Bonjour à toustes,

Je continue à rattraper mes publication AO3 pour vous les mettre ici.
Voici un texte écrit l'été dernier, le temps passe vite. C'était un texte avec des contraintes (elles sont détaillées juste en dessous).
La mise en page étant limitée ici, certains des mots écrits par les personnages sont normalement rayés, j'ai dû utiliser le "souligner" pour différencier du reste des mots. Vous comprendrez, je l'espère, en lisant.

Bonne lecture !

... ... ...

Ce texte est un OS écrit lors de la participation à l'ASPIC (Ateliers Scripturaux Promouvant l'Imagination et la Créativité) organisé par le serveur Discord Potterfictions sur le thème des dialogues sous toutes leurs formes.
Vous pouvez nous rejoindre via le lien dans mon profil.

Contraintes :

Moyen de communication :

• Carnet

Liste de mots:

• Difficile : (Celle-ci je n'ai pas réussi à la placer) apothicaire, geyzer, maronnasse, neurotrope (qui se fixe sur les neurones), échalier (élément d'une clôture faisant obstacle à la divagation des animaux mais aisément franchissable par les hommes), strapontin, moustiquaire

• Facile : licorne , fleur ( Fleur Delacour ne compte pas) , farfouiller, soupe, ballon, poils, escargot

Ligne de dialogues obligatoire :

• "Comment savoir si j'ai le béguin pour quelqu'un ?" "Eh bien, tu ne peux pas t'empêcher de penser à elle/lui, tu te sens bizarre quand il/elle est là, et puis tu veux - pourquoi tu me regardes comme ça ?"
• "Je ne l'aime pas comme ça. Absolument pas. Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?"
• "Fait un pas de plus, et je ne pourrai pas être tenu pour responsable de mes actions."

Contraintes optionnelles :

•Utiliser les deux listes de mots - Je n'ai placé que la liste des mots facile

•Anagramme à placer : poils/polis

Nombre de mots totaux :8386 ( 1954 pour le chapitre 2, qui est hors ASPIC)

Nombre de mots de narration :633


L'expérience

— Qu'est-ce que c'est ? demanda Harry.

— Ce sont des carnets de communication, répondit le petit homme replet.

— J'le sais bien ! On en utilise lors des enquêtes sous couverture. Ce que j'veux savoir c'est pourquoi vous avez trois cartons de ces carnets dans le hall du département de la justice magique.

— Ah ! Excellente question, cher monsieur ! La Gazette du Sorcier procède à une enquête sociologique sur les relations amoureuses. Nous offrons ces carnets à des sorciers et des sorcières sans leur dire qui a reçu leurs correspondants. J'ai émis l'hypothèse que les gens peuvent tomber amoureux sans savoir avec qui ils correspondent. Et je pense que ça marche même encore mieux, parce qu'il n'y a pas de préjugés sur l'apparence ou le nom de la personne.

— C'est vraiment bizarre comme idée…

— Vous voulez participer ? Il suffit d'être célibataire et d'accepter de répondre à un questionnaire avant et après la fin de l'expérience. Et on vous contacte à plusieurs reprises pour avoir vos impressions pendant.

Harry réfléchit un long moment. L'idée était complètement saugrenue, mais trouver des partenaires était compliqué pour lui. Ses histoires ne marchaient jamais et trouver des gens qui s'intéressaient vraiment à lui, et pas à son nom, relevait de l'exploit. Dans le cadre de cette expérience, la personne de l'autre côté ne saurait pas qui il était.

— Hmmm… OK, accepta Harry.

— Parfait. Remplissez ce questionnaire afin que je puisse vous donner un carnet qui pourrait vous correspondre.

Expérience des carnets anonymes - Questionnaire numéro 125

Date : 27/09/2010
Nom : Potter
Prénoms : Harry James
Âge : 30 ans
Métier : Auror
Adresse où vous contacter : 12 Square Grimmaurd, Londres
Voulez-vous rencontrer : Une femme - Un homme - Peu importe

— Voilà.

— Tenez, répondit l'homme après avoir farfouillé dans un de ses cartons. L'expérience dure trois mois à partir d'aujourd'hui.

— J'dois rester anonyme tout du long ?

— Ce n'est pas obligatoire, à vous de décider quand vous révélerez votre identité à votre correspondant ou correspondante. Mais c'est préférable de faire durer le plus longtemps possible.

— D'accord. Bonne soirée.

Harry mit le carnet dans la poche intérieure de sa veste d'uniforme et rentra chez lui. Il passa la soirée entière à y penser et craqua avant d'aller se coucher. Il lut les instructions écrites dans la page de couverture et prit le premier stylo qui lui tomba sous la main. Au fond de lui, il était vraiment curieux de savoir qui pouvait se trouver à l'autre bout de ce carnet de communication. Il ne croyait pas du tout à la réussite de cette expérience, mais cela pourrait le divertir pendant quelque temps.

Heu. Bonjour

Harry s'attendait à attendre pendant des heures avant d'avoir une réponse, mais il en reçut une quelques minutes plus tard. Une écriture élégante s'inscrivit en dessous de ses propres mots.

Bonsoir.

Enchanté, je suppose. Est-ce qu'on doit se présenter ?

Il m'a été précisé que cette expérience devait être anonyme…

Moi aussi ! Mais, j'sais pas, si on doit apprendre à se connaître, il faut bien commencer quelque part, non ?

Très bien. Je suis un homme, j'ai trente ans. Je travaille dans une boutique. Et vous ?

Je suis un homme moi aussi, j'ai aussi 30 ans. Je travaille au Ministère. On se tutoie ?

Si vous tu veux.

J'étais sur le point d'aller me coucher. Peut-être pourra-t-on reprendre cette conversation demain ?

Ouais, OK. À demain alors


Bonjour, cher inconnu

Bonjour. Je suis pressé, je travaille tôt. Rendez-vous ce soir ?

À ce soir

On est ce soir. La journée a été bonne ?

Bonsoir. Honnêtement ? Non, horrible.

Tu veux en parler ?

À quoi bon ? Ça ne changera pas les choses.

Parfois ça aide de parler, pour évacuer. Et puis, on se connaît pas, parfois se confier à un inconnu c'est plus facile que le faire avec ses amis

Je ne sais même pas pourquoi je participe à cette expérience en premier lieu… Tout ça est une immense erreur. Je suis désolé de t'avoir fait perdre ton temps. Bonne soirée.


— Tu as quoi ‽ cria Hermione.

— Tu as très bien compris, Hermione.

— Mais qu'est-ce qui t'est passé par la tête ?

— J'en sais rien, soupira Harry. Je crois que j'me sens seul…

— Et tu penses qu'écrire à un ou une inconnu·e ça va résoudre ton problème de célibat prolongé ?

— De toute façon c'est déjà terminé… Il a arrêté d'écrire le deuxième jour.

— Il ?

— Ouais, soupira de nouveau Harry. Même pas eu le temps d'savoir qui ça pouvait être, à part qu'il a mon âge et qu'il travaille dans une boutique.

— Ton âge ? Il était à Poudlard avec nous alors !

— J'vais pas jouer aux devinettes maintenant alors qu'il veut plus participer à l'expérience, Hermione…

— J'arrive pas à croire que je vais dire ça, mais… répondit Hermione après un long silence. Tu devrais le relancer. Après tout, on sait jamais.

— J'avoue… J'pensais pas que tu me conseillerais ça, rigola Harry. J'vais essayer alors. Merci.

Bonsoir


Bonsoir


Après deux essais et plusieurs jours d'attente, Harry comprit que juste dire «bonsoir» ne suffirait pas à faire revenir l'inconnu. Il prit une décision qu'il savait être stupide. Il allait parler de lui.

Bonsoir

Est-ce qu'on peut essayer de se parler ?

Je sais que tu voulais plus participer mais… la vérité c'est que j'me sens assez seul dans ma vie et j'suis presque désespéré à l'idée de trouver quelqu'un. C'est probablement stupide de croire que je pourrais trouver chez un inconnu ce que je trouve pas par d'autres moyens, mais je sais pas, j'ai envie d'y croire. En me relisant je trouve ça même complètement crétin, mais on risque rien à essayer, non ?

Bonsoir.

J'ai longuement hésité avant de répondre.

Vu que ça fait trois heures depuis mon message, j'me doute

Ma curiosité est piquée, je l'avoue. Pourquoi ne trouves-tu pas quelqu'un de manière plus traditionnelle ?

Je pourrais. J'ai eu pas mal d'histoires, mais ça se termine jamais bien. J'suis… Si on doit rester anonymes, j'peux pas dire pourquoi mes histoires marchent pas, désolé

Je comprends. Je ne veux pas non plus dire qui je suis. D'autant plus que je suis certain que tu as déjà fait la même déduction que moi : on se connaît sûrement déjà. Si tu as été à Poudlard, alors on y a été en même temps. Cela réduit déjà drastiquement les possibilités.

Aurais-tu des choses à cacher ?

Tout le monde a des choses à cacher.

Ouais, c'est pas faux

Tu n'as pas répondu à ma question. As-tu été à Poudlard toi aussi ?

Ouais. Et j'ai moi aussi pensé qu'on devait déjà se connaître. Pour être complètement honnête c'est ma meilleure amie qui a mis le doigt dessus

Tu as parlé de l'expérience avec ton amie ? Je suis surpris.

Ouais. J'étais un peu déçu que ça s'arrête si vite en fait. C'est idiot de croire que cette expérience pourrait changer ma vie, hein ?

Non… Je crois que je comprends ce que tu veux dire. Moi aussi, je me sens seul.

Je n'en reviens pas d'avoir écrit ça…

J'oserais pas me moquer, vu ce que j'ai écrit plus tôt dans la journée. Alors, on essaie cette expérience pour de bon ?

D'accord. Je veux bien essayer. Mais il est tard et je me lève tôt. À demain soir ?

OK, à demain. Promis ?

Promis, cette fois je ne t'enverrai pas balader.


Bonsoir. Je sais qu'il est tard, mais je suis là, comme promis.

Salut ! J'y croyais plus ! Bonne journée ?

Pas vraiment, non. Pour être honnête, je n'aime pas ce que je fais.

Je suis désolé. Tu veux en parler ?

Je ne sais pas ce que je peux dire sans donner de détails qui me trahiraient. Disons que je suis diplômé dans un domaine précis et que je suis sous-employé.

Tu travailles dans une boutique, c'est ça ? Tu peux pas aller ailleurs ?

J'aimerais bien être ailleurs que dans cette boutique. Mais les occasions sont rares et j'ai déjà de la chance d'avoir ce travail-là. Je ne peux pas me permettre de ne pas travailler.

Je comprends très bien. Je pourrais ne pas travailler j'crois, mais je comprends l'idée d'espérer trouver autre chose. J'aimerais changer aussi

Comment est-ce, au Ministère ?

C'est chiant. Je me suis lancé dans la carrière que je pensais vouloir faire, dans ce qu'on attendait de moi. Je me suis planté, je m'en rends compte maintenant. Sauf que j'suis coincé là-dedans et j'sais pas comment m'en sortir

Tu as dit ne pas être obligé de travailler. Pourquoi n'arrêtes-tu pas, tout simplement ?

Je risque de m'ennuyer et en plus je veux pas décevoir mes proches… J'suis déjà pas comme ils s'imaginaient, je veux pas en rajouter

En quoi penses-tu différer de leurs attentes ?

J'ai 30 ans, pas marié, pas de relation stable, pas d'enfant. Pas d'animal, non plus, j'suis déjà incapable de m'occuper de moi-même convenablement… J'ai un filleul dont je m'occupe pas assez, j'suis pas assez présent pour mes amis. Et pas hétéro

Je me retrouve un peu dans ce que tu dis. Je crois que je comprends.

Depuis quand sais-tu que tu es gay ? Je m'excuse si la question est intrusive, tu n'es pas obligé d'y répondre.

J'suis bi en fait. Et je m'en suis rendu compte après Poudlard, alors que j'étais en relation avec une femme géniale. On était amis avant d'être ensemble, mais on était trop brisés par la guerre tous les deux et notre histoire allait pas bien. Et je l'ai trompée avec un mec que j'ai rencontré dans un bar. J'sais, c'est horrible et j'en suis pas fier. Mais j'ai bien été obligé d'accepter que j'aimais aussi les hommes. On s'est séparés un an après ça. Et toi ?

Il y a beaucoup de choses dont je ne suis pas fier non plus, je ne te juge pas.

Je le sais depuis que j'ai cinq ou six ans. Je suis tombé amoureux d'un de mes amis avant même d'entrer à Poudlard. Mais je l'ai caché jusqu'à il y a peu. Ma meilleure amie m'a trouvé au lit avec un homme l'an dernier, j'ai fini par en parler à quelques personnes. Ce n'est pas mon meilleur souvenir, assurément.

Ma famille et mes amis sont au courant aussi. Mais je le crie pas sur tous les toits, j'ai pas envie d'être emmerdé

Ma famille ne le sait pas. Et ne le saura jamais. Ils ne comprendraient pas.

Je suis désolé. Tu es d'une famille de sang pur ?

Je ne devrais pas répondre à ça. Je ne suis pas vraiment prêt à ce que tu devines qui je suis.

Ça veut dire oui.

De toute façon, il y a bien un moment où on devra dire qui on est, non ?

Je ne sais pas. La personne qui m'a proposé l'expérience n'a pas dit que c'était une obligation. Je préfère être anonyme, c'est plus facile.

Pour moi aussi c'est plus facile

Je vais te laisser, je suis fatigué. Bonne nuit.

Bonne nuit. Merci pour la discussion

Merci à toi aussi…


Salut ! On est le 10 octobre 2010 et il est 10h !

Pardon pour cette blague nulle, mais ce genre de truc me fait toujours marrer

Je te souhaite une bonne journée, j'espère que ton repas avec tes parents va bien se passer

Bonjour.

La nullité de ton sens de l'humour est abyssale.

C'est avec plaisir que je le partage !

Je vois ça. Je ne sais pas si je dois vraiment te remercier.

Je dois encore me doucher et m'habiller avant de partir, je n'ai pas beaucoup de temps pour discuter. Mais je serai là ce soir. Tu vois toujours ton filleul aujourd'hui ?

Oui ! Ça fait un moment que je l'ai pas vu mais il est rentré de Poudlard pour le week-end. Sa grand-mère est malade alors il essaie de venir régulièrement

Quel âge a-t-il ?

Il a 12 ans. Il est à Poufsouffle, comme sa mère avant lui. Il est génial et je l'adore

Douze ans ‽ Tu es devenu parrain très jeune !

C'est quoi ce point d'interrogation bizarre ?

C'est vrai. J'ai pas assuré les premières années d'ailleurs. J'étais trop jeune et j'allais pas bien. Ses parents étaient mes amis et ils m'ont fait confiance, alors j'essaie d'être un bon parrain. C'est dur parfois

C'est un point exclarrogatif, espèce d'ignare. Ouvre un dictionnaire, ça t'apprendra des choses.

Ses parents étaient tes amis ? Au passé ?

Ignare ? Je te permets pas ! Et j'ai des dictionnaires chez moi, merci bien ! Sûrement… Si je cherche bien dans ma (petite) bibliothèque.

Ils sont morts pendant la guerre. Il a été élevé par sa grand-mère. Et moi j'ai essayé d'aider comme j'ai pu

Je vais t'envoyer un dictionnaire…

Je suis désolé pour lui. Et pour toi. Ça a dû être difficile de perdre tes amis. Cette guerre a vraiment tout foutu en l'air.

Oui. Et encore, ça aurait pu être pire si Vol Tu-Sais-Qui avait survécu. Je sais pas où on en serait…

Ne m'en parle pas.

Bon, je vais vraiment être en retard si je ne te laisse pas. À ce soir.

À ce soir, passe une bonne journée

Toi aussi.

Es-tu rentré ?

Tout juste. Tout va bien ?

Non.

Tu veux en parler ?

Ma première impulsion est de répondre non. Mais je suppose que ce n'est pas une solution de me taire et de ruminer pendant des heures.

Je vais pas te forcer à parler, mais je pense que ça peut te soulager de le faire

Je déteste mes parents. Ils sont bornés et intolérants, je n'en peux plus de les subir sans rien pouvoir dire.

Je suppose que ton repas s'est mal passé

Comme d'habitude. Une fois par mois, je suis forcé d'aller jouer au gentil fils bien sage et bien réactionnaire. Le repas dure des heures, il y a quelque chose comme dix plats. Comme si rien n'avait changé, comme s'ils étaient toujours ceux qu'ils étaient avant la guerre. Je n'en peux plus.

Wow. 10 plats ? Ça va, ils ont les moyens tes parents…

Je suis désolé que ce soit dur pour toi. Est-ce qu'ils ont toujours été aussi… je sais pas comment dire ça sans être insultant…

Dix :

- Escargots à la française (dégueulasse)

- Soupe de tomate (immonde)

- Saumon fumé parfumé à l'aneth (ça c'est bon)

- Gibier en croûte (qui mange encore du gibier ‽)

- Petits pois à la menthe (arrêtez avec la menthe partout, pitié)

- Purée de topinambour (pire que la pomme de terre, si tu veux mon avis)

- Dorade au fenouil (je déteste le goût de l'anis)

- Mini fondant au chocolat (j'adore le chocolat)

- Glace à la mûre (c'était bon mais je n'en pouvais plus)

Ah, ça fait neuf. Mais c'est du pareil au même.

Et non, ils n'ont plus vraiment les moyens, ils vivent clairement dans un autre univers. J'essaie de leur faire comprendre qu'ils doivent changer, parce que le monde a changé. Mais il n'y a rien à faire.

Pardon mais je suis écroulé de rire

Tu peux rire. C'est risible et pitoyable. Et ça en dit long sur ma famille. Si tu n'avais pas encore compris qu'ils étaient du mauvais côté pendant la guerre, c'est sûrement le cas maintenant.

J'ose pas demander si c'était aussi ton cas

Ne demande pas si tu ne veux pas avoir la réponse.

J'veux savoir. Je préfère savoir. Ma meilleure amie me dit souvent que tout le monde a droit à une 2e chance et que tout le monde peut changer pour devenir meilleur

Tu seras pas le premier à avoir mis derrière toi des principes arriérés et rétrogrades

C'était le cas. Le filet autour de mon identité se resserre.

J'ai essayé de changer, je crois avoir réussi. Mais les gens que je croise ne sont pas toujours de cet avis.

Ça laisse encore beaucoup de possibilités sur ton identité, ne t'inquiète pas. Tu étais à Serpentard ?

Est-ce que ça changerait quelque chose si je répondais oui ? (Ça ne veut pas dire que c'est oui).

Non, je crois pas. J'aimerais que ça change rien, en tout cas. Si tu me dis ta maison, je te dis la mienne. Comme ça on sera à égalité

J'étais à Serpentard. Et toi ?

Gryffondor. Ça change quelque chose pour toi ?

Non. Moi non plus je n'ai pas envie que ça change ce que nous partageons.

Tu es parti ? Ça fait 15 minutes que j'attends la suite de ta phrase

Non. Pardon.

J'ai eu besoin de temps pour décider si j'allais écrire ce que je pensais.

Je sais qu'on se connaît d'une certaine façon depuis longtemps, mais la personne avec qui je parle depuis quelques jours ne ressemble à personne de Gryffondor dont je peux me souvenir. Sûrement parce que je ne connaissais personne assez bien dans cette maison. Je n'ai jamais fait l'effort de m'intéresser à vous, je l'avoue. Je le regrette. Parce que j'aime parler avec toi et que tu es devenu important dans ma vie. Je suis effrayé par la vitesse de tout ça. J'ai besoin de temps pour y réfléchir, pardon. Bonne nuit.

D'accord.

Pour moi aussi ça va vite, je sais pas si ça te rassure. Je serai là demain soir. Bonne nuit.


— Alors, il a fini par te répondre, ton inconnu ?

— Hermione t'as tout raconté, j'imagine ?

— Ha ha ha, évidemment Harry ! Hermione et moi on se dit tout, s'esclaffa Ron. Alors ?

— Oui, il m'a répondu.

— C'est tout ce que t'as à me dire ? Je veux savoir tous les détails croustillants, moi !

— T'es vraiment une commère quand tu t'y mets, grommela Harry avant d'enfourner une bouchée de poulet rôti.

— Che te lâcherai pas juchqu'à che que tu m'aies tout dit, postillonna Ron, la bouche pleine, la fourchette pointée sur Harry.

— OK, OK ! Pas b'soin de me cracher dessus ! Il a fini par me répondre y a une semaine et ensuite on a parlé tous les jours jusqu'à dimanche soir.

— Vous parlez de quoi ?

— De plein de choses. De nos vies, de nos familles et de nos amis. De ce qu'on aime faire, ce genre de choses.

— Il sait qui tu es ?

— J'crois pas non, répondit Harry après un moment de réflexion. J'en sais sûrement plus sur lui que l'inverse.

— Vas-y dis moi !

— Il était à Serpentard… Me regarde pas comme ça, j'y peux rien ! Ses parents sont des gros cons sang purs. Il aime pas son travail et les gens le jugent sur son passé.

— Mouais, ça peut être n'importe quel Serpentard de notre année quoi. Donc : Crabbe – ah non il est mort, Goyle, Malefoy, Nott, Zabini, Entwhistle et Rivers, énuméra Ron sur ses doigts. Ça fait six possibilités.

— Merde, j'avais pas fait la liste… J'pensais pas que c'était si peu.

— Me remercie pas, hein.

— Putain, Ron. Je crois que j'viens juste de réaliser que j'suis en train de devenir ami avec l'un de ces gars-là. Alors qu'on les détestait.

— Tu peux aussi laisser tomber.

— Non, avoua Harry en secouant la tête. Non, j'peux pas. C'est trop tard. J'aime ce qu'on partage. S'il m'avait pas dit qu'il était à Serpentard, j'aurais jamais pu le deviner moi-même. Il a rien de ce troupeau de connards qu'on a connu, je te jure.

— T'es mal barré, mec.

— Je sais. J'espère juste que c'est pas Goyle.

— Pourquoi lui moins qu'un autre ?

— Déjà parce qu'il est moche. Non, mais j'sais qu'il faut pas juger les gens sur les apparences et tout ça. Ne répète jamais ça à Hermione, hein ? Mais bon, voilà, il est vraiment immonde.

— Je dirai rien, promit Ron, la main sur le cœur.

— Tout bien réfléchi, ça peut pas être lui, mon correspondant écrit super bien alors que Goyle a toujours été le dernier des imbéciles.

— Il écrit bien, c'est à dire ?

— Ben, bien quoi. Déjà c'est joli alors que Goyle écrivait comme un troll des montagnes. Et il fait des longues phrases avec tout un tas d'mots compliqués. Et d'la ponctuation que j'avais jamais vue de ma vie. Tu connais le point exclarrogatif ?

— Heu, oui.

— C'est Hermione, hein ?

— Oui, j'avoue, c'est elle qui m'a parlé de ça. Donc il écrit comme un bouquin, quoi ?

— Ouais. Un peu comme Hermione pourrait le faire, maintenant que j'y pense.

— Sort avec lui, je me sentirai moins seul quand elle part dans ses grandes explications, là. Au moins ils auront quelqu'un qui les comprendra et on pourra parler de Quidditch dans notre coin.

— Ha ha ha. Pas de bol, Ron, il aime le Quidditch aussi.

— Tout le monde aime le Quidditch, Harry !

— Sauf Hermione.

— Ouais, sauf Hermione.


Toujours besoin de temps ? Ça fait une semaine et je m'inquiète

Bonsoir. Non, plus besoin de temps.

Merci d'avoir attendu si longtemps sans me relancer.

De toute façon, ça t'aurait pas obligé à répondre. J'ai déjà vu que ça marchait pas des masses de te relancer tous les jours, ha ha.

Pour être honnête, je n'ai pas ouvert le carnet de toute la semaine. J'avais peur de pas réussir à ne pas répondre si tu avais écrit.

Et à quoi t'as pensé toute cette semaine ? Si c'est pas indiscret

J'ai pensé à cette expérience et à ce que ça me fait ressentir. J'en ai profité pour faire le bilan de mon passé et de tout un tas de choses plus ou moins déplaisantes. L'un de mes amis m'a fait accepter que j'avais le droit de profiter de cette situation sans culpabiliser.

Et je suis sorti aussi, pour arrêter de penser.

J'suis content que t'aies décidé de continuer à me parler

T'es sorti où ?

À Soho. J'avais besoin de déconnecter. J'ai trop bu et j'ai baisé, ça m'a fait du bien.

Oh, OK. Je crois que j'avais jamais imaginé que tu pouvais écrire ce genre de choses

Bonne ou mauvaise surprise ?

Bonne. Tu fais moins… le prend pas mal. Moins coincé

C'est la façon dont j'écris qui fait ça. Je ne suis pas vexé, je sais que ça fait pompeux et probablement même un peu pédant. Ma meilleure amie ne cesse de se foutre de ma gueule à ce sujet.

J'ai une amie qui écrit un peu comme toi. Et elle est pas du tout coincée. Enfin au lit j'en sais rien, hein, j'ai pas été vérifier. Mais dans la vie, elle est plutôt drôle. Sérieuse oui, mais drôle quand même. C'est elle qui m'a convaincue de te relancer quand tu as voulu arrêter l'expérience au bout de 2 jours

Personne ne m'a jamais dit que j'étais coincé au lit.

Top ou bottom ?

Sérieusement ?

Je suis curieux…

Si tu veux jouer à ça. Tu vas découvrir que je suis loin d'être prude.

Les deux. Mais je préfère être pris. De loin.

Et toi ? Avec un homme, j'entends.

Les deux, j'ai pas de préférence. Avec les hommes et les femmes

Tu t'es déjà fait prendre par une femme ? Il y a des femmes qui font ça ‽

C'est pas courant, mais ouais c'est arrivé. Un strap-on vaut pas une queue mais ça marche bien quand même

Je suis surpris. Agréablement. Je ne savais pas que des femmes acceptaient de faire ce genre de choses.

Ça m'a surpris moi aussi. Ma première expérience comme bottom c'était avec l'une des femmes avec lesquelles j'ai été le plus longtemps

Avant ou après que tu as découvert que tu étais bi ?

Après. J'ai longtemps exigé d'être top avec les hommes. J'étais con, je savais vraiment pas ce que je perdais ha ha

Ce n'est pas moi qui te dirai le contraire. J'aime trop me faire défoncer pour ça.

Toujours là ?

Je suis là. Désolé. Heu. J'ai eu besoin d'aller me passer de l'eau froide sur la gueule. Notre discussion m'a excité. Je vais te laisser pour ce soir, moi je me lève demain

C'est toi qui as commencé à poser des questions sur ma vie sexuelle donc j'ai envie de dire : bien fait pour toi ! Ha ha ha.

Je vais profiter de mon lundi de repos pour faire la grasse matinée de mon côté. Bonne nuit.

Bonne nuit


— Monsieur Potter ? appela une voix depuis la cheminée.

— Oui ! J'arrive !

— Bonsoir, monsieur Potter. Vous vous souvenez de moi ?

— Oui, vous êtes la personne qui fait l'expérience des carnets.

— Je suis en charge de la coordination et des enquêtes auprès des participants, oui. Je m'appelle Daniel Mason. Avez-vous un peu de temps à me consacrer ?

— Oui, si vous voulez.

— Parfait ! s'exclama le visage de Daniel Mason au milieu des flammes. J'ai quelques questions à vous poser.

— Allez-y.

— Avez-vous réussi à entrer en contact avec votre correspondant ou correspondante ?

— Oui.

— Parfait. Êtes-vous encore en contact à ce jour ?

— Oui.

— Excellent ! Comment pourriez-vous définir cette relation ?

— Heuuu. On est amis, je pense.

— Très bonne nouvelle ! Avez-vous trouvé difficile de discuter avec quelqu'un que vous ne connaissiez pas ?

— Au début, un peu. Et en fait on s'est rendu compte dès le premier jour qu'on se connaissait déjà dans la vraie vie, on a fait Poudlard ensemble apparemment.

— Ah bon. C'est fâcheux, ça. L'expérience n'est pas pertinente si vous savez qui est l'autre personne.

— Je ne sais pas exactement qui c'est, je sais juste certaines choses sur lui. J'ai cherché un peu quand même par curiosité et ça pourrait être six personnes différentes.

— Vous connaissez personnellement ces individus ?

— Hmm, réfléchit Harry pendant quelques instants. Non, pas vraiment. Je les ai pas croisées depuis la fin de l'école, il y a onze ans. Et même à l'époque on se connaissait pas vraiment, on était pas amis, on se parlait que pour s'insulter, en gros.

— Vous êtes en train de me dire que vous définissez votre relation actuelle avec l'une de ces personnes comme amicale, alors que vous vous détestiez à l'école ?

— C'est ça, confirma Harry.

— C'est très intéressant ! Encore une question et j'aurais fini : à ce stade de l'expérience, pourriez-vous envisager de construire une relation amoureuse avec cette personne ?

— Je peux pas vous répondre, j'en sais rien. C'est difficile de se projeter avec quelqu'un qu'on a jamais vu, enfin dans mon cas je sais à quoi ressemblent les gens qui pourraient être mon correspondant, mais vous voyez ce que je veux dire ?

— Je note ce que vous me dites. Merci de m'avoir accordé de votre temps, je vous recontacterai dans un mois pour un deuxième entretien. Bonne fin de journée, monsieur Potter.

— OK, au revoir.

Désolé de t'avoir fait attendre. J'avais le mec en charge des enquêtes pour l'expérience dans la cheminée. Il m'a posé plein de questions pénibles

Il m'a appelé hier. J'avais presque oublié qu'on devait nous recontacter pour nous demander nos ressentis.

Moi aussi. Il a pas aimé que je lui dise qu'on se connaissait déjà d'une certaine façon. Tu lui as pas dit ?

Non, il ne me l'a pas demandé. J'ai répondu de façon concise à ses questions. Quoi qu'il en soit, nous ne savons toujours pas exactement qui est l'autre.

La liste est courte, quand même. Me fais pas croire que tu l'as pas faite, je te croirai pas

Je l'ai faite oui et j'ai déjà pu supprimer un nom de cette liste, pour tout te dire.

Combien de possibilités il te reste ?

Quatre.

C'est injuste. Ma liste est de 6 et je peux éliminer personne

Tu pourrais si tu faisais des recherches sur ce que sont devenues ces personnes.

J'y ai même pas pensé. J'crois que j'ai pas envie de foutre en l'air l'anonymat pour l'instant. Tu l'as fait ?

Non, je ne l'ai pas fait. Le seul nom que j'ai rayé c'est celui de Weasley puisque je savais qu'il est marié à Granger et père de famille. Il était donc improbable que tu sois lui.

Moi non plus je ne veux pas lever l'anonymat. Je ne sais même pas si je pourrais le faire quand l'expérience prendra fin.

Pourquoi ? Tu risques pas grand chose

Si. Je risque de perdre ce qu'on a aujourd'hui. Et je ne veux pas.

Écoute. Si j'ai continué à t'écrire après avoir fait la liste des gens que tu pouvais être, ça veut bien dire quelque chose, non ? Et je pourrais dire la même chose, toi aussi tu pourrais vouloir arrêter de me parler si je te disais qui je suis

Depuis combien de temps as-tu une idée de qui je peux être ?

Depuis deux semaines

Donc avant que tu viennes me relancer quand j'ai pris une semaine pour réfléchir. Je ne sais pas quoi en penser. J'étais persuadé que tu arrêterais de m'écrire quand tu aurais vraiment réalisé qui je pouvais être.

On m'a suggéré d'arrêter. J'ai pas voulu, parce que quand je te parle, je pense pas à qui tu peux être, mais à qui tu es avec moi. Je préfère ne pas penser à ceux que je connaissais à l'école, parce que tu n'es plus cette personne là, je m'en rends bien compte

Tu as perdu des proches à cause des Mangemorts, à cause des gens qui étaient dans mon camp… Pourquoi continues-tu à m'écrire en sachant que j'ai fait partie de ces gens ?

Tu as tué quelqu'un pendant la guerre ?

Non. Je ne voulais pas, je

Excuse-moi, j'avais besoin de réfléchir à ce que j'allais dire.

J'ai compris trop tard ce qu'impliquait mon positionnement dans ce camp, j'étais déjà englué quand je l'ai réalisé. Mes parents m'ont élevé pour que je trouve ça normal d'en faire partie. Que je trouve normal de tuer ou torturer des nés moldus. Je n'ai jamais pu m'y résoudre, c'était trop horrible. J'ai commencé à changer d'avis sur leur idéologie en sixième année, mais c'était trop tard, je ne pouvais pas revenir en arrière et changer de camp. On ne m'aurait jamais cru.

Peut-être que si. Peut-être qu'on aurait pu te croire. Peut-être que j'aurais pu te croire

Je ne suis pas convaincu .

En tout cas, je te crois aujourd'hui

Je te remercie. Ça me touche.

C'est ce que font les amis

On est amis ?

Pour moi, ouais, on est amis. C'est ce que j'ai dit au type de l'expérience d'ailleurs

Moi aussi… Mais je ne savais pas si tu ressentais la même chose que moi. J'avais peur que ce ne soit pas le cas, je crois. Toute cette incertitude sur mon passé et ce que tu pouvais en penser m'a empêché d'y croire.

Il y a des choses que je t'ai raconté que j'ai jamais dites à personne

Vraiment ?

Oui, vraiment. Et pour être franc ça me fait un peu peur d'être aussi à l'aise avec toi. Pas à cause de ton passé et tout ça. Mais parce que j'pensais pas réussir à parler de choses aussi importantes pour moi que la mort de mes proches, mes séquelles de la guerre (je sais qu'on est beaucoup à en avoir) ou même ma sexualité

Je n'avais jamais parlé de ma relation avec mes parents à d'autres personnes que mes plus proches amis. Ceux qui me connaissent depuis que je suis un gamin.

Il me reste aussi des restes traumatiques liés à la guerre. Je fais encore des cauchemars et certaines situations sont insupportables à vivre pour moi. Je n'en parle jamais à mes amis, il n'y a que mon psymage qui sait ces choses-là.

Et je ne parle de cul à personne. Personne d'autre que toi visiblement.

Harry reposa son stylo. Il se remémora les dix derniers jours et ceux précédant la pause d'une semaine. Il y avait des dizaines de pages noircies sur son carnet désormais et beaucoup de confidences, des deux côtés. Il repensa à la question de l'enquêteur sur la possibilité d'une relation amoureuse et se rendit compte qu'aucun de ses partenaires n'avait jamais su la moitié de ce qu'il avait raconté à cet homme. Excepté Ginny. Mais il n'était plus avec elle depuis longtemps et elle restait son amie avant tout.

J'vois toujours mon psymage de temps en temps. Je me dis que ça va me poursuivre toute ma vie

Je suis touché que tu me parles de toi, que tu me fasses confiance comme ça

Tu devrais pas être étonné que j'aie continué à t'écrire, tu es quelqu'un d'appréciable

J'ai souvent des doutes sur ce dernier point. Beaucoup de gens ne seraient pas d'accord avec toi.

C'est parce qu'ils ne te connaissent pas comme je te connais

Merci beaucoup.

Je vais aller me coucher, j'ai largement dépassé l'heure et je vais être fatigué demain. Les clients sont épuisants, tu n'imagines pas à quel point.

Bonne nuit.

Bonne nuit, à demain


Bonjour. Bien dormi ?

Pas vraiment. Nuit de cauchemars

Ceux de la guerre ?

Non. D'autres genres de cauchemars. Du genre que j'ai toujours à cette période de l'année

Tu n'aimes pas Halloween ? Les gamins te font chier à sonner à ta porte et tu as envie de les étriper ? Ta voisine distribue des bonbons et les fait crier sous tes fenêtres ?

Personne ne sonne chez moi pour Halloween. Ma maison est incartable

Oh, c'est inhabituel. Même pour un sorcier. Tu habites bien à Londres ?

J'habite à Londres ouais. Disons que j'ai hérité de cette maison et qu'elle était déjà incartable lorsque je l'ai récupérée. J'ai jamais fait sauter les sortilèges, même si beaucoup de gens connaissent mon adresse ça me permet au moins de pas être emmerdé par n'importe qui

Tu aimes ta tranquillité, j'avais déjà compris ça entre les lignes. Ça veut dire que même si je savais qui tu es, je ne pourrais pas venir te voir à l'improviste ?

Pas la première fois, non. Tu voudrais venir me voir à l'improviste ?

Je ne sais pas. C'est une idée qui m'a traversé l'esprit à l'instant. Tu aimerais ?

Aujourd'hui ouais, j'aimerais. Tu avais raison sur un point, j'aime pas Halloween, trop de mauvais souvenirs pour moi. J'aurais bien besoin d'un ami là tout de suite

Tes amis ne sont pas disponibles ? Ils doivent savoir que tu n'apprécies pas cette période de l'année, j'imagine.

Ils ont tous des gosses qui font la tournée des maisons pour des bonbons et ils passent la journée chez leurs parents. Je suis invité aussi, mais j'y vais jamais

Pourquoi ? Tu as dit que tu avais besoin d'un ami. Ça te ferait du bien d'être avec eux, non ? Ton filleul est à Poudlard ?

Ouais, il est là-bas. J'ai besoin d'un ami, mais j'ai pas besoin de ces amis-là. Eux savent pourquoi je vais mal et j'aime pas en parler. Toi tu sais pas et ça me va très bien. Si je te donne mon adresse, tu viens ?

Non. Je suis désolé, mais je ne peux pas.

Pourquoi ? T'as des trucs prévus ?

Non, je n'ai rien de prévu. Enfin si, j'avais prévu de passer la journée blotti sur mon canapé avec du thé, enroulé dans mon plaid gris à t'écrire pendant des heures.

Viens. Ça sera mieux en vrai qu'avec ces foutus carnets. J'ai envie d'entendre ta voix

Je ne suis pas prêt pour ça. Je suis désolé.

Je sais que je te prends au dépourvu et que t'aimes pas ça. T'as un téléphone ?

Non, je n'en ai pas. Et même si j'en avais je n'accepterais pas de te parler. Tu reconnaîtrais forcément ma voix, tu te souviens, on s'est croisés pendant sept ans à Poudlard. Et je reconnaîtrais la tienne. Tu veux ça, maintenant ?

Désolé, je me sens juste très mal et très seul. C'est pas juste de ma part de te forcer la main. J'pensais pas que quelqu'un que j'ai jamais rencontré pourrait me manquer

C'est moi qui suis désolé. Tu me manques aussi les jours où on a pas le temps de s'écrire.

Je peux te changer les idées si tu veux.

Je te manque ? Vraiment ?

Dis toujours…

Oui, vraiment. Notre rituel du soir est devenu indispensable à mon quotidien. Tu me permets de mettre derrière moi mes journées difficiles au travail et ça m'aide à tenir quand mes clients sont pénibles.

Qu'est-ce que tu portes ?

Tu penses à moi quand tu es au travail ?

J'suis encore en pyjama, j'ai même pas mangé. J'ai juste pris un café, j'ai pas faim. J'ai pas pris ma douche non plus. J'suis un déchet

Oh et puis merde !

Je pense à toi tout le temps.

Tout le temps ?

Oui, tout le temps. Là tout de suite je t'imagine dans ton pyjama froissé, avec les cheveux décoiffés par ta nuit et ton visage fatigué. Même pas lavé, je suis sûr que tu es bandant.

Depuis quand est-ce que tu penses à ça ?

Depuis un moment pour être honnête.

Tu sais pas à quoi je ressemble. On s'est pas vus depuis 11 ans et tu sais pas qui je suis vraiment

Je m'en fiche. J'ai pas besoin de le savoir pour me branler en pensant à toi quand je vais me coucher.

Bordel de merde

OK

Tu portes quoi, toi ?

Un pull en laine bariolé et un pantalon de survêtement rouge.

Enlève les

Tu es sûr que tu veux te diriger dans cette direction ? Il n'y a pas de retour en arrière après ça.

Je suis sûr. Tu me verrais, je pourrais planter une toile de tente sur ma queue tellement je bande

Merde.

D'accord.

Moi aussi.

Je suis déshabillé. J'attends de toi que tu fasses la même chose.

J'ai la main dans mon pantalon de pyjama depuis que je t'ai demandé de te déshabiller. J'sais pas combien de temps je vais pouvoir écrire comme ça

Je suis ambidextre, je vais pouvoir écrire encore un peu.

Je t'imagine assis sur la chaise de ta cuisine, là où t'installes tout le temps pour me parler. Le souffle qui se raccourcit et les yeux qui luttent pour ne pas se fermer. La main qui tremble sur le papier, les doigts qui serrent ton stylo.

Putain. J'peux plus tenir mon stylo

J'imagine ta main qui bouge vite et fort, sans volonté de prendre ton temps. L'autre est crispée sur le bord de la table. Je voudrais t'entendre gémir. J'ai changé d'avis sur le téléphone.

Merde, je peux plus non plus

Leurs dernières lignes sur le carnet étaient tremblotantes et écrites à la hâte. Après avoir repris son souffle et rouvert les yeux, Harry les relut et réalisa ce qu'ils venaient de faire. Il eut un frisson et les poils se dressèrent sur ses bras. Une chose était certaine : il allait beaucoup mieux qu'au réveil et ne pensait plus du tout à la mort de ses parents. Il se lava les mains, changea de vêtements et reprit son stylo.

Je suis là

Moi aussi.

T'as changé d'avis sur le téléphone ?

Non. Je n'ai pas réfléchi à ce que j'écrivais. Désolé, je ne peux toujours pas faire ce genre de choses.

Moi j'aurais aimé t'entendre. Même sans parler, entendre juste ton souffle. Et ta respiration qui se bloque au moment de jouir

Merde. Arrête de dire des choses pareilles, je viens de me rhabiller.

Je suis sérieux. Je me moque complètement de qui tu étais à Poudlard. On est plus à l'école, on a 30 ans, on a changé. Je me moque de reconnaître ta voix et savoir qui tu es. Je sais qui tu es à travers tes mots et ça me suffit

Laisse-moi du temps, d'accord ?

D'accord

Merci d'avoir réussi à me changer les idées, je vais mieux

Je pense que je vais prendre ma douche et aller rejoindre mes amis et leur course aux bonbons, finalement

Je suis content que tu te sentes mieux.

Tu vas me manquer aujourd'hui, mais j'espère que tu vas passer une bonne journée avec eux.

Ne mange pas trop de bonbons ha ha.

À ce soir ?

J'adore les bonbons, je peux pas promettre d'être sage

J'sais pas si je serais rentré avant que tu te couches, les repas dans la famille de mon meilleur ami ont tendance à se prolonger tardivement

Mais tu vas me manquer aussi

— Harry James Potter !

— Ça va, Hermione, pas besoin de me crier dessus… Tu vas attirer l'attention sur nous et je me passerais bien des commentaires des autres.

— Quels autres ? demanda Ginny en s'avançant vers le canapé où Harry était assis à côté de Hermione.

— Toi, par exemple ! grommela Harry.

— On parlait de son correspondant anonyme.

— Hermione !

— Je suis au courant, Harry…

— Qui d'autre est au courant ?

— Personne, je l'ai dit qu'à Gin'.

— Encore heureux ! Ça va bien de raconter ma vie privée, là !

— Tu as des choses à nous cacher, Harry ? taquina Ginny en s'asseyant près de lui.

— C'est juste que j'ai pas envie que tout le monde sache que j'participe à cette expérience. On va se foutre de ma gueule, très peu pour moi, merci.

— Est-ce que tu en as appris plus sur lui ?

— J'sais beaucoup de choses, Ginny. Mais si tu veux savoir qui c'est, non j'sais toujours pas.

— Mais tu as des doutes, hein ?

— Ouais, j'ai des doutes. J'ai réfléchi un peu et la liste est en fait très courte après avoir éliminé certaines personnes.

— Combien ?

— Trois…

— Qui ? s'enquît Hermione en lui posant une main réconfortante sur l'épaule.

— Malefoy, Entwhistle et Rivers. Goyle est définitivement trop stupide pour être mon correspondant, je refuse que ce soit lui. Zabini n'a plus de père et la mère de Nott est morte. Alors qu'il parle toujours de ses parents.

— Entwhistle et Rivers bossent au Ministère, Harry…

— Oh ! Merde, c'est vrai ça. J'y avais pas pensé.

— Reste que Malefoy, conclut Ginny.

— Putain de merde, soupira Harry en se prenant la tête dans les mains.

— Tu pourrais arrêter l'expérience Harry.

— Non, j'peux pas Hermione.

— Tu es amoureux de lui ?

— Mais non, enfin !

— Si, Harry. Tu n'as jamais su mentir, ça se voit !

— Je l'aime pas comme ça. Absolument pas. Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?

— OK, on se calme, tempéra Ginny. D'accord, tu l'aimes pas. C'est toi qui sais mieux que nous ce que tu ressens, hein. Par contre, j'ai une petite question pour toi… Il y a ce mec dans l'équipe des Frelons… Je me pose des questions sur lui, on flirte et tout mais… Je suis pas trop sûre de ce que je ressens pour lui.

— Et ? grogna Harry en la regardant avec dureté.

— Comment savoir si j'ai le béguin pour quelqu'un ?

— Eh bien, tu ne peux pas t'empêcher de penser à lui, tu te sens bizarre quand il est là, et puis tu veux… pourquoi tu me regardes comme ça ?

— Pour rien, Harry, pour rien du tout. Merci d'avoir répondu à ma question.


Je te jure, c'est la dernière fois que j'y vais.

Ça s'est si mal passé que ça ?

Mon père m'a sorti la liste de toutes les femmes de «bonne famille» qui sont encore célibataires. Il n'a que la pureté du sang à la bouche et me rabâche les oreilles avec ses histoires de successions et d'héritier.

Ma mère m'a regardé avec son regard compatissant, mais elle n'a rien fait pour m'aider. Elle le laisse parler et elle ne dit rien !

Je ne peux plus faire ça, mentir tout le temps. Je ne vais jamais me marier avec une femme et avoir des gosses, jamais !

Je suis désolé

Est-ce que tu veux leur dire la vérité ?

Je ne sais pas. Je me dis parfois que si je le faisais, ça réglerait tous les problèmes. Soit ils me renient et je serais débarrassé, soit ils acceptent et ils ne me feront plus chier avec cette histoire de mariage.

Est-ce que t'es prêt à ce que tout change ? Parce que ça sera forcément le cas

Et j'ai pas vraiment l'impression qu'ils sont du genre compréhensif

Ils ne le sont pas. Les remarques homophobes c'est l'un de leurs passe-temps favoris. Si je parle, ils vont me déshériter et me rejeter, je le sais déjà. Ils seront calmes et polis, mais ils me jetteront de leur maison pour me demander de ne plus jamais revenir.

Et t'as peur de ça, j'imagine

Oui. Je sais que ce ne sont pas des gens bien, ça fait longtemps que je le sais, mais je repousse le moment où je devrais faire quelque chose à propos de ça. Je suis lâche.

Non, t'es pas lâche. Devoir tourner le dos à ses parents parce qu'ils ne sont pas ceux qu'on espérait, c'est difficile. Personne ne devrait avoir à faire ça. Nos parents devraient nous montrer l'exemple et nous aimer pour ce que nous sommes, pas nous rejeter et nous faire nous sentir comme des merdes

Comment tes parents ont-ils réagi quand tu leur as dit que tu étais pas hétéro ?

Ils

Je

Si je réponds à cette question, l'anonymat tombe

Pourquoi ?

Si je te parle de mes parents, tu vas forcément comprendre qui je suis. Est-ce que t'es prêt à ça ?

Tu ne m'as jamais parlé de tes parents jusqu'à présent, tu l'as fait exprès ?

Ouais, c'était volontaire

Parce que je connais tes parents ?

Si on veut. Tu sais des choses sur eux en tout cas

Tu réponds plus ? J'ai dit quelque chose qu'il fallait pas ?

Non, ce n'est pas ça.

Je suis allé me faire un thé pour me calmer. J'ai les mains qui tremblent, j'ai du mal à tenir ma plume.

Qu'est-ce qui se passe ?

Je ne peux pas te mentir, j'ai deviné tu sais. Je sais qui tu es.

Depuis quand ?

J'avais des doutes, mais le fait que tu refuses de répondre à propos de tes parents l'a juste confirmé. Tu n'allais pas bien le 31 octobre et tout le monde sait pourquoi tu n'aimes pas Halloween, Harry.

Harry lâcha brutalement son stylo en lisant son prénom écrit en lettres rondes sur la page. Son cœur battait trop fort et ses mains étaient moites. Son estomac se tordit. Il déglutit lentement et inspira plusieurs fois profondément pour s'apaiser.

Ça fait deux semaines que j'ai deviné, moi aussi, Mal Drago

J'imagine que c'était inévitable… On a trop parlé de nous.

Dans le fond, je crois que j'espérais que tu devines rapidement. Pour que tu arrêtes de m'écrire avant que ce soit trop tard.

J'ai pas arrêté d'écrire

Pourquoi ?

Je te l'ai déjà dit, avant même que je devine. Je m'en fiche, j'veux laisser le passé derrière moi et avancer

J'sais qui tu es aujourd'hui et j'sais que t'as changé, ça me suffit

Je ne le mérite pas. Je suis terriblement désolé pour tout ce que je t'ai fait. Pour les années de haine injustifiée, toutes les insultes, toute la violence dont j'ai fait preuve à ton égard et à celui de tes amis.

Mais on s'en branle du mérite ! Je suis en train de te dire que je me fiche de qui tu étais à l'école. Je t'ai pardonné, Drago, on peut passer à autre chose maintenant ?

Tu es sûr ? Tu ne vas pas regretter d'être ami avec moi ? Avec tout ce qu'il y a derrière nous ?

J'aurais pu arrêter d'écrire il y a longtemps. Hermione et Ron m'ont dit d'arrêter si je me sentais trop mal de continuer à écrire à quelqu'un qui pouvait être toi. Je l'ai pas fait. J'peux pas

Pansy et Théodore m'ont dit la même chose. Je ne les ai pas écoutés, comme tu vois.

Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

Je ne sais pas. Que veux-tu faire ?

J'ai envie de te voir

Je ne sais pas si c'est une bonne idée.

J'croyais qu'on avait mis de côté les hésitations sur qui on est

Je ne parle pas de ça. Je parle de ce qui va se passer si on se voit, Harry. De ce que j'ai envie de faire si tu es là.

Éclaire moi

Ça fait des semaines que j'ai envie de t'embrasser. Je rêve de toi la nuit, je me réveille le matin avec la trique parce que j'ai trop envie de toi. J'ai envie de toi, Harry. Si tu viens, je ne sais pas si je pourrais me contenter d'être ton ami.

Donne moi ton adresse, j'arrive

— Salut…

— Bonsoir, Harry. Entre, je t'en prie.

Harry s'avança dans l'entrée de l'appartement et se retourna pour regarder Drago fermer sa porte. Il fit un pas vers lui en le dévorant des yeux. Sa peau pâle, ses yeux gris sombre dans la pénombre du couloir, ses longs cheveux blonds. Il portait un cardigan noir et un pantalon de survêtement rouge qui avaient l'air confortables.

— Fais un pas de plus, et je ne pourrai pas être tenu pour responsable de mes actions, prévint Drago.

Harry s'avança jusqu'à lui sans le quitter du regard. Ses prunelles brillaient de désir contenu. Sans hésiter, il glissa sa main dans sa nuque et l'attira à lui pour poser sa bouche sur la sienne.


— Tu es sûr que je peux venir avec toi ?

— Puisque je te dis que oui ! Hermione et Ron t'ont invité aussi.

— C'est pas un peu bizarre comme circonstances pour se rencontrer ?

— OK, je veux bien t'accorder que c'est pas habituel de présenter son petit ami lors d'une fête d'anniversaire pour une petite fille de cinq ans. Il va y avoir des ballons partout, des fleurs et des licornes, elle adore les licornes.

— Je vais rester chez moi, Harry. Ça vaut mieux.

— Non, on est arrivés de toute façon, c'est trop tard. Allez, ça va bien se passer.


— Tu vois, ça s'est bien passé !

— Une fois qu'ils ont arrêté de me regarder avec un drôle d'air, oui.

— Tu peux pas leur en vouloir d'avoir quelques réticences…

— Non, je ne leur en veux pas. Si j'étais à leur place, j'aurais les mêmes.

— Arrête avec ça, Drago, s'il te plaît !

— Monsieur Potter ? cria une voix depuis la cheminée du salon.

— Oui ? répondit Harry en s'agenouillant devant l'âtre.

— Vous vous souvenez de moi ?

— Ouais, vous êtes le gars de l'expérience des carnets… Désolé, j'ai oublié votre nom.

— Daniel Mason, lui glissa Drago en s'asseyant à côté de lui.

— Monsieur Malefoy ? Je suis surpris de vous voir ici.

— Vous ne devriez pas, après tout c'est vous qui nous avez donné les carnets en espérant que votre expérience réussisse.

— Certes, oui. Bon… Monsieur Potter, pouvez-vous répondre à mes questions ?

— Je vous écoute.

— Quand avez-vous levé l'anonymat ?

— Il y a deux semaines.

— D'accord. Était-ce une volonté commune de ne plus rester dans le secret ?

— On a tous les deux deviné qui était l'autre, à force de se parler, ça servait plus à rien de faire comme si on savait pas.

— Oui, je comprends. Et comment définiriez-vous votre relation aujourd'hui ?

— Nous sommes en couple.

— Excellente nouvelle ! Avez-vous commencé à éprouver des sentiments avant de savoir qui était l'autre ?

Harry tourna sa tête vers Drago. Son regard gris le happa et son cœur rata un battement. Il se souvint des discussions avec ses amis et de l'énergie qu'il avait mise à nier ses sentiments. Il se souvint des heures à écrire sur ce carnet et à lire les réponses de son Serpentard inconnu. Une bouffée d'amour le traversa et il sourit.

— Avant, répondit-il sans cesser de regarder Drago. Et toi ?

— Avant, moi aussi. Bien avant.

Harry se pencha et embrassa les lèvres de Drago, oubliant Daniel Mason dans la cheminée. Un pouf assourdi annonça son départ, mais il n'y prêta pas attention.

— Je t'aime, Harry, chuchota Drago sur ses lèvres.

— Moi aussi, je t'aime.


Cet OS aura un deuxième chapitre, qui est en fait la scène de sexe éludée quand Harry rejoint Drago chez lui vers la fin de l'histoire. Ça arrivera très vite.