Sur zone, Candice observait les groupes de policiers débarquer près de leurs camions. Une à une, les portes des jeep et fourgons claquaient sous les yeux incompris d'une ex-commandante meurtrie par l'inquiétude. Devant elle, Gondar donnait des ordres à ses subalternes l'air dur et agacé. Étrange… observa-t-elle. C'était comme si les équipes rebroussaient chemin et quittaient les lieux. Mais Antoine n'était toujours pas retrouvé… Et les recherches devaient continuer ! Finalement hésitante, Candice s'approcha du commandant, prête à en savoir davantage sur la situation des événements.

« Qu'est-ce qui se passe ?

- On est en train de faire rapatrier nos agents, les recherches ne donnent rien et vu l'heure on peut plus se permettre de s'enfoncer.

- Comment ça ? S'inquiète Candice.

- La nuit c'est trop dangereux. Je peux pas laisser mes équipes dans la forêt. On reprendra les recherches demain.

- Pardon ?! Donc là vous êtes en train de me dire qu'il va passer la nuit tout seul là-dedans ?!

- Je peux pas faire autrement Candice. Mettre tout le monde en danger, ce serait irresponsable !

- Ok. Bah je vais y aller, MOI ! s'emporta-t-elle en commençant à avancer dans la forêt.

- Candice ! cria-t-il avec fermeté. Vous n'êtes pas sérieuse ?! CANDICE ! répéta-t-il avant de la rattraper en courant.

- Lâchez-moi ! ordonna-t-elle.

- Je vous jure que si vous continuez je vous embarque ! expliqua-t-il en se plantant devant elle. »

Énervée, Candice le fixa d'un regard noir.

Face à elle : la rationalité.

Intérieurement : l'envie inexorable d'en découdre et retrouver sa moitié. Et si personne ne l'aidait, alors elle irait d'elle-même. Coûte que coûte.

« Franchement ?! renchérit-il sans sympathie. Vous voulez vraiment vous aventurer dans cette forêt sauvage ?! Toute seule ?! Comme ça c'est bien, vos enfants n'auront vraiment plus personne pour s'occuper d'eux. Top !»

Touché. Gondar venait de la moucher en une phrase. Il avait raison. Elle le savait. Mais il était difficile pour elle d'admettre qu'elle s'apprêtait à laisser l'homme de sa vie en terrain hostile pour une nuit. Cette image lui transperçait le cœur. Rendant son âme plus meurtrie que jamais et offrant sa vulnérabilité à qui le voulait. Elle baissa la tête, tentant en vain de retenir ses larmes… Vainement.

« J'en peux plus… souffla-t-elle en se logeant dans les bras du policier.

- Je sais… Je sais… répondit-il en soufflant à son tour. Et je vous promets qu'on fait du mieux qu'on peut. »

. . . . .

« Coucou les amours ! Lança-t-elle faussement énergique face à cinq enfants avachis dans le salon. Alors ce canoë ?!

- Top ! répondit Jules sans sourciller.

- On a vu des poissons de dingue ! Ajouta Léo avec enthousiasme.

- Ah bah c'est génial… sourit-elle avant de fixer Suzanne prostrée dans les bras d'Emma. Bah qu'est-ce qui se passe ? Ça s'est pas bien passé ma chérie ?

- Je veux papa… protesta-t-elle avec vivacité.

- Oh…. souffla-t-elle de tristesse. Je sais ma puce. Papa aussi me manque… mais on peut pas l'empêcher de faire sa randonnée aussi, hein…

- Il est pas en randonnée ! répliqua-t-elle vivement en repoussant Candice qui s'approchait.

- Mais si, je te l'ai dit…

- Tu mens ! hurla-t-elle en bondissant hors du canapé. Je sais lire… et j'ai vu sa photo collée sur la cabane des bateaux.

- Oh…. Pardon…. marmonna-t-elle également meurtrie en la récupérant dans ses bras. C'est vrai… J'ai pas été très honnête parce que je voulais pas que tu t'inquiètes.

- Il est où ?

- Je… J'en sais rien chérie… mais tu sais, papa va tout faire pour se protéger et essayer de revenir le plus vite possible, d'accord ?

Elle hocha doucement la tête, difficilement convaincue.

- Et puis il faut toujours se dire que… n'importe où il se trouve, il pense très très fort à toi. Et que toi aussi tu lui manques beaucoup…

- Mais pourquoi on le retrouve pas alors ?

- Parce que… ici… c'est très sauvage comme île. Tu vois, y a plein de forêts, d'animaux… du coup c'est compliqué… puis les téléphones sont pas connectés partout…

- Je veux parler à maman… »

Malheur… souffla Candice. Suzanne venait de prononcer le mot interdit et, accessoirement, détesté par la commandante. Mais vu la situation… Comment lui refuser ?! Résignée, elle sortit son téléphone de sa poche et lui tendit sans sourire. Évidemment que la petite allait parler de la disparition d'Antoine à sa mère. Et Évidemment que Jennifer serait en colère… jusqu'au point d'encore plus la haïr. Bah oui… tout était de la faute de Candice encore… fallait bien lui rappeler ! Dépitée, la blonde observa la petite grimper à l'étage et s'affala dans le canapé à son tour.

« Désolée… On a essayé de faire tout ce qu'on a pu mais… elle est tombée sur l'affiche de disparition au port…

- C'est pas grave… Vous en faites pas…

- Elle a pleuré toute la soirée et a pas voulu manger….

- Je vais nous préparer un petit truc pour toutes les deux…

- Tu veux que je m'en charge ? demanda Jules tout sourire. C'est mon domaine !

- Ok… accepta-t-elle avant de frotter son visage de ses deux mains.

- Et… Je suppose qu'on n'a pas de nouvelles ? osa Martin.

- Ils arrêtent même les recherches pour la nuit, se désola-t-elle. Ils reprendront que demain…

- Aïe….

- S'il lui arrive quelque chose je… je m'en remettrai pas... Puis maintenant Jennifer va le tuer…

- C'est plutôt toi qu'elle déteste…

- Sauf que c'est lui qui va trinquer… À cause de moi… Antoine a raison de toute façon… Faut plus qu'on parte en vacances ensemble… je suis toxique… commença-t-elle a se morfondre.

- Allez ça va aller !

- Vous croyez … ? »

Un câlin collectif s'imposait. Juste histoire de consoler brièvement cette maman au cœur angoissé. Et pour la soulager, Jules concocta une petite salade maison avec les ingrédients préférés de la plus jeune qui hibernait désormais dans sa chambre. Sa belle-mère la laissa tranquille, comprenant qu'elle avait besoin de sa mère en cette période difficile. Alors en attendant, elle s'isola à son tour dans sa chambre où elle s'entêta à ranger leurs affaires pour les 3 jours restants. Soudain, on toqua à la porte. Surprise, la blonde se retourna et aperçut une petite brune en compagnie d'une plus grande.

« Euh… Suzanne voulait te voir…

- Ah ?

- Je vous laisse ! déclara Emma en posant le téléphone de Candice sur la commode avant de déserter la pièce.

- Je voulais te dire pardon de pas avoir été gentille tout à l'heure… Papa aurait pas aimé que je fasse ça…

- Oh… C'est rien… On est tous un petit peu triste, c'est normal… expliqua-t-elle dans un sourire en s'asseyant sur le lit.

Sans attendre, la petit fonça dans ses bras et s'y jeta avec émotion. Candice la réceptionna sans mal, partagée entre surprise et attendrissement.

- Il a vraiment disparu ?

- Il s'est perdu dans la forêt… alors la police fait tout pour le retrouver… sauf que là c'est la nuit et qu'il faut attendre demain matin pour continuer les recherches…

- Ça veut dire qu'il est tout seul dans les bois dans la nuit !?

- Euh… Oui… mais tu connais papa… Il est pas du genre à abandonner et il va tout faire pour s'en sortir…

- Oui…

- Alors en attendant… tu sais ce qu'on va faire ?

- Nan ? demanda-t-elle en se détachant de ses bras.

- On va aller manger notre petite salade concoctée par Jules et tu vas me montrer toutes les photos que vous avez prises aujourd'hui !

- Ok… capitula-t-elle.

- Ça va aller chérie… soufflant elle en l'embrassant tendrement sur le front. »

. . . . .

Assise sur la chaise longue de la terrasse à la tombée de la nuit, Candice fixait le ciel, presque inerte. Depuis la baie vitrée, les enfants la regardaient, dépités et impuissants. En une soirée, la blonde s'était sûrement faite insultée par Jennifer, presque mis à dos Suzanne et depuis le matin, sa belle-mère devait elle aussi la bouder, et le réconfort que leur apportait ses enfants ne semblait pas suffisant à apaiser sa peine… Et seule, éclairée par la lune, Candice se refaisait le film des vacances. Et elle avait beau le repasser dans tous les sens… chaque version de l'histoire la conduisait jusqu'à sa culpabilité. C'était clairement le mot de la soirée… ! COUPABLE ! Toxique… Destructrice… Enfin, c'était simple, Candice était un vrai poison pour quiconque s'approchait d'elle. Et dans sa situation, l'impuissance demeurait. À Sète, c'était son terrain, ses méninges et ses propres règles ! Mais ici, en terrain hostile… ne lui restait plus que ses méninges… et encore, ceux-ci fonctionnaient quand elle avait toutes les infos à disposition, mais comme Gondar l'avait volontairement éloigné de leurs recherches… Lui restait plus que l'espoir, songeait-elle en fixant la lune qui brillait dans le ciel.

. . . . .

« Aïe » maugréa une voix d'agacement au clair de lune. Face à lui : un arbre majestueux, entouré de buissons foisonnants aux baies sauvages. Peu étonnant… soufflait-il. Cela faisant déjà la cinquième fois qu'il passait devant voire la dixième sans exagération... Et chaque fois, il débarquait devant ce putain d'arbre par un chemin différent. À croire que c'était Rome… D'après le fameux dicton… ! Et en plus, le dernier chemin qu'il venait d'arpenter était rempli de ronces et plantes urticantes en tout genre. Alors forcément, dans la nuit, les dangers étaient moins visibles… mais les sensations de griffures et brûlures elles, persistaient. Et comme pour s'en rendre compte, Antoine approcha son bras de ses yeux qui peu à peu s'habituaient à l'obscurité des lieux. Visiblement, il s'était encore griffé. Et bien griffé même… constata-t-il en voyant le sang couler depuis son avant-bras. Il souffla, épuisé, et releva la tête pour observer les environs. Face à lui, toujours le même paysage, indéfiniment… C'était comme si depuis le petit matin, il était plongé dans un puits sans fond. Il avait perdu la notion du temps, de l'espace aussi… Et n'avait croisé personne sur son chemin… D'un côté, c'était rassurant, cela signifiait qu'il avait échappé à Joseph mais en même temps… cela voulait dire qu'il rôdait dans un terrain inhabité depuis des heures… et ça, c'était inquiétant… enfin… presque… Face à lui se dressa un faisceau lumineux d'une vivacité si forte qu'il en était ébloui.

« Putain… maugréa-t-il.

-Qu'est-ce que vous foutez la ?

- Euh… je… bégaya-t-il d'angoisse.

- Jojo… Je crois qu'on a de la visite… hurla une voix criarde sans aucune amabilité. »

Ok… Peut-être que finalement, à cet instant présent, Antoine préférait largement sa solitude…