Voici le chapitre 3 ! :)


Chapitre Trois ~ Amour Heureux

Clavecin et violons s'accordaient pour rythmer des valses que Tybalt, le cœur alourdi, ne souhaitait plus danser. Perdu au milieu de la foule, il cherchait du regard celle qu'il aimait, celle qui avait envahi ses pensées depuis l'événement de la veille. Il avait fait tout son possible pour l'éviter, s'échappant du domaine Capulet pour n'y revenir que quelques heures avant le bal masqué. La Comtesse Capulet avait même fait parvenir une tenue à son neveu, que Tybalt détesta presque immédiatement. Le grand manteau rouge et or, fait de fourrure et de cuir, lui tenait horriblement chaud et l'enserrait dans ses mouvements, tandis que le masque, mal ajusté, lui obscurcissait la vue. Quelle idée farfelue que d'organiser un bal masqué !

Ce ne fut qu'au milieu d'un quadrille qu'il aperçut enfin Juliette. Au bras de Pâris, elle semblait perdue dans ses pensées. Son sourire, crispé et sans joie, barrait son joli visage alors que le jeune homme la faisait tournoyer dans ses bras. À peine la musique cessa-t-elle que celle d'une contredanse se leva, ne laissant aucun répit aux danseurs. Sans attendre un seul instant, Antonia, à ses côtés, le prit par le bras et l'entraîna dans la danse, riant de sa distraction. Une vague de nausée l'envahit tant l'angoisse lui rongeait le cœur. Faisant tournoyer Antonia dans ses bras, il ne pouvait détacher son regard de Juliette.

Elle était vêtue d'une robe de bal blanche, aux jupons de soie d'un vieux rose enchanteur. Le corset, fait d'une dentelle immaculée, s'ornait de magnifiques fleurs brodées qui descendaient en cascade sur ses jupons. Les couturières avaient effectué un travail d'exception, rendant son apparence éblouissante. Ses cheveux blonds, bouclés pour l'occasion, formaient une cascade lumineuse autour de son visage d'ange, masqué de dentelle assortie à sa robe. En cet instant, elle n'avait rien de l'enfant pure et innocente qu'il chérissait, mais elle était devenue une femme désirable, incarnant un idéal de beauté.

Alors qu'il quittait les bras d'Antonia pour saisir sa cousine par la taille, un frisson parcourut tout son être. Juliette, avec délicatesse, posa l'une de ses mains sur son épaule, tandis que l'autre se joignait à la sienne, formant un cadre parfait. Son regard azur s'illuminait de tendresse, mais Tybalt sentit son courage s'évanouir dans sa gorge. Il était incapable de prononcer le moindre mot. Avec force, il la souleva, l'entraînant dans une danse effrénée, la faisant tourner dans une volée de jupons blancs et roses avant de la reposer au sol, alors que celle-ci riait sincèrement.

Alors qu'ils allaient bientôt changer de partenaire, un souffle de courage s'empara de lui :

« Juliette… Juliette, il faut que… »

Mais il n'eut pas le temps de finir. Les bras de Pâris lui arrachèrent la jeune femme, qui fixait désormais son cousin, troublée. Ce sentiment d'hésitation ne resta guère longtemps dans son regard azuré. À cet instant, une troupe de cirque fit irruption dans la salle de bal, riant et jonglant, déployant un spectacle d'acrobaties enivrant. Les joyeux lurons insufflèrent un nouveau souffle à la fête, galvanisant le courage de Tybalt. Sans attendre, il se dirigea vers Juliette, qui se laissait entraîner par un artiste aux cheveux ébènes, un visage qui lui donnait la désagréable impression de déjà-vu.

Prenant la jeune femme par le poignet, il l'amena contre lui, caressant sa joue avec tendresse. Il la fit tournoyer dans une valse plus calme, plus douce, tandis que sa voix rauque se brisait dans sa gorge.

« Juliette… »

Il devait lui dire, lui avouer son amour. Qu'ils s'enfuient ensemble, tous les deux, loin de Vérone, loin de l'Italie. Juliette avait toujours rêvé de voir la France ! Il l'emmènerait à Paris, il lui suffisait de murmurer un « oui ».

« … Il faut que je te parle. »

Un sourire tendre éclaira le visage de Juliette, mais avant qu'elle n'ait eu le temps de répondre, l'homme du cirque aux boucles ébène l'arrachait de ses bras, l'entraînant dans une valse énergique, presque désaxée. Dans un élan, il la lança presque dans les bras d'un autre homme aux cheveux de jais retenus dans un catogan. Les deux jeunes gens semblèrent surpris, presque effrayés. Ce dernier, tout de blanc vêtu, n'était également pas inconnu à Tybalt. Pourquoi diable portaient-ils des masques ?

Désespérément, le blond tenta de fendre la foule pour retrouver sa Juliette, mais plus il s'approchait, plus elle s'éloignait. Doucement, Juliette guidait cet étranger vers un coin reculé de la salle, et Tybalt se trouvait bloqué par la foule compacte qui s'agglutinait sur le parquet de danse. Tout semblait irréel ; il avait l'impression de suffoquer, d'être pris dans un cauchemar dont il se réveillerait d'un instant à l'autre, en sueur. Mais rien ne se produisit, il ne dormait pas, et tout cela était bien réel. On lui volait sa fleur, sa seule et unique raison d'exister, sous ses yeux, sans qu'il ne puisse rien y faire, rien changer.

Alors que l'homme aux cheveux noirs caressait la joue de Juliette de son pouce, le regard azur de celle-ci se teinta d'un sentiment que Tybalt n'avait jamais vu auparavant : l'amour. L'inconnu était en train de lui offrir les mots qu'elle avait tant attendus, les mots qu'il n'avait pas eu le temps de lui dire. Son cœur se serra avec violence dans sa poitrine, lui arrachant une plainte qu'il ne put maîtriser. Les larmes montèrent à ses yeux hazel tandis qu'il poussait un invité sans ménagement, il devait l'empêcher, éviter l'inévitable. Une douleur si perçante, si angoissante, qu'il crut mourir sur l'instant l'assaillit. Plus les secondes s'écoulaient, plus il voyait leurs corps se rapprocher, et alors qu'il parvenait enfin à bout de la foule, s'extirpant de la masse informe que formait les danseurs, son cœur rendit son dernier battement face à la vision insupportable des deux jeunes gens qui s'embrassaient désormais devant lui.

Tybalt tomba presque à genoux, son souffle court, ses mains tremblantes. Alors qu'ils se séparaient, le masque du jeune homme se décrocha, révélant son visage aux yeux de tous. Ce fut à cet instant que la voix de Julian résonna comme un lointain écho, le tirant de sa torpeur:

« Regardez ! C'est Roméo Montaigu ! »

La haine, telle une bête sauvage, se libéra de son cœur meurtri, pulsant dans ses veines, dans ses tempes, envahissant son corps tout entier. Elle chassa le dernier éclat de tendresse, ne laissant derrière elle qu'un chaos dévastateur et une violence sourde. Le jeune homme se sépara de sa cousine, semblant fuir dans la foule sous le choc. Sans attendre, Tybalt se mit à le poursuivre, et lorsque son regard se posa sur Mercutio, la haine grandit encore plus en lui.

Du coin de l'œil, il vit sa tendre Juliette courir également, comme pour retrouver son prince disparu. Alors qu'elle s'approchait de sa Nurse, les deux échangèrent quelques paroles, mais tout à coup, un cri déchirant fendit l'air devenu si lourd :

« NON ! »

Le hurlement, si désespéré d'un cœur anéanti, plongea la salle dans un silence désastreux. Tybalt se retourna, fébrile, oubliant sa haine pour contempler sa fleur. À genoux, la main tendue vers la porte par où avaient fui les Montaigu, elle pleurait. Giovanna la tenait par les épaules, berçant avec tendresse l'enfant qui venait d'apprendre l'identité de son amour désormais envolé. Le cœur de Tybalt se brisa un peu plus encore. Le cri affreux qu'elle venait de pousser lui avait transpercé le cœur telle une épée : elle l'aimait. En un instant, en quelques secondes à peine, elle était tombée amoureuse, d'un amour passionnel, pour un homme qu'elle ne connaissait guère. Et Roméo, lui, s'était simplement joué du cœur de sa tendre cousine.

Sans un mot, sans un regard de plus, Tybalt prit la fuite à son tour. En sortant dans le jardin, il entendit les cris de ses amis derrière lui :

« Tybalt !»

«Tybalt !»

«Tybalt, qu'est-ce que tu as !?»

«Tybalt, où vas-tu ? »

Mais il les ignora, laissant ses pas le guider jusqu'à l'intérieur de la demeure Capulet, gravissant les marches de l'escalier en colimaçon jusqu'à atteindre les jardins suspendus. Son cœur pulsait douloureusement dans ses veines alors qu'il marchait vers le saule pleureur. La brise chaude de fin de soirée se leva, balayant sa chevelure avec douceur. Abandonnant toute contenance, il se laissa tomber sur l'herbe fraîche, de lourds sanglots secouant son corps.

Il avait grandi dans la haine, cet héritage funeste inculqué par ses propres parents, ne connaissant l'amour et la tendresse que par l'intermédiaire de Giovanna. Puis, un jour, Juliette était arrivée. D'abord, il l'avait ignorée, considérant la nouvelle-née comme une présence inintéressante. Mais peu à peu, alors qu'elle passait de bébé à enfant, Juliette devint plus fascinante, presque envoûtante. Elle avait ce don rare de voir le bon en chacun, capable de pleurer si quelqu'un osait ôter la vie à une simple mouche ou une araignée. Elle aimait danser, chanter et s'adonner à des jeux débordants de doux sentiments.

À l'aube de son adolescence, Tybalt avait rejeté cette naïveté débordante, la délaissant pour des amis plus durs comme Julian. Mais il était revenu vers elle. Âgé de quinze ans à l'époque, il était venu la trouver ici même, sous le saule pleureur. Elle jouait de la harpe, chantant un poème aux notes légères. À peine âgée de douze ans, sa beauté était déjà si candide, si tendre. À cet instant, il tomba éperdument amoureux d'elle, comme happé par une fatalité, une malédiction dont il ne pourrait jamais se défaire.

Elle était son salut, la seule raison pour laquelle il n'était pas devenu un monstre dénué de sentiments.

« Je suis le fils de la haine… et du mépris… »

Ses doigts se saisirent d'un petit coquelicot fané, reposant sur le sol verdoyant. Fragile et magnifique, cette fleur éphémère était comme Juliette : une fois cueillie, elle se fane, mourant dans l'instant qui suit, privée de bonheur. Caressant les pétales flétris, Tybalt ferma les yeux, accablé par la douleur, ignorant qu'une jeune femme à la chevelure auburn se tenait à quelques pas, l'observant en silence.

Il pleura, des sanglots profonds s'arrachant à son cœur tourmenté. Alors qu'il broyait la petite fleur entre ses doigts, une plainte s'échappa de ses lèvres :

« Je t'aime tant, Juliette. Je t'aime tant. »

Non loin de là, sous le clair de lune qui révélait les secrets des amants, Juliette se tenait à son balcon. L'astre argenté illuminait son chemin sinueux, sans qu'elle ne s'en rende compte, seule comptait l'intense regard brun de son Roméo. Elle l'aimait, il était celui qu'elle avait tant attendu. Nul autre homme n'avait d'importance, si ce n'était son amour.

Pourtant, Tybalt espérait, il espérait encore qu'elle l'aime, comme lui l'aimait.

La lune emporta avec elle le secret des amants et celui du torturé, laissant place à l'aube. Le soleil, tel un purificateur, lavait les amants de leurs péchés et séchait les larmes des démunis. Mais ce matin-là, le soleil brillait d'un éclat froid, triste. Tybalt se releva doucement, essuyant ses larmes d'un revers de manche, prenant le chemin de sa chambre. Il se changea à la hâte, puis s'en fut dans les rues de Vérone.

oOo

« Notre Père, qui es aux cieux… »

Les genoux de Frère Laurent étaient fléchis face à l'autel représentant le Christ sur sa croix. L'aube se levait sur Vérone, teintant le ciel d'un bleu pâle, et déjà, il priait pour la paix de toutes ces âmes qui trépasseraient aujourd'hui. Car tel était la vie ici, à Vérone. Que l'on soit riche ou pauvre, la mort vous rattrapait tôt ou tard.

« … que ton nom soit sanctifié… »

Il avait rêvé, plus d'une fois, que la paix envahisse les rues, les cœurs, les esprits de ses croyants. Que Dieu touche de sa bonne grâce la ville où la haine s'amplifiait de jour en jour, chassant ainsi le malin à jamais de ses rues.

« … que ton règne vienne… »

Il célébrait en ces murs plus de funérailles que de mariages, plus d'enterrements que de naissances. Il avait beau prêcher l'amour et la bonté à chaque paroissien, la haine continuait de couler dans les veines de chaque individu de cette ville qu'il chérissait tant. Et rien de ce qu'il pouvait faire ou dire ne changerait les choses. Il se sentait comme un rameur dans une barque en train de couler, ses efforts désespérés vains face à un océan de désespoir.

« … que ta volonté soit faite… »

Un soupir quitta ses lèvres alors que la porte de l'église claquait violemment. Certainement un nouveau cadavre que l'on venait de découvrir, une autre famille se pressant pour une cérémonie dans les plus brefs délais. Il prit tout de même le temps de finir sa prière :

« … sur la terre comme au ciel. »

Signant la croix sur son corps, Frère Laurent se releva douloureusement pour faire face à l'homme qui venait de faire irruption dans son église. Grand et svelte, vêtu de cuir rouge bordeaux, presque aussi sombre que le sang qu'il avait vu couler, son regard acéré pouvant percer l'âme. Le moine n'eut besoin que d'un instant pour reconnaître le neveu du Comte Capulet. Tybalt ne venait que rarement à l'église, n'honorant la Maison de Dieu que lors des messes importantes ou des funérailles. Il était l'un des plus fervents partisans de la haine, comme ses parents jadis, mais en cet instant, il semblait si perdu, tel un oiseau tombé du nid, déchiré entre la colère et la souffrance. La lutte interne qui se jouait en lui était palpable, une douleur si profonde qu'elle troublait même le moine, qui s'approcha avec une prémonition, inquiet pour l'âme tourmentée qui se tenait devant lui.

« Que puis-je faire pour toi, Tybalt ?

- Frère Laurent… »

Le jeune homme s'avança face au moine, le dépassant bonnement de deux têtes. Sa pâleur évoquait une âme perdue, encore suintante de sueur. Ses yeux, d'un froid glacial, étaient implorants, rougis par des larmes qui s'étaient évaporées comme sa détermination. Soudain, il tomba à genoux devant le serviteur de Dieu, laissant le moine déconcerté par une telle détresse, comme si Tybalt était brisé en mille morceaux, son cœur et son âme en proie à une douleur insondable.

« Que se passe-t-il, mon fils ?

- Expliquez-moi, expliquez-moi pourquoi je l'aime ? »

Sa voix, brisée, était un murmure rauque qui fendait l'âme du moine. Autour de son cou, une large croix d'or et de rubis scintillait, symbole de son baptême, que Frère Laurent avait lui-même trempée dans l'eau bénite à l'époque où Tybalt était encore un enfant innocent. Depuis lors, elle ne l'avait plus quitté, un contraste tragique avec son tourment actuel.

« Qui aimes-tu, mon garçon ? »

Il n'osait l'approcher, ni même lui toucher l'épaule. Il observait simplement le jeune homme, dont le regard se perdait sur le Christ derrière lui, comme s'il était déjà bien au-delà des murs de l'église. Les mots de Tybalt, pourtant clairs pour lui-même, se perdaient dans le vide :

« Elle est si pure, si douce… Bien trop innocente pour ce monde. Son sourire est tel une bougie dans mes ténèbres. Elle est ma lumière, mon salut. Elle est tout pour moi, et sans elle, je mourrais. »

D'un geste rageur, Tybalt saisit la soutane du moine, son étreinte frémissante trahissant une souffrance incommensurable. Un sanglot s'échappa de ses lèvres tandis que Frère Laurent tentait de le calmer, posant ses mains sur sa tête.

« Pourquoi l'aime-t-elle lui et pas moi !? Suis-je trop sot à ses yeux ? Ou bien trop laid ? Mon cœur bat pour elle depuis l'enfance ! Je n'aime qu'elle ! Aucune autre femme n'a d'égale à son sourire dans ce monde. Et elle… Elle m'a trahi. »

Ses pleurs moururent dans sa gorge, l'étreinte sur la soutane du moine se renforçant, comme s'il s'accrochait à sa dernière lueur d'espoir.

« Elle aime un Montaigu ! »

Une larme de colère mêlée de rage s'écrasa dans sa barbe, les yeux rieurs et le sourire angélique de Juliette s'ancrant vicieusement dans son esprit déjà en proie à la folie.

« Calme-toi, mon garçon. Dis-moi plutôt le nom de celle qui te cause tant de maux. »

Mais, d'un geste presque violent, Tybalt se redressa, repoussant l'homme de foi, son doigt accusateur pointé comme une arme.

« Vous dire son nom changerait-il quoi que ce soit à ce qu'il se passe !? Non ! Elle ne m'aimera jamais ! Juliette ne m'aimera jamais ! Aimer ne veut plus rien dire ! Vivre, encore moins, sans elle. »

Tybalt se détourna alors, renversant un chandelier rempli de cierges qui s'éteignirent dans leurs chutes, faisant jaillir des ombres dans la pièce. Il remonta l'allée de l'église, vociférant des mots de désespoir et de désillusion, avant de claquer la porte avec une violence inouïe.

Frère Laurent, quant à lui, s'effondra sur un banc, le visage entre ses mains. Pourquoi Tybalt était-il venu ? Jamais il ne le saurait. Le cœur du moine se serra à l'idée que Tybalt Capulet pouvait être amoureux de Juliette, sa propre cousine. Était-ce possible ? Une douleur sourde s'empara de lui, imaginant la souffrance de celui qui vivait un amour si interdit, si désespéré. Mais désormais, la peine avait déserté le cœur de Tybalt, remplacée par une haine vorace qui menaçait de le consumer tout entier.

oOo

Il arpentait les rues de Vérone d'un pas lourd, ses pensées assombries par une rage bouillonnante, cherchant la moindre âme sur qui il pourrait déverser sa fureur. Alors qu'il bifurquait dans une énième ruelle, il les aperçut. Mercutio était là, Benvolio à ses côtés, entourés d'autres Montaigu qui s'étaient invités chez les Capulet la veille. À en juger par leurs tenues, ils n'étaient toujours pas rentrés au domaine.

À peine fit-il un pas qu'une main se posa sur son épaule. Se retournant, les yeux embrasés de colère, Tybalt croisa le regard malicieux de Julian, tandis que d'autres Capulet se rassemblaient autour de lui, prêts à en découdre une bonne fois pour toutes. Sans attendre, Tybalt reprit son chemin, ses compagnons se lançant dans la mêlée avec un enthousiasme redoutable. Mais le blond ne put faire un pas de plus qu'un cri retentit dans son dos :

« Tybalt ! »

Le cri d'Antonia résonna dans son crâne comme une cloche d'alarme, mais il l'ignora, sa haine dansant avec son cœur dans une valse amère. Alors qu'il avançait, les mains douces de la jeune femme encerclèrent son poignet.

« Non ! Ne t'emmêle pas ! »

Il la repoussa avec violence, la faisant chuter sur le sol. Une grimace de douleur traversa son visage, mais elle se redressa rapidement, déterminée à le suivre, à comprendre cette rage qui le consumait. Jamais elle n'avait vu une telle fureur briller dans ses yeux, jamais elle n'avait assisté à une telle promesse de destruction. Elle savait qu'il était capable de tuer, qu'aujourd'hui, il pourrait ôter une vie. Et cela, elle ne le souhaitait nullement.

« Mais qu'est-ce qu'il y a, Tybalt !? »

Il se retourna, dominant la jeune femme de toute sa stature, ses yeux injectés de haine.

« Tu me demandes ce qu'il y a !? »

La voix de Tybalt résonnait comme un coup de fouet, emplie d'une rage dévastatrice. Il lui faisait peur, mais elle refusait de reculer.

« Les Montaigu sont venus chez nous, et tu me demandes ce qu'il y a !? »

Il crachait sa colère et son mépris au visage de celle qui l'aimait. Antonia ressentait une douleur profonde face à cette fureur qu'elle ne pouvait détester, car derrière la haine, elle discernait une blessure béante, une trahison inscrite dans son âme. Une plaie qui ne guérirait probablement jamais, et elle savait que la fautive n'était pas ici, mais que son cœur était désormais à jamais marqué par la souffrance.

« Et Juliette ? »

La voix d'Antonia était désormais froide, empreinte de mépris, prononçant le nom de la jeune Capulet comme si elle était la source de tous les maux de Vérone. Rien qu'à l'entente de ce prénom, le cœur de Tybalt se tordit dans une douleur atroce, comme s'il tentait, l'espace d'un instant, de retrouver une vie qu'il avait perdue.

« Quoi, "Juliette" !? »

Son regard hazel se teintait d'une noirceur presque palpable, faisant frémir Antonia. En cet instant, elle se sentait plus intimidée par Tybalt que par le Comte Capulet en personne. Mais, rassemblant son courage, elle répliqua d'un ton encore plus sec :

« Tu ne l'auras jamais, Juliette ! Il faut que cela cesse ! »

Cette fois, la main de Tybalt s'éleva dans l'air, et Antonia ferma les yeux, prête à recevoir le coup. Pourtant, rien ne vint. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle vit Tybalt, son bras abaissé, mais son regard plus coléreux que jamais, tandis que sa voix glaciale grondait dans l'air comme un orage.

« Fiche le camp d'ici et que je ne te revois plus, Antonia.

- Tybalt, ressaisis-toi ! »

Elle s'accrocha à son bras, désespérée, alors qu'il lui tournait le dos, l'éloignant de sa présence.

« Elle ne t'aimera jamais ! »

Un bruit sourd retentit. Un corps s'effondra au sol. Cette fois, le coup était parti. La joue d'Antonia brûlait, des larmes montant à ses yeux. Il l'avait frappée. Et alors qu'elle levait les yeux vers lui, abasourdie, la voix de Tybalt lui asséna le coup fatal.

« Maintenant, ferme-la. »

Sans un mot de plus, sans même un regard, il se jeta dans la mêlée. Une nouvelle fois, la haine avait pris le dessus sur Tybalt. Il courut vers son rival de toujours, le neveu du Prince, saisissant sa crinière ébène avant de le projeter au sol avec une violence déchaînée. Au loin, il aperçut Julian prenant un malin plaisir à tourmenter le pauvre Benvolio, et cela l'amusa davantage.

Mercutio profita de cet instant pour se relever et lui asséner un coup de poing au ventre, ce qui fit cracher une goutte de sang à Tybalt. Puis, d'un geste rageur, il répliqua en frappant Mercutio en plein visage, brisant le nez de son adversaire.

La haine dansait dans ses yeux tel un feu sauvage, consumant son cœur et son esprit. Il perdait la raison, envouté par cette amante qu'il avait prise pour femme : la haine. Alors qu'il continuait de s'enliser dans ce poison morbide, fracassant un peu plus le crâne de Mercutio sous ses poings, une voix douce, surgissant des ténèbres, le ramena brutalement à la réalité, tirant son esprit des flammes de l'enfer.

« Tybalt ! Julian ! »