PARTIE 1 : ASTORIA
D'aussi loin qu'elle s'en souvienne Astoria Greengrass avait toujours été amoureuse de Drago Malefoy. Cela pouvait sembler un peu ridicule, quand elle y repensait, elle n'avait que onze ans la première fois qu'elle l'avait vu. Mais la jeune femme n'avait jamais réussi à contrôler tous les symptômes désormais familiers qui l'assaillaient quand il était dans la même pièce qu'elle. Le fait que le jeune sorcier, de son côté, n'ait pas eu l'air de remarquer son existence pendant leurs quatre années communes à Poudlard n'avait rien changé à cette obsession. Sa quatrième année, elle l'avait passée à s'imaginer leurs retrouvailles, alors que le jeune homme avait rejoint Voldemort. Dans chacun des scénarios, tout cela n'était qu'une terrible méprise sa variante préférée étant qu'il avait été soumis tout le long à un sortilège de l'Imperium. Car évidemment, Astoria n'avait pas pu croire une seule seconde à sa culpabilité.
L'été avait passé, le monde sorcier se remettait peu à peu de la Bataille de Poudlard et Astoria s'était préparée pour sa sixième année sans savoir quoi penser de son rôle dans la fin de la guerre. Si elle avait grandi dans une famille de Sang Purs, les Greengrass goûtaient peu à la magie noire et avaient pris soin de ne pas prendre parti dans le conflit. Les Malefoy, de leur côté, avaient échappé à un procès sans que personne ne comprenne très bien par quel miracle.
Malgré toutes ces années et tous ces évènements, Drago Malefoy restait pour elle une énigme et un objet de fascination.
Rien ne l'avait donc préparé à simplement le croiser dans un couloir alors qu'elle se rendait à son premier cours de botanique. La veille, elle ne l'avait pas vu à la cérémonie de répartition. La sorcière ne réussit pas à détacher son regard de lui et se força à articuler quelque chose de peur qu'il trouve ça étrange qu'une élève de Serpentard le dévisage de la sorte.
- Salut !
Merlin. Le jeune homme lui lâcha un regard étonné très bref et passa devant elle sans lui répondre. Elle allait mourir de honte sur place. Ou se jeter de la tour d'Astronomie, si la honte ne la tuait pas avant. Elle se retourna lentement vers ses deux amis qui l'accompagnaient. Le jeune homme, qui répondait au nom d'Alphard Avery, lui jeta un regard inquiet.
- Aria ? C'était quoi ça ?
- De la politesse, Alph.
La jeune femme, Danaë Rosewood, pouffa aussitôt de rire.
- Astoria ! Ne me dit pas que tu es encore à fond sur lui ! Pas après tout ce qui s'est passé !
- Pas du tout, grommela Astoria, en avançant d'un pas rageur. Dépêchez-vous on va être en retard.
Mais il aurait fallu plus que la perspective d'être en retard pour détourner Alphard et Danaë de la découverte qu'ils venaient de faire sur leur amie. Le jeune homme ébouriffa d'un geste négligé ses cheveux blonds, qui retombaient sur ses yeux.
- Quand je pense que je me faisais une joie de passer enfin une année à Poudlard sans t'entendre vanter les qualités de Malefoy. J'y ai à peine crû quand j'ai su qu'il allait finir sa scolarité à Poudlard.
- Vous croyez que c'est vrai ce qu'on dit sur lui et sa famille ? demanda Danaë. Qu'ils auraient payé pour éviter Azkaban ?
- Pas du tout, souffla Astoria, sa mère a eu l'ordre de Merlin première classe pour avoir sauvé Harry Potter pendant la Bataille de Poudlard. Ce sont des héros.
Alphard et Danaë n'osèrent pas la contredire mais Astoria savait parfaitement ce qu'ils pensaient. Elle avait entendu toutes les rumeurs qui courraient sur les Malefoy. Et il n'y avait bien qu'elle pour accorder encore du crédit à Drago Malefoy. Tous les autres élèves ne se privaient pas pour le regarder avec haine et murmurer leur colère sur son passage.
Astoria le remarqua d'autant plus qu'elle passa les jours suivants à observer Drago. Elle avait l'impression de retrouver ses habitudes. S'asseoir derrière lui à la bibliothèque, se renseigner sur son emploi du temps, se placer stratégiquement pendant les repas à la table des serpentards. Elle avait d'autant plus de temps que, depuis cet été, Danaë et Alphard étaient en couple et Astoria préférait désormais les laisser seuls le plus souvent possible. C'était un peu étrange pour elle de voir ses deux meilleurs amis roucouler.
Le premier constat de ses observations fut que Drago avait l'air fatigué et malade. Elle avait l'impression de le revoir pendant sa sixième année : le teint crayeux et cerné. Cela ne changea absolument rien à la fascination qu'il exerçait sur elle. Le deuxième constat fut que Drago était extrêmement isolé. Il trainait de temps en temps avec quelques serpentards de son année mais ne semblait pas avoir lié d'amitiés particulières. Astoria apprit même qu'il disposait d'une chambre seule au lieu des dortoirs habituels. Elle entendit Horace Slughorn souffler à Pomfresh qu'il s'agissait d'une mesure de sécurité. Slughorn n'avait jamais été discret, c'était une source précieuse d'informations pour qui savait écouter comme Astoria. Elle se demande si la sécurité concernait Drago ou les autres élèves.
Mais Drago Malefoy, malgré son extrême solitude, ne paraissait toujours pas remarquer son existence. La jeune femme tenta quelques approches discrètes : se balader dans la même allée que lui à la bibliothèque en faisant mine de chercher un ouvrage, faire ses devoirs dans la salle commune quand il y était avec les camarades de son année, faire attention à sa tenue et à sa coiffure pour attirer son attention. Elle avait toujours été un peu timide mais en sa présence cela en devenait ridicule. Elle désespérait d'arriver un jour à entrer en contact avec lui.
Tout changea lors du premier match de Quidditch de l'année qui opposait Serpentard à Poufsouffle. Astoria n'avait jamais eu de passion particulière pour ce sport, elle arriva donc en retard à la tribune vert et argent, Serpentard menait déjà 30 à 0. Elle repéra immédiatement Alphard tout en haut de la tribune qui échangeait avec sa bande d'amis de leur année dans une joyeuse cacophonie. Le jeune homme était absolument passionné de Quidditch. Il hurlait des encouragements et bondissait régulièrement de son siège en brandissant son écharpe comme un emblème. Drago était assis à côté de lui. Son regard sombre et l'air perpétuellement renfermé qu'il abordait désormais tranchait particulièrement avec l'enthousiasme de son voisin.
Le regard de Drago croisa celui d'Astoria. Comme à chaque fois, son cœur s'emballa. Faisant beaucoup d'effort pour ne pas réitérer le malheureux épisode ayant précédé son premier cours de botanique, la jeune femme grimpa l'escalier dans leur direction à un rythme contrôlé.
- Aria !
Alphard venait de bruyamment l'alpaguer.
- Danaë est là, si tu veux te mettre à côté d'elle.
Il pointait son doigt vers un banc un peu plus bas. Astoria entreprit l'expérience gênante de faire se lever une dizaine de personne tandis qu'elle progressait péniblement vers son amie. Evidemment son regard se perdit plusieurs fois en direction de Drago. Et elle se rendit compte qu'il la regardait toujours. À chaque fois que ses yeux aciers croisaient les siens un choc électrique la traversait. Pourquoi la regardait-il comme cela ? Et pourquoi maintenant alors qu'elle était aussi peu à son avantage en train de bousculer des gens, échevelée, dans l'espoir d'atteindre son siège. Drago se pencha alors vers Alphard et les deux jeunes hommes échangèrent quelques mots.
Astoria passa la fin du match à se demander ce qu'ils avaient pu se dire. Elle fut tellement absorbée par cette pensée qu'elle n'eut, contrairement au reste de la tribune, absolument aucune réaction quand l'attrapeur des Poufsouffle fut violemment percuté par un cognard et tomba de son balai, ce qui clôtura le match dans un grand tumulte.
- Qu'est-ce qu'il t'a dit ?
- Qui ?
- Le fantôme d'Albus Dumbledore idiot ! Drago bien sûr !
Astoria, Alphard et Danaë descendaient de la Grande Salle vers leur salle commune après le dîner. La jeune femme avait dû attendre le moment propice pour pouvoir poser la question qui la brûlait depuis la fin du match. Alphard eu un long soupir agacé.
- Si je te le dis, tu vas devenir encore plus hystérique.
- Quoi ? Pourquoi ?
Le blond s'arrêta brutalement.
- Astoria, ce n'est pas drôle. C'était encore amusant quand on était en quatrième année mais là ton obsession pour Malefoy est sérieusement flippante. C'est un mangemort. Il a été impliqué dans le meurtre d'Albus Dumbledore. Comment tu peux passer outre tout ça ?
- Tu t'appelles Avery je te signale. Aucune famille de Serpentard n'est particulièrement blanche.
- Ce n'est pas une histoire de famille, je te parle de ce qu'il a fait lui. Je t'assure qu'à présent il ne vaut mieux pas être associé aux Malefoy.
- Il regrette ! Tu crois que sinon McGonagall l'aurait laissé retourner à Poudlard ? Tout le monde a le droit à une deuxième chance.
- On n'en sait rien ! C'est vraiment un truc de gryffondor de laisser des secondes chances à n'importe qui. C'est exactement ce que faisait Dumbledore et regarde où ça l'a mené.
Les deux amis se tenaient désormais face à face les poings serrés. Danaë qui n'avait pas dit un mot jusque-là intervint.
- Elle marque un point Alph. Même si on ne saura probablement jamais la vérité, si Malefoy était si coupable que cela, on ne l'aurait pas laissé revenir à Poudlard. Il a dû faire quelque chose… Peut-être qu'il était un agent double comme Rogue ?
- Agent double ou pas, cela ne me plait pas du tout, je m'inquiète pour elle. Qui sait de quoi Malefoy est capable à présent…
Astoria serra les poings.
- Allez dis-moi juste ce que vous vous êtes dit et je jure de ne plus jamais vous embêter avec Drago.
Alphard haussa un sourcil circonspect.
- Si seulement… Puis obtempérant sous le regard noir de son amie : ok ok ! C'est bien pour que tu me laisses tranquille. Il m'a demandé qui tu étais et si je te connaissais.
- Questcequetuasrépondu ? articula Astoria très vite sans reprendre son souffle.
- Que tu étais la sœur de Daphné.
Astoria eut une moue. C'était techniquement vrai.
- Et après ?
Alphard eut un silence, comme conscient que sa réponse allait provoquer chez Astoria une longue nuit d'insomnie.
- Il a dit : « Je ne l'aurais pas cru, elle est vraiment jolie ».
à suivre...
