Désolé de vous avoir abandonné siiiii longtemps. Je n'étais pas satisfaite et finalement, après avoir laissé lonnnnngtemps reposer ce que j'avais écrit, c'était pas si mal. J'ai un peu modifié, corrigé et fait relire par la meilleure des meilleurs et on a un chapitre incroyable ! Bonne lecture !


Harry est trempé et transi, cela fait un moment déjà que Draco le voit grelotter sans pour autant qu'il ne se plaigne. Ses yeux papillonnent entre la vue magnifique des nuages sombres et écrasants donnant l'impression que le ciel va se fracasser sur eux et le visage sérieux du jeune homme soudainement illuminé par un éclair qui fend l'air. Le tonnerre retentit de longues secondes autour d'eux. Le prince bat régulièrement des ailes pour évacuer l'eau qui ruisselle dessus quand le vent ne s'en charge pas assez vite à son goût.

— Nous devrions rentrer.

— Je ne veux pas rentrer, s'oppose Harry.

— Ne dites pas de bêtises, je ne peux pas vous laisser ici.

— Et pourquoi ?

— Vous mourriez en tentant de descendre de cet arbre.

— Ce sort me semble préférable à celui de retourner dans ma cellule et de m'y laisser mourir d'ennui pour les trente prochaines années, soupire le sorcier.

— Je ne savais pas que vous aviez des pensées si sombres, maugrée Draco.

— Comment cela pourrait-il être autrement, imaginez-vous être coincé dans une pièce pour le restant de votre vie, que ressentiriez-vous ?

Draco resta silencieux quelques instants.

— Une vie de captivité n'est-elle pas mieux à la mort ? finit-il par lui demander.

— Je me pose sérieusement la question.

— Faites-moi part de votre conclusion, je vous en prie. Car je commence également à me sentir pris au piège.

Harry pose les yeux sur le prince comme s'il le voyait réellement pour la première fois.

— Vous ? Le prince des fées. Comment est-ce possible ?

— Je suppose que les prisons peuvent revêtir des formes différentes.

— Et de quelle forme se trouve la votre, celle d'une forêt, tente Harry, secrètement ravie d'avoir vu juste à ce sujet.

— Pas seulement, élude mystérieusement le fé.

Harry lève les yeux au ciel face à la réserve du prince.

— On aurait pu croire que les mois passés auraient suffi à vous convaincre de vous fier à moi. Je vous rappelle que je suis un prisonnier condamné à perpétuité auquel personne ne souhaite adresser la parole hormis vous. S'il y a bien quelqu'un auquel vous pouvez vous confier sans retenue, c'est bien moi, s'exaspère l'impatient sorcier.

— Bien s'emporte Draco. Puisqu'il le faut. Mon père souhaite que je me marie et que je fasse des enfants avec Pansy. Je ne veux pas, je ne pense pas, à ça. Je pense à tout ce que vous m'avez dit sur les hommes, toutes les sciences et les avancées magiques. Mais en tant qu'héritier on attend de moi que je protège mon royaume et l'histoire qui nous a menés ici, dans cet endroit sûr pour nous, mais qui entrave notre évolution. Si je dois être parfaitement franc, je crois que le déclin de la natalité est une alerte de la nature. Nous gardons nos pouvoirs pour nous par peur alors qu'il nous a été donné pour qu'on propage la vie. Ça ne peut pas être une coïncidence que celle-ci se tarisse. Je dois partir, la nature me le crie, je l'ai vu en rêve. Draco bafouille, en se rappelant de l'autre partie de son rêve. Enfin, entre autres, et je semble être le seul à le vouloir, mais je suis également celui qui le peut le moins. Ma prison c'est l'histoire de mon peuple, ma position d'héritier et ma forêt.

— Et moi qui me croyais pris au piège, ironise le sorcier tout en plaquant des mèches de cheveux trempés par la pluie derrière ses oreilles.

Draco détourne le regard.

— Moquez-vous si cela vous amuse, déclare-t-il amer.

— Ce n'était pas mon intention. J'ai d'ailleurs de nombreuses questions qui me viennent suite à cette longue déclaration, mais je ne sais par où commencer. Je suppose que nous aurons le temps plus tard d'aborder tous ces points de toute façon, soupire le sorcier qui regrette la chaleur de sa prison. Il resserre ses bras autour de lui sans protester cependant inquiet de précipiter son retour à sa cage s'il laisse paraître son état.

— Oh, mon père m'a interdit de vous revoir, annonce le prince se rappelant soudain ce point de détail.

Un des sourcils de Harry se lève très haut, ce qui aurait presque pu être comique.

— Quoi ? s'écrie le sorcier pris au dépourvu.

— Il croit que vous me mentez et que vous me manipulez, ce qui, je dois l'avouer, me vexe profondément. Sans remettre en doute les capacités intellectuelles que j'ai découvert chez vous, mon père vous croit à peine plus évolué qu'une bête. Imaginez ce que cela fait de moi à ses yeux, constate le prince.

La panique à l'idée de risquer de voir son unique visiteur disparaître fait rapidement place à de la peine face au prince qui semble profondément blessé. Harry se demande s'il peut imaginer ce que c'est d'avoir l'impression d'être une déception pour son propre père, lui qui n'a pas connu ses parents. Mais il suppose que ce serait au moins aussi désagréable que l'idée de décevoir Sirius.

— Donc, non seulement vous sortez un prisonnier de sa cellule pour aller faire une sortie dangereuse et puérile, mais en plus vous le faites en désobéissant à un ordre direct de votre père qui est également le roi, vous devez être vachement en colère, constate le sorcier.

— Non, je suis, entame-t-il sans trouver les mots, je me sens, recommence-t-il sans plus de succès.

— C'est la première fois que je vous vois si hésitant. C'est touchant. Je suis navré pour vous, de ce qui vous arrive.

Draco pense à lui dire que ce n'est pas de sa faute, mais tout compte fait, peut-être que si. Mais il ne lui en veut pas vraiment. Un coup de tonnerre le sort de sa torpeur et il bat une dernière fois des ailes pour en faire tomber l'eau qui y ruisselle.

— Nous rentrons, déclare-t-il, ouvrant ses bras pour ramener l'humain à sa prison.

Harry ne proteste pas cette fois-ci et colle son corps glacé à celui de Draco qui frissonne à son contact. Les lianes magiques le ficellent contre le corps du prince et le retour se fait dans le cahot des bourrasques. La magie de Draco ouvre une brèche dans le mur de la cellule qui se referme dès qu'il a posé pied à terre. Harry sent qu'il le libère de ses entraves, mais il ne bouge pas. Les bras autour du cou de l'héritier, il se demande quand il aura l'occasion de serrer de nouveau quelqu'un contre lui. Même s'il sait que le prince n'est absolument pas en train de lui rendre son étreinte.

— Allez-vous me lâcher ? se courrouce-t-il, moins gêné par la proximité du sorcier que par son désir de le garder contre lui.

— J'ai un peu la tête qui tourne, ment le sorcier.

Draco avance de quelques pas, forçant Harry à reculer et il l'aide à s'asseoir sur le lit, devant pour cela le serrer dans ses bras afin de le déposer en sécurité contre le matelas. Son visage frôle celui du sorcier, ses cheveux maintenant longs lui chatouillent la joue lorsqu'il se recule et Harry se voit contraint de desserrer sa prise autour du fé qui le contemple l'air inquiet. Il dépose une main chaude sur son front, tout aussi avide d'initier un contact avec le prisonnier que de vérifier son état de santé.

— Vous êtes glacé, nous n'aurions pas dû rester si longtemps dehors avec ce temps. J'ai bien peur que vous tombiez malade.

— Non, c'était sympa, de sortir, le contredit Harry. Merci, chuchote-t-il.

Leurs visages sont proches. Draco ne s'est pas éloigné et continue de l'observer avec un drôle d'air. Le cœur de Harry bat un peu plus vite, il reconnaît ce moment de flottement étrange et se laissant emporter par cette folle soirée, se penche pour faire siennes les lèvres de Draco.
Surpris, le prince se fige. Les lèvres de Harry sont douces et se réchauffent à son contact. Il n'a pas le temps de penser, cette soirée est trop étrange, pendant un instant il se demande s'il n'est pas simplement à une autre soirée et s'il n'a pas pris un de ces champignons. Une main se pose sur sa joue, la caresse est agréable. Il écoute encore son instinct, celui qui l'a poussé à venir ici sans réfléchir, celui qui ramène sans cesse le sorcier à son esprit, et ouvre alors la bouche.

La langue de Harry s'y faufile et Draco accueille l'haleine chaude et enivrante du prisonnier, il tourne la tête pour pouvoir offrir un meilleur accès à cette langue caressante. Il embrasse un humain et il aime ça. C'est ainsi que son esprit fait finalement face à cette vérité ultime. Il embrasse un homme, un ennemi, un prisonnier. Il ne devrait même pas être ici.

Il repousse vivement Harry, le cœur tambourinant dans sa poitrine, sujet à de nombreuses émotions contradictoires. Il part à reculons, incrédule, se retourne et s'enfuit alors qu'il entend le sorcier l'appeler, lui dire de rester. Des larmes coulent le long de ses joues pâles, chassant la sensation des doigts du sorcier qui étaient posés là quelques instants auparavant. Il tente de repousser le souvenir agréable de son premier baiser hors de son esprit, mais tout son corps est secoué par ce qu'il a ressenti lorsque la bouche du sorcier s'est posée sur la sienne.

Il court jusqu'à déboucher du couloir qui mène aux cachots, fuyant les pensées chaotiques et son désir interdit de retourner dans la cellule. Il marche d'un pas vif jusqu'à sa chambre. Son esprit est vide et un sifflement perçant l'empêche de réfléchir. Il marche jusqu'à sa fenêtre et l'ouvre en grand. Son visage est fouetté par le vent et les quelques gouttes de pluie qui ont réussi à passer à travers l'épais feuillage. Cela l'aide à se calmer. Il prend quelques grandes respirations d'air frais avant de refermer la fenêtre et de s'asseoir dans un fauteuil.

Il vient d'être embrassé par un homme. Un répugnant humain, de sexe masculin qui plus est. Et il a apprécié, il a ouvert la bouche. Il cache son visage dans ses mains dans un vain espoir de se dérober à sa honte. Passe encore qu'il en rêve pendant un trip aux champignons, mais il ne peut laisser cela arriver dans la réalité. Pourtant, dès qu'il ferme les yeux, il voit le sorcier, il peut encore sentir ses lèvres contre les siennes. Il aimerait de tout son cœur que ce souvenir soit détestable, horrifiant, mais tout ce qu'il se rappelle c'est une douce caresse, une chaleur amie, une haleine enivrante et un désir inavouable de recommencer. Il n'y a pas de mots pour décrire ce qu'il ressent. Ou plutôt si, abject, déshonorant, indigne, infâme, méprisable… Il se hait, il se dégoute et il faut qu'il se débarrasse immédiatement de ces pensées avilissantes.
D'un pas décidé, il se rend dans le boudoir de sa mère. Il cherche dans une armoire un pot contenant une puissante tisane aux effets somnifères. Il s'en prépare une grande tasse, avec ce besoin d'oublier, de chasser ce souvenir et de dormir d'un long sommeil sans rêves qui lui remettra certainement les idées au clair.

Les yeux toujours fermés, Draco entend le chant incessant des oiseaux dehors. Il ouvre les yeux pour trouver sa chambre baignée d'une douce lumière. L'orage est passé sans emporter avec lui les souvenirs de la veille. Il se déteste de se sentir autant affecté par les événements des derniers jours. À la lumière de ce qui s'est passé, Draco ne peut que se demander si les reproches de son père sont justifiés. Il a fait quelque chose qu'il aurait juré inconcevable encore quelques semaines auparavant. Et pire que cela, il a apprécié un geste proscrit par les siens à plusieurs égards.

Son père a raison et il est de son devoir de lui obéir. Il ferait mieux de faire définitivement une croix sur le prisonnier et d'accepter son destin. La vie auprès de Pansy serait sans aucun doute agréable. C'est une personne facile à s'accommoder, jolie et amusante qui sait cependant rester discrète au besoin. De plus, et c'était tout de même la chose la plus importante, c'était une femme et un fée. Elle était en mesure de lui donner la chose la plus précieuse aux yeux de son peuple, un héritier. Ce chemin était plus simple, c'était de toute façon la seule voie qu'il lui était offert. Il doit l'accepter et le plus tôt serait le mieux. Oublier ce rêve stupide donné par des champignons hallucinogènes sans doute mal cultivés par Blaise, cette stupide sortie sous l'orage et ce baiser de la damnation.

Et si en son for intérieur il perçoit la logique de son esprit. Et même s'il sait qu'il prend la seule décision respectable et digne. Il ne peut empêcher une chape de plomb de s'installer dans son estomac. Son souffle se fait un peu plus fort et sporadique, il contracte ses poings et bloque la bile qui tente de remonter le long de sa gorge. Plongé dans sa tourmente, il ne voit pas sa magie s'échapper par vague, touchant les plantes de sa chambre, provoquant la chute de quelques pétales. Il inspire une dernière fois, ses yeux anthracite perdant de son éclat. Fort de sa nouvelle résolution, il range ses notes dans un coin de son bureau, il n'en aura désormais plus besoin. Il part retrouver ses parents pour le petit déjeuner avec la ferme intention de s'excuser auprès de son père.

Allongé dans le lit de sa cellule, Harry se flagelle pour son acte. Et aussi réussi qu'ait été le baiser échangé avec le prince, il n'avait pas manqué de le faire fuir. Il se retourne en soupirant puis tousse bruyamment. Ce n'est pas comme si Draco ne lui avait pas dit que les relations entre hommes étaient proscrites au pays des fées. Cependant, il est sûr de ne pas avoir imaginé le désir qu'il a vu dans les yeux du fé. Mais il peut comprendre qu'il ait pris peur, c'est toujours compliqué au départ d'aller contre les principes de la société. Il grelotte malgré le duvet qu'a fait apparaître le prince pour lui. Il pose sa main sur son front essayant de déterminer s'il a de la température, mais ses doigts glacés ne lui indiquent rien de très concret. Il vient de se réveiller, mais se sent encore fatigué alors il referme ses yeux et s'endort de nouveau.

Quand il rouvre les yeux, il fait nuit. Une assiette est posée devant la porte de sa cellule, mais il n'a pas faim. Il a mal un peu partout et pense qu'il a sans doute attrapé froid. Draco n'est pas venu le voir. À moins qu'il ne l'ait simplement pas réveillé, mais au fond de lui, Harry a la sensation que le prince ne reviendra pas. Il lui avait fallu plusieurs jours pour revenir après la dispute avec la bassine et maintenant il lui en voulait certainement pour le baiser.

Harry grogne de colère et se retourne en resserrant la couverture autour de lui. Combien de temps le prince buté et trop fier mettra pour admettre son attirance envers lui ? Il rappelle à sa mémoire chaque instant où Draco a fait preuve de préjugés lors de leurs entretiens et ils sont nombreux. Harry a pris un malin plaisir à détruire avec des piques bien senties les certitudes du prince. Il se rappelle les insultes proférées par le prince sans même qu'il en ait conscience. Mais maintenant, il réalise ses erreurs de jugement, il reconnait la valeur de Harry. Il lui a rendu son baiser. Peut-être que sa raison avait repris le dessus après, mais par merlin, il lui a rendu son baiser, de ça il en est sûr. Alors le prince doit maintenant faire face à son désir et décider si le sorcier en vaut le coup. S'il risque de désobéir une fois encore à son père, à son roi.

Sa gorge le brûle, il se lève doucement, chacun de ses muscles rechignant à la tâche. Il boit un peu d'eau, tentant de soulager sa douleur, mais c'est pire. Il marche à petits pas prudents jusqu'à la table et jette un œil au fond de la bassine. Sirius dort sur le vieux canapé défoncé de leur salon, une bouteille vide à la main. Cette vision serre le cœur de Harry. Il imagine son parrain dévasté par cette énième perte, buvant jusqu'à l'inconscience pour pouvoir enfin se libérer de son tourment. Il avait toujours connu Sirius un peu amer mais Harry arrivait en général à chasser ses démons qui prenaient facilement le dessus. Il le comprenait, partageant sa douleur d'avoir perdu des êtres si chers. Maintenant il ne pouvait plus rien faire pour lui, il était un nom supplémentaire sur la liste, un nouveau poids sur sa conscience.

Dans l'espoir d'apercevoir un tableau plus joyeux, il demande ensuite à voir ses amis Hermione et Ron, qui sont ensemble depuis leurs dernières années d'études. Ils dorment, un petit bambin roux blotti entre eux. Le tableau idéal de la famille heureuse. La petite main potelée est refermée sur une mèche de cheveux de sa mère. Harry aimerait mieux connaître cet enfant, il ne l'a même pas vu naître. Il aurait dû être le parrain, mais ils ont sûrement désigné quelqu'un d'autre à sa place. C'est chaque fois une torture de pouvoir observer sa vie sans lui et il se demande toujours pourquoi il s'inflige cela.

Il décide alors de changer de sujet et son esprit se tourne, par habitude, vers Draco. Il est également assoupi. Il regarde sa poitrine se soulever à un rythme régulier. Il semble dormir profondément et cela réveille une certaine colère chez Harry. Il aimerait constater que le prince n'arrive pas à trouver le sommeil. Qu'il est en proie à une insomnie causée par Harry, par ses doutes, par les tourments qu'il lui a arrachés lors de leur sortie. Cela n'aurait-il été qu'un moment d'égarement pour Draco ? Mais Harry ne peut pas le croire. Le fier héritier n'aurait jamais avoué ce genre de choses s'il s'était agi de pensées en l'air, de broutilles. Alors, comment fait-il pour dormir ? Sa colère réveille ses douleurs, sa tête se met à le lancer. Il doit être tard, alors il retourne se coucher, la gorge serrée, espérant trouver un repos qui le libérera au moins de ses douleurs physiques.

Il est tiré d'un long sommeil par le soleil qui illumine la pièce. Il ne se sent pas beaucoup mieux, sa gorge est toujours enflée. Il n'a pas envie de se lever et attend, immobile, que la journée passe. On vient lui déposer ses repas à intervalles réguliers, mais il n'a plus faim. Sa gorge le brûle lorsqu'il avale sa salive.

Chaque minute qui passe fait un peu plus mourir l'espoir de voir le prince et sa rancœur grossit, nourrissant sa colère. À force de se repasser les événements des derniers mois, Harry est persuadé des sentiments de Draco pour lui. Pourquoi serait-il venu chaque jour dans sa cellule ? Son projet n'était clairement qu'un prétexte pour assouvir son envie de découvrir le monde en dehors de cette forêt et peut-être aussi pour voir le sorcier, espèrent-ils. Et le fait qu'il soit venu pendant l'orage après les reproches que son père lui avait faits n'est qu'une preuve de plus.

Le prince est un couard, il a peur de ses sentiments pour Harry, il a peur de faire ce qu'il croit juste pour lui et son peuple. Il frissonne et se dit que c'est peut-être simplement la fièvre qui le fait délirer. Une quinte de toux lui vrille la tête, que ne donnerait-il pas pour une potion antalgique.

Draco traverse le palais dans l'idée de se rendre à la bibliothèque. Il marche sans y penser, de façon automatique, un peu comme tout ce qu'il fait depuis quelques jours. Il essaie de ne pas trop se poser de questions et fait ce qu'on attend de lui. Les rendez-vous avec Pansy, les réunions avec son père, les soirées avec ses amis. Mais une discussion dans un couloir entre deux fées le sort tout à coup de sa torpeur.

— Je ne sais pas pourquoi je m'obstine à aller lui apporter de la nourriture, il ne mange plus depuis deux jours.

— De toute façon, s'il continue il sera bientôt mort et on aura plus à s'occuper de lui.

Le prince se stoppe net, se retourne pour aviser les deux fées. Il meurt d'envie de leur demander s'ils parlent de Harry, mais il s'en doute. De qui d'autre pourraient-ils parler? Il ne doit pas s'en préoccuper. C'est sans doute un petit rhume. Dès que ce sera passé, Harry recommencera à se nourrir. Et même s'il ne le faisait pas, ce ne serait pas le problème de Draco. En tout cas c'est ce dont il essaie de se convaincre.

Il réussit difficilement à ignorer la pensée du prisonnier malade et seul pendant la journée, mais une fois le soleil couché, après une journée fatigante passée à se persuader qu'il fait le bon choix, il n'a plus la force d'ignorer ce qu'il sait. Le sommeil l'évite. Il reste allongé dans son lit, parfaitement alerte à s'inquiéter. Les minutes passent, n'apportant pas la douce inconscience du sommeil.

N'en pouvant plus, il se lève et passe chercher quelques potions à l'infirmerie. À son grand soulagement, les couloirs sont vides et silencieux. Il se dit qu'il ira juste poser les médicaments au pied de la porte de la cellule. Finalement, arrivé devant, il décide qu'il ferait mieux de laisser un petit mot d'explication pour que le sorcier sache comment les prendre. Mais une fois entré dans la petite pièce, il ne peut s'empêcher de poser les yeux sur le prisonnier. Il semble assez mal et respire avec difficulté. Draco peut ressentir sa petite flamme de vie vaciller, attaquée par la maladie. Ses jours ne semblent pas en dangers immédiats, mais il a attrapé quelque chose d'un peu plus grave qu'un simple coup de froid. D'un doigt, il déplace les mèches de cheveux noirs collées sur le front du malade. Il est brûlant. Ce contact tire le Harry de son repos.

— Draco, murmure-t-il. Encore ce rêve ?

Le prince retire vivement sa main, se demandant si Harry rêve si souvent que cela de lui. Cette idée lui fait plaisir. Il sait qu'il ne devrait pas éprouver cette sensation, mais c'est le milieu de la nuit et il est fatigué. Il n'a pas la force de chasser cette pensée ni même de la nier.

— Je suis bien là, avoue le prince dans un murmure.

Le prisonnier tend la main vers lui et il l'attrape la serrant pour prouver que sa présence est réelle.

— Je pensais que je vous avais fait fuir avec mon baiser.

— C'est le cas.

— Mais vous êtes là, constate Harry.

— Je n'arrivais pas à dormir, avoue Draco sa bouche sèche. J'ai appris que vous étiez malade, je vous ai apporté quelques potions.

— Alors, vous vous sentez coupable. Peu importe, j'espère que la maladie mettra un terme à ma captivité.

— Hors de question, le contredit le prince.

— C'est bien encore la seule chose que je puisse décider, contre Harry en retirant sa main de celle de son visiteur.

— Je ne vous laisserais pas faire, s'emporte Draco.

— Pourquoi ? Suis-je donc un animal de compagnie que vous souhaitez garder enfermé pour venir le voir à votre guise, demande Harry.

— Vous êtes devenu un ami, je crois, bégaye Draco, pris de court, incapable de trouver de mot plus approprié à la situation. En tout cas, je refuse de vous laisser mourir.

— Je ne suis pas votre ami, Votre Altesse, lance Harry se retenant de lui dire qu'on embrasse pas ses amis. Si vous l'étiez, vous me laisseriez le choix. Ou vous m'aideriez à m'enfuir.

— Vous êtes insupportable comme toujours, têtu et obtus. Je vais vous dire ce que fait un ami.

Il pince le nez d'Harry et lui verse le contenu de la fiole dans la bouche, le forçant à avaler avant de le relâcher. Harry tousse et le repousse.

— Espèce de con, le plus têtu de nous deux c'est vous, grogne le sorcier.

Un petit rictus déforme la bouche de Draco, amusé, car personne de toute sa vie ne s'est jamais adressé à lui comme cela et qu'il n'a rien à redire à l'insulte, elle est sans doute méritée. Harry se redresse difficilement dans son lit, partagé entre la colère de s'être vu administrer un remède de force et le plaisir de savoir que Draco se préoccupe de son sort, même s'il est incapable d'en avouer la raison.

— Et maintenant quoi ? Demande Harry. Vous allez repartir et me laisser moisir ici, en bonne santé. Merci mon prince.

Draco se laisse tomber sur une chaise, se prend la tête dans les mains. Sa détermination de ne plus remettre les pieds dans cette cellule était mise à rude épreuve, il s'en rappelle la raison, mais ne trouve pas la force de la suivre.

— Je viendrais demain, promit-il. Il se lève. La potion va vous faire dormir, elle devrait bientôt faire effet. À demain Harry.

Il quitte la prison, perdu. Il a promis de revenir, après tous les efforts qu'il a faits ces derniers jours pour s'éloigner. Quel maléfice le lie à ce prisonnier se demande-t-il encore lorsqu'une voix reconnaissable entre toute terrifie en résonnant dans le hall sombre du palais.

— Draco.

Le cœur du prince s'arrête. Il le sent dans son ton, le roi est fou de colère.

— Je n'aurais jamais cru possible que tu puisses me désobéir ainsi. Ignores-tu que je suis le roi en plus d'être ton père? Je t'ai interdit de rendre visite au prisonnier.

— Il est malade et personne ne, entame-t-il avant d'être coupé.

— Peu importe son état, qu'est-ce que cela peut bien te faire? Que t'as fait ce méprisable humain, ressaisis-toi, bon sang. Je n'aurais jamais cru être contraint de poster des gardes pour te surveiller, mais tu m'y contraint.

— Père, s'offusque Draco.

— J'agis en qualité de roi et tu vas m'écouter maintenant. Je ne tolérerais aucun autre écart, tu ne remettras plus les pieds dans la cellule du prisonnier. Tu vas te concentrer sur ton union prochaine avec Pansy et ton devoir de concevoir avec elle des héritiers. Est-ce que c'est bien compris ?

Le poing du prince se serre de colère, car il sait qu'il ne peut rien dire. Pourtant c'est comme s'il n'avait attendu que cela. Car ces quelques mots enflamment son indignation, trop longtemps refoulée sous prétexte qu'il est son père et qu'il est le roi. Il sait au fond de son cœur ce qui est juste et ce qu'il désire. Le miroir de ses illusions se brise, son destin vient juste de changer de direction.

— Bien, mon roi, dit-il sachant qu'aucun autre mot ne serait toléré.

C'est accompagné par deux gardes qu'il retourne à sa chambre.