Au milieu de cette petite pièce sombre d'à peine 10m2, Candice trônait d'une fausse assurance. Assise contre son gré à cette petite table en fer, la blonde était contrainte d'observer en boucle les images de son intrusion. Tout l'incriminait. Son vol de tenue après être entrée sans autorisation. L'usurpation du badge et son irruption dans le logement de ces vacanciers... Difficile pour elle de se défendre, et clairement, ces agents de sécurité étaient tenaces...!
« Mais je vous dis que si j'ai fait tout ça, c'est parce qu'il y a une raison. Mais je ne peux rien vous dire parce que vous n'êtes pas membre des forces de l'ordre.
- Bla… Bla... Bla… la singea grossièrement un grand barbu très peu tendre.
- Est-ce que je pourrais au moins avoir le droit de m'adresser à un collègue s'il vous plaît ?
- Un collègue ? Mais attendez un peu, vous aurez tout le temps de tisser des liens avec les voleurs de l'île, une fois en cellule !
- Mais non ! Je comptais rien voler du tout… Je suis flic, moi aussi !
- Barbie flic donc... plaisantèrent-ils en explosant de rire.
- Mais je peux vous montrer ma carte si vous voulez. Enfin, non parce que j'ai plus vraiment de cartes mais… j'ai fait partie de la maison pendant plus de 15 ans. Je… Je vous jure ! Appelez Antoine Dumas, c'est mon compagnon et il est commissaire à Sète…
- Déjà fait, mais il répond pas.
- Non mais c'est un gros malentendu. Je suis détective, je voulais juste vérifier quelque chose je… Je suis pas une voleuse !
- Ouais fin' vous serez pas la première ex-flic à sombrer dans la criminalité hein…
- Mais tapez mon nom sur internet bon sang !
- Déjà fait !
- Bon. Donc vous avez vu alors ! Donc on arrête ce cinéma grotesque et on parle sérieusement.
- Eh! Ici c'est nous qui donnons les ordres ?! COMPRIS ?! hurla l'un d'eux en tapant du poing sur la table.
Candice sursauta, terrifiée par la brutalité de l'homme face à elle. Dans quel pétrin s'était elle encore fourrée bon sang ?!
- J'ai besoin de m'entretenir avec le commandant de cette île, ou capitaine ou lieutenant… peu importe. Mais c'est urgent ! s'emporta-t-elle d'une voix aigüe.
- Pas de panique, ils arrivent pour vous chercher.
- Ah bah enfin ! »
. . . . .
La position de Candice n'avait pas bougé. Seulement, cette fois, l'environnement avait évolué. La pièce était plus grande, plus peuplée et plus animée. Autour d'elle, des policiers alternaient entre paperasse, entretiens individuels et interrogatoires musclés. Face à elle, un capitaine fixait l'ordinateur. Un certain G. Gondar, d'après l'écriteau posé sur sa table. Et finalement, c'était presque la même situation que celle vécue en Corse, à un détail près, son chéri n'était pas accusé de meurtre et ignorait son implication à elle. Elle surprit deux yeux noirs la fixer sans amabilité avant de voir le chef de service s'enfoncer dans son fauteuil.
« Beau palmarès… lâcha-t-il en acquiesçant d'épatement.
- De quoi vous parlez ?
- Enquêtrice au 36 à Paris… Puis à Sète… Des états de service d'une qualité remarquable, non c'est admirable…
- Merci… minauda-t-elle.
- Du coup je comprends pas bien ce que vous faisiez déguisée avec la tenue des agents d'entretien de l'hôtel dans un appartement qui n'est pas le vôtre.
- Il fallait juste que je vérifie quelque chose. Vous savez, je suis quelqu'un de super intuitif alors dès que ça me turlupine, je fonce…
- Vous êtes venue seule ici ?
- Nooon ! Je suis en vacances, en famille.
- Et ils sont où ?
- En mer… Ils ont loué un bateau et ils sont tous partis. Moi je suis resté à terre, j'ai le mal de mer.
- Donc, pendant vos vacances en famille, vous vous retrouvez à enquêter sur une affaire qui ne vous concerne pas ? C'est bien ça ?
- Nan mais je peux tout vous expliquer.
- Je me languis… »
Sans plus attendre, Candice se lança dans son récit, commençant par l'écoute de cette conversation interdite entre les deux employées de l'hôtel, le soir de la perte de Suzanne. Puis de cette procession et de sa rencontre fortuite avec ce couple se plaignant de l'odeur de javel dans leur logement. Là, Candice avait fait le lien, se jurant d'inspecter les lieux. Mais visiblement, quelqu'un avait réussi à la doubler.
« Bah oui ! Un agent d'entretien a prévenu la réceptionniste de votre venue illégale dans ce logement et la sécurité a tout de suite été contactée.
- Bah voyons… Et laissez-moi deviner, c'était une grande rousse avec les cheveux frisés ?
- Peut-être.
- Non parce que si c'est elle, elle s'est bien jouée de moi ! C'était elle qu'était là ce soir et qui a annoncé avoir tout nettoyé. Elle a même dit qu'elle avait perdu un ongle… Et je l'ai retrouvé, regardez, sous le meuble de l'évier il était ! expliqua-t-elle en sortant un mouchoir emballé.
- Donc, vous pensez que ce nettoyage a un lien avec la disparition de Joseph ?
- Bah oui ! Ça me paraît évident… Et vu la réaction du fils de Maya, il doit aussi être au courant de quelque chose.
- Vous parlez de quoi ?
- Il a un comportement impulsif, violent et déverse sa haine sans limite avec des reproches douteux. Je pense qu'il faudrait creuser par là…
L'homme rigola doucement, amusé par la vivacité d'esprit de la commandante.
- C'est la première fois que je rencontre quelqu'un comme vous… Parvenir à presque devancer une enquête de police sans connaître les suspects et leurs passifs, ni l'environnement. C'est fort…
- Ah… Mais vous dites « presque », ça veut dire que vous détenez des informations que j'ignore.
- Et encore heureux ! Vous n'êtes qu'un simple témoin, dans cette affaire…
- Une indic' plutôt ? Non ?
- Hum…
- Et qu'est-ce qui va se passer maintenant ?
- Mon brigadier va prendre votre déposition. Vous allez raconter tout ce que vous venez de me dire en détail. Et pour le reste, on va dire qu'on a rien vu…
- Mais ça va prendre des heures ! Je… Ma famille va s'inquiéter si elle rentre et que je suis pas là.
Sourire en coin, Gondar tendit son portable à la commandante.
- Je vous laisse 5 minutes. »
Candice le remercia dans un sourire sincère avant de le voir quitter le bureau. Derrière le mur vitré, le flic l'observait tapoter sur son clavier avec hésitation. Faut dire que la blonde ne savait pas vraiment qui joindre. Passer directement par Antoine, quitte à se faire engueuler ? Ou passer par l'un de ses enfants, quitte à se montrer un peu lâche et surtout coupable ? Et visiblement, ses tergiversions faisaient rire le capitaine, accoudé à la bonbonne d'eau de l'openspace.
« Qu'est-ce qui te fait rire ? s'étonna son brigadier.
- C'est un ovni cette femme…
- Un ovni qui devrait se mêler de ses affaires surtout.
- Mais peut-être que grâce à elle, on pourrait boucler cette enquête qui secoue toute la ville…
- Parce qu'on a besoin des métropolitains pour s'en sortit maintenant… c'est nouveau… »
Ouais fin' là, ils n'étaient pas tombés sur n'importe qui. Candice savait très bien ce qu'elle faisait, et surtout, sa perspicacité était redoutable. Finalement, c'était un outil de taille pour résoudre ce genre d'enquête problématique et sortie en place publique. Mais pour réussir à garder sous le coude cette arme de pointe, il fallait convaincre le reste de la famille. Et ce n'était pas gagné. La sonnerie interminable conduisit à la messagerie du commissaire, pour la seconde fois. Résignée, Candice tapa le numéro de sa fille et patienta difficilement.
« Allô ? entendit-elle sur fond de brise marine.
- Ah ! souffla Candice de soulagement, Ma chérie c'est moi…
- Maman ?! Mais c'est quoi ce numéro ?!
- Euh… Il se trouve que je suis actuellement dans les locaux de la police locale… Mais c'est pas…
- HEIN ? s'époumonna la jeune brune.
- Quoi ? Qu'est-ce qui se passe ? l'interrogea Antoine, perplexe.
- Maman est chez les flics !
- Hein ?! Passe-moi le téléphone ! ordonna-t-il paniqué.
- Antoine ? Je…
- Dis-moi juste que t'es là-bas en tant que victime et pas en tant que coupable…
- Eh bah les deux, figure-toi ! Il se trouve qu'en voulant aider Maya, je me suis retrouvée victime d'un coup monté… Et maintenant on m'accuse d'être une voleuse !
- Je le crois pas… souffla-t-il. Donc t'as décidé de nous pourrir la journée jusqu'au bout en fait ?
- Vous pourrez venir me récupérer en rentrant ? Je dois encore laisser ma déposition mais le commissariat est à 45 minutes de l'hôtel…
- Et ?
- Bah j'ai pas envie de rester ici plus longtemps…
- Bah quoi ? T'es pas bien dans ta cellule ? C'est pas un hôtel 5 étoiles ? ironisa-t-il dans un rire jaune.
- Antoine… Je suis pas dans une cellule… Je… C'est juste une histoire de vérifications, c'est rien du tout !
- Je te repasse ta fille. Bonne fin de journée…
- Antoine !
- Ouais ? sortit Emma sans entrain.
- Vous viendrez me chercher alors ?
- J'en sais rien…
- Emma s'il-te-plaît… »
Le bip retentit subitement, démontrant la colère du reste de sa famille. Penaude, elle reposa le téléphone sur le bureau alors que Gondar fit réapparition dans la pièce.
« C'est bon ? demanda-t-il.
- Y a des bus pour rentrer à l'hôtel ? répliqua-t-elle dépitée.
Gondar explosa de rire, amusée par la mine déconfite de cette femme qu'il qualifiait d'étonnante.
Peut-être même que je vais dormir sous un pont... ajouta-t-elle avec pathos. »
Et côté mer, l'ambiance n'était plus à la fête. Antoine enrageait intérieurement, agacé contre son incapacité à rester dans les clous. Emma le fixa, dépitée elle aussi. Il posa les yeux sur elle à son tour avant de laisser sortir une phrase bien plus dure que ce qu'il aurait imaginé…
« Les vacances avec ta mère, plus jamais ! »
