En passant : J'aime pas la dark romance quand une relation est problématique et que l'amour suffit à résoudre les choses... D'où le fait que les choses se résolvent pas aussi facilement chez moi ;u;
Guest : Rassure toi, Drago et Harry non plus ne s'y attendaient pas !
Oznela : Il lui aura fallu du temps, mais oui :)
Drago avait mis longtemps à réaliser que son corps chétif et gringalet était en réalité plus solide que la plupart. Il en avait rêvé, quand il n'était encore qu'un enfant : Il s'imaginait à la fois plus beau, plus fort, plus puissant, bien sûr plus intelligent, et évidemment plus respectable que tous les autres Sorciers de son âge, et ni ses parents, ni ses précepteurs, n'avaient fait quoi que ce soit pour lui enlever cette conviction du crâne.
Il avait compris son erreur en intégrant Poudlard, quand Potter était apparu : Il avait alors réalisé qu'il lui fallait faire des efforts pour espérer ne serait-ce que ne pas se laisser trop distancier.
En sixième année, quand une grosse partie du plan du Seigneur des Ténèbres ainsi que les espoirs de sa famille avaient reposé sur ses épaules, il avait de nouveau caressé ce rêve. Il côtoyait des Sorciers qui avaient le double de son âge, et qu'il égalait. Qu'il surpassait, même, parfois !
Cette fois-ci, on lui avait bien fait comprendre, à coups de Doloris et d'humiliations, à quel point il se trompait.
A son arrivée à Azkaban, il avait douté, une nouvelle fois : Là aussi, il avait survécu. Son corps s'était amaigri, avait été brisé dans tous les sens, il avait subi mille sévices plus cruels que Gregory, et pourtant, il avait résisté. Presque malgré lui. Son visage cicatrisait à une vitesse hallucinante, et son corps, quand il n'était pas trop sollicité, quand on lui laissait le temps de se reposer, parvenait à suivre le rythme.
Il avait été violé, bien sûr. Plus de fois qu'il ne pouvait s'en rappeler, mais il avait également été tabassé ou torturé de façon plus musclée. On lui avait cassé et recassé les doigts jusqu'à ce que ses mains ressemblent à des serres. Ses bras, ses côtes, ses dents… Les hanches, à une occasion. On l'avait noyé dans des bassines d'eau ou des cuvettes de toilette, on l'avait étranglé, on lui avait cogné le crâne, et il avait perdu connaissance des dizaines de fois.
Et à chaque fois, son corps avait résisté. Son corps l'avait maintenu du côté des vivants, avait patiemment cicatrisé, redressé les os, lissé les coupures et les griffures…
Malgré cela, il avait haï ce corps trop petit, trop maigre, trop laid, et pourtant trop désirable. Il avait détesté lui être redevable, et il avait choisi de considérer que c'était son esprit et sa volonté qui s'étaient chargé de ces miracles.
C'était son corps, et cela malgré lui.
Si les viols de Potter avaient continué, il aurait pu le supporter. Il s'y été habitué, après tout. Ce n'était qu'un mauvais moment à passer. Une bite était une bite, chaque minute écoulée n'aurait plus jamais à être vécues, etc.
Les coups il aurait pu en prendre des milliers. Des gifles, des coups de poing, de pied, tout ce dont Potter pouvait rêver. Avec plaisir, même, s'il pouvait en échange profiter de ses sourires, de ses caresses, de ses confidences… Les coups avaient quelque chose de rassurant : On frappe un homme, pas un déchet.
Les insultes, il s'en moquait complètement. Potter et ses amis le traitaient de fouine, d'animal, de chose à mettre en cage, et ça avait peu d'importance. Quand on avait connu Waren, ce genre de mots sonnaient comme des boutades. Ce n'était que des mots.
« Prétendre » n'était également qu'un mot… Et pourtant, ce mot lui avait fait plus mal que tous les autres.
« Quelqu'un qui prétend avoir été violé. »
Il avait été à deux doigts de tomber irrémédiablement amoureux de Harry Potter.
Il était parvenu à passer outre tout le reste, parce qu'il avait eu cette certitude, au fond de son cœur, que Potter assumait et regrettait ses gestes. C'était ridicule, au demeurant : ça ne changeait absolument ni à leur histoire passée, ni au comportement présent du Sorcier, alors pourquoi s'en soucier ?
C'était à ça qu'il avait besoin de réfléchir.
« Drago, est-ce que tu vas bien ? »
Il leva la tête pour voir Fleur Delacour entrer dans la patinoire.
Même cette simple volonté-là, Potter avait été incapable de la respecter. Est-ce qu'il s'imaginait qu'il allait se pendre dans une cabine de douche ? Si c'était le cas, il le prenait pour un faible. Est-ce qu'il s'imaginait réellement qu'il pouvait être en train de s'envoyer en l'air avec cette loque de Carrow ? Si c'était le cas, alors il le prenait pour une trainée. Peu d'autres théories existaient.
« Je vais bien. C'est lui qui t'a demandé de venir ?
– C'est Harry qui m'a dit que tu étais patraque… »
Drago ricana malgré lui : Patraque…
« Je vais bien », répéta-t-il.
Il s'empara du plateau chargé de tasses chaudes et de la théière, et prit la route de son petit bureau extérieur.
Une fois sur place, il distribua les boissons, hocha la tête devant les plaintes de Madame Johnson, puis s'assit à sa place. Il sortit un parchemin de brouillon vierge, et réouvrit le coffret de la plume à Papote, qu'il trempa dans l'encre avant de la poser sur le papier et de l'observer, fixement.
Il se sentait mal. Il se sentait suffisamment mal pour entendre de nouveau les pensées du Détraqueur, c'était évident. Il suffisait de fermer les yeux, de laisser son esprit vagabonder, et le parchemin indiquerait enfin pourquoi on ne voyait plus la créature. Ainsi, il aurait une nouvelle preuve de son utilité, il pourrait de nouveau monter sur un balai, ressentir sa présence, guider le Survivant au bon endroit, et ils se battraient, et au moins, il n'aurait plus à supporter tous ces inconnus. Un rythme de travail normal reprendrait, et ça ferait un souci de moins à gérer.
Au bout d'un moment, il réouvrit les yeux, repoussa la plume et parcouru ce qu'elle avait noté : Elle avait parfaitement retranscrit son monologue intérieur sans rien ajouter qui aurait pu provenir d'un autre esprit.
Il soupira, mais se reprit. Ce n'était pas grave. Ça viendrait. Il lui fallait peut-être faire quelques nuits blanches, se priver de nourriture, quelque chose qui le mette en relation avec le Non-Être. Nul besoin d'être pressé. Il rangea la plume à Papote et reprit son nécessaire d'écriture ordinaire. Il observa sa main droite, et hésita : Se casser les doigts n'était pas une mauvaise idée, mais tout de même, ce serait dommage. Peut-être… Peut-être juste l'auriculaire ? Il n'en avait pas vraiment besoin, après tout.
A 16h, il accompagna Madame Johnson au Hangar, mais ne participa pas au cours de Patronus. Il partit déposer sa petite clochette d'or sur la table de chevet du logement de Harry Potter, puis il se rendit dans sa vieille cellule pour y faire le ménage. Il y retrouva avec émotion sa collection de bocaux, et tapota le fond de son carton secret pour vérifier que le couteau moldu était toujours là. Ensuite il s'assit sur son petit lit, qu'il avait tellement adoré, qui lui avait tellement manqué, et écouta le bruit en provenance des cuisines.
Au bout d'un moment, il soupira et se releva, à moitié déçu, à moitié rassuré : Oui, il était parvenu à surmonter ce traumatisme-là. Il parviendrait donc à passer outre cette maladresse de Potter. C'était forcément une bonne chose.
Il hésita à pénétrer de nouveau les cuisines. Il pourrait y saluer Rosier, lui demander comment les choses se passaient, côté détenus. Peut-être même pourrait-il obtenir des nouvelles de son père…
Le soir venu, il pensa à bloquer la porte de son logement avec un meuble, mais décida de ne rien en faire.
Il se coucha, comme à son habitude, après avoir bordé Carrow et lui avoir ordonné de fermer les yeux et de baser sa respiration sur la sienne. Il aurait aimé pouvoir blâmer cette brute sans cervelle pour ses malheurs, mais il en était incapable : Carrow n'était que ce qu'on avait fait de lui. Il en voulait un peu plus à l'infirmier, qui l'avait forcé à parler, et bien sûr à Potter et à lui-même.
Il reçut la visite nocturne de Granger, qui tambourina à sa porte jusqu'à ce qu'il lui ouvre, puis qui exigea de savoir ce qu'il avait pu raconter à Harry pour le mettre « dans cet état ». Drago refusa la discussion jusqu'à en avoir assez. Il demanda alors à la Née-Moldue ce qu'avait été la version de son ami, puis approuva chaque phrase : Oui, voilà, ils s'étaient simplement disputés, et Potter avait eu des propos blessants. Pas de quoi en faire un scandale. Oui, il surréagissait peut-être, et oui, c'était toujours comme ça avec lui. Drago était mélodramatique.
« Tu n'as pas changé, Malfoy, cracha-t-elle avant de s'en aller. Toujours aussi sournois et malhonnête ! Et dire que je t'ai cru quand tu as prétendu que tu ne lui voulais pas de mal ! »
·
Le lendemain, quand la Selkie apparut, elle sentit immédiatement qu'il avait dormi seul et s'en amusa. Elle remarqua ensuite son mal-être mais sembla incapable de comprendre si son état était dû à une maladie ou à des sentiments négatifs.
Les deux jours qui suivirent furent difficiles, mais Potter respecta sa parole de le laisser tranquille : Il ne vint le voir qu'une seule fois, le premier jour, pour lui demander s'il comptait reprendre les cours de Patronus avec Madame Johnson et Runcorn. Drago souligna que la question n'avait rien à voir avec son travail, et Potter hocha la tête et s'en alla.
Pour quelle raison aurait-il de nouveau participé à ces cours stupides ? Chaque jour, il conduisit Madame Johnson sur place et la laissa se débrouiller pendant une ou deux heures. Pour sa part, il profitait de ce temps pour emmener Carrow à l'infirmerie, devant le lit de Jugson, où il lui prêtait un gant de toilette et une bassine d'eau tiède. Il apprit plus tard, lors d'un compte rendu de la Brigadière du Corridor des femmes, que Potter avait décidé de continuer à assister la vieille.
« Mais c'est moins amusant quand tu n'es pas là, souligna Moïrine NiDaïre. Quand est-ce que tu comptes revenir, toi ?
– Je ne sais pas vraiment, répondit doucement Drago. Je réfléchis. Je fais une pause. »
Il n'avait pas réellement eu l'intention de réfléchir à sa relation avec Potter : Il avait proposé cette pause en espérant simplement être tranquille un moment, se vider la tête, penser à autre chose… Il avait complètement échoué, comme d'habitude : Il ne pouvait que penser à ça, puisque tout le monde semblait décidé à creuser la question avec lui. Granger était la plus assidue, la plus obstinée :
« Tu sais déjà ce que tu attends de lui, pas vrai ? lui demanda-t-elle tandis qu'il débarrassait la table. Ce serait un peu plus courageux et moins cruel si tu lui disais les choses franchement et en face, au lieu de le faire mariner comme ça.
– Et bien si tu doutes aussi peu de ma réponse et de ma cruauté, dis-lui les choses toi-même, Granger. Tu sauras surement mieux que moi trouver les mots qui lui feront le moins mal. »
Weasley était évidemment le plus agressif :
« Je l'ai su dès que je t'ai vu. Tu as profité de lui pour grappiller la moindre miette de liberté, pour récupérer ta baguette, et même devenir la petite mascotte des Surveillants… Franchement, tu me dégouttes. C'est pour des gens comme toi que je regrette qu'il ait fait abolir le Baiser du Détraqueur.
– Je n'ai commis aucun meurtre, Weasley. Même si le Baiser existait encore, je n'y aurais pas eu le droit. »
Le Détraqueur.
Régulièrement, il ressortait la plume à Papote, il se concentrait et espérait, mais ça ne fonctionnait pas.
Peut-être à cause des albatros ? Dès qu'il mettait un pied dehors, ils étaient au moins quatre ou cinq à l'attendre, à le poursuivre de leur dandinement puis à s'installer à ses côtés pour la journée. Il avait beau leur donner du courrier à livrer, ils obéissaient mais ceux qui partaient étaient immédiatement remplacés par d'autres congénères.
Ceci dit, quand il essayait à l'intérieur du Château, ça ne fonctionnait pas mieux. À moins que l'on ne puisse imaginer que tout comme lui, le Détraqueur ne souffrit d'une peine de cœur. La faim n'était plus mentionnée, en tout cas, et c'était une preuve assez flagrante que le contact ne se faisait pas.
Dès le premier jour, il avait retrouvé sa clochette d'or sur sa table de chevet. Il l'avait laissé là, il n'y avait pas touché.
Le deuxième jour, durant l'après-midi, Astrid, la petite Française, vint de nouveau lui porter une missive de la part de Kenaran. Une seule phrase s'étalait sur le papier, inscrite à l'encre vert émeraude, rédigée d'une belle écriture parfaitement calligraphiée, et en langue Catalane pour qu'aucun Surveillant d'Azkaban ni aucun ami de Potter ne puisse la comprendre :
« Comment allez-vous ? »
Drago émit un reniflement amusé en la lisant : Elle aurait été moins suspecte et tout aussi incompréhensible si elle avait été écrite en Anglais.
Il avait eu beau abandonner pour un moment sa relation avec Potter, il ne voulait lui désobéir ou le peiner : Il refusa de communiquer à nouveau avec le Malefistinien. Il déchira soigneusement la feuille en deux et montra à la petite fille comment réaliser un origami en forme d'oiseau et le faire s'envoler, puis il envoya sa création se noyer dans l'océan.
Le deuxième matin, la Selkie lui avait affirmé qu'elle lui offrirait un cadeau le lendemain pour qu'il « aille mieux ». Drago avait accepté par avance. Il ne se méfiait plus vraiment d'elle : Si l'ingestion de gras n'avait franchement pas été un plaisir – et encore, il se demandait parfois s'il serait capable d'en apprécier un peu mieux le goût, maintenant que la créature l'effrayait moins – les massages à l'huile n'avaient en revanche plus grand-chose de désagréable. Il avait suffi qu'il pense à s'occuper lui-même des zones auxquelles il ne voulait pas qu'elle touche, et elle l'avait laissé faire.
