Stiles petit-déjeunait tranquillement. Il avait l'air léger, les traits du visage détendus. En fait, il s'était levé du bon pied. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il se sentait mieux. Moins lourd, moins vaseux, moins fatigué. Il fallait dire aussi qu'il avait bien dormi. Au lever, il avait croisé son père, lequel lui avait appris qu'il l'avait trouvé au lit relativement tôt – avant le repas du soir, ce qui expliquait sa faim de loup. Oh oui, Stiles se sentait capable de manger comme un porc ce matin-là, si bien qu'il ingurgita le double de ce qu'il mangeait d'ordinaire chaque jour à la même heure. Puis il partit se préparer, le cœur léger. Fit tomber sa brosse à trois reprises mais n'y fit pas réellement attention : il s'agaça brièvement et passa rapidement à autre chose. Sa bonne humeur était un peu plus solide que cela. Puis son était lui paraissait bien mieux que la veille. Il conservait quelques lourdeurs et un semblant de fatigue – comme s'il avait bien dormi mais que sa nuit n'avait pas vraiment été complète. Toutefois, lorsqu'il comparait son état actuel à celui du jour précédent…
- Y a pas photo, souffla-t-il pour lui-même.
Quelques ajustements au niveau de ses cheveux indomptables, et il partit, son sac à dos sur l'épaule droite. Un léger malaise se mit néanmoins à l'habiter lorsqu'il monta dans sa Jeep. Rien d'assez grand, fort heureusement, pour lui plomber le moral ou lui faire penser que quelque chose pouvait mal se passer. Stiles décréta qu'il était juste… Un peu mal à l'aise, comme il pouvait l'être lorsqu'il repensait à la journée catastrophique qui avait eu lieu la veille. Et pourtant, il eut l'espèce de certitude sourde que quelque chose allait se passer. Quoi ? Il n'en avait aucune idée et ce fut exactement la raison pour laquelle il mit, encore et toujours, ce sentiment de côté. Sur quoi reposait-il ? Rien de concret, alors poubelle. Si sa manière de penser pouvait paraître simpliste, elle avait toutefois le mérite de l'aider à passer rapidement à autre chose.
Sauf qu'il y voyait un peu flou et ne fit pas réellement attention à ce qui se trouvait sur la route. Si on lui demandait plus tard pourquoi la chose s'était passée, il répondrait sans doute que ces putains de clous étaient de la même couleur que le bitume et que, par conséquent, ce n'était pas de sa faute s'il ne les avait pas vus.
Le fait est qu'il roula dessus et n'en rata pas un. Les clous, abandonnés sur la chaussée par une personne qui n'avait sans doute pas dû faire attention lorsqu'elle transportait une boîte les contenant. Et le pire dans tout ça, c'est que Stiles n'aurait jamais eu de problème s'il avait emprunté la route qu'il prenait habituellement. Or, il n'avait pas fait attention en démarrant, il était parti… Sans réfléchir.
Et c'est lorsqu'il sentit la secousse et un certain affaissement qu'il tilta.
Il ne se dirigeait même pas vers le lycée.
Stiles pila brusquement – une chance qu'aucune voiture ne se soit trouvée derrière lui à cet instant précis. Car aux dégâts des clous se serait ajouté un accrochage majeur de l'arrière de sa Jeep. Le cœur battant, il sortit précipitamment de sa voiture et manqua de trébucher lorsque ses pieds touchèrent le goudron de la route – il frôla l'un des clous.
Et le pire, c'est qu'il ne comprenait pas encore complètement ce qu'il venait de se passer, il… Enfin, il était ailleurs. C'est alors qu'il s'accroupit pour regarder ses pneus avant, puis arrière, histoire de constater les dégâts.
- Je suis quand même pas aussi con, si… ? Murmura-t-il pour lui-même d'une voix blanche.
Sa peau l'était tout autant.
Le plus touché était son pneu avant droit. Il était complètement crevé. Venait ensuite le gauche. Les arrières étaient relativement épargnés, l'un d'eux était pénétré par deux clous mais n'avait pas encore perdu son air. Stiles se demanda sérieusement s'il était censé considérer ce fait comme une bonne nouvelle ou non. Il en vint surtout finalement à se poser la bonne question, à savoir : que faire, maintenant ? Comment arriverait-il à se dépatouiller de cette situation on ne peut plus merdique ? D'autant plus qu'après avoir inspecté les roues en long, en large et en travers, il en vint à la conclusion qu'appeler une dépanneuse était inévitable. La Jeep pouvait sans doute rouler un peu, mais… C'était une mauvaise idée. Quoiqu'il jugea passablement nécessaire de la garer quelque part, ne serait-ce que pour dégager la route. C'est le moral légèrement au bord des chaussettes qu'il remonta dans sa si fidèle Jeep, laquelle souffrait par sa faute, son manque d'attention qui n'allait pas en s'améliorant, bien au contraire. Avait-il seulement pris son Adderall ? Stiles poussa un profond soupir de désespoir et ne mit même pas le contact. Son front rencontra le volant avec lenteur et ses mains le suivirent. Comment pouvait-il être aussi con ?
La matinée avait pourtant bien commencé… Et voilà qu'elle prenait un tournant franchement embêtant. Stiles se demanda vaguement si l'idée d'aller au lycée figurait toujours parmi ses priorités. Il se tapa faiblement le front contre le volant. Quel con, quel con, quel con… Avait-il réellement bien fait de se lever ce matin et de ne pas s'accorder un jour pour véritablement se remettre de cette possible maladie… ? Le pire c'est qu'il n'était même pas en colère, juste… Soudainement déprimé et d'une mollesse incroyable. Sa bonne humeur du lever n'avait plus rien de réel et tout du souvenir.
Il finit par se redresser et tourna la clé pour mettre le contact. C'est à peine s'il put faire quelques mètres : ses roues étaient foutues… Et son moteur cessa tout bonnement de fonctionner. Stiles ressentit l'envie soudaine de se tirer une balle. Là, il n'était pas juste con.
Il était dans la merde.
Le jeune homme passa rapidement le peu d'options qu'il avait en revue. Il tenta quelques fois de remettre le contact, sans succès. Alors, il se saisit de son téléphone pour chercher sur internet le numéro d'un dépanneur.
Sauf qu'une expression hagarde, presque désabusée, se peignit sur son visage.
- Non, dit-il simplement, incrédule.
Il s'agissait d'un non étrangement calme malgré le sentiment qui le prenait. Disons qu'il avait du mal à croire ce qu'il voyait et surtout à accepter ce que cela voulait dire. Il fronça alors les sourcils.
- Non, répéta-t-il de façon sérieuse, comme si le simple fait de le faire allait annuler ce qui était sur le point de se produire.
Comme si son téléphone, lequel avait 1 pauvre pourcent de batterie, était sur le point de l'écouter et de ne pas s'étendre. Sauf qu'il le fit, parce que Stiles avait été si fatigué la veille qu'il avait oublié de le charger et qu'en se levant, il n'avait pas pensé à vérifier sa batterie. Il s'agissait d'un malheureux concours de circonstances provoqué par son immense fatigue qui l'avait fait dormir bien plus tôt que prévu, suivie de sa trop bonne humeur, laquelle avait tout balayé sur son passage.
- Non, dit-il encore, cette fois-ci sur un ton contrarié.
Il tapa un peu dessus – sans toutefois prendre le risque de le casser –, dans l'espoir un peu vain et stupide de le faire se rallumer de cette façon. Evidemment, rien ne se produisit.
Et Stiles, complètement stupéfait, se demanda sérieusement s'il était maudit.
