Merci à Sockscranberries, parfaite relectrice bêta.
Merci pour vos reviews.
Merci pour ton retour également Kelewan ! Pour info, l'histoire originale a 37 chapitres.
J'aime bien celui-là aussi, mais pas autant que le précédent, ni que le suivant... qui n'est pas encore traduit. Par ailleurs, se serai en vacances les deux semaines prochaines. Il est donc très probable qu'il n'y ait pas de mise à jour pendant ce temps-là. On se retrouve pendant la deuxième quinzaine d'août !
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Chapitre 9
Severus se doucha rapidement, afin de libérer la salle de bain pour Hermione, qu'il imaginait devoir prendre plus de temps que lui à ses préparatifs. Il ne manqua pas de songer à l'occupation qu'il aurait pu initier s'il avait eu le loisir d'une douche plus longue. Il poussa même le vice jusqu'à... imaginer les pensées qu'il aurait pu rassembler à une telle occasion. Putain, mais c'est Hermione Granger, bordel. Espèce de taré.
Bien qu'il fut rapide comme l'éclair, les coups ne cessaient de résonner à la porte. Ou du moins, il eut l'impression qu'ils étaient incessants. En fait, elle n'avait toqué deux ou trois fois pour le prévenir que ses grands-parents étaient arrivés, et qu'elle avait besoin de se doucher et de se changer pour ne pas être en retard. Ce fut cependant suffisant pour faire remonter à la surface les sentiments d'agacement qu'il avait entretenus envers elle pendant des années. Tout était en ordre.
Il avait imaginé, à l'origine, pouvoir s'habiller dans la salle d'eau, mais après qu'il se fut laissé envahir par sa colère envers elle, puis par la colère en général, il se saisit de ses vêtements et ouvrit brusquement la porte, lèvres retroussées, sourcils froncés. Hermione, qui s'était alors retournée vers la fenêtre, sursauta et fit volte-face vers lui. Il ne portait qu'une serviette nouée autour de sa taille, et ses cheveux ainsi que sa peau étaient toujours humides.
« Oh... Oh ! Mon Dieu, Snape ! » s'écria-t-elle en le voyant.
Il y avait de la surprise, bien sûr, mais aussi un peu d'excitation, pour ne pas mentir. Peut-être plus qu'un peu, en fait. Il n'était pas si maigre et mal en point qu'elle l'avait imaginé à Poudlard, caché derrière sa redingote. En fait, son corps était plutôt agréable à regarder, mince mais assez musclé, avec tout ce qu'il fallait là où il le fallait. Il était tel qu'elle avait commencé à l'imaginer depuis qu'elle l'avait vu habillé autrement que de ses vêtements trop noirs et trop stricts, prenant même parfois la liberté de laisser les premiers boutons de sa chemise défaits. Son torse et ses épaules étaient bardées de cicatrices longues, qui ressemblaient à celles faites par un fouet. Elles étaient légèrement plus foncées que sa peau, et semblaient s'étendre jusque dans son dos. Il y avait aussi, sur son estomac, des marques de coupures, mais aucun de ces stigmates n'enlevait à la beauté de ce qu'elle voyait. Au contraire, cela la renforçait. Et il y avait évidemment cette large et sinistre cicatrice dû à la morsure du serpent. Mais même celle-ci n'était pas repoussante.
« Désolé d'avoir choqué vos yeux chastes, » gronda-t-il d'un ton sardonique, « mais cela fait dix minutes que vous me harcelez pour que je libère votre très précieuse salle de bain ».
« Je ne vous ai pas harcelé. »
« Peu importe, la place est libre, » compléta-t-il, toujours irrité.
Il quitta le petit couloir, ses habits dans une main, tenant sa serviette autour de sa taille de l'autre. Elle récupéra les vêtements qu'elle avait rassemblés sur le lit, puis passa devant lui, rougissante, pour gagner la salle de bains.
Quand elle en sortit, il était totalement habillé, dans le même goût que les jours précédents, à l'exception d'un pantalon de costume noir, qui avait remplacé son jean noir. Au lieu de l'une des chemises de coton qu'il avait portée jusqu'ici, il avait sur les épaules une chemise d'un tissu plus élégant, toujours noir, plus approprié pour une soirée. Il était assis à la fenêtre, lisant en l'attendant le livre qu'il avait choisi à leur arrivée, de dos à la porte des toilettes. Elle s'avança à grands pas vers la table de chevet pour en retirer un collier et des boucles d'oreilles. Le courant d'air qu'elle provoqua ainsi, plein de son parfum fruité, assaillit les narines de Severus et le poussa à lever les yeux. Sa gorge se serra.
Elle portait une robe portefeuille, noire, ornée de motifs floraux, nouée à la taille, avec des manches aux trois-quarts et un magnifique col en V, profond, ouvert sur son décolleté. Elle attacha autour de son cou l'un des colliers qu'il l'avait déjà vue porter ces derniers jours, une chaine fine et sobre, ornée d'un pendentif en forme de petite clef, qui oscillait entre ses seins. Ces derniers, pressés l'un contre l'autre par la position de ses bras, comme elle mettait ses boucles d'oreilles, en devenaient encore plus désirables, et il se prit à s'imaginer s'y noyer tout à fait. Ses cheveux, aux boucles maintenant bien dessinées, semblaient un peu plus domptés qu'à l'ordinaire.
« Quoi ? Est-ce que vous avez un commentaire désobligeant à faire concernant mon apparence ? » demanda-t-elle en le voyant la fixer de la sorte.
Elle avait posé cette question en s'asseyant dans un fauteuil entre le lit et la fenêtre, pour mettre ses chaussures - des talons à bouts ouverts. Comme elle y prenait place, la fente de sa robe s'ouvrit, laissant voir ses jambes, qu'il avait tant convoitées.
Il essaya, Dieu sait qu'il fit tout son possible, pour faire éclore dans son esprit une remarque narquoise, mais rien ne lui vint. « Finissons-en avec cette torture, » se contenta-t-il de cracher en se levant, posant son livre.
Ils descendirent par l'escalier de service qui menait directement dans la cuisine, juste à temps pour y voir Judith et Edward féliciter le traiteur, bien qu'ils n'aient pas encore goûté aux plats servis. Ils se tournèrent ensuite vers Severus et Hermione.
« Mais quel couple magnifique vous faites ! Regarde-les donc, Edwards ! » lança Judith.
Edward, Judith et Jane les détaillèrent alors en souriant, et Hermione comme Severus se sentirent soudain presque mal à l'aise.
« Et j'ai entendu dire que c'est vous qui avez tout installé dehors. C'est merveilleux ! Merci ! »
Judith embrassa Hermione alors qu'Edward serrait la main de Severus avec un sourire. Comme Edward s'avançait vers sa petite-fille pour l'enlacer à son tour, elle lança un « oh, ce n'est rien, nous étions contents de pouvoir aider. » Severus, lui, tendit sa main vers Judith, qui ne la serra pas. « Allez, assez de cela ! Vous faites pratiquement partie de la famille ! Maintenant, courbez un peu votre grande stature pour enlacer la petite vieille que je suis, » s'exclama-t-elle en souriant.
« Oh non, non, je ne... » se défendit-il, embarrassé.
Il n'était pas tactile, encore moins avec des étrangers. Mais Judith ne se satisfit pas de sa réponse et le força à se baisser vers elle, d'abord en tirant sur son bras, puis en passant ses mains derrière son dos pour l'enlacer étroitement.
L'agacement de Severus fut fauché en plein vol par ce contact, qu'il apprécia, et regretta même quand il se termina. Il n'avait jamais ressenti cette... chaleur, cet accueil, auparavant. Ne te méprends pas, ils ne savent même pas qui tu es vraiment. Si c'était le cas, ils ne t'aimeraient sûrement pas. Personne ne t'aime. Son père a raison.
Ils prirent la direction de l'arrière-cour pour s'assoir à une table près de la piscine et discutèrent un moment sur fond de musique, une musique plus douce que le hard-rock qui s'était échappé des baffles un peu plus tôt dans la journée. Les invités commencèrent à arriver, certains membres de la famille que Severus avait déjà rencontrés, puis des voisins et amis. On lui en présenta quelques-uns, les indispensables, et il surprit même Hermione et ses proches en s'adressant dans un français parfait à ceux qui ne parlaient pas anglais. Après cela, on le laissa seul avec son whisky, qu'il aurait volontiers troqué contre un Pur-Feu. Il était tiraillé entre la croyance qu'il était laissé de côté par honte, et l'espoir qu'Hermione ait pris en considération son besoin de tranquillité en le préservant d'attentions et de contacts sociaux facultatifs.
La fête allait bon train, on avait servi les amuse-bouches et le peu d'espace laissé entre les tables était pris d'assauts par les plus courageux qui y dansaient. Severus était assis à sa table, Hermione à ses côtés, pendant que ses parents et grands-parents échangeaient avec tout le monde. Ils burent, ils mangèrent, et échangèrent quelques mots pour donner le change. Severus pria tous les dieux pour que personne ne le pousse à danser. Ce fut à ce moment-là qu'ils furent approchés par les deux cousines insupportables, Karen et Andrea. Andrea tenait un bébé dans les bras, probablement le sien.
« Est-ce que vous allez rester assis toute la nuit ? »
Merde. On y était. Pourquoi ces deux-là ne pouvaient-elles juste pas se contenter de leur lâcher la grappe ? Hermione eut un sourire.
« Severus n'aime pas trop danser. »
Ce n'était pas exactement le cas. Il pouvait aimer danser, mais pas sur cette musique pop hystérique. Cela dit, il n'allait pas se risquer à la contredire.
« Bon, alors viens danser avec moi ! » s'exclama Karen, en prenant la main d'Hermione.
« Mon mari est du genre bougon quand il s'agit de danser, aussi, » ajouta-t-elle en plaisantant. Severus se demanda si on allait le pousser à discuter avec lui, mais il l'aperçut un peu plus loin, déjà pris dans une conversation animée toute en français, sûrement avec des locaux. Il eut un soupir de soulagement.
« Comme c'est dommage, » lança-t-il, « qu'un être si exceptionnel ne puisse pas s'abaisser à une occupation si bassement matérielle que la danse. Cela aurait pu être une corde... exceptionnelle de plus à son arc. »
Il avait fait cette remarque en se souvenant à quel point elles avaient été toutes deux insupportables le premier soir, à parler de la perfection de leurs vies, de leurs maris et enfants exceptionnels. Hermione ricana, mais Karen, si sûre d'elle et remarquablement odieuse par cela, ne s'embla pas en prendre ombrage. Peut-être n'avait-elle même pas compris le sens de ses mots.
« Eh bien, mon mari est en train de danser, et pour une fois, j'aimerais bien pouvoir le rejoindre. Puisque vous allez rester assis à ne rien faire, vous n'avez qu'à prendre le bébé, » lança Andrea, en posant l'enfant sur les genoux de Severus.
« Oh, non, non, je ne... » commença-t-il en se saisissant maladroitement du petit, comme s'il s'agissait d'un ballon de rugby, mais sans succès. Andrea était partie rejoindre son mari et Karen attirait Hermione vers la piste de danse improvisée. La sorcière lui jeta par-dessus l'épaule un regard plein d'excuses, un peu inquiète, sans rien pouvoir faire pour lui.
Ainsi, elles abandonnèrent Severus avec un bébé dans les bras. Il en était dépité, et l'enfant était plutôt grincheux.
« Eh, je n'aime pas ça non plus, mais il faut faire avec, » dit-il.
Il le fit doucement sauter sur ses genoux, et sa mauvaise humeur sembla légèrement se calmer. Il se demanda combien de temps allait durer cette mascarade, et fut même tenté d'aller tirer Hermione de la piste pour lui mettre l'enfant dans les bras. C'était sa famille, après tout. Il n'avait pas signé pour cela.
Son regard alla de l'enfant à la piste de danse, en espérant la voir revenir. Mais elle dansait, s'amusait et... bougeait si délicieusement, dans cette robe. La fente laissait parfois entrevoir ses jambes somptueuses, et ses cheveux flottaient merveilleusement alors qu'elle bougeait. C'était sans compter sur son bassin, qui se balançait et roulait en rythme. Comme cela aurait été fantastique de l'avoir sur sa...
Le bébé râla de nouveau. Perdu dans ses pensées, Severus avait oublié de bouger ses jambes, et il n'aimait pas cela. Il était probablement plus prudent de s'éloigner de la zone. Il ne pouvait pas se permettre de la regarder danser. Cela provoquait en lui des réactions... qu'il devait à tout prix repousser.
« Bon, allons te trouver quelque chose à manger alors, d'accord ? » dit-il, stoïque, en se levant avec l'enfant, de manière un peu gauche, puis bientôt dans une position bien plus correcte. « S'il faut changer ta couche, tu vas devoir t'habituer à te mouvoir dans ta crasse, parce que je ne fais pas ce genre de choses, » marmonna-t-il en se dirigeant vers la maison.
Hermione était inquiète. Severus n'aimait pas les enfants, elle s'en rappelait très bien. Il ne supportait certainement pas davantage les bébés. Elle s'inquiétait qu'il s'énerve contre elle, la fasse passer pour une foldingue, ou pense finalement que c'en était trop et finisse par quitter le navire . Elle regarda vers la table et ne le vit pas. Son malaise s'intensifia, et elle finit par quitter la piste de danse. Quand Karen la vit, elle suivit.
« Qu'est-ce qui se passe ? »
« Je ne vois plus Severus et Nicholas. »
« Et ? »
« Je... j'aimerais juste vérifier qu'il va bien, » se justifia-t-elle avait un sourire timide. « Severus. »
« Il va très bien, regarde. »
Karen pointait du doigt la porte-fenêtre de la cuisine. Severus avait assis l'enfant sur l'îlot central en le maintenant d'une main, et lui tendait de l'autre de petits morceaux de fruits, assez patiemment pour qu'il puisse les prendre dans sa bouche. Autour, le personnel du traiteur s'affairait, remplissant des plateaux, entrant et sortant pour servir les invités. Hermione laissa inconsciemment un sourire tendre se dessiner sur ses lèvres, et Karen l'entraîna pour une nouvelle danse.
Après trois ou quatre chansons de plus, Hermione réussit à convaincre Karen qu'elle avait besoin d'une pause, surtout depuis que Jacques les avait rejointes et avait commencé à harceler Hermione en se trémoussant autour d'elle, derrière elle, en essayant de se frotter à elle tel le gros dégueulasse qu'il était, comme si c'était encore la peine. Elle lui lança un regard de pur dégoût, si convaincant qu'il arrêta un moment son sketch, confus. Alors, elle s'éloigna vers leur table et attrapa un verre d'eau sur le plateau d'un serveur qui passait par-là. Severus n'y était toujours pas revenu, et quand elle regarda à l'intérieur, elle ne le vit plus dans la cuisine. Alors, elle se dirigea vers la maison, un peu inquiète, ou plutôt curieuse de savoir où il se trouvait, et surtout s'il avait toujours avec lui l'enfant, et s'il lui en voulait à mort de l'avoir abandonné dans une telle situation. Elle entra, regarda dans la cuisine, dans la salle à manger, puis revint finalement vers la cuisine qu'elle traversa pour atteindre le premier espace du grand salon. Andrea se tenait là, cachée derrière un pilier, le regard tourné vers une zone un peu plus éloignée.
« Andrea, est-ce que tu as... »
« Chuut ! » dit-elle, doucement, portant un index à ses lèvres
Quand Hermione leva un sourcil interrogateur, Andrea lui fit signe d'avancer vers elle. Elle approcha pour regarder dans la même direction. Severus était assis sur le canapé, dans la pièce silencieuse et vide, tenant l'enfant contre son torse, tapotant doucement son dos. Ce dernier semblait plonger peu à peu dans un profond sommeil. Hermione eut un sourire. On aurait dit qu'il avait fait cela toute sa vie. Il ne semblait pas irrité ou impatient... En fait, il avait même l'air paisible. Une chaleur inexpliquée s'étendit peu à peu depuis son cœur, jusqu'à ses joues et... plus bas.
« Quand est-ce que vous allez en fait un aussi, tous les deux ? » murmura Andrea, l'air satisfait.
« Oh, non, je... Je ne pense pas que Severus veuille... ou ait cela en... » bafouilla Hermione, mal à l'aise.
« Il a le truc. Regarde ! »
Elle tourna de nouveau le regard vers la scène attendrissante.
« Même moi, je n'arrive pas à l'endormir si rapidement et si facilement, » poursuivit Andrea.
Hermione ne savait pas quoi dire. Elle se contenta d'admirer Severus avec des yeux émus, les mots lui manquant, un sourire bêta sur les lèvres. Andrea eut un sourire et entra finalement dans la pièce.
« Eh, » commença-t-elle tout bas, pour ne pas réveiller l'enfant, « est-ce que c'est vous, l'extraordinaire homme qui murmurait à l'oreille des bébés ? »
Les lèvres de Severus se recourbèrent à peine, d'un côté, alors qu'Andrea récupérait son fils.
« Tonton Severus est plutôt sympa, n'est-ce pas ? » souffla-t-elle à l'enfant endormi.
Severus frissonna à l'idée qu'on l'appelle « Tonton Severus. »
« Pas si effrayant et taciturne qu'il n'y paraît au premier abord, » ajouta-t-elle.
Hermione eut un petit rire alors que les sourcils de l'homme se fronçaient à ce commentaire.
« Merci, je reprendre le flambeau, » dit Andrea en quittant la pièce, les laissant seuls.
Hermione eut un sourire maladroit en s'asseyant sur le bras du sofa en face de lui. Comme ses fesses s'y appuyaient, la fente de sa robe s'ouvrit, révélant ses jambes.
« Désolée pour tout cela, » lança-t-elle en tentant de dissimuler la chaleur qui s'était insinuée en elle.
« Ça va. Il ne m'a pas vomi dessus, ni n'a... laissé sorti quelconque fluide par l'autre extrémité, » commenta-t-il avec dégoût, mais elle se contenta d'en rire. Il n'avait pas complètement détesté être resté en compagnie de l'enfant. On ne lui avait jamais auparavant confié la garde de bébés. Seulement celle de leurs versions plus grandes et atrocement insupportables.
« Et il préfère être au calme, comme moi, » ajouta-t-il.
Des images fugaces d'Hermione dansant passèrent devant ses yeux, ses cheveux flottant au rythme des notes comme ils le faisaient à présent en suivant le mouvement de son rire. Il fut alors envahi d'un sentiment doux, agréable. Tout cela était de plus en plus compliqué à faire taire.
« Hmmm... Nous devrions sortir pour dîner, » dit-elle, les joues toujours un peu rougies.
Il y avait quelque chose entre eux qui semblait devenir de plus en plus présent, de plus en plus palpable, et avoir été un moment seuls n'avait rien fait pour arranger la situation.
« Très bien, » souffla-t-il en se redressant.
Ils regagnèrent la cour et prirent place à table. Ils mangèrent et échangèrent avec ses parents, grands-parents, et toute la famille assise aux tables proches. Quand Judith et Edward se levèrent, le silence se fit, et ils purent faire un petit discours pour remercier tout le monde.
Alors qu'ils s'y attelaient, énonçant les vœux qu'il était de bon ton d'offrir lors d'un dîner d'anniversaire de mariage, un dîner d'anniversaire de cinquante ans de mariage de surcroît, Hermione écouta tout aussi bien leurs mots qu'elle observa leur langage non-verbal. Ils étaient si tendres l'un envers l'autre après tant d'années, et semblaient toujours tellement amoureux. Elle commença à regretter de ne probablement jamais pouvoir à son tour se trouver dans ce genre de situation. Le fait qu'ils se soient rencontrés à l'adolescence, tout comme ses parents et ses oncles et tantes, était déjà suffisamment décourageant. Même ses cousines avaient déjà un partenaire, à présent, et elles avaient plus ou moins son âge. Et maintenant, il y avait cette foutue loi sur le mariage. Elle allait peut-être se retrouver coincée dans un mariage blanc pour toujours, à avoir à côté de cela des aventures bidons, si le jeu en valait la chandelle. À cette seule pensée, son estomac se retourna de dégoût. C'était cela, ou être prisonnière à tout jamais d'un quidam inconnu si Severus finissait par battre en retraite, si jamais la mascarade durait trop longtemps. Il aurait son labo et sa promotion, il ne serait donc plus forcé de rester à ses côtés, surtout si la loi n'évoluait pas pour englober les personnes de son âge. Il pourrait toujours dire que cela n'avait pas fonctionné, et la plaquer.
Mais une petite voix dans sa tête se demanda si elle ne pourrait jamais vraiment avoir accès à un tel bonheur. Severus... Un homme bien. Il l'avait aidée plusieurs fois les jours précédents, en allant même contre son propre intérêt. Sans parler de ce baiser... bon sang, il avait été si bon. Et ses mains sur elle, autour de ses épaules, de sa taille, son corps pressant le sien contre le mur l'après-midi-même... Il avait été si tendre avec le petit Nicholas. Elle l'avait vu. Un être qui pouvait être aussi prévenant avec un enfant ne pouvait pas avoir mauvais fond. Bien sûr, qu'il n'avait pas mauvais fond. Elle savait tout ce qu'il avait fait, pendant la guerre. S'il avait fait preuve d'autant de loyauté vis-à-vis de Lily, qui n'avait même jamais été une véritable amie, il le savait, elle pouvait imaginer ce qu'il ferait pour quelqu'un qui le chérissait vraiment. Et si elle réussissait à gagner son affection ? Elle secoua la tête. C'est un terrain glissant, Hermione. Non.
Le discours de ses grands-parents se termina, et tout le monde applaudit. Elle était contente qu'ils n'aient pas souhaité recevoir de toast de la part des invités, tout simplement parce qu'ils étaient trop nombreux, entre les enfants, les petits-enfants et leurs compagnons respectifs. Elle n'aurait pas été capable de dire quoi que ce soit à présent que tant de sentiments improbables et impossibles à gérer se bousculaient en elle.
Bientôt, les invités quittèrent les lieux, tout comme le reste de la famille, ainsi que ses grands-parents, emmenant avec eux leurs cadeaux. Un peu plus tard, Severus et Hermione étaient au lit. Enfin, elle était au lit et lui, sur son canapé.
Alors que l'image de Severus tenant l'enfant dans ses bras tournait et retournait dans sa tête, elle lança : « Vous... Vous avez été plutôt efficace avec Nicholas, aujourd'hui. »
« Hmmm. »
« Est-ce que vous voulez des enfants ? »
Il soupira lourdement, agacé.
« Je pense que c'est important que je le sache, au regard de ce que... de ce dans quoi nous nous sommes embarqués, » tenta-t-elle de justifier.
Il grogna. « Ne nous y forceront-ils pas ? » répondit-il, l'air sardonique.
Elle ne répondit rien. C'était une partie du plan qui n'avait pas encore été éclaircie, et qui la désarçonnait. Elle était plutôt méthodique et aimait que tout soit calé, et cet aspect de leur petit manège n'avait pas encore été défini. C'était le bazar. Elle comptait en fait sur tous les autres sorciers mariés de force pour avoir assez de bébés pour lui épargner cela. C'était déstabilisant. Et en même temps, elle n'avait aucune idée de ce que le Ministère pourrait mettre en place pour les y obliger, ni s'ils remettraient en cause le fait qu'elle n'ait pas fini par tomber enceinte. À quelle fréquence et pour combien de temps continueraient-ils de les tester et de remettre en cause leur relation ? Cela s'annonçait épuisant.
« Même... » finit-elle par dire, « plus chacun de nous sait de choses sur l'autre, mieux c'est. »
« Je n'ai jamais voulu avoir d'enfants, » lança-t-il après un silence. « Je pense plutôt prudent d'avancer que je serais un père déplorable. Je ne veux imposer cela à aucun enfant. »
« Pourquoi pensez-vous cela ? »
« Vous êtes-vous cogné la tête si fort que vous en avez oublié les années où vous avez été mon élève ? »
Elle eut un petit rire.
« Je pense que vous pourriez être un bon père. Je vous ai vu avec Nicholas, aujourd'hui, lui donner à manger. Et s'il avait été votre enfant, vous auriez eu encore davantage d'attachement, d'amour, et donc plus de patience. Et puis, c'est tout différent de la situation où vous vous faisiez harceler à longueur de journée par des centaines d'enfants, dans le cadre d'un boulot que vous aviez été forcé d'accepter. J'ai toujours pensé que vous étiez... dur avec les autres maisons, peut-être encore davantage avec les Gryffondors, mais vous étiez juste avec les Serpentards. Vous êtes loyal. Vous savez prendre soin des vôtres. »
Severus fut surpris qu'elle le défende sur ce terrain, et qu'elle trouve quoi que ce soit de bon en lui. Il était touché. Mais puisqu'il n'était pas à l'aise pour recevoir les compliments, il lui fallut encore se rabaisser. « La génétique n'est pas d'accord avec vous, » marmonna-t-il.
« Qu'est-ce que vous entendez par là ? »
« Rien. »
Il y eut une pause.
« Vous savez, il va falloir finir par me dire, pour vos parents. »
« Non. »
« ... Cela serait vraiment bizarre pour une fiancée de ne pas être au courant ! »
Il ne répondit rien.
« Vous pouvez... Faites-moi confiance. Je ne vais pas... Je veux dire, vous savez tout des miens. Vous vivez avec eux. Ce n'est pas tout rose, comme vous l'avez vu. Je ne... jugerai rien. »
Le silence s'épaissit.
« Vous savez, pour Jacques... » compléta-t-elle d'une petite voix. « Vous êtes le seul à être au courant. »
Il soupira. « J'étais battu quasi quotidiennement par mon père, en plus d'être abusé verbalement. Ma mère n'a rien fait, en grande partie parce qu'elle était également sous son emprise et qu'elle n'avait le soutien de personne dans sa famille. Mais cela ne l'empêchait pas d'être une foutue sorcière. Elle aurait pu faire plus, elle aurait dû me protéger davantage. Putain, je les déteste tous les deux, » laissa-t-il jaillir.
Le cœur d'Hermione se serra.
« Pourquoi... Où... Où étaient les siens ? »
« Reniée pour avoir épousé un Moldu. »
« Ah. »
« Vous voyez, je ne pourrais pas être parent. Je refuse catégoriquement de faire subir à un enfant ce que j'ai traversé et de participer à la création d'une créature aussi brisée que moi. Je ne saurais pas comment... mettre en place un environnement sain, je ne sais même pas à quoi cela ressemble. »
Je ne saurais même pas comment montrer mon affection. Je ne l'ai jamais fait... Arrête de t'ouvrir de la sorte, espèce de mauviette.
Hermione se sentait si mal pour lui. C'était là une information qui en disant si long sur son caractère. Elle savait à quel point cela était difficile, d'avoir un parent mal-aimant, et ce qu'elle avait vécu n'était pas si grave, comparé à lui. Elle n'avait jamais été battue, et elle avait sa mère et sa famille. Même les violences verbales qu'elle avait subies, bien que douloureuses, n'étaient pas aussi fortes que celles dont elle imaginait qu'il avait souffert. Elle savait, par Harry, qu'il avait été pauvre. Elle imaginait que cela avait dû rendre les choses encore pires, mais elle avait toujours assez bien géré l'aspect financier de sa vie, et n'était pas coutumière des problèmes d'argent. Elle aurait voulu l'étreindre ou au moins lui montrer à quel point tout cela la rendait triste, mais il n'aimerait sûrement pas cela, devinait-elle. Il le prendrait comme de la pitié.
Alors, elle resta silencieuse. Puis finit par dire, doucement : « Eh bien, vous n'êtes pas eux. Vous n'êtes pas comme cela, vraiment. Vous êtes un homme intelligent, et vous savez qu'ils ont mal agi, vous savez ce que cela a provoqué en vous... Et donc, vous sauriez évidemment comment faire en sorte de créer une ambiance familiale plus saine. Bien sûr, que vous le sauriez. Vous savez ce qu'il ne faut pas faire. Ce n'est pas une… fatalité, d'être comme cela. Croyez-moi. »
A nouveau, ils restèrent silencieux pendant un moment.
« Vous savez été serviable avec moi. Vous m'avez aidé à me sortir de tant de choses... »
Il l'avait même aidée à restaurer sa confiance face à Jacques. Severus soupira, comme indigné. Elle aurait voulu s'excuser de l'avoir attiré dans cette galère. Mais elle ne le fit pas. Elle n'avait pas eu le choix. Et puis, il allait à un moment ou à un autre en tirer lui aussi quelque chose. Quelque chose qu'il aurait mérité de toute façon. Tu n'es qu'une sale garce.
« Bon, eh bien... Merci. D'avoir partagé tout cela. Bonne nuit. »
« Bonne nuit, » répondit-il.
