pouvoir fuir de potentielles représailles.

Mais alors qu'il rampait dans le sable de verre, il sentit une puissante poigne attraper l'une de ses chevilles.

Lorsqu'il tourna la tête, il aperçut deux yeux jaunes vibrant d'une rage malsaine le fixer derrière un pan de cheveux argentés et sentit que Xehanort, au travers du corps de son meilleur ami d'enfance, l'attirait inexorablement à lui, un sourire cruel déformant sa bouche.

Il allait définitivement en faire des cauchemars, pensa Sora, ne pouvant rien faire contre la force herculéenne du jeune Maître et voyant fugacement un petit air de famille avec Xemnas.

Quand, soudain, Xehanort se figea net dans son mouvement et ouvrit deux grands yeux surpris en lançant:

"Qu'est-ce que…?"

Ignorant totalement ce que Riku était en train de fabriquer, et n'ayant pas le temps de se poser des questions, Sora profita de cette seconde d'inattention pour projeter un puissant coup de pied à la face de son meilleur ami. Celui-ci lui lâcha la jambe pour attraper son nez (que Sora espéra sincèrement ne pas avoir abîmé sur le long terme) et le jeune homme se hâta de sortir la Clé du Feu.

Utilisant tout ce qu'il lui restait d'énergie magique, il planta l'artefact divin dans le sol entre eux et invoqua des serpents de flammes rouges et noirs qui vinrent enserrer les poignets, les chevilles, la taille et le cou de Riku, l'immobilisant au sol alors qu'il se mettait à crier de rage et de douleur.

"Bien joué petit élu, lâcha Enna Kros dont le visage apparut bientôt dans le reflet d'un gros cristal proche. Xehanort et ton ami ont également l'air d'arriver à bout de leurs forces… Espérons maintenant que ce soit le bon qui l'emporte…"

Le œil serré dans un étau de culpabilité et d'appréhension, Sora, à moitié écroulé au sol, observa en silence Riku hurler de plus belle à chaque tentative d'échapper à son maléfice de feu, qui brûlait sa peau blanche aux endroits où il tirait sur les liens ensorcelés.

Le jeune homme regarda une de ses grandes paumes tremblantes, incertain et apeuré:

Avait-il encore eu recours au pouvoir des ténèbres, sans s'en rendre compte?

Enfin, après un temps qui lui parut interminable, la voix paniquée de Xehanort s'écria soudain:

" C'est impossible! Tu n'es qu'un cœur normal, tu n'as rien de spécial!"

Le corps du jeune Maître de la Keyblade se débattit encore un moment, agité parfois de spasmes ou de tremblements, avant qu'un long et déchirant cri ne s'échappe de la bouche de son meilleur ami, son dos nu se cambrant dans une horrible posture:

"NOOOOOON!"

Puis, plus rien.

Le corps du jeune homme aux cheveux argentés retomba lourdement à terre, inerte, ne bougeant plus d'un cil. Après une seconde d'hésitation, Sora désactiva les liens enchantés qui le maintenaient immobile et rampa jusqu'à lui, le cœur battant, ne sachant pas encore s'il devait se réjouir ou désespérer du résultat du combat mental auquel il n'avait pas pu assister. Fébrile, Sora se pencha au-dessus du visage couvert d'égratignures et d'ecchymoses et murmura, incertain, comme craignant la réponse:

"Riku…?"

Ses paupières furent agitées d'un tremblement. Puis deux paires de cils argentés s'entrouvrirent lentement et le cœur de Sora manqua un battement en notant la couleur de ses yeux.

Deux iris brillants aux reflets turquoises océaniques se posèrent fugacement sur lui, avant que ses yeux ne se ferment à nouveau, les traits de son faciès meurtris enfin sereins.

Alors, quelque chose se répandit dans tout le corps de Sora. Partant de son cœur et noyant son esprit et ses nerfs devenus indolents, un étourdissant flot de soulagement se déversa dans tout son être alors que des larmes s'accumulaient au coin de ses yeux froncés par l'émotion. Dans un réflexe presque animal, Sora souleva le buste de Riku inconscient et le pressa contre son torse, de toutes ses forces, comme par peur qu'il ne disparaisse s'il ne le retenait pas assez fort dans cette vie. Le jeune homme posa son front contre celui du Maître de la Keyblade, mêlant leurs franges acajou et argent tachées de sang et salies de poussière.

Et il pleura.

Ce fut un râle plus qu'un cri dans un premier temps, comme si tout l'air de ses poumons quittait douloureusement son corps dans une même fuite. Puis son torse eut un sursaut, suivit d'un gémissement et enfin, le premier long sanglot s'échappa de ses lèvres, tandis que ses yeux répandaient ses larmes sur le visage endormi de Riku.

Riku.

Riku seul, et pas Xehanort.

"Merci… parvint à articuler Sora entre deux hoquets, tout en berçant le corps de son meilleur ami d'avant en arrière, s'adressant sans doute aux cieux. Merci de me l'avoir rendu… Je sais pas ce que j'aurais fait si toi aussi tu avais disparu…"

Le jeune homme sentit alors une petite patte se poser sur son genou replié. Il posa deux yeux débordants de reconnaissance sur le petit Carbuncle, qui le fixait de ses yeux de rubis épuisés, parvenant à peine à tenir encore sur ses pattes.

"Et merci à toi bien sûr… lui dit Sora en passant sa grande main entre les deux longues oreilles du renardeau bleu. J'aurais jamais survécu sans toi… Tu peux te reposer, maintenant."

Après un dernier petit miaulement satisfait, le minuscule Gardien sauta en l'air et disparut dans une pirouette. Toutefois, une dernière lumière salvatrice retomba sur le corps de Riku, dont les brûlures les plus graves se résorbèrent presque aussitôt. Sora se permit un timide sourire, puis sécha ses larmes d'un revers de bras, refusant de lâcher son meilleur ami de l'autre, et chercha un visage du regard. Il finit rapidement par tomber sur la tête de Kros, miroitante dans un reflet de cristal, restée étrangement silencieuse. Peut-être avait-elle assez de respect pour eux pour comprendre leur peine…?

"J'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour t'aider… affirma la Gardienne du Temps, qui feignait l'indifférence bien que le jeune homme la sentait tendue. Mais ma œil va devoir couper notre connexion: je le sens qui revient."

"De qui vous parlez à la fin?! S'agaça Sora, fatigué et sentant ses yeux se fermer tout seuls. Et cherchez pas des excuses pour vous défiler: c'est vous qui nous avez coincés dans ce guêpier! Va falloir me dire comment sortir de là!"

"Bahamut, dit simplement Kros, tandis que ce nom enflammait de rage le sang de Sora dans ses veines. C'est lui mon geôlier. S'il apprend que j'ai réussi à m'évader d'une quelconque manière… Je te laisse imaginer ce qu'il me fera."

Sora, aveuglé par la colère, voulut lui lancer quelque chose de cinglant, comme: "Bon débarras" ou "j'en ai rien à taper de ce qu'il va te faire". Mais il parvint à se canaliser (sachant qu'elle était sa seule chance de trouver un moyen de se tirer d'affaire, et de sauver Riku) et se contenta de grogner, exaspéré:

"Dites-moi comment quitter ce satané monde…"

Enna Kros sembla hésiter quelques instants, avant de tourner la tête, regardant par-dessus son épaule. Elle fixa ensuite Sora de ses deux iris d'acier froid et expliqua, rapidement:

"Par chance pour toi, Bahamut a laissé un de ses crocs dans ta chair. Il a mélangé son pouvoir à ton sang, par accident. Les mortels le nomment parfois "Le Dragon des Dimensions" car il est le seul d'entre nous à être capable de créer des poches de réalités ou d'atteindre des univers inaccessibles. Si tu te concentres sur ton monde en tenant le croc dans ta main et que tu déchires l'espace qui sépare les dimensions, tu devrais être en mesure de quitter Grymoire. En revanche… utiliser un pouvoir divin de cette puissance… j'ignore quels effets cela aura sur ton corps."

Sora n'aurait pas qualifié l'espèce d'horreur qui s'était planté dans sa cuisse de "chance", mais en sortant la dent du dragon noire de la poche de son pantacourt, il la regarda toutefois d'un nouvel œil à la fois réticent et curieux.

"Peu importe… cracha Sora. Tant qu'on sort de cet enfer…"

Enna Kros l'observa un instant, avec intérêt. Puis finalement, son reflet dans le cristal s'estompa progressivement, alors qu'elle avouait:

"Je sais que cela n'effacera pas la peine qui entache ton œil, mais sache que tout ceci n'aurait jamais dû se terminer ainsi. J'avais un plan, mais Bahamut… Je me suis trompée sur ton compte, élu de Lumen. Peut-être ton courage mérite-t-il la lame que tu as perdue. J'espère à nouveau pouvoir croiser ta route, et si tel est le cas, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour te venir en aide…"

Le silence qui suivit la disparition de la Gardienne du Temps soulagea Sora quelques précieux instants, qui lui permirent de récupérer juste assez d'énergie pour se remettre sur ses jambes flageolantes.

"Allez… ordonna-t-il à son propre corps épuisé. Faut que tu tiennes… juste encore un peu."

Avec l'énergie du désespoir, le jeune homme empoigna le croc d'ébène courbé dans sa paume droite, tel un poignard, et se mit à frapper le vide devant lui. Encore et encore. S'imaginant déchiqueter le monstre à qui appartenait la dent qu'il tenait. Quand enfin sa colère se fut apaisée, sa tête lui tournait, mais il parvint à se rappeler du canyon de cristal par lequel ils étaient parvenus à Grymoire lors du voyage d'aller. Alors que son esprit fixait cette image dans sa mémoire, épinglée comme un insecte sur un mur, il sentit, étonné, le croc rencontrer un obstacle invisible. La moitié de la dent s'était plantée dans ce qui lui semblait être une membrane souple, faisant de ce fait disparaître une partie de l'objet. Poursuivant sur sa lancée, Sora descendit la pointe vers le bas, déchirant alors l'espace devant lui… tout comme il sentit sa propre main se déchirer également de douleur.

De surprise et de souffrance, il hurla et dut agripper son coude droit de sa main gauche pour se forcer à ne pas lâcher son poignard maudit. Il jeta un rapide coup d'œil au dos de sa main, transpirant à grosses gouttes: toutes ses veines apparentes pulsaient d'une horrible couleur noire, éclatant par endroits, alors qu'un mélange de sang et de liquide couleur d'encre coulait le long de son bras, le brûlant telles des flammes.

Sora se sentait au bord de l'évanouissement: à cause de la souffrance, et à cause de l'énergie que ce croc était en train de lui voler.

Entre deux halètements, il jeta un coup d'œil à Riku, étendu sur le sable de cristal, puis à la taille de la faille dimensionnelle qu'il avait déjà réussi à ouvrir.

Elle était trop étroite.

Jamais ils ne passeraient tous les deux.

Sauf s'il continuait à déchirer le voile de la réalité en sacrifiant ses dernières forces.

Alors que Ventus suivait Kairi et Lea dans le dédale de la forêt de cristal composant les falaises bleutées de Jardin Radieux, appelant régulièrement le nom de ses quatre amis, les mains en porte-voix, il se figea soudain et dut poser sa main contre la paroi de verre la plus proche pour encaisser le choc.

Son cœur avait cogné contre sa poitrine.

Violemment. Douloureusement.

Ven ouvrit de grands yeux bleus terrifiés, fixant le chemin de pierres devant lui sans pouvoir prononcer un mot.

"Roxas! entendit-il crier devant lui. Qu'est-ce qui t'arrive?"

Deux grandes mains attrapèrent ses épaules et se mirent à le secouer.

"Qu'est-ce qu'il y a?!"

Ventus cligna plusieurs fois des yeux, reprenant ses esprits, et releva la tête pour croiser les regards inquiets de Lea et Kairi.

"C'est Sora… expliqua son ancien Simili en tirant sur le tissu de son kimono, à l'endroit du cœur. Il va très mal…"

"Tu peux sentir sa présence? demanda Kairi sur un ton urgent. Tu pourrais nous guider à lui?"

L'ancien élève d'Eraqus se redressa, respira une grande bouffée d'air pour se calmer et apaiser la douleur dans sa poitrine, puis ferma les yeux, pour se concentrer sur le lien qui l'unissait à son frère d'âme. Soudain, derrière ses paupières closes, un faible rayon de lumière doré sembla s'élever au milieu des pics de cristal, un peu plus loin dans le canyon.

"Là! s'exclama le jeune homme blond en pointant l'endroit du doigt. Il est tout prêt!"

Sans demandes d'explications supplémentaires, Kairi se précipita dans la direction indiquée, talonnée de près par Lea et Ven. Ils étaient parvenus dans un étroit passage lorsque celui-ci s'ouvrit sur une sorte de vallon intérieur, au centre duquel se dressait un gigantesque cristal.

Et deux corps inanimés couchés devant sa base.

Lorsque Ventus reconnut Sora, contusionné, griffé de toutes parts, le bras droit déchiqueté ainsi que Riku, brûlé, ensanglanté, couvert de cendres ou de poussière et les habits en lambeaux, sa gorge se serra et ses jambes refusèrent de faire un pas de plus. Kairi courut à eux, se jeta à genoux et lança directement un puissant sort de soin alors que Lea, les bras ballants le long de son grand corps, appela d'une voix tremblante:

"Les amis… y a un souci…"

Ventus l'avait remarqué. Kairi aussi. Mais ce fut Lea qui dit tout haut ce que leurs esprits refusaient d'accepter:

"Où sont les filles?"

La suite viendra bientôt.

Comme on peut enfin avancer sur certaines informations, on est ultra productifs.