La famille au complet s'installa autour d'une jolie table dressée subtilement. Une décoration épurée, à l'image de ce restaurant semi-gastronomique choisi exprès pour satisfaire les papilles de Jules. Et ce dernier semblait déjà bien enthousiasmé par le menu… Certes les prix n'étaient pas donnés mais la mère de famille voulait vraiment se rattraper. Un serveur arriva rapidement commander les apéritifs. Antoine s'apprêtait à s'exprimer le premier lorsque Jules les interrompit pour commander du champagne sous les yeux ébahis de Candice.

« Mais ? Jules enfin ! protesta-t-elle une fois le serveur parti.

- Quoi ? J'avais envie de vous faire plaisir et puis… J'avais quelque chose à annoncer…

- Hein ? »

Le jeune homme sentit rapidement les sourires de son beau-père et de sa sœur se poser sur lui. Eux seuls savaient… Et même s'il avait fait croire qu'il n'était pas certain de sa décision, finalement les choses étaient bien plus sures que ce qu'ils pensaient.

« Je rêve ou j'ai pas l'air au courant de quelque chose que tout le monde sait ?

- Presque tout le monde ! rectifia Jules sourire aux lèvres.

- Qu'est-ce qui se passe mon chéri ?

- J'ai beaucoup réfléchi et… je vais quitter le restaurant d'Osaka.

- Ah bon ? Ça se passe pas bien là-bas ?

- Si mais… J'aspire à d'autres choses…

- T'es sûr de toi ?

- Oui ! J'ai envie d'ouvrir mon propre restaurant, faire les plats que je veux, choisir la déco… Fin' je veux gagner en responsabilités et mener ma barque quoi…

- Trop bien ! cria Suzanne. Je viendrai manger tous les jours chez toi !

- Ça risque d'être compliqué ma puce, sourit Candice. Tu sais le Japon c'est loin…

- Bah pas vraiment en fait…

- Étonnée, Candice plissa les yeux en le fixant sans comprendre.

- J'ai envie de rentrer en France…

- Nan ?! C'est une blague ? Tu me fais marcher ?!

- Du tout ! Ça vient d'une mûre réflexion que j'ai eue… Ça me pèse d'être loin de vous, de louper des choses importantes… Et j'ai pas envie de passer ma vie à 10 000 kilomètres de ma famille. »

Candice sentit ses yeux s'imbiber de larmes, émue quant à l'idée de retrouver son fils après 5 ans de distance. Et sans répondre elle se leva pour l'embrasser tendrement, signe flagrant de son incapacité à poser des mots sur le bonheur qui venait désormais la transcender. Les jumeaux manifestèrent leur engouement à leur tour, contents de retrouver leur frère comme avant, sous les yeux attendris de leur mère qui ne pouvait définitivement plus cacher son émotion.

« Qu'est-ce que je t'avais dit ?! plaisanta Antoine.

- Et toi tu savais et tu m'as rien dit !

- Bah non ! J'avais donné ma parole… expliqua-t-il alors qu'elle se blottissait contre lui.

- Hum… Donc tu vas revenir à la maison ?!

- Bah non, puisque quelqu'un m'a volé ma chambre ! ironisa-t-il doucement en regardant la plus jeune qui pinçait ses lèvres.

- Ça va ! Y en a plein d'autres des chambres !

- Au moins je m'ennuierais moins !

- Et bah c'est sympa pour nous ! bouda faussement son père sous les rires de toute la tribu. »

La famille ne tarda pas à réceptionner leurs flûtes de champagne. Ils trinquèrent donc au futur retour de Jules dans une ambiance apaisée, bien loin de celle imposée par cet article de presse interdit…

« Bon du coup ce soir on va fêter ça à la soirée de la piscine ?! Ça va être giga cool ! s'enthousiasma Martin.

- Ah non ! meugla sa mère, C'est hors de question ! On reste tous ensemble jusqu'à la fin du séjour… On prend pas de risque, d'accord !?

- Quoi ?! protesta Léo avec vivacité.

- Mais ça va, on a plus 10 ans… Puis on restera tous les 4, promis ! souffla Emma.

- Non mais avec ce qui se passe, c'est hors de question les enfants !

- Eh bah cool ! Comme ça on pourra vraiment dire que ces vacances étaient pourries…

- Nan mais c'est bon, il va rien leur arriver en plein milieu du complexe… Puis ils sont grands, ils savent se défendre… les défendit gentiment Antoine.

- Puis t'as dit que y avait des flics planqués partout… Ça va aller !

- Si vous le dites… bougonna-t-elle en boudant.

- Allez ! On parle d'autre chose, sinon elle va faire la tête toute la soirée ! ordonna gentiment Antoine.

- Mais ! protesta-t-elle.

- Je rigole chérie…

- D'ailleurs, ajouta Martin avec hésitation, demain matin je dois aller courir… j'ai le droit ?

- Oh, écoute Martin, tu peux bien te passer de footing juste une matinée, non ? souffla Candice.

- Mais ! J'ai des exams super importants à la rentrée, si je les foire parce que je suis pas assez entraîné, je vais en entendre parler pendant des plombes ! pesta-t-il.

- Eh bah j'irai avec toi… proposa Antoine pour tempérer les choses. Comme ça, ce sera plus sécure… »

Le jeune accepta, non sans souffler quant à l'idée d'être fliqué dans ses moindres actions. La faute à qui ?! pensaient-ils tous sans le verbaliser. Et la fautive en avait bien conscience, mais taisait sa culpabilité pour ne pas envenimer la situation. Et Antoine avait raison, il fallait à tout prix changer de sujet pour adoucir les choses et espérer passer une fin de soirée dans une ambiance plus positive…

. . . . .

Alors que tous rebroussaient chemin jusqu'à leur logement de vacances, Candice repéra son homologue sur un banc lointain. Elle le signala à son compagnon qui hocha positivement la tête. Gondar n'avait donc pas menti, et les policiers assuraient bel-et-bien la surveillance du complexe hôtelier. Certes Candice s'en trouvait rassurée, mais pas de là à accepter gaiement le départ de ses 4 enfants…

« Vous faites attention hein ! lança-t-elle avec angoisse.

- Mais oui ! T'inquiète !

- Et vous restez connectés avec vos téléphones ! Non parce que je vous connais, tout le temps dessus mais dès qu'il s'agit de répondre à votre mère, y a plus personne ! se plaignit-elle sous le sourire amusé d'Antoine.

- Allez ! Filez avant qu'elle vous séquestre ! »

Les quatre explosèrent de rire avant d'obéir à leur beau-père. Et la blonde ne tarda pas à lâcher des yeux les silhouettes de ses enfants qui disparaissaient dans l'obscurité. Désormais, elle ne contrôlait plus rien et ne vivait plus qu'avec l'espoir de les voir revenir sains et saufs.

Les trois autres débarquèrent enfin dans leur demeure et la plus petite des 3 revêtait une moue boudeuse. Évidemment que son père avait refusé qu'elle se joigne à ses demi-frères et sœurs. Déjà la situation était trop compliquée et surtout, il fallait les laisser un peu respirer. Alors la brune monta difficilement les escaliers, suivi par son père qui avait préféré laisser sa compagne avec le commandant réunionnais. Rapidement, l'homme s'immisça dans leur terrain, juste histoire de faire un point sur la situation.

« On a 6 policiers en civils qui se baladent un peu partout. Tout le monde est en alerte maximale sur le cas Joseph !

- Mes enfants sont partis à la soirée, près de la piscine. C'est possible de renforcer la surveillance là-bas ?

- Oui ! Je vais prévenir les collègues !

- On peut leur faire confiance ?

- Bien sûr ! Pourquoi ? Vous en doutez ?

- Lisez… expliqua-t-elle en sortant le journal de son sac à main. »

Gondar obéit et se saisit de l'article de presse pour entamer une lecture attentive. Entre les détails pointilleux sur l'enquête, les fausses paroles rapportées par les métropolitains et les messages d'alerte, l'article était insoutenable. Le flic ne tarda pas à reposer le papier sur la table et fixer la blonde visiblement affectée par cette histoire.

« On a jamais parlé aux journalistes…

- Y a des détails d'enquête que personne n'est censé connaître… releva-t-il surpris.

- Qui les connaissait ?

- Moi et… Hugo, mon adjoint.

- Quel intérêt aurait-il à révéler tout ça, je comprends pas ?

- Faire capoter l'enquête ?! Et vous effrayer avec ce fameux pigeon crevé… s'emporta-t-il.

- Parce que vous pensez que c'est lui ?!

- J'en sais rien ! Mais la dernière fois il était dérangé par votre présence dans nos locaux et… je vantais vos capacités en disant que vous étiez incroyable et… ça lui a pas plu…

- Ils se connaissaient avec Joseph ?

- Ils étaient bons amis oui !

- C'est son ami et il se plaint que je vous aide à le retrouver ?!

- Je…

- Putain… bafouilla-t-elle d'angoisse. Me dites pas qu'il est en train de se balader dans l'hôtel là ?

- Normalement non, il a pas été réquisitionné… souffla-t-il en caressant son épaule.

- Faut le retrouver…

- Je m'en charge ! Et je vais prévenir les collègues… qu'ils se méfient de lui. Et pas d'inquiétude pour vos enfants, ok ? On les protège ! sourit-il sincèrement.

- Merci…

- Et si y a quoique ce soit… Je reste disponible… »

Mal en point, Candice se contenta d'acquiescer alors que Gondar ôtait subitement sa main en apercevant Antoine débarquer sur la terrasse. Il leur souhaita une bonne soirée et quitta le logement, envahi par la haine de s'être fait trahir par son fidèle allié.

« Qu'est-ce qui se passe ? demanda Antoine les mâchoires serrées.

- Gondar pense que son collègue est impliqué. C'était un bon ami de Joseph et peut-être qu'il le protège… Et Suzanne ? éluda-t-elle pour changer de sujet.

- Ça va, elle s'est endormie…

- Elle était claquée ! sourit-elle doucement alors qu'il enserrait ses épaules.

- Hum… Et toi, tu t'inquiètes pour les enfants…

- Un peu… Les savoir comme ça tout seuls avec ce qui se passe, ça m'angoisse…

- Eh ! Ils sont grands… Ils vont pas faire n'importe quoi…

- Je me sens tellement coupable… avoua-t-elle en se calfeutrant dans ses bras. Je nous mets tous en danger alors que ça devait être une semaine tranquille… S'il leur arrive quelque chose je…

- Eh ! Tout va bien se passer, ok ? On va faire gaffe…

- Eh bah ! Pour quelqu'un qui voulait plier bagage y a de ça quelques heures…

- Oui bah tu me connais, je monte vite dans les tours…

- Ouais… Puis Gondar m'a promis qu'il s'occupait personnellement de notre quartier d'habitations. Et il renforce la sécurité près de la piscine…

- Tant mieux !

- Puis si y a quoique ce soit, on peut le joindre jour et nuit. Il laisse son téléphone ouvert…

- Dis donc… Il serait pas un peu tombé sous ton charme le Gondar là… ? se méfia Antoine en détournant le regard.

- Bah non ! Pourquoi tu dis ça ?

- Je sais pas… Il est drôlement bienveillant…

- Il fait son travail, c'est tout…

- Hum !

- Puis il sait que j'ai le cœur pris de toute façon…

- Bah y a intérêt… ! clama-t-il avant de faire demi-tour dans le salon sous le regard attendri de sa compagne. »