Salut~

Encore un texte fini peu de temps avant la publication, ça commence à être une habitude ^^'

Je me suis bien amusée, cela dit ! J'espère que vous aussi ;)

Bonne lecture !


Merde, merde, merde, merde.

Les pensées tourbillonnaient dans sa tête, tournant en boucle, encore et encore, lui donnant le tournis au point qu'une profonde envie de vomir commençait à croître, amplifiant la sensation d'étouffer. Il était à deux doigts de la crise d'angoisse la plus dévastatrice de son existence.

Merde, merde, merde, merde.

Il avait tellement foiré.

La tête dans les mains, il fermait les paupières avec une telle force que des petits points blancs semblaient voler dans son champ de vision réduit, ses ongles creusant dans sa peau quasiment jusqu'au sang.

Il avait totalement et complètement foiré.

Et pire que tout. Il y avait un témoin.

Et pire que pire. Le témoin était Jehd.

Comment allait-il pouvoir sortir de ce merdier ? Où étaient les forces obscures quand on avait besoin d'elles ? Ganondorf ne pourrait-il pas se libérer, là, maintenant, et planifier une nouvelle domination du monde ?

Mais pour toute réponse à ses prières, ce fut Telma qui vint l'extirper du recoin sombre de sa taverne où il avait trouvé refuge après qu'il ait mis les pieds dans le plat. Et y avait allégrement remué les orteils.

— Sors de là, petit.

Il se tourna vers elle avec l'expression d'un lapin surpris par un prédateur.

— Non, glapit-il.

— Allez, sors de là, souffla-t-elle avec un sourire.

Malgré elle, il était difficile de retenir son envie de rire. Elle avait été témoin de la petite scène et avait dû s'absenter dans l'arrière-salle le temps d'apaiser son hilarité, revenant pour servir un verre d'alcool à ce pauvre Jehd figé comme pétrifié.

Le pauvre en avait bien besoin ! Et tant pis pour sa sobriété, il y avait des exceptions qui méritaient bien quelque chose de plus fort que ses habituelles tasses de thé.

— Nan, répliqua le grand héros en se recroquevillant sur lui-même.

Son cœur lui semblait battre dans sa gorge alors qu'il enfouissait son visage contre ses genoux et refermait ses mains entrelacées sur sa nuque, tentant de se faire le plus petit possible.

Peut-être que le sol allait l'avaler ou il réduira suffisamment sa taille pour se faufiler dans un trou de souris ?

Ou alors, il pourrait revêtir sa forme de loup et s'exiler n'importe où, loin, si longtemps qu'il oublierait avoir été un hylien un jour et ainsi son humiliation actuelle ?

Mais Telma ne le laissa pas s'apitoyer plus longtemps et l'attrapa par le col, le relevant d'un coup sec, le forçant à la regarder.

Malgré le comique de la situation, elle affichait une expression sérieuse alors que Link hésitait à se tortiller afin de s'échapper de sa prise de fer.

— Link, ce qui compte à l'instant, c'est si tu étais sérieux ou si ce n'était qu'une blague. Concentre-toi sur cette unique question pour le moment.

Malgré son envie de l'éviter, il se trouvait prisonnier de son regard sérieux, figé. Il ne quitta son hébétude que lorsqu'elle le secoua vivement.

— Link. Une réponse. Maintenant.

Il avait peu d'amplitude mais il parvint tout de même à se rétrécir, se couvrant le visage de ses mains afin de le protéger, les yeux fermés et les mâchoires serrées.

— J'étais sérieux ! Mais ce n'était pas sensé sortir comme ça, dans une situation aussi nulle !

— Est-ce la vérité ? Avais-tu vraiment l'intention de le lui avouer ?

Se mordant la lèvre inférieure, le jeune hylien baissa les bras et la tête, fixant le sol inégal.

— Non…

Telma le secoua un peu plus fortement.

— Non ? rugit-elle. Donc tout cela n'était qu'une plaisanterie ?!

— Non, NON ! se défendit-il en tentant de s'extraire de sa prise. J'étais vraiment sérieux ! Mais juste… j'ai bien compris que je n'avais aucune chance…

Il avait rebaissé la tête et la voix, cillant pour repousser les larmes qui commençaient à lui piquer les yeux.

Surprise, la tenancière l'avait lâché et s'était reculée d'un pas, l'observant en fronçant les sourcils, les mains sur les hanches.

— Regarde-le, regarde-moi, articula-t-il. Je suis juste un berger vivant dans un village paumé. Je passe l'année à m'occuper de chèvres et avec les mêmes vingt personnes. Le truc le plus intellectuel que j'ai dû faire de ma vie, ça a été d'apprendre à lire, et encore maintenant je peine à déchiffrer un menu ! Alors que lui… lui…

Sa gorge parut s'étrécir et lui coupa toute possibilité de s'exprimer alors que les sanglots gagnèrent du terrain, lui coupant toutes forces.

Telma l'observa, compatissante. Malgré sa tenue semblable à celle du héros du Temps, Link n'était rien de plus qu'un adolescent, un jeune adulte, un peu paumé qui découvrait le monde. On lui en avait trop mis sur les épaules, trop vite et trop tôt, et il peinait à faire le point.

— Lui ? le relança-t-elle doucement.

Il s'était laissé glisser le long du mur, imitant sa pause de tantôt, enlaçant ses jambes et séchant ses larmes contre ses genoux.

— Lui, c'est un génie. Il sait tant de choses, il utilise des mots que je n'ai vu que dans des livres. Il a une naïveté adorable, et quand il parle des Célestiens, son visage s'illumine comme un soleil…

Rapidement, l'aventurier était passé de lister ce qui rendait Jehd hors de sa portée à ce qui lui plaisait chez lui. C'était le signe pour son interlocutrice qu'il était temps de l'interrompre, ce qu'elle fit en se râclant la gorge, lui faisant réaliser qu'il s'était égaré. Il piqua aussitôt un fard, embarrassé.

— Je te connais depuis moins longtemps que cette grande asperge, Link, mais laisse-moi te dire que tu as tort. Et tu peux me croire, en amour, il n'y a pas d'égalité. Il n'y a pas non plus de différence. Juste de l'amour.

Il leva sur elle un regard débordant tellement d'espoir qu'elle sentit un pincement au cœur. Était-ce une si bonne idée de souffler sur les braises de ses sentiments ? Ne souffrait-elle pas aussi d'un amour à sens unique ?

Puis elle repensa à Jehd et sa décision s'enracina : elle aidera ces deux idiots même si elle devait les enfermer dans la même pièce pour leur retirer toute possibilité de s'enfuir !

— Prends le temps qu'il te faut, je retourne au bar, conclut-elle.

Quand elle revint derrière le comptoir, elle fut satisfaite de voir que rien ni personne n'avait bougé malgré sa petite absence. Jehd inclus.

Celui-ci avait bu le verre d'alcool qu'elle lui avait servi plus tôt et fixait maintenant le bois du meuble comme si une réponse s'y trouvait, les épaules basses et le visage vide.

— Je te ressers ? lui proposa-t-elle.

Surpris, il se redressa, l'air coupable avant de secouer la tête, refusant son offre.

— Je pense qu'il vaut mieux que je reprenne du thé, balbutia-t-il d'une voix faible.

Buveur occasionnel, il semblerait que le verre ait obtenu plus de résultat qu'escompté.

Un peu coupable, Telma alla faire bouillir l'eau sans commentaire.

Du coin de l'œil, elle le surveilla, prête à réagir au moindre geste de sa part prouvant son ébriété.

Heureusement, elle n'eut pas à le faire et bien vite, l'érudit troqua le verre vide contre une tasse pleine et bien chaude autour de laquelle il appuya ses mains tremblantes.

— Tu veux en parler ? proposa doucement la tenancière.

— Parler ? De quoi ? Il ne s'est rien passé.

Le ton sec qu'il avait utilisé signifiait évidemment qu'il était hors de question de s'appesantir sur la scène de tantôt, mais il en fallait plus pour décourager la propriétaire des lieux qui se contenta de rester là, nettoyant les verres, jusqu'à ce qu'il craque enfin et ne s'affale sur le comptoir, un soupir de fin du monde accompagnant le mouvement.

— Comment est-ce que ça a pu arriver ?

Décidant de le laisser vider son sac avant d'intervenir, Telma se continua de sourire, patiente. Il fallait laisser le temps aux confessions pour que celles-ci sortent. C'était des animaux terriblement timides.

— On parlait, comme d'habitude – enfin, je parlais et Link m'écoutait – et il… il…

La pointe de ses oreilles avait viré au rouge alors qu'il trébuchait sur le pronom, n'osant pas aller plus loin.

Mais Telma avait été là. Elle n'avait pas participé à la conversation — ou, plutôt, le traditionnel monologue du chercheur sur les Célestiens – mais elle gardait un œil sur eux, quelques pas à côté.

Elle aimait beaucoup les regarder discuter. Jehd était comme métamorphosé, se permettant des tirades passionnées, alors que son visage s'illuminait de l'intérieur, un large sourire aux lèvres et les yeux brillants. Il en sautillait presque sur son tabouret ! Link, lui, l'observait faire, un sourire tendre aux lèvres, alors qu'il l'écoutait religieusement, clairement immergé dans leur discussion. Parfois, il posait une question ou remettait son ami sur les rails quand il s'éloignait de trop. Mais jamais Telma ne l'avait-elle entendu s'emporter ou critiquer les propos de l'érudit. Au contraire, il agissait avec un respect qu'elle n'avait que trop peu vu.

Et c'était exactement ce qui s'était passé ce soir. Ils étaient tous deux dans leur petite bulle, ignorant du monde extérieur pendant que la tenancière veillait à ce que personne ne les interrompe.

Le hasard avait fait qu'elle tendait justement l'oreille quand Link avait lâché sa confession dans un souffle.

Mais aussi quand les deux avaient correctement enregistré ce qui venait d'être dit, chacun s'empourprant et s'écartant de l'autre, refusant de croiser son regard. Jehd avait fait face au bar, se prenant la tête dans les mains, tremblant sur place, tandis que Link s'était emmêlé les pieds avec le tabouret, s'en extirpant avant de fuir courageusement dans une direction hasardeuse où elle l'avait trouvé, se fustigeant pour sa bêtise.

Elle avait deux crétins devant elle et il semblerait que c'était à elle de les réunir.

— Et il…? l'invita-t-elle à poursuivre.

Il releva la tête, des larmes coulant sans bruit, les verres embués.

— Et il a dit… Telma, il a dit…

Attendrie, elle se permit de lui caresser les cheveux, repoussant les mèches folles avec douceur.

Elle savait ce qu'il a dit. Mais il était nécessaire que Jehd l'énonce à haute voix. Qu'il enregistre pleinement les mots prononcés par Link. Qu'il les fasse sien.

— Ce que je peux t'aimer, alors…


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