LA NUIT DE LA PREMIERE MISSION

Par Andamogirl

ACTE 1

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Camp de l'armée de l'Union,

Plus tard, à l'hôpital des officiers,

Une fois Artemus Gordon allongé sur la table d'opération, sur un drap blanc, propre, le docteur Henderson prit ses instruments chirurgicaux et les mit dans une bassine remplie d'eau. Puis il ouvrit une bouteille contenant un liquide orange et en versa un peu dans le récipient en fer.

Intrigué, Jim, qui n'avait jamais vu un chirurgien militaire faire cela auparavant, demanda : « C'est quoi cette potion, docteur ? »

Le docteur Henderson se tourna vers James West et expliqua : « Ce n'est pas une potion, capitaine, mais une solution détergente-désinfectante. C'est Artemus qui l'a mise au point après avoir vu des blessés mourir de la gangrène, c'est-à-dire une infection du sang. Il s'est douté que l'infection provenait des scalpels et des scies qui étaient souillés par des pathogènes et utilisés d'un patient à un autre sans avoir été désinfectés au préalable. Dorénavant, avant d'opérer un patient, je désinfecte mes instruments chirurgicaux – pour prévenir les risques de contamination et donc d'infection et ainsi j'évite que mes patients meurent.» Il prit le pouls de son patient, à l'aide de son stéthoscope, qu'il découvrit lent et erratique, et ajouta: « Artemus est un grand chimiste. C'est aussi lui qui a créé la drogue anti-douleur que j'utilise couramment maintenant - à la place du laudanum – et qui a l'avantage de n'avoir aucune accoutumance. Il laisse l'esprit confus pendant quelques heures, c'est tout. Pas de nausées, pas de constipation, aucune somnolence et pas de sécheresse de la bouche. Il a également créé un puissant sédatif que je peux aussi injecter à mon patient.» Il rangea son stéthoscope dans la poche de sa blouse blanche puis donna une paire de ciseaux à Jim. « Ôtez-lui le reste de ses vêtements.» Du doigt il indiqua ensuite au jeune officier un seau rempli d'eau chaude, et une éponge, un savon et des linges propres qui étaient posés sur une table. « Ensuite, vous nettoierez soigneusement la peau, autour de la plaie et la plaie elle-même, les infirmières s'occuperont de laver Artemus plus tard. Faites vite, capitaine, je dois me dépêcher de réparer les dégâts causés par la balle. Artemus s'affaiblit de minute en minute. Il n'y a pas une seconde à perdre. »

Paire de ciseaux à la main, Jim se dépêcha de découper ce qu'il restait de l'uniforme gris confédéré, très sale, élimé aux coudes et aux genoux et rapiécé par endroits.

Il s'arrêta soudain pour jeter un coup d'œil autour de lui. Rien de séparait la 'salle d'opération' du reste de la grande pièce dans laquelle étaient alignés des lits sur lesquels étaient allongés des blessés, et où circulaient des infirmières.

Le colonel Henderson comprit l'inquiétude du capitaine, et dit: «Les blessés dorment capitaine, quant aux infirmières elles ne diront rien à personne de ce qu'elles pourraient avoir vu ou entendu. C'est la première de leurs obligations. Personne ne saura qu'Artemus Gordon est un espion. Dès que l'opération sera terminée, je le ferai transporter sous la tente du général qu'il soit au calme, et pour que le général puisse aller le voir de temps en temps. Le capitaine Gordon reprendra alors sa couverture d'officier de liaison du général Grant, blessé lors de sa dernière mission. »

James West hocha la tête. «Et si le sergent Watkins prend des nouvelles du soldat confédéré blessé sur la colline?»

Le médecin sourit. «Je lui dirai qu'il est mort et qu'on a brûlé son corps car il avait le typhus. C'est une maladie courante chez les assiégés. Ne vous inquiétez pas.»

Le capitaine se débarrassa ensuite des chaussures trouées, sans lacets, couvertes de boue séchée, puis il découpa en morceaux le long-John, plissant le nez et grimaçant de dégoût.

Il était sale bien au-delà du mot.

La puanteur du sous-vêtement lui donna un haut-le-cœur et le fit presque vomir.

Les yeux larmoyants, Jim prit les morceaux du sous-vêtement qui n'était plus rose mais noir du bout des doigts et les laissa tomber au sol, à ses pieds.

Le docteur Henderson expliqua: «Artemus ne s'est ni lavé le corps, ni les cheveux depuis qu'il est entré à Petersburg en se mêlant à un groupe de volontaires, il y a trois mois. Il a gardé le même sous-vêtement et le même uniforme aussi. » Dit-il en rinçant soigneusement ses instruments chirurgicaux avec de l'eau claire. «Comme vous le savez, la ville est assiégée par nos troupes, capitaine. Les soldats et les habitants de Petersburg ne se lavent plus depuis longtemps. Ils gardent le peu d'eau qu'ils ont pour la boire avec parcimonie ou pour faire bouillir le cuir de leurs ceintures et de leurs chaussures, afin de l'assouplir et pouvoir le manger ensuite. Ils ne la jettent pas cette eau sale ensuite, mais la boivent, comme ils récupèrent l'eau de pluie lorsqu'il pleut, et je suppose qu'ils doivent boire l'eau des flaques d'eau aussi, et leur propre urine en dernier recours. Chaque goutte d'eau est très précieuse pour eux. Ils n'ont plus rien à manger depuis plusieurs semaines, non plus. Tous les animaux ont été tués depuis longtemps, le bétail, les poules, les canards, les lapins et même les animaux domestiques – et même les deux pigeons d'Artemus ont fini rôtis! il n'y a plus un seul rat, ni aucune souris à Petersburg, ni aucun verre de terre je suppose. » Il essuya ses scalpels avec un chiffon propre et ajouta: «Avez-vous vu une ceinturesur lui ? des lacets à ses chaussures?»

Le capitaine West secoua la tête. «Non, a dû les manger.» Répondit-il, s'imaginant Gordon faisant cela, pour ne pas mourir de faim.

Henderson proposaune autre explication : «Ou quelqu'un les lui a volés, c'est possible aussi.» Il ajouta quelques secondes plus tard: «Ils se volent entre eux, pour manger, pour se vêtir, et ils dépouillent les cadavres de leurs uniformes et de leurs armes.»

Le capitaine Gordon étant nu, Jim versa un peu d'eau chaude sur la poitrine notant au passage la maigreur de l'autre homme.

Il n'avait plus que la peau sur les os. Peau qui était crasseuse et marrée ici et là d'ecchymoses 'anciennes' devenues des taches noirâtres.

Il sentait vraiment très mauvais aussi.

Le capitaine West demanda au docteur Henderson, «Si ce n'est pas indiscret, colonel, pourquoi le général aime-t-il le capitaine Gordon comme s'il était son propre fils?»

Le chirurgien répondit: « Comme vous le savez, la guerre a commencé le 12 avril 1861. Deux jours plus tard, le Président Lincoln lançait un appel à 75 000 volontaires et une réunion de masse fut organisée à Galena pour encourager le recrutement. L'ancien capitaine Ulysses S. Grant fut chargé de la diriger. Il aida à recruter une compagnie de volontaires sur place. Artemus et le général se sont rencontrés à Galena, alors qu'Artemus venait de s'enrôler. Quand le général a su qu'Artemus était le fils d'Helena Gordon, une amie qui habitait à Greenhill, un petit village non loin de là, il l'a pris sous son aile et de là est né cet amour paternel… accentué par le fait qu'Artemus était orphelin de père.»

Le capitaine West ajouta: «Et le capitaine Gordon l'a aimé comme s'il était son père de remplacement. Je comprends à présent.»

Henderson hocha la tête. «Exactement, et ce même s'ils n'ont que quelques années d'écart. Et Julia Grant l'aime beaucoup aussi. »

James West commença à faire des cercles avec le savon et l'éponge sur les côtes saillantes du blessé, autour de sa blessure. « Vous pensez qu'il a tiré sur des soldats de l'Union, colonel? »

Henderson rejoignit Jim et prit le pouls d'Artemus à son cou. «Je suppose oui, puisqu'il se faisait passer pour un soldat ennemi, mais soyez sûr qu'il a manqué sa cible à chaque fois.C'est un excellent tireurqui s'est fait passer pour un très mauvais. »

Le capitaine proposa, «Alors il n'est sans doute pas resté en face de l'ennemi. Il avait sans doute un autre poste, je pense.»

Essuyant la plaie avec l'éponge savonneuse, le plus doucement possible, Jim ne put s'empêcher de grimacer, se sentant fautif. Le trou laissé par la balle – par sa balle – était brûlé sur les bords et le sang coagulé avait commencé à crouter.

Une fois la plaie nettoyée, Henderson versa une autre bouteille de peroxyde d'hydrogène dessus et la peau se teinta à nouveau de blanc en une seconde en se couvrit de fine mousse crépitante.

Le capitaine, curieux, demanda: «Qu'est-ce que c'est?»

Le chirurgien répondit: «C'est une bouteille de peroxyde d'hydrogène, une autre invention d'Artemus, c'est un excellent désinfectant qui sert également à arrêter les hémorragies et saignements des plaies superficielles de la solution réagit avec le sang. Cette réaction provoque la libération d'oxygène, c'est pourquoi de la mousse se forme. C'est cette propriété qui confère à l'eau oxygénée, comme Artemus l'a nommée, ses effets j'utilisais du phénol comme antiseptique, mais le phénol est fortement corrosif et provoque des brûlures qui sont très douloureuses et longues à guérir. De plus, l'usage du phénol peut entrainer complications graves pouvant mener à la mort par la toxicité de ce composé et sa capacité à pénétrer dans l'organisme en traversant la peau.»

L'admiration qu'il avait pour Artemus Gordon grandit encore. Il était espion, chimiste, excellent tireur et avait une mémoire prodigieuse.

Le chirurgien enfila des gants en caoutchouc naturel, ce qui surpris James West qui leva les sourcils. « Une autre invention d'Artemus,» Dit-il, puis il ajouta: «J'utilise, et les médecins sous mes ordres utilisent des gants en caoutchouc naturel pour protéger les patients et les soignants des infections transmissibles. Les mains souillées sont des vecteurs de maladies.»

Jim demanda: « Que puis-je faire d'autre, colonel?» voyant des centaines de lentes et des colonies de poux dans les cheveux gras du blessé.

Deux infirmières s'approchèrent. La plus âgée, au chignon sévère grisonnant tenait un plateau sur lequel se trouvaient des bandages, et dans une coupelle des aiguilles et une bobine de fil. L'autre infirmière, une jeune femme blonde aux yeux bleus tenait un autre plateau sur lequel se trouvait le matériel nécessaire pour se raser, se laver les cheveux et une paire de ciseaux. Elle rougit de plaisir en croisant le regard séducteur de James West qui lui offrait un sourire de prince charmant.

Le colonel Henderson répondit, «Rien, vous avez bien travaillé capitaine, je vous remercie. Dites au général que l'opération devrait prendre quelques heures. Je ferai ensuite transporter le capitaine Gordon sous sa tente, pour qu'il soit au calme. »

Le capitaine West salua. «Oui, colonel.»

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Bien plus tard, dans le quartier général temporaire de Grant,

Il était tard dans la nuit lorsque le Colonel Henderson entra sousla grande tente qu'occupait Ulysses S. Grant, et découvrit son ami de longue date, assis à sa table de travail.

Il nota qu'elle était encombrée de papiers divers, de plans, de demi-cigares écrasés dans des cendriers, de livres et de tasses de café presque vides.

Une lampe à pétrole posée là, éclairait l'ensemble et un braséro apportait de la chaleur, bienvenue par ce temps froid et pluvieux.

Se levant de sa chaise, Grant demanda: «Comment va Artemus, Stephen ? »

Le docteur Henderson sourit d'un air rassurant. « Il va s'en sortir. J'ai réussi à réparer les dommages causés par la balle. Il a cependant perdu beaucoup de sang, et vu son état, il devrait s'écouler plusieurs semaines avant qu'il puisse de nouveau être apte à partir en mission. Je l'ai placé sous sédatif et il devrait se réveiller d'ici demain soir, pas avant. »

Grant poussa un long soupir de soulagement et sourit. « Merci Stephen.» Il se dirigea vers l'autre homme et, une fois devant le chirurgien, lui pressa l'épaule d'un geste amical et de remerciement. «Vous êtes le meilleur chirurgien de toute l'armée ! »

Le Colonel Henderson sortit quelque chose de la poche de sa blouse blanche maculée de sang séché et tendit la main, paume ouverte. Une balle s'y trouvait. « J'ai pensé que vous pourriez la rendre à votre aide de camp, général. Elle lui appartient.»

Le général prit la balle, tachée de sang séché, et se tourna vers le capitaine West qui se tenait à l'extérieur de la tente, attendant patiemment qu'on lui donne la permission d'entrer. « Entrez, capitaine. »

Henderson quitta celle-ci au moment où le jeune officier y pénétrait.

Le jeune capitaine, au garde-à-vous, salua et dit : « Monsieur, j'aimerais vous demander une faveur. J'aimerais rester aux côtés du capitaine Gordon quand je ne suis pas de service. »

Ulysses S. Grant salua en retour, puis il hocha la tête. «Faveur accordée, capitaine. Artemus aura besoin d'aide pendant sa convalescence, et nous sommes en manque d'infirmières.» Il fit un pas en avant et s'arrêta devant son aide-de-camp. Il lui montra la balle qu'il tenait et ajouta : « Tenez, c'est la vôtre, capitaine. Le docteur Henderson l'a extraite de la poitrine d'Artemus. Gardez-la en souvenir du jour où vous avez failli tuer Artemus Gordon – pensant bien , prenez une chaise et suivez-moi. »

Le capitaine West prit la balle, la glissa dans la poche de son pantalon puis il attrapa une chaise. «Oui, général.» Dit-il.

Les deux hommes pénétrèrent dans la partie arrière de la grande tente, la partie 'nuit', une poignée de secondes plus tard. Elle était faiblement éclairée par une lampe à pétrole posée sur un baril de poudre vide qui faisait office de table de nuit.

Un brasero placé sur le côté, près d'un des poteaux de la tente, éclairait la 'pièce' en plus mais surtout les flammes, apportaient de la chaleur.

La nuit était froide et très humide.

Le général observa quelques secondes l'homme endormi qui portait un pantalon de pyjama rayé froissé, allongé sur un lit de camp – rassuré de savoir Artemus hors de danger.

Le capitaine Gordon dormait profondément, la respiration lente, sifflante. Son torse nu était bandé et une tache de sang maculait le tissu blanc près de son cœur. Sa main gauche pendait mollement hors du lit pliant et ses jambes étaient recouvertes d'une couverture épaisse qui allait des genoux à la taille. Il était pieds nus, avait été lavé et rasé et on lui avait coupé les cheveux, très court.

Cet à cet instant que Grant se rendit compte à quel point le visage de son protégé était pâle et émacié. Il ressemblait à un cadavre. «Il a vécu un enfer là-bas.» Dit-il, le regard humide.

Se tenant près de Grant, Jim hocha la tête. « Pourquoi a-t-il quitté Petersburggénéral ?Sa couverture a-t-elle été compromise? Était-il en danger de mort? » Demanda-t-il.

Ulysses S. Grant répondit: «Je l'ignore, capitaine, il me le dira lorsqu'il me fera son rapport. Mais sa mission d'infiltration devait durer trois mois et trois mois se sont écoulés. C'est Artemus qui a lui-même décidé de la durée de sa mission sachant très bien ce qui l'attendait derrière les fortifications de Petersburg, le froid, les douleurs, l'épuisement, la faim, la soif, patauger dans la boue des tranchées parmi les cadavres…» Il prit la chaise des mains de Jim, la posa sur le sol de terre battue puis il s'assit dessus. «Selon Artemus, trois mois seraient nécessaires pour se faire des amis parmi les hommes de troupe qui échangent beaucoup entre eux et savent beaucoup de choses, pour gagner la confiance des officiers aussi, afin de pouvoir se déplacer là où il voulait afin récolter de précieux renseignements sur les positions ennemies, leur armement, les mouvements de troupes, etc. Hier était son dernier jour à Petersburg.»

Le regard posé sur le visage de spectre du capitaine Gordon, Jim dit: «Pour avoir supporté un tel enfer pendant trois mois, il faut beaucoup de courage, d'abnégation et de détermination. Le capitaine Gordon est un homme remarquable.»

Ulysses S. Grant hocha la tête. «Oui, il l'est, et il est plus que cela encore, c'est un homme exceptionnel. Artemus était un brillant acteur du théâtre Shakespearien avant la guerre, un spécialiste des déguisements - il s'est même travesti plusieurs fois en femmes pour remplacer au pied levé des amies malades, et il peut aussi prendre n'importe quelle intonation de voix, du très grave au très aigu et donc incarner des personnages féminins. Il fabriquait lui-même ses costumes, accessoires et postiches, et se maquillait lui-même. Il se sert à présent de ces talents pour espionner l'ennemi.» Il désigna du doigt deux grosses malles en métal cabossé. «Il garde dans ces malles tout ce qu'il lui faut pour se déguiser, car il le fait ici, en toute discrétion.» Il fit une pause et poursuivit: «C'est un homme très intelligent, cultivé, qui parle plusieurs langues étrangères et dialectes, et qui peut prendre n'importe quel accent. C'est un scientifique diplômé en chimie et en génie mécanique et qui est toujours en train d'inventer de merveilleux gadgets qu'il utilise lors de ces missions. C'est le meilleur espion de l'Union et il a contribué à de nombreuses victoires. » Il prit un cigare dans sa poche de veste. «Mais il n'est pas parfait, personne ne l'est. Il est têtu comme une mule et néglige très souvent sa propre santé.Pour lui sa mission et son devoir priment sur tout le reste.» Il sourit et ajouta: «Et il adore la gent féminine, au point de s'attirer les foudres des pères et des fiancés de ces dames et de sérieux ennuis. » Il coupa le bout du cigare avec ses dents puis prit une boite d'allumettes dans son autre poche. «Il est brave, hardi, vaillant, valeureux – exactement comme vous, capitaine. Vous avez les mêmes qualités et je pense que vous allez bien vous entendre tous les deux.» Il tira la couverture vers le bas, couvrant les pieds nus d'Artemus, pour ne pas qu'il attrape froid. « Je vous charge de veiller sur lui capitaine, le temps qu'il soit remis d'aplomb, et cela prendra plusieurs semaines.»

Surpris, James West demanda: «Veiller sur lui? Je ne suis pas infirmier, géné n'ai pas les compétences nécessaires… »

Grant précisa «Artemus ne supporte pas l'inactivité, capitaine, il a l'habitude de faire mille choses en une journée. Vous veillerez à ce qu'il se repose et à limiter ses capitaine Anderson vous remplacera en tant qu'aide-de-camp. » Il se leva et alluma son cigare. «Apportez votre lit de camp ici, capitaine. Ce sera tout, vous pouvez disposer.»

La seconde d'après, Jim se raidit au garde-à-vous. «A vos ordres!» et il salua.

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Le lendemain soir,

Cigarillo aux lèvres, assis sur son lit de camp, le capitaine West lisait un passage de 'guerre et paix' de Léon Tolstoï, lorsqu'il entendit un gémissement.

Il posa son livre sur ses genoux et regarda l'homme allongé en face de lui, sur le petit lit de toile, qui reprenait connaissance.

Le capitaine Artemus Gordon ouvrit lentement les yeux et aperçut le sommet d'une tente et une lanterne accrochée à un poteau, dont la flamme vacillait.

Il plissa le front, désorienté, puis réalisa qu'il était toujours en vie: «Je suis vivant!» Murmura-t-il, puis il sourit d'une oreille à l'autre puis poussa un long soupir de soulagement.

Puis il se rendit compte qu'il avait très mal à la poitrine, une douleur aigue, pulsatile, qui ressemblait à des coups de poignard.

Il posa la main au niveau de son cœur, et sentit des bandages sous ses doigts.

Il était blessé, réalisa-t-il.

Il se rappela alors tout ce qui s'était passé sur le chemin boueux, au sommet de la colline. «J'ai bien cru que j'allais mourir,» se dit-il à lui-même.

Il plissa le nez en sentant la fumée typique d'un cigarillo et tourna la tête vers la droite. Son regard se posa alors sur un jeune homme brun assis sur un lit pliant, qui avait un livre ouvert sur les genoux. Il avait les cheveux courts, les yeux bleu-vert et un menton à fossette, volontaire. L'officier, un capitaine, le regardait, un petit cigare allumé entre deux doigts.

Il le reconnut immédiatement. «C'est vous qui m'avez tiré dessuset avez failli me tuer !» Dit-il, avec de la surprise et une pointe de rancœur dans la voix.

James West hocha la tête. «C'est moi, en effet, et vous présente toutes mes excuses, je suis désolé de vous avoir tiré dessus. Si je l'ai fait c'était pour protéger le général. Je vous ai pris pour un soldat ennemi, et j'ai pensé que vous vouliez le tuer. »

Plaçant sa main là où il avait très mal, Artemus répliqua: «J'aurais dû lever mon fusil au-dessus de ma tête beaucoup plus tôt, et vous ne m'auriez pas tiré dessus. C'est de ma faute. En tout cas, vous avez bien réagi, capitaine, bravo.» Il soupira. «Je pensais que le général me reconnaitrait avant que quelqu'un me tire dessus, ce ne fut pas le prochaine fois, s'il y a une prochaine fois, je me montrerai juste vêtu de mon sous-vêtement, ainsi on ne me prendra pas pour un ennemi. » Il sourit s'imaginant en long-John debout au milieu d'un chemin boueux, devant un Grant interloqué. Il ajouta: «Vous êtes pardonné, capitaine. Vous ne pouviez pas savoir qui j'étais en réalité. Et je suis très heureux que vous ne m'ayez pas tué.» Il se mit sur le côté, lentement, puis tendit la main vers Jim et se faisant étouffa un cri de douleur. «Je m'appelle Artemus Gordon,je suis l'officier de liaison du général Grant. »

Jim se leva et serra la main d'Artemus. Il dit ensuite: «Je sais, je m'appelle James West, je suis l'aide de camp du général – qui m'a beaucoup parlé de sais aussi que vous êtes plus que son officier de liaison, capitaine Gordon, vous êtes son espion. »

Sourire aux lèvres, Artemus dit: « information est secrète. »

James West se rassit sur son lit de camp et poursuivit: «Vous ne devriez pas bouger, capitaine Gordon, rallongez-vous.»

Le général Grant entra dans la partie arrière de la tente, suivi par le docteur Henderson qui tenait son gros sac noir, en disant : « Très bon conseil.»

Le capitaine West se leva immédiatement et se mit au garde-à-vous. « Général!»

Grant hocha la tête. «Repos, capitaine.» Il s'assit sur le lit de camp, là où se trouvait Jim quelques secondes plus tôt, et regardant Artemus, lui demanda: «Comment vous sentez-vous?»

Soudain très pâle, Artemus Gordon se rallongea et se mit à transpirer abondamment. De petits spasmes secouaient son corps de temps à autre. « Pas bien... » répondit-il, essoufflé.

Le docteur Henderson se pencha vers son patient et aperçut quelques petits points rouges sur le bandage blanc qu'il avait changé quelques heures auparavant. «Vous saignez.» Constata-t-il. Il prit le pouls d'Artemus, à son cou, puis il ajouta: «Le pouls est rapide et irrégulier.» Il toucha le front de son patient ensuite et le trouva brûlant, la peau moite sous ses doigts. «Et vous avez beaucoup de fiè doit y avoir une infection, et les sutures ont dû se défaire. » De son sac de médecin il sortit une seringue et une petite bouteille remplie de sédatif. «Je vais m'occuper de ça.»

Levant les yeux vers Henderson, Artemus dit: «Un instant docteur.» Puis il regarda Grant. « Le jour même où je m'apprêtais à quitter Petersburg – c'est-à-dire à déserter, j'ai appris au mess des officiers où je travaillais, que plusieurs d'entre eux avaient planifié une tentative d'assassinat contre vous mon général, et recruté deux tireurs d'élite pour vous abattre. Je me suis alors rendu au QG du général Beauregard en apportant les cookies et le café que j'avais fait, et j'ai mené une enquête discrète sur place. J'ai eu la chance de voir les deux assassins en question lors du petit-déjeuner, et je les ai suivis discrètement hors de la ville alors qu'ils partaient en mission. J'ai réussi à en éliminer un, mais j'ignore où est l'autre. Mais je saurai le reconnaitre si je le vois.J'ai gravé son visage dans ma mémoire. »

Ulysses S. Grant hocha la tête. «Vous avez fait un excellent travail, Artemus. » Il soupira tout en secouant la tête, puis il poursuivit: « Me tuer ne les aidera pas à gagner la guerre. Ils l'ont déjà perdue. Seulement ils ne le savent pas encore. »

Le capitaine West intervint: «Non, Monsieur, c'est vrai, mais cela désorganiserait l'armée pendant un certain temps et cela démoraliserait les troupes, ce qui donnerait à l'armée confédérée le temps de se regrouper et d'attaquer nos positions, et pas seulement ici, à Petersburg, mais partout où il y a des batailles entre les soldats de l'Union et les Confédérés.» Curieux, il demanda: «Vous aviez préparé des cookies et du café? Vous étiez affecté à la cantine, alors?»

Artemus Gordon sourit: «Etant donné que je tirais très mal, exprès, mais que je cuisinais très bien, j'ai été affecté au mess des officiers en tant que cuistot, après avoir passé deux semaines dans les tranchées, et ce fut un vrai bonheur, croyez-moi. Je suis passé littéralement de l'enfer au paradis. C'était l'endroit parfait pour glaner des renseignements, car les officiers, se sentant bien, heureux de manger, discutent entre eux de tas de choses, comme les positions des troupes, des canons, de la construction de tranchées et de buttes de défense, etc., sans prendre garde aux 'oreilles indiscrètes'. Je transmettais ces renseignements au général grâce à mes les avais cachés dans une maison en ruine, à l'écart du centre. J'allais les voir la nuit pour que personne ne me puisse me voir. »

Ulysses S. Grant sortit un cigare et une boite d'allumettes de la poche de sa veste d'uniforme. Il frotta une allumette contre la chaise sur laquelle il était assis et alluma son cigare ensuite. «Et je recevais vos messages la nuit.» Dit-il.

Inquiet pour Grant, Artemus dit: «Soyez prudent, général. Ne vous exposez pas plus que nécessaire, vous êtes en danger de mort.»

Bientôt, le général fut enveloppé d'un nuage de fumée âcre. « Je suis tout le temps en danger de mort, Artemus. Mais connaissant cette menace désormais, je serai encore plus prudent que d'habitude.» Dit-il, d'un calme olympien, nullement effrayé.

Henderson piqua le cou d'Artemus et injecta le sédatif.

Intrigué, le capitaine West demanda: «Comment avez réussi à déserter puis à franchir les lignes ennemies et les nôtres sans vous faire tuer?»

Le capitaine Gordon soupira et répondit: «Ce ne fut pas facile. J'ai dû me battre à mains nues et tuer plusieurs soldats confédérés à l'aide de ma baïonnette pour venir jusqu'ici car les déserteurs sont arrêtés et pendus, et aussi éviter les balles de nos propres hommes qui m'ont tiré dessus et heureusement pour moi, m'ont raté... J'ai réussi, mais j'ai bien cru…. cru que… que j'allais mourir plusieurs fois. » Il cligna des yeux alors que sa vision devenait floue.

Le colonel Henderson referma son gros sac noir. «Le sédatif est en train d'agir. Je vais vous faire transférer à l'hôpital, Artemus.» Dit-il.

Fermant les yeux alors que le sédatif coulait dans ses veines, engourdissant ses membres, Artemus Gordon continua d'une voix trainante : « Comme je ne peux pas trouver ce sniper dans mon état actuel, permettez-moi de prendre votre place, Monsieur, en tant que leurre. Je me suis déjà déguisé en 'général Grant' pour tromper l'ennemi, deux fois jusqu'ici… Je pourrais rester assis… devant votre tente en me faisant passer pour vous, fumer un cigare et ainsi attirer le tireur. Je mettrais… le gilet pare-balles que j'ai inventé et qui fonctionne très bien … il est dans ma malle. »

Ulysses S. Grant secoua la tête. « Pas cette fois, Artemus. Je ne veux pas que vous quittiez ce lit pendant deux semaines. Et pour que j'en sois sûr, le capitaine West restera à vos côtés et veillera à ce que vous ne manquiez de rien pendant votre convalescence.» Il leva un doigt sévère en voyant Artemus ouvrir la bouche pour protester et ordonna : « C'est un ordre, capitaine. »

Le capitaine Gordon salua mollement alors qu'il s'endormait, puis il bredouilla: «A vos ordres,» et sombra dans un sommeil profond.

A suivre