UNE PROMESSE FAITE A UN GOBELIN

Finalement, Luna et Dean avaient refusé de se rendre chez Muriel. Ils voulaient rester aux côtés de Potter et des autres, ravis d'être auprès de leurs amis et de ne plus avoir à dépendre des médias pour savoir s'ils étaient toujours en vie. Megan avait été surprise que Dean n'ait pas voulu se rendre auprès de Ginny et tirer profit de sa rupture avec Potter, mais elle l'avait surpris en train de lire une vieille lettre froissée signée par Seamus, et en avait déduit que son histoire avec son ex-petit ami avait repris de la place dans sa vie.

- Seamus est de sang-mêlé lui aussi, pourquoi il est à Poudlard et pas toi?

- Il a pu prouver facilement que sa mère était une sorcière, répondit Dean en repliant soigneusement la lettre et en la rangeant dans une poche intérieure de sa veste. Moi, mon père est mort quand j'étais petit. C'était lui, le sorcier, ma mère ne le savait pas. On l'a découvert quand j'ai eu mes premiers pouvoirs. Mais mon père avait déjà quitté ma mère. Ce n'est pas qu'il ne l'aimait pas, il pensait nous protéger, c'était à l'époque de la première guerre. Il s'est fait tuer par des Mangemorts. Je n'avais aucune preuve à apporter à la Commission, alors… pas de Poudlard pour moi cette année.

- Vu que l'école est tenue par des Mangemorts, ce n'est pas plus mal. Ça m'étonnerait que quiconque apprenne quoi que ce soit cette année. Moi je n'aurais jamais envoyé mon enfant là-bas.

- Au début, les gens ne savaient pas ce qui se passait…

- C'est quand même incroyable: Scrimgeour disparaît du jour au lendemain et aussitôt le ministère fait passer des lois pro Sang-pur mais personne ne se doute de rien. C'est fou la force avec laquelle les gens peuvent être dans le déni! C'est exactement ce que Fudge faisait et à cause de lui il n'y a eu presqu'aucun obstacle sur le chemin de Tu-Sais-Qui pour retrouver ses pouvoirs! Des fois je me demande pour quoi on se bat pour protéger ces gens‑là. Quand on est idiot à ce point, on ne mérite pas que d'autres personnes meurent pour nous.

Ollivander était encore trop affaibli pour voyager, et Griphook devait demeurer sur place à la demande de Potter. Le gobelin ne leur avait pas encore donné sa réponse. Megan bouillait et Hermione ne cessait de la surveiller pour s'assurer qu'elle n'allait pas se jeter dans sa chambre pour le forcer à accepter. Pour la première fois depuis six mois, ils étaient sur le point de mettre la main sur un Horcruxe, et Megan n'avait pas la patience nécessaire pour attendre que le gobelin prenne sa décision. De toute manière, elle n'accepterait pas son refus. Il les ferait entrer à Gringotts, volontairement ou sous l'effet de l'Imperium.

Avec les huit invités, la Chaumière aux coquillages était surpeuplée. Potter fuyait aussi souvent qu'il le pouvait l'atmosphère étouffante du cottage, ce qui n'était pas pour déplaire à Megan: elle ne lui pardonnait toujours pas de leur avoir caché que Voldemort avait découvert la localisation de la Baguette de Sureau et qu'il était sur le point de s'en emparer. D'après ce qu'elle avait pu obtenir comme information, Potter avait assisté à toute la scène. Il avait vu Snape ouvrir le portail de Poudlard à son maître, et ce dernier se rendre sur la tombe blanche, la violer, et prendre la baguette que tenait Dumbledore entre ses doigts entrelacés sur sa poitrine. Potter n'avait rien fait pour l'en empêcher. Ron regrettait lui aussi amèrement cette situation, mais sa colère avait laissé place à l'inquiétude. Il ne cessait de harceler son ami de questions, se demandant finalement si la volonté de Dumbledore n'avait pas justement été de les mettre sur la piste des Reliques; il en revenait toujours à son testament: pour quelle raison le vieux sorcier leur aurait-il légué le Conte, la Pierre et la Baguette s'il n'entendait pas qu'ils s'en servent contre Voldemort? Potter n'avait pas les réponses à ces questions, et Megan voyait que le garçon doutait de plus en plus de la décision qu'il avait prise, craignant d'avoir mal compris les maigres indications laissées par Dumbledore de son vivant. Hermione, au contraire, approuvait son choix. Forcée d'admettre que la Baguette de Sureau existait bel et bien, elle maintenait qu'il s'agissait d'un objet maléfique et que la façon dont Voldemort en avait pris possession était répugnante, impossible à envisager

- Tu n'aurais jamais pu faire une chose pareille, Harry, répétait-elle sans cesse. Tu n'aurais pas pu forcer la tombe de Dumbledore.

Mais Dumbledore le savait: Megan aurait pu le faire.

Elle se raccrochait à l'idée que Voldemort n'avait pas encore la Cape et la Pierre, qu'il n'était pas le maître de la Mort. D'après ce qu'ils savaient, il n'était pas non plus conscient que le mystère de ses Horcruxes avait été percé. Il restait un espoir de le vaincre. Et lorsque cela aurait été fait, ellerécupérerait la Baguette, accomplissant finalement l'une des dernières volontés de Dumbledore.

D'après Ron, cependant, Dumbledore n'était peut-être pas mort. Il lui avait exposé sa théorie après que Potter leur avait eu dit qu'il avait vu un œil bleu, vif, l'œil du vieux sorcier, dans le morceau de miroir qu'il gardait dans sa bourse, lorsqu'il cherchait un moyen de s'échapper de la cave des Malfoy. Quelques minutes après, Dobby était apparu.

- C'est quoi, ce miroir?

- Oh, c'est Sirius qui le lui avait offert. Un miroir à double sens: il permet de communiquer avec celui qui a l'autre. A priori, Sirius et le père de Harry s'en servaient pour se parler quand ils étaient en retenue. Il est cassé, mais Harry a gardé des fragments. Il n'avait jamais réussi à s'en servir, mais… Honnêtement, Megan, la biche argentée. L'épée. Cet œil que Harry a vu dans le miroir…

- Le Patronus de Dumbledore est un phénix, et Potter a probablement halluciné, objecta Megan. Dumbledore est mort, crois-moi. Potter l'a vu dans sa tombe, non?

- Tu sais que je déteste quand tu l'appelles comme ça, grogna Ron. Mais si Harry n'a pas vraiment vu l'œil de Dumbledore dans le miroir, alors comment est-ce que Dobby a su où nous étions?

- Aucune idée.

L'elfe était mort avant qu'ils puissent lui poser la question. Bien sûr, Megan restait intriguée par ce mystère. Elle nourrissait un espoir qu'elle ne se voyait pas partager avec les autres: Draco. Il était prêt à l'aider à faire échapper Ron. Mais Potter se trouvait lui aussi dans la cave. Ce n'était pas dans l'intérêt de Draco qu'il s'enfuie: livrer l'Indésirable N1 aurait considérablement redoré l'image de sa famille aux yeux de Voldemort et aurait pu mettre un terme à cette guerre qu'il abhorrait. Pourtant, elle aimait cette idée.

Bill lui rappela toutefois la situation délicate dans laquelle elle se trouvait à l'égard de Draco. Le lendemain de leur arrivée, après qu'elle eut dormi une dizaine d'heures pour reprendre des forces, il profita qu'elle soit seule dans le jardin pour s'entretenir seul à seule avec elle.

- Ne le prends pas mal, mais tu as une tête affreuse, dit-il en s'asseyant à côté d'elle sur le muret qui délimitait le jardin, face à la mer.

- Je te crois, répondit-elle en haussant les sourcils de consternation.

Trois mois après la destruction du médaillon, elle se sentait à peine de nouveau elle-même. Une alimentation correcte et des nuits de sommeil complètes avaient redonné des couleurs et de la forme à son visage, ses cernes s'étaient amoindris et elle avait repris du poids, mais elle demeurait marquée par les nombreuses semaines au cours desquelles elle avait été possédée par l'Horcruxe, et les événements de la nuit passée ne l'aidaient pas à faire bonne figure. Bien sûr, elle ne pouvait rien expliquer de tout ça à Bill.

- Quand j'ai amené les jumeaux chez Muriel, ils m'ont demandé de te faire passer un message. Déjà, ils sont sincèrement soulagés que tu ailles bien, toi et les autres. Ils espèrent que tu écoutes Potterveille et que tu te sers de leurs inventions.

Megan sourit. Ils lui manquaient cruellement. Elle repensa à la cape bouclier qu'elle portait lorsqu'elle s'était rendue sur la tombe de ses parents.

- Ça m'a sauvé la vie, indiqua-t-elle.

- Ils avaient aussi un message de la part de Kevan Garrow.

Le cœur de Megan manqua un battement. Kevan. Elle avait été si absorbée par la disparition de Cal et par l'implication de Draco dans les projets de Voldemort qu'elle n'avait plus pensé à lui depuis longtemps. Un sentiment de honte l'envahit, renforcé par les mots de Bill:

- Il dit qu'il est soulagé de n'avoir pas encore appris que tu étais morte, selon ses propres termes, paraît-il. Il comprend que tu n'as pas la possibilité de le contacter dans les circonstances actuelles, mais il te fait savoir que si tu as besoin de quoi que ce soit, tu peux compter sur lui. Fred et George m'ont dit qu'il travaillait toujours à l'OICM, et qu'il se servait de cette position pour les aider à vendre leurs artefacts de protection à l'étranger en passant sous les radars du ministère.

- Il fait ça? s'étonna Megan, un peu émue.

- Oui. Je sais que tu ne veux pas qu'il travaille pour l'Ordre, que ce n'est pas… «ce genre de personne». On a été plutôt durs avec lui. Ce n'est pas une réaction anormale que de ne pas vouloir risquer sa vie, c'est le contraire qui sort de l'ordinaire, mais quand on est entourés… Enfin, ce que je veux dire, c'est que je l'ai peut-être jugé trop durement. Il fait ce qu'il peut, avec les moyens qu'il a, et c'est très bien. Je suis contente que tu aies quelqu'un comme lui dans ta vie.

- On ne peut pas vraiment dire qu'il soit dans ma vie.

Elle ne l'avait pas vu ni ne lui avait parlé depuis huit mois. Ces derniers temps, elle n'avait même pas eu une pensée pour lui. Mais lui au contraire, avait pensé à elle. Il avait surmonté ses peurs, légitimes comme le soulignait Bill, pour contribuer à sa hauteur à la résistance. Une sensation familière la traversa. Elle ne le méritait pas.

- Et c'est mieux comme ça, ajouta-t-elle en fixant la mer pour éviter le regard de Bill.

- Si tu as besoin d'en parler…, commença-t-il.

- Non, non, vraiment pas.

Bill était l'aîné d'une fratrie de sept enfants, il avait été un jeune homme brillant, séduisant et cool dans un internat de filles et de garçons, Megan ne doutait pas qu'il soit de bon conseil en matière de relations amoureuses, mais il ne se rendait pas compte que la situation de Megan et Kevan n'était pas celle qu'il imaginait. Ellene voulait pas qu'il sache à quel point elle était égoïste. Elle ne voulait pas que son regard sur elle change une nouvelle fois. Elle se contenta de se retourner vers lui et de lui adresser un sourire serein.

- Charlie m'a demandé de tes nouvelles, aussi, reprit Bill. Je crois qu'il t'aime bien.

- Je l'aime bien aussi, éluda Megan. Il n'a rien dit d'autre?

- On n'a pas beaucoup eu le temps de discuter, regretta Bill.

- Non, bien sûr, vous étiez dans l'urgence.

Charlie savait qu'elle était à la Chaumière aux coquillages, sous le même toit que deux de ses frères, mais il n'avait pas mis en garde Bill contre elle, malgré son attitude la dernière fois qu'ils s'étaient vus. Il lui était étonnamment loyal. Elle se promit de trouver un moyen de le remercier, dès qu'elle en aurait terminé avec les Horcruxes.

Or, il s'écoula trois longs jours avant que Griphook prenne sa décision. Megan était dans le salon, absorbéepar sa lecture d'Affronter l'ennemi sans visage, lorsqu'elle entendit Fleur, à l'étage, déclareravec dédain:

- Si vous avez besoin de dire quelque chose à Arry, vous pouvez vous lever!

La situation était pesante pour la jeune mariée. Elle était rongée d'inquiétude pour sa famille et sa maison, d'ordinaire un havre de tranquillité, était encombrée et tous ses pensionnaires n'étaient pas aussi agréables et serviables que Dean Thomas. Elle claqua une porte et dévala bruyamment les escaliers, mais sortit dans le jardin, où Potter se trouvait avec Ron et Hermione. Megan posa le livre qu'elle était en train de lire.

- Griphook veut vous parler, lui dit-elle sèchement lorsqu'elle revint. Il est dans votre chambre. Les autres arrivent.

- Qu'est-ce qu'il fait dans notre chambre?

- Il dit qu'il ne veut pas qu'on l'entende, répondit Fleur avec raideur avant de se rendre dans la cuisine pour passer ses nerfs sur les légumes à découper pour le dîner.

Celle que Megan partageait avec Hermione et Luna était la plus petite des trois chambres du cottage. Griphook et Ollivander occupaient l'autre, qui donnait sur le jardin, et les garçons dormaient dans le salon. Le gobelin se trouvait bien sur le lit de Luna. Il avait tiré les rideaux de coton rouge contre le ciel brillant, parsemé de nuages, baignant la pièce d'une lueur rougeoyante qui contrastait avec le reste du cottage, où tout était clair, aéré.

- J'ai pris ma décision, Harry Potter, annonça le gobelin, assis les jambes croisées, ses doigts grêles pianotant sur les bras de son fauteuil, lorsque les quatre jeunes adultes eurent refermé la porte derrière eux. Les gobelins de Gringotts verront là une vile trahison, mais j'ai décidé de vous aider…

- Formidable ! s'exclama Potter, visiblement soulagé. Merci, Griphook, nous sommes vraiment…

- En échange d'autre chose, coupa le gobelin d'une voix ferme, d'un paiement.

- Il manquait plus que ça, gronda Megan. Contribuer à la défaite de Vous-Savez-Qui ça ne vous suffit pas?

- Combien voulez-vous ? dit toutefois Potter, qui ne perdait pas une occasion de rappeler sa richesse à tous ceux qui l'entouraient. J'ai de l'or.

- Pas d'or, répliqua Griphook. De l'or, j'en ai aussi.

Son regard noir scintilla. Ses yeux étaient dépourvus de blanc.

- Je veux l'épée. L'épée de Godric Gryffondor.

Megan éclata de rire.

- Bien sûr que non, s'esclaffa-t-elle.

- Dans ce cas, reprit le gobelin d'une voix douce, nous allons avoir un problème.

Il était visiblement furieux de la réaction de Megan, mais savourait le moyen de pression qu'il avait sur eux.

- Nous pouvons vous donner autre chose, s'empressa de proposer Ron. J'imagine que la chambre forte des Lestrange doit être bien garnie. Quand nous y serons entrés, vous n'aurez qu'à vous servir.

C'était ce qu'il ne fallait pas dire. Griphook rougit de colère.

- Je ne suis pas un voleur, mon garçon ! Je n'essaye pas de m'emparer de trésors sur lesquels je n'ai aucun droit !

- Parce que vous avez des droits sur l'épée que vous voulez nous extorquer? répliqua Megan.

- Elle ne vous appartient pas.

- Bien sûr que si, s'entêta Ron. Nous sommes des élèves de Gryffondor et cette épée était celle de Godric Gryffondor…

- Et avant d'être à Gryffondor, à qui appartenait-elle ? demanda d'un ton impérieux le gobelin qui s'était redressé dans son fauteuil.

- À personne. Elle a été fabriquée pour lui, non ?

- Pas du tout ! s'écria le gobelin, hérissé de fureur, un long doigt pointé sur Ron. L'arrogance des sorciers, une fois de plus ! Cette épée était celle de Ragnuk Ier et elle lui a été prise par Godric Gryffondor ! C'est un trésor perdu, un chef-d'œuvre de l'art des gobelins ! Il appartient aux gobelins ! L'épée sera le prix à payer pour mon aide, à prendre ou à laisser !

Griphook leur adressa un regard noir que Megan lui rendit. Potter jeta un coup d'œil aux autres et dit :

- Il faut que nous en parlions, Griphook, pour voir si nous sommes d'accord avec votre proposition. Pouvez-vous nous donner quelques minutes ?

Le gobelin, la mine revêche, acquiesça d'un signe de tête. En bas, dans le salon vide, Potter s'approcha de la cheminée, le front plissé, mais Megan parla la première:

- Il n'y a pas de discussion à avoir, on ne va pas lui filer l'épée. S'il ne veut pas nous aider de son plein gré, il y a d'autres méthodes.

Ron acquiesça d'un hochement de tête résolu. Potter se tourna vers Hermione.

- Est-ce vrai ? Est-ce que l'épée a été volée par Gryffondor ?

- Je ne sais pas, répondit-elle, l'air désespérée. L'histoire telle que la présentent les sorciers glisse souvent sur ce qu'ils ont fait à d'autres espèces magiques, mais je n'ai jamais rien lu qui dise que Gryffondor ait volé l'épée.

- Ça doit encore être une de ces histoires de gobelins qui prétendent que les sorciers essayent toujours de prendre l'avantage sur eux, affirma Ron. On peut s'estimer heureux qu'il ne nous ait pas réclamé une de nos baguettes.

- Les gobelins ont de bonnes raisons de ne pas aimer les sorciers, Ron. Ils ont été maltraités dans le passé.

- Les gobelins ne sont pas vraiment de mignons petits lapins. Ils ont tué beaucoup d'entre nous. Ils nous ont combattus sans pitié.

- Mais discuter avec Griphook pour essayer de savoir laquelle des deux espèces est la plus fourbe et la plus violente ne l'incitera pas à nous aider davantage, tu ne crois pas ?

Il y eut un silence.

- Il est hors de question de recourir à la force, asséna Hermione en voyant Megan ouvrir la bouche.

- Ok, écoutez-moi, dit Ron, vous me direz ce que vous en pensez.

Potter se tourna vers lui.

- On explique à Griphook qu'on a besoin de l'épée jusqu'à ce qu'on soit entrés dans la chambre forte et qu'ensuite, il pourra l'avoir. Il y en a une copie là-bas, non ? On n'a qu'à échanger les deux et lui donner la fausse.

- Ron, il verrait la différence mieux que nous ! répliqua Hermione. Il est le seul à s'être rendu compte qu'il y avait eu un échange !

- Tant pis, on sera déjà loin quand il s'en apercevra.

Hermione lui jeta un regard furieux.

- Ça, dit-elle à voix basse, c'est méprisable. Lui demander de l'aide et ensuite le trahir ? Après, tu t'étonneras que les gobelins n'aiment pas les sorciers ?

- Je n'ai pas besoin qu'ils m'aiment, répliqua Megan sans flancher. J'ai d'autres priorités. Combattre Tu-Sais-Qui, notamment. Et si ça n'est pas suffisamment important aux yeux de Griphook, ça ne m'empêchera pas d'agir. C'est quoi votre solution? De rester ici en espérant qu'il finisse par changer d'avis? On ne peut pas se permettre de perdre plus de temps.

- Il faut que nous lui offrions quelque chose d'autre, quelque chose qui ait autant de valeur, suggéra Hermione.

- Brillante idée, railla Ron. Je vais aller chercher une autre épée ancienne fabriquée par des gobelins et tu lui feras un emballage cadeau.

Le silence tomba à nouveau. Griphook n'accepterait rien d'autre que l'épée, même s'ils avaient un objet de même valeur à lui proposer: il avait compris qu'elle leur était indispensable et il se réjouissait de pouvoir les en priver. Il rayonnait de la position de force dans laquelle il se trouvait vis-à-vis de porteurs de baguette. Pourtant, il était inenvisageable d'accepter son marché. L'épée était leur arme unique et indispensable contre les Horcruxes.

- Peut-être que Griphook ment, suggéra Potter en rouvrant les yeux. Peut-être que Gryffondor n'a pas pris l'épée. Comment peut-on être sûr que la version des gobelins est la bonne ?

- Qu'est-ce que ça change ? s'agaça Megan.

- Ça change la façon dont je ressens les choses.

Il respira profondément.

- Nous allons lui dire que nous lui donnerons l'épée quand il nous aura aidés à pénétrer dans la chambre forte… mais nous prendrons la précaution de ne pas lui préciser à quel moment exactement il pourra la récupérer.

Un sourire s'étala sur le visage de Ron tandis que Megan levait les yeux au ciel. Hermione, en revanche, parut s'alarmer.

- Harry, nous n'allons pas…

- Il l'aura, assura Potter, après que nous nous en serons servis contre tous les Horcruxes. À ce moment-là, je la lui laisserai. Je tiendrai ma parole.

- Mais ça prendra peut-être des années ! s'exclama Hermione.

- Je sais, mais lui n'a pas besoin de le savoir. Je ne lui mentirai pas… pas vraiment.

Potter croisa le regard d'Hermione avec un mélange de défi et de honte.

- Je n'aime pas ça, avoua-t-elle.

- Moi non plus, pas beaucoup, admit Potter.

- J'imagine que ça te va, Megan? s'enquit Hermione.

- Quand on en aura fini avec les Horcruxes, il pourra se greffer l'épée à la place du bras si ça lui chante, je m'en fous.

- Moi, je trouve que c'est génial, approuva Ron en se levant. Allons lui annoncer ça.

De retour dans la petite chambre, Potter présenta la proposition au gobelin en évitant soigneusement de donner une date définitive pour la remise de l'épée. Pendant qu'il parlait, Hermione contemplait le plancher, les sourcils froncés. Mais le gobelin ne risquait pas de s'en alarmer: il ne regardait personne d'autre que Potter.

- J'ai donc votre parole, Harry Potter, que vous me donnerez l'épée de Gryffondor si je vous apporte mon aide ?

- Oui.

- Alors, serrons-nous la main, dit le gobelin en tendant la sienne.

Le garçon la prit et la serra, puis frappa ses mains l'une contre l'autre et dit :

- Alors, allons-y.

C'était comme s'ils avaient préparé une nouvelle expédition au ministère. Ils se mirent au travail dans la petite chambre qui resta plongée, pour respecter les préférences de Griphook, dans une semi‑obscurité.

- Je n'ai vu la chambre forte des Lestrange qu'une seule fois, leur précisa Griphook, le jour où on m'a demandé d'y placer la fausse épée. C'est l'une des plus anciennes. Les très vieilles familles de sorciers entreposent leurs trésors au dernier sous-sol, là où les chambres fortes sont les plus grandes et les mieux protégées…

Ils s'enfermaient pendant des heures entières dans la pièce à peine plus grande qu'un placard. Lentement, les jours s'étirèrent en semaines. Il fallait résoudre une succession de problèmes dont le moindre n'était pas la diminution considérable de leurs réserves de Polynectar, une potion qu'il faudrait plusieurs semaines supplémentaires pour repréparer.

- Il n'en reste plus qu'une seule dose, indiqua Hermione en penchant à la lumière de la lampe le flacon qui contenait l'épaisse potion couleur de boue.

- Ce sera suffisant, assura Potter qui examinait le plan des passages souterrains les plus profonds de Gringotts que Griphook leur avait dessiné.

Les autres habitants de la Chaumière aux Coquillages pouvaient difficilement ignorer que quelque chose se préparait, car le quatuor n'apparaissait plus qu'aux heures des repas. Personne ne posait de questions, bien que Megan sentît souvent le regard de Bill se fixer sur eux lorsqu'ils étaient à table, un regard songeur et inquiet.

Dans l'élaboration du plan, Griphook se montrait sanguinaire, s'esclaffait à l'idée que des créatures de moindre importance puissent souffrir et semblait ravi lorsqu'on envisageait l'éventuelle nécessité de malmener d'autres sorciers pour accéder à la chambre forte des Lestrange. Ron, Hermione et Potter manifestaient une antipathie grandissante à l'égard du gobelin, mais Megan commençait au contraire à s'amuser de sa présence. Son comportement envers Fleur lui était cependant désagréable. Il ne prenait ses repas avec les autres qu'à contrecœur: même après que ses jambes furent guéries, il avait exigé qu'on lui apporte à manger dans sa chambre, comme on le faisait pour Ollivander qui, lui, était encore très faible, jusqu'au jour où Bill (à la suite d'un accès de colère de Fleur) était monté lui annoncer que cet arrangement ne pouvait plus durer. À partir de ce moment-là, Griphook s'était joint à leur table, trop petite pour tant de convives, mais refusait de manger les mêmes plats qu'eux, insistant pour qu'on lui serve des morceaux de viande crue, des racines et divers champignons. Bill, qui avait longtemps travaillé chez Gringotts, était habitué aux frasques des gobelins et naviguait cette situation avec beaucoup d'aisance, mais tous les autres commençaient à sérieusement s'agacer de l'attitude de Griphook.

L'état d'Ollivander s'améliorait cependant. Un peu plus de trois semaines après son arrivée à la Chaumière aux coquillages, Bill et Fleur estimèrent qu'il était en état de se rendre chez Muriel. Ce soir-là, malgré le vent et la pluie, Megan effectuait le renfort habituel des protections magiques du cottage en écoutant d'une oreille les babillages de Luna qui ramassait le bois rejeté par la mer avec Dean pour le feu:

- … et des oreilles minuscules, un peu comme celles d'un hippopotame, d'après papa, sauf qu'elles sont violettes et couvertes de fourrure. Si tu veux les appeler, il faut leur fredonner un air. Ils préfèrent les valses, pas de musique, trop rapide…

Dean appréciait beaucoup Luna, mais il n'aimait pas faire semblant de croire à ses inepties. Il pressa le pas pour rentrer, mais son amie le suivit sans se rendre compte de rien. Lorsque Megan retourna à l'intérieur à son tour, en passant sa baguette sur ses longs cheveux pour aspirer les gouttes de pluie, elle n'avait pas cessé de débiter ses bêtises:

- … et si jamais tu viens chez nous, je te montrerai la corne. Papa m'en a parlé dans une lettre, mais je ne l'ai encore jamais vue parce que les Mangemorts m'ont enlevée dans le Poudlard Express et je n'ai pas pu rentrer chez moi pour Noël, racontait-elle tout en aidant Dean à remettre du bois dans le feu de la cheminée.

- Luna, on te l'a déjà répété, lui lança Hermione qui mettait la table avec Ron. Cette corne a explosé. C'était celle d'un Éruptif, pas d'un Ronflak Cornu…

- Non, c'était une corne de Ronflak, affirma Luna d'un air serein. C'est mon père qui me l'a dit. Elle a sans doute dû se reformer, maintenant, elles se réparent toutes seules, tu sais.

Hermione hocha la tête d'un air consterné et continua à disposer les fourchettes sur la table qu'elle dressait. Bill apparut dans l'escalier, aidant Ollivander à descendre les marches. Le fabricant de baguettes paraissait toujours terriblement affaibli et se cramponnait au bras qui le soutenait. Une grande valise lévitait paresseusement derrière eux.

- Vous allez me manquer, Mr Ollivander, dit Luna en s'approchant du vieil homme.

- Vous aussi, chère amie, vous me manquerez.

Il lui tapota l'épaule.

- Vous m'avez apporté un indicible réconfort dans cette horrible cave.

- Alors, goudebaille, Mr Ollivander, dit Fleur en l'embrassant sur les deux joues. Et je voulais vous demander si vous pourriez me rendre le service d'apporter un paquet à la tante Muriel? Je ne lui ai jamais rendu sa tiare.

- Ce sera un honneur pour moi, assura Ollivander en s'inclinant légèrement. C'est la moindre des choses que je puisse faire pour vous remercier de votre généreuse hospitalité.

Fleur sortit un coffret de velours usé qu'elle ouvrit pour en montrer le contenu au fabricant de baguettes. La tiare reposait à l'intérieur, scintillante, étincelante à la lumière des deux lampes basses suspendues au plafond.

- Pierres de lune et diamants, susurra Griphook qui était entré furtivement dans la pièce sans qu'on le remarque. Fabriquée par des gobelins, je pense.

- Et payée par des sorciers, ajouta Bill d'une voix douce.

Le gobelin lui jeta un regard à la fois sournois et provocateur. Un vent fort soufflait en rafales contre les vitres du cottage lorsque Bill et Ollivander s'éloignèrent dans la nuit. Les autres se serrèrent autour de la table, coude à coude, et commencèrent à manger en ayant à peine la place de remuer les bras. À côté d'eux, le feu ronflait et craquait dans la cheminée. Fleur ne mangeait pas grand‑chose. Elle lançait de fréquents regards vers la fenêtre, mais Bill revint avant qu'ils n'aient terminé leurs entrées, ses longs cheveux emmêlés par le vent.

- Tout va bien, annonça-t-il à Fleur, Ollivander est installé, maman et papa vous disent bonjour. Ginny vous envoie toute son affection. Fred et George rendent Muriel folle de rage. Ils continuent de faire marcher leur service de vente par hibou dans la chambre du fond.

Megan ne put réprimer un large sourire. Les jumeaux étaient fidèles à eux-mêmes. Ils allaient bien.

- Elle a quand même été contente de retrouver sa tiare. Elle croyait que nous l'avions volée, m'a-t-elle dit.

- Ah, ça, elle est vraiment charming, ta tante, répliqua Fleur avec colère.

Elle leva sa baguette et les assiettes sales décollèrent de la table pour s'empiler toutes seules dans les airs en manquant de peu plusieurs visages. Fleur les attrapa au vol et les emporta dans la cuisine d'un pas énergique.

- Papa aussi a fabriqué une tiare. En fait, c'est plutôt une couronne.

Megan ricana en se rappelant la coiffe ridicule qu'ils avaient vue chez Xenophilius, mais Luna fit mine de rien avoir entendu et poursuivi:

- Il a essayé de reconstituer le diadème perdu de Serdaigle. Il pense avoir identifié la plupart de ses éléments. Ajouter des ailes de Billywig l'a beaucoup amélioré…

Au milieu des hurlements du vent, quelqu'un cogna à la porte. Toutes les têtes se tournèrent. Fleur sortit en courant de la cuisine, alarmée. Bill et Megan se levèrent d'un bond, leurs baguettes pointées sur la porte. Ron, Hermione et Potter les imitèrent. Silencieux et lâche, Griphook se glissa sous la table pour se mettre hors de vue.

- Qui est là ? demanda Bill.

- C'est moi, Remus John Lupin !

Megan fronça les sourcils : Bill avait donné pour consigne aux membres de l'Ordre du Phénix de ne se présenter chez lui qu'en cas d'urgence.

- Je suis un loup-garou, marié à Nymphadora Tonks, et c'est toi, le Gardien du Secret de la Chaumière aux Coquillages !

- Lupin, murmura Bill.

Il se précipita vers la porte et l'ouvrit brutalement. Remus trébucha sur le seuil. Enveloppé dans une cape de voyage, il avait le visage blafard. Il se redressa, regarda dans la pièce pour voir qui était là, puis s'écria :

- C'est un garçon ! Nous l'avons appelé Ted, comme le père de Dora !

Megan était si surprise de ne pas apprendre la mort violente d'un de ses proches qu'elle ne réagit pas avant que Hermione pousse un cri perçant:

- Que… Tonks ? Tonks a eu son bébé ?

- Oui, oui, elle a eu son bébé ! hurla Remus.

Des exclamations de joie et des soupirs de soulagement s'élevèrent tout autour de la table. Hermione et Fleur lancèrent d'une petite voix aiguë : « Félicitations ! » et Ron ajouta : « Nom d'une gargouille, un bébé ! » comme s'il n'avait jamais entendu parler d'une chose pareille.

- Oui… Oui… un garçon, répéta Remus qui semblait ébloui par son propre bonheur.

Il contourna la table à grands pas et serra Potter dans ses bras. On aurait dit que la scène qui s'était déroulée dans le sous-sol du square Grimmaurd n'avait jamais eu lieu.

- Tu veux bien être le parrain ? lui demanda-t-il en relâchant son étreinte.

- M… Moi ? balbutia Potter.

- Oui, toi, bien sûr, Dora est tout à fait d'accord, on ne peut pas trouver mieux.

- Je… oui… ça, alors…

Dean et Luna semblaient aussi abasourdis que lui, surpris que leur ancien professeur de Défense contre les forces du Mal vienne leur annoncer toutes ces nouvelles. Bill se hâta d'aller chercher du vin et Fleur essaya de convaincre Remus de boire un verre avec eux.

- Je ne peux pas rester longtemps, il faut que j'y retourne, répondit-il en leur adressant à tous un sourire rayonnant.

Megan ne l'avait jamais vu paraître aussi jeune.

- Merci, merci, Bill.

Bill eut bientôt rempli toutes les coupes. Ils se levèrent tous et portèrent un toast.

- À Teddy Remus Lupin, déclara le jeune père. Un futur grand sorcier !

- À qui ressemble-t-il ? demanda Fleur, les yeux brillants.

- À Dora, je crois ; mais elle, elle pense plutôt qu'il me ressemble. Il n'a pas beaucoup de cheveux. Ils semblaient bruns quand il est né mais je vous jure qu'ils sont devenus roux une heure plus tard. Ils seront sans doute blonds quand je reviendrai. Andromeda dit que les cheveux de Tonks ont commencé à changer de couleur le jour même de sa naissance.

C'était donc ça qui le rendait si heureux: son fils n'était pas un loup-garou. Il avait hérité des gênes de Métamorphomage de sa mère. Remus vida sa coupe.

- Bon, d'accord, encore un, ajouta-t-il, radieux, tandis que Bill la remplissait à nouveau.

Le vent secouait le petit cottage et le feu aux flammes bondissantes craquait dans la cheminée. Bientôt, Bill ouvrit une autre bouteille de vin. La nouvelle apportée par Remus les avait rendus fous de joie, les avait arrachés provisoirement à leur état de siège : l'annonce d'une vie nouvelle avait quelque chose d'exaltant. Seul Griphook paraissait indifférent à la soudaine atmosphère de fête et au bout d'un moment, il retourna furtivement dans la chambre qu'il n'était plus obligé de partager, à présent. Son départ n'avait pas échappé à Bill, qui le suivit des yeux tandis qu'il montait l'escalier.

- Non… Non… Cette fois, il faut vraiment que j'y aille, dit enfin Remus en refusant une nouvelle coupe de vin.

Il se leva et s'enveloppa dans sa cape de voyage.

- Au revoir, au revoir, j'essaierai de vous apporter des photos dans quelques jours… Ils seront tous ravis de savoir que je vous ai vus…

Il attacha sa cape et fit ses adieux, embrassant les femmes, serrant chaleureusement la main des hommes puis, le sourire toujours aussi rayonnant, il replongea dans la nuit agitée par la tempête.