Vous allez rire, mais je suis malade...

Bref, j'ai lu le manga en hyper vitesse afin de pouvoir écrire ceci, donc c'est mon support essentiel.

Si vous l'ignorez, le principe de divergence du canon, c'est "un terme utilisé dans certains fandoms pour désigner une fanfiction se déroulant dans un univers qui diverge relativement peu du canon, avec un point de départ dans la rétrospective d'un personnage ou même pendant le canon."

Donc là, Jehd est le héros. Link est l'Esprit du Héros (mais attention, il n'est pas le héros du Temps), Iria est Midona, Lafrel est Xanto, Zelda est Ganondorf.

Bonne lecture !


Jehd rassura sa prise sur la garde de l'épée de légende. Son cœur battait à tout rompre mais il ignorait si c'était dû à l'adrénaline du combat ou tout autre chose…

Devant lui, l'air à peine essoufflé ou fatigué – enfin, comment pourrait-il voir quoi que ce soit dans l'ombre lui servant de visage ? – l'esprit du héros se tenait debout, patientant.

Plié en avant, Jehd l'observait à la dérobée, envieux. En réalité, il était envieux de nombreuses choses à l'encontre de son prédécesseur, à commencer par son âme droite, lui qui était si hésitant. Ses exploits antérieurs l'avaient bercé pendant son enfance et poussé à faire ses classes, implantant de force dans son crâne un futur dans la chevalerie, balayant toute autre possibilité d'avenir. Puis, il y eut ses capacités à l'épée, ses connaissances martiales, bien qu'il les lui enseignait.

Il savait parfaitement que même s'il les répétait encore et encore jusqu'à en cracher du sang, il n'égalerait jamais son niveau, ni sa prestance.

Puis, quand Iria le découvrit enfin et le reconnut comme la bête divine qui veillait sur ses pas avant le coup d'état perpétré par Lafrel, une effroyable jalousie parut le traverser, le jetant presque au sol sous sa violence.

Lui qui avait égoïstement espéré être une occurrence unique, le seul trait d'union entre le monde des vivants et celui des morts – ou peu importe celui dans lequel déambulait l'ancien héros – découvrait que ce privilège n'était pas le sien depuis le début.

Distraitement, il jugea que c'était une jalousie de petit enfant, comme si on lui avait arraché des mains son jouet préféré, mais malgré tous ses efforts, il ne parvint pas à surpasser cela et fut à deux doigts de bouder.

Heureusement, trop pris par leurs retrouvailles, aucun des deux ne parut s'en rendre compte ou le relever, et l'incident passa.

Depuis, Jehd ne put s'empêcher de jeter des petits regards en direction de son mentor, un maëlstrom d'émotions tourbillonnant éternellement dans son esprit, sans trop savoir lesquelles. Il se sentait trahi de découvrir ainsi que deux personnes aussi importantes pour lui se connaissaient – et qu'aucun des deux n'avait jugé utile de l'en informer – mais aussi fier de pouvoir s'afficher avec eux. Il était aussi enthousiaste de pouvoir apprendre auprès de cette figure historique et respectueux de son symbole.

Mais, toujours et encore, il était envieux.

Se redressant lentement, il se remit en garde, cillant à peine alors que l'ancien héros l'imitait sans piper mot, puis les passes d'armes reprirent, le rythme faiblissant à peine.

Chaque fois que leurs lames se rencontraient, les vibrations parurent remonter le long de son bras et il serra les dents alors que la réverbération se poursuivait à travers son corps.

Il connaissait la douleur. Il savait ce que c'était. Elle avait été à ses côtés toutes ses années, l'accompagnant à chaque entraînement, chaque corvée, chaque instant. Sa plus fidèle amie.

Cette fois, il manqua de lâcher l'épée alors que ses muscles et ses tendons criaient de sur sollicitation.

Des larmes lui troublaient la vue et il avait juste envie d'abandonner, d'ouvrir la main et de lâcher bouclier et épée. De balancer ce foutu bonnet à la tronche fantomatique et de plier bagage.

En quoi était-il le héros de cette ère ? Après tout, Celui de la précédente se tenait là, juste devant lui, parfaitement en capacité de démonter absolument n'importe qui avec cette satanée épée. En plus, il avait déjà eu à faire avec le Grand Ennemi, ce foutu marionnettiste se trouvant derrière Lafrel, et qui les narguait depuis l'ombre, Zelda. Ils avaient des affaires à terminer ensemble, alors pourquoi s'interposer entre eux ? Qu'ils finissent ce qui avait été mis en suspens, pendant que lui prendra sa retraite anticipée dans les sources chaudes, chez les Gorons. Avec un peu de chance, ça donnera une seconde jeunesse à ses muscles !

Dents et mâchoires serrées, Jehd releva la tête, ses yeux lançant des éclairs tentant de se fixer dans ceux inexistants de son adversaire. Il sentait la fureur bouillonner dans son ventre, il sentait son envie de hurler et de lui jeter n'importe quoi au visage, tout pour l'éloigner de lui, mais aussi autre chose. Autre chose de plus sombre, avec des dents et des griffes.

Son souffle se faisait plus court, haletant, alors qu'il agrippait sa poitrine, la tenue symbolique qu'il avait du revêtir, alors que ses ongles se cognaient contre la cotte de maille dessous, un grondement s'échappant de ses lèvres retroussées, ses dents s'allongeant…

Lentement, un loup roux prit place face à la silhouette du héros tombé, grondant sa colère.

Au lieu de l'imiter, de fuir ou peu importe, Link rengaina son épée et mit un genou à terre, tendant la main en direction de l'animal en une offrande de paix.

De menaçant, Jehd passa petit à petit à interrogatif, curieux puis repentant, les oreilles à plat et des geignements quittant sa gorge, cette fois.

Link lui avait répété à de nombreuses reprises d'apaiser son esprit, d'apaiser son cœur, mais rien ne semblait fonctionner et il surréagissait à chaque fois, s'écorchant encore et encore. Rien ne semblait avoir d'importance, après tout, tant qu'il pouvait brandir l'épée de la légende et protéger de son bouclier…

Poussé par son instinct, il s'approcha de la main tendue, y brossant l'extrémité de son museau, puis sa joue, s'enhardissant.

Rapidement, il fut pressé contre le poitrail du héros du Temps, celui-ci se drapant autour et au-dessus de lui, en une étreinte étrange. Link n'était plus qu'une tenue vide dans laquelle s'attardait un peu de brume grisâtre, formant parfois les contours d'un corps disparu depuis longtemps, l'éclat lumineux d'un œil tranchant de temps à autre, et pourtant il y avait une chaleur qui exsudait de sous la tenue semblable à la sienne, comme si un cœur y battait encore, qu'une peau réchauffée couvrait la brume intangible alors que les mains gantées s'enfouissaient dans la fourrure épaisse, l'ébouriffant avec affection.

C'était rare, mais il avait pu contempler son corps physique à de rares occasions, même s'il n'avait pas toujours été en assez bon état pour le voir ou s'en souvenir clairement. Il avait pu observer ces traits si étonnamment doux, ces joues encore rebondies, ces yeux d'un bleu extraordinaire, cette espèce d'innocence s'accrochant à lui comme une seconde peau.

Dans ce genre de situation, il ne pouvait s'empêcher de se sentir troublé. Pourquoi Hyrule et les déesses s'entêtaient à envoyer des personnes si jeunes à la mort, à devoir se battre pour le bien d'un royaume tout entier ? Autant lui avait l'étrange chance d'être accompagné et guidé par Iria qui aimait bien le tourmenter, autant lui, les légendes le dépeignaient comme un solitaire.

Toujours dans ses bras, Jehd émit un gémissement bien pitoyable à cette pensée, se sentant désolé pour cette autre âme qui avait vécu un tourment pire que le sien. Il parvint à se reculer suffisamment pour faire face à l'expression sérieuse et résignée bien que légèrement translucide, puis d'y passer un immense coup de langue, remuant de la queue.

Les conséquences de son acte le frappèrent la seconde d'après et il se glaça d'effroi alors que devant lui, le spectre resta figé, sa frange comiquement décoiffée et fixée par la salive lupine, cillant à plusieurs reprises.

N'attendant pas qu'il traite la situation, le héros devenu loup s'aplatit contre le sol, l'air repentant et le museau bas, tentant d'imiter au mieux le regard mignon de la princesse du Crépuscule quand elle tentait de gagner le débat. Et il devait avoir réussi car, au lieu d'un courroux dévastateur, il n'obtint qu'un soupir amusé et des caresses énergiques sur son crâne, le faisant battre à nouveau la queue, satisfait.

Sa persona hylienne et sa persona lupine se mêlaient de plus en plus, devenant bientôt impossible à séparer, à discerner, ce qui l'inquiétait parfois. Des instincts le tenaient à la gorge, le poussaient à des actions qu'il n'aurait jamais envisagé quelques jours, semaines, mois auparavant.

Ou bien, si, dormaient-ils là tout ce temps, et que le loup était moins bridé par les conventions sociales avec lesquelles il s'étouffait ?

Les poils disparurent au profit de sa tenue héroïque alors qu'il revenait à sa forme de naissance mais sans avoir pensé à modifier sa position, se retrouvant dans les bras de son mentor, ses yeux plongés dans les siens, les mains osseuses fichés dans ses cheveux dans une prise ferme.

Ils n'étaient pas assez proches pour que ça soit trop troublant, juste gênant, mais aucun des deux ne détourna le regard ni n'esquissa de mouvement pour se séparer, pour se reculer et adopter des postures plus orthodoxes.

L'envie parut reprendre de plus belle dans sa cage thoracique, s'enflammant pour nimber tout son être de sa chaleur, son cœur battant plus fort, son souffle se raccourcissant, sa peau se recouvrant de chair de poule, ses articulations se préparant à être mobilisées, mais pour quoi ? Pour fuir ? Pour céder à cette tentation à laquelle il s'ouvrait à peine ?

Mais il pouvait toujours sentir ces doigts contre son cuir chevelu, saisissant ses cheveux comme s'il l'interdisait d'esquisser le moindre mouvement, de rester là, de lui confier les rênes pour les instants à venir. De lui faire confiance.

Ils restèrent sans bouger le temps de quelques respirations encore, Jehd à genoux, les mains serrés en poings dessus, la nuque cassée pour fixer le visage sans émotion face à lui. Link, un genou à terre, le dominant de quelques centimètres, penché au-dessus de lui, jouant avec les mèches cuivrées dans lesquelles il avait enfoui ses doigts, l'expression indescriptible.

Il n'y avait aucun bruit résonnant dans cette étrange poche dimensionnelle dans laquelle ils se trouvaient, comme toujours, coupés du reste du monde, aussi bien des ennemis que des alliés. Iria ne pouvait pas les trouver, pas plus que Zelda ou ses armées corrompues. Le bruit de leurs respirations étaient à peine plus élevé que celui de leurs cœurs – les esprits avaient des organes fonctionnels ? – l'étourdissant.

C'était plus fort que lui, il commençait à sentir les prémices, sa poitrine s'élevant trop fort, trop vite, mais il ne pouvait se résoudre à se reculer, à briser le moment, peu importe ce qu'il signifiait, car il était aussi curieux du mouvement suivant.

Qu'allait-il se passer ? Qu'allait donc faire le héros ?

Jehd décida de retenir son souffle.


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