Chapitre 12 : Espérance
-Tu es sûr que c'est ici ?
-Certain.
Junior m'avait conduit dans une ancienne station de métro.
Je l'avais rencontré une heure plus tôt, et nous voilà, crapahutant dans un métro new-yorkais. Il était persuadé de savoir où nous allons, c'est-à-dire sous terre. Je ne savais pas comment il le savait. Mais depuis qu'il m'a sauvé la vie (longue histoire, impliquant des drakainas et un faux plan), je lui faisais confiance.
Il descendit sur la voie, et me fit signe de le suivre. Je le vis déplacer quelques pierres, révélant une trappe. Il l'ouvrit. En bas, un escalier de pierres descendait profondément. Une lumière rouge, identique aux flammes, éclairaient le chemin.
Junior commença à descendre en contrebas par une échelle. Je m'y engagée à sa suite, lorsqu'un souffle me chatouilla. Vers le tunnel, deux lumières blanches se rapprochaient.
Incertaine, je demandais à Junior, un peu paniquée :
-Dis, t'es sûr qu'elle était vraiment abandonnée, cette station ?
Je gardais les yeux rivés sur l'engin. Mon ami ne tarda pas à répondre :
-Normalement oui, pourquoi ?
-Alors que fait un métro sur la voie ?
Le bruit se rapprochait, de plus en plus fort. Mais je ne pouvais pas bouger, mon corps ne répondait plus.
-Junior... gémis-je
Je sentis ses mains sur mes hanches, et il me tira en arrière. La trappe se referma. Le danger était écarté.
-Ça va ?
Sa voie était légèrement plus aigüe. Il avait dû prendre peur. Il m'avait sauvé, encore une fois.
Sans attendre, je l'embrassai.
Ce ne fut que quelques secondes, mais c'étaient les meilleurs de ma vie. Je baissais les yeux, sans oser croiser son regard.
-Espérance... Murmura-t-il.
Dieux, que j'aimais entendre sa façon de dire mon nom. Je le voulais pour moi. Et pour moi seule.
Je risquais un regard vers lui. Il était immobile, un peu surpris.
Puis il posa sa main sur ma joue, et me rendit son baiser.
Il dura longtemps, peut-être trop. J'espère que mes parents divins voyaient ce spectacle : je souhaitais de tout cœur voire leurs visages horrifiés.
Quand il se dégagea, je pensai soudain à mes amies.
Gêné, je bégayais :
-Sur... on ferait mieux... d'y aller.
La marche me parut interminable. Nous arrivâmes dans une salle tamisée. On se cacha dans un coin d'ombre. J'avais une vue imprenable sur la salle : partout, des monstres grouillés, comme une marée de dents, de serres, et de tentacules. Chaos était sous forme humaine : c'est-à-dire une sorte de PDG en costume noir, lunette de soleil relevé sur le front. Il écoutait, sur son trône, ce qui ressemblait à... un géant ?
Je n'en avais aucune idée.
Je cherchai mes amies du regard, scrutant chaque personne du coin de l'œil. Kayla et Lou-Ellen étaient ligotées à une chaise, dos-à-dos.
Elles étaient dans les vapes. S'il fallait se battre, je ne pourrais pas comptés sur elles. C'était à mon tour de les protéger.
Une personne nous bouscula, Junior et moi, nous exposant au monde. Le temps s'arrêta, puis Chaos sourit. Un sourire sinistre, promesse de cruauté. Il me fit un petit signe de main. Je voulais ardemment me jeter sur lui, mais un petit signe vers mes amies me fit renoncer à cette idée. Si je créais une émeute, elles seraient forcement touchées.
Il se racla la gorge. Deux drakainas, peut-être les mêmes qui m'ont poursuivi, m'ont maintenu les bras dans le dos. L'autre pointait son poignard sous ma gorge. Bizarrement, personne ne s'en prenait à Junior. Il était crispé, presque tendu.
-Ah, mon fils ! Tu n'as plus besoin de faire semblant, maintenant ! dit Chaos, en s'adressant à Junior.
Avais-je bien entendu ? Ce pourrait-il que... Non. Ça ne pouvait pas être vrai.
-Laisse-la, papa. L'entendis-je murmurer.
Si j'étais dans un dessin animé, ma tête aurait explosé. Ces mots me brisèrent le cœur. Pendant tout ce temps, il n'avait fait que me mentir. Mon visage devait être meurtri par la douleur car Chaos rigola, en reprenant :
-Non, il ne t'a rien dit ? En fait, ça ne m'étonne pas. Il est tellement cachottier. (Il adressa à son fils un regard sous-entendu, puis reporta son attention sur moi) Décidément, s'il a réussi à te faire miroiter certains désirs, je suis encore plus fier de lui !
C'est. Le. Fils. De. Chaos!
Ces mots résonnaient dans ma tête. La douleur laissa place à la fureur. Je me dégageai de mes assaillantes pour foncer sur Junior. Mes mains vinrent s'attacher à sa gorge. Il se laissa faire. Je le lâchai, le bourrant de coups. Je pleurais toutes les larmes de mon corps, ma colère le criblant de coups.
-Est-ce que tu m'as seulement aimée ? Est-ce que ce baiser t'as fait quelque chose ? Ou est-ce que tout ça n'était que mensonges !
Chaos nous observait, son regard las face à la situation.
-Oui oui, on a compris. Il t'a blessé, tu le blesses en retour. Maintenant, pouvons-nous passer aux choses sérieuses, entre personnes civilisés ?
Je le foudroyais du regard.
-Il n'y aucune personne civilisée ici, et sûrement pas toi !
Il fronça les sourcils, puis claqua des doigts. Une force invisible me fit heurter le mur. Je m'affalai au sol. Mon épaule droite me faisait souffrir. Hélas, j'avais perdu mon sac (qui contenait de l'ambroisie) quand j'avais rencontré ce menteur.
-Je déteste les personnes insolentes. Reprit Chaos
-Papa... tu ne pourrais pas la laisser tranquille ?
Je haïssais cette voix. Pourquoi, je ne m'en rappelais plu. Ma tête m'élançait, et je priais mentalement pour qu'il n'y ait pas d'hémorragie. Alors une perte de mémoire...
-Toi, on t'a assez entendu.
Chaos claqua encore une fois, et son fils disparut. Il se leva, sûrement pour se rapprocher de moi.
Je suffoquais. J'avais du mal à respirer, ma poitrine se comprimait à chacune de mes respirations saccadées. Ma vie toute entière s'écroulait. J'allais mourir sous terre, entourée de monstres.
Tant de malheur chez un si petit corps... Pourquoi résister ? Accepte ton destin... renonce à ceux qui t'ont fait souffrir. Ne vois-tu pas les problèmes qui t'ont causé ? Une voix... dans ma tête ? Etes-ce mes pensées ? Non, je n'ai jamais été pessimiste. Mais qu'elle était douce, aussi sucrée qu'une friandise... Comme ceux qu'Apollon m'envoyait quelque fois...
Ma colère remonta en flèche. Tout ça, s'était à cause des dieux. S'il ne m'avait pas envoyé à la colonie des sangs-mêlés, je serais libre. Si Calliope nous avons prêté Prométhée, au lieu d'une fausse carte piégée, mes amies ne serraient pas là, souffrant le martyr. Si on ne m'avait pas déjà tracé un destin, toute cette pression continue de devoir être parfaite, je ne serais pas là, en train d'agoniser. C'était leur faute.
Chaos prit ma tête entre ses mains. Il souriait. Oui, c'est la faute des Dieux. Sans eux, Chaos ne serait pas là.
-Oui...continu. Laisse ta colère te submergeait...laisse la te nuire...montre-moi ton vrai visage.
Renonce, petite...reprit la voix sucrée, Laisse-moi t'aider…Je les anéantirait...Tu feras ce que tu veux...
Être libre... c'est ce que j'ai toujours souhaité... D'une petite voix, tellement faible, je murmurais :
-Oui.
Mon corps se relâcha. Intentionnellement, j'invoqua un cercle de feu, qui nous entoura, Chaos et moi. A l'autre bout de la fosse, une tornade se créa, avalant les monstres sur son passage. Je sentais mes pouvoirs m'échappaient. Tant mieux, je les laissais prendre le contrôle. Je sentis mes yeux devenir entièrement dorés.
Chaos appuya sa main sur ma tempe. Je débordais de pouvoirs. La terre trembla, mes cheveux se dressèrent sur ma tête, pour retomber brutalement. Mes vêtements se transformèrent en une robe rouge écarlate. Les manches bouffantes étaient faites de feux. Une couronne sertie de rubis se déposa lentement sur ma tête. Un long sceptre noir, en fer stygien, apparut dans ma main. Une mèche rouge compléta la transformation.
Chaos s'écarta, m'examinant.
-Oui... Oui ! J'ai enfin réussi... Je t'ai trouvé, ma douce.
Puis, d'une voix solennelle, il s'adressa à moi.
-Bienvenue à toi, Déesse de la Destruction.
J'étais puissante. J'étais forte. J'étais méchante.
Espérance n'existait plus.
Quiconque le remettrait en cause trépasserait.
Bonne rentrée à tous !
L'Oracle de Delphes.
