L'ancrage
Buck se sentait complètement épuisé, tant physiquement qu'émotionnellement, alors qu'il attendait dans la petite salle d'interrogatoire de la station de police. Les murs austères et la lumière crue ne faisaient qu'accentuer son état de délabrement.
Ses pensées tournaient en boucle, la fatigue accumulée et la tension des dernières heures pesant lourdement sur ses épaules. Chaque bruit dans le couloir semblait amplifié, résonnant comme un rappel incessant de la situation désespérée dans laquelle il se trouvait.
Il n'arrivait pas à échapper à l'inquiétude persistante qui le rongeait : Eddie lui pardonnerait-il un jour de l'avoir soupçonné de meurtre ?
Cette question le hantait, et il se demandait si, malgré tout ce qu'il avait traversé, Eddie serait capable de lui accorder son pardon. Les paroles qu'il avait prononcées plus tôt dans la journée, avec cette note sombre et désespérée, résonnaient encore dans son esprit.
Il avait dit que si quelqu'un devait mourir à cause de lui, personne ne le saurait jamais. Mais était-ce une tentative désespérée pour apaiser ses propres craintes ou une vérité brute qu'il avait exprimée dans un moment de vulnérabilité ?
En observant Eddie à ses côtés, Buck était accablé par la conviction que ce dernier n'avait jamais douté de son innocence. Eddie s'était battu avec une ténacité et un amour inébranlables pour faire éclater la vérité, se battant contre l'adversité et les preuves apparentes pour prouver que Buck n'était pas le coupable. Cette confiance inébranlable et ce soutien sans faille le touchaient profondément.
Buck se demandait s'il méritait vraiment autant d'amour et de confiance.
Les épaules de Buck étaient affaissées, et il pouvait sentir le poids des erreurs passées et des choix difficiles se poser sur lui comme une chape de plomb. Chaque instant semblait interminable alors qu'il attendait, espérant que les résultats de l'analyse apporteraient la vérité à la lumière et que la brume de ses remords se dissiperait enfin.
Eddie était là, à ses côtés, le soutenant, le réconfortant, mais Buck ne pouvait s'empêcher de se demander si ce soutien serait suffisant pour panser les blessures de cette nouvelle épreuve. Il se serrait contre lui, cherchant dans ce contact une réconfortante assurance que, malgré tout, il pouvait encore espérer une lueur d'espoir et de rédemption.
Les larmes de Buck restaient proches, un mélange de soulagement, de honte et de gratitude qui se heurtait en lui, alors qu'il attendait patiemment que le verdict des analyses confirme ce qu'Eddie avait toujours su : qu'il était innocent.
La tension dans ses épaules refusait de se relâcher malgré la conviction d'Eddie et des preuves fournies par Athena qu'il n'était pas coupable. Le sentiment d'être à la fois sauvé et brisé en même temps le submergeait, et il se demandait si un jour il pourrait vraiment comprendre la profondeur de l'amour et de la loyauté que Eddie lui offrait, même après tout ce qui s'était passé.
Quand Athena entra dans la pièce, son regard était à la fois bienveillant et sérieux.
– Buck, tu peux rentrer chez toi, dit-elle en s'asseyant en face de lui. Les analyses ont confirmé que le sang sur la voiture d'Eddie est bien du sang de cerf. Et ta déposition a été modifié. Chéri, ne t'accuse plus jamais d'un meurtre que tu n'as pas commis, même pour protéger la personne que tu aimes.
– Tu sais que je le referai s'il fallait, lui sourit-il avec gratitude.
– Je sais, affirma-t-elle.
– Il ne le refera pas, affirma soudain Eddie. Pas si j'ai mon mot à dire. Allez vient carino, tu dois te reposer.
– Quelqu'un a-t-il appelé ma mère ? s'enquit-il soudain. Pour la prévenir. C'était son frère et elle l'aimait.
– Si ça tenait qu'à moi, il serait mis à la fosse commune, gronda Eddie. Mais laissons la police s'en occuper, ce n'est pas ton problème.
Buck voulu répondre mais Eddie l'en empêcha.
– Pas de « mais », tu as déjà accordé beaucoup de ton temps à ce monstre. Il est temps de penser à toi.
Buck sentit un poids énorme se lever de ses épaules, mais une partie de lui restait encore inquiète.
– Est-ce que je peux savoir ce qui va se passer maintenant ? demanda-t-il à Athena. Qui pouvait vouloir le tuer ? A part nous je veux dire ?
Athena prit une profonde inspiration avant de continuer.
– Beaucoup de monde malheureusement. Une application permettant de localiser les pervers sexuels a indiqué que ton oncle était à Los Angeles, nous ne saurons certainement jamais qui mais nous menons une enquête pour découvrir qui est l'auteur de ce meurtre. Je te promets de te tenir informé des progrès de l'enquête. Et quand nous aurons mis la main sur lui, je te le ferai savoir.
Buck hocha la tête, son esprit tournant déjà à mille à l'heure.
– Merci, Athena. J'ai besoin de savoir qui a fait ça, je veux le remercier, d'avoir fait ce que je n'ai pas pu faire. Je veux même lui payer ses frais d'avocats.
Athena parut surprise, mais elle ne dit rien. Elle savait que la situation était bien plus complexe qu'elle n'en avait l'air.
Elle se contenta d'acquiescer.
De retour à la maison, Eddie le prit dans ses bras, le serrant fort contre lui, refusant de le lâcher. Buck était conscient qu'il avait commit une erreur et il était certainement temps d'y faire face.
– Je suis tellement content que tu sois de retour, murmura Eddie contre son oreille. Ne refais plus jamais ça, mi amor, j'en mourrais de te savoir enfermé loin de moi.
Buck se laissa aller un moment dans l'étreinte réconfortante d'Eddie avant de se détacher légèrement.
– Eddie, on doit parler, dit-il doucement le faisant se figer.
Ils s'assirent tous les deux sur le canapé, l'atmosphère dans la pièce chargée d'une tension palpable. Buck prit un instant pour observer la lumière tamisée du salon, un contraste apaisant avec l'éclat des néons du poste de police. Les murs, ornés de photos et de souvenirs de moments heureux, semblaient presque ironiques à cet instant. Il chercha à trouver un point d'ancrage, quelque chose qui l'aiderait à se concentrer malgré la tempête émotionnelle qui faisait rage en lui.
Buck sentit son cœur battre la chamade dans sa poitrine, chaque pulsation résonnant comme un rappel de la gravité de la situation. Il savait qu'il devait parler, qu'il devait ouvrir son cœur et partager ce qui pesait sur son esprit depuis trop longtemps. L'épreuve des dernières heures l'avait laissé à bout de nerfs, mais il comprenait que c'était le moment ou jamais de faire face à la réalité et de communiquer ses sentiments les plus profonds.
Il prit une profonde inspiration, comme s'il cherchait à puiser dans ses dernières réserves de calme et de courage. L'air frais qui entra dans ses poumons semblait presque symboliser une tentative de renouvellement, une chance de repartir sur de nouvelles bases. Ses doigts tremblants effleurèrent la surface rugueuse du canapé, cherchant un réconfort dans la texture familière.
Il se tourna vers Eddie, dont le regard était empreint d'une patience infinie et d'une inquiétude silencieuse. Les yeux d'Eddie, pleins de compassion et d'une détermination tranquille, étaient le seul réconfort dont Buck avait besoin en ce moment. Il savait que cet échange serait difficile, mais il était déterminé à ne pas laisser le poids de ses erreurs et de ses peurs détruire ce qu'ils avaient construit ensemble.
Avec une voix qui trahissait une légère nervosité, Buck commença enfin à parler, chaque mot soigneusement choisi pour exprimer la profondeur de ses sentiments. Il se sentait comme un naufragé accostant enfin sur une terre ferme après une longue tempête, espérant que ses paroles trouveraient un écho dans le cœur d'Eddie et l'aideraient à comprendre la complexité de ses émotions et de ses actions.
– Je suis soulagé que tu n'aies pas tué mon oncle, mais... je t'avoue que si tu l'avais fait, je t'aurais compris.
Eddie hocha lentement la tête.
– J'ai eu envie de le faire, avoua-t-il. Surtout après tout ce que tu m'as raconté. Mais je ne pouvais pas... Je ne pouvais pas risquer de te perdre ou de laisser Christopher sans son père.
Buck sentit ses yeux s'embuer de larmes.
– Je te promets de ne plus jamais faire ça, de m'accuser pour quelque chose que je n'ai pas fait. Mais toi, promets-moi de toujours me dire la vérité, quelle qu'elle soit. On pourra toujours trouver une solution, ensemble.
Eddie prit les mains de Buck dans les siennes, son regard sérieux et plein de détermination.
– Ensemble. Je te le promets, Buck. Je ne te mentirai jamais, quoi qu'il arrive.
