Stiles se laissa tomber sur son lit, mais se redressa rapidement : accepter de s'allonger, c'était risquer de s'endormir. Et ça, ça continuait de le terrifier. Quoique la peur avait reculé d'un cran, partiellement remplacée par un sentiment de soulagement quelque peu édulcoré par la fatigue.
Il devait résister à son besoin de dormir mais au moins… Il était seul, dans sa chambre, débarrassé de ces deux loups de pacotille, lesquels s'étaient légèrement embrouillés. Stiles n'avait pour ainsi dire pas cherché à savoir de quoi il retournait : le simple fait de savoir qu'il pouvait en profiter pour se retrouver tranquille, seul avec lui-même. Entre ces quatre murs, il était à l'abri des jugements, des regards inquisiteurs, des questions indiscrètes… De cette fausse préoccupation qu'il avait cru lire dans leurs regards. Mais Jackson lui avait mis les pendules à l'heure – il avait bien fait. Dans l'état de faiblesse dans lequel se trouvait Stiles, il serait peut-être venu un moment où il aurait pu finir par y croire… Un peu. Pas complètement. Avec lui, ni Jackson ni Isaac n'étaient capables d'empathie.
Stiles s'autorisa un soupir tremblant. Il remercia néanmoins mentalement le kanima de lui avoir rappelé qu'il ne comptait pas, de lui avoir dit ces mots-là. En effet, Isaac n'avait pas eu l'air de vouloir tenter cette approche : ils avaient donc eu une dissension. Jackson était parti, Isaac l'avait suivi, l'air contrarié.
Ainsi, Stiles en avait profité pour fuir. Il se disait que si les deux loups-garous ne s'entendaient pas… Il leur serait plus difficile de se concentrer sur son problème à lui.
Enfin le fait est que de son côté, il restait coincé. Il savait son état éphémère… L'effet du café ne serait pas éternel. Viendrait un moment où le semblant de début de forme qu'il avait durement acquis – par obligation – s'en irait. Et ce n'étaient pas les quelques pauvres heures de sommeil qu'il avait vraisemblablement pu grapiller qui y changeraient quoi que ce soit. Stiles restait épuisé.
Pour lui, il n'existait qu'une seule solution à son problème et le pire, c'est qu'elle aussi était éphémère. Stiles était bien placé pour savoir qu'une médication se devait d'être temporaire, excepté lorsqu'il s'agissait d'un traitement essentiel. Ainsi, il lui fallait des somnifères, oui. Des choses qui pourraient l'aider à rattraper quelques heures ou à tout simplement retrouver un sommeil discret. Qu'importe qu'il soit réparateur ou non. Le but, c'était que Stiles ne manque pas de s'effondrer à chaque fois qu'il baissait la garde sur son état et qu'il puisse dormir sans alerter ses colocataires du moment. Lors de son retour à Beacon Hills, il trouverait une solution durable – il aurait le temps et la tranquillité d'esprit de se consacrer pleinement à cette tâche.
Son idée fut donc d'aller faire un tour en ville le plus tôt possible, histoire de s'emparer de ces cachets salvateurs. Les choses devraient naturellement s'arranger par la suite – dans une moindre mesure, certes.
Tout en luttant contre cette fatigue lancinante qui le poussait à forcer pour garder les yeux ouverts, Stiles établit un plan. Fort simple, il n'admettait que peu d'étapes d'une simplicité en apparence enfantine.
Sortir. S'emparer de la voiture. Aller en ville. Acheter ces fichus somnifères. Rien de compliqué, en somme.
Stiles choisit toutefois d'attendre un peu. Les voix de Jackson et d'Isaac ne lui parvenaient pas. Soit ces derniers s'étaient éloignés pour parler – échangeaient-ils à voix basse ? –, soit chacun faisait quelque chose de son côté. Le fait est qu'ils l'avaient oublié. Autant dire que Stiles ne tenait pas à rappeler sa présence tout de suite, histoire de limiter le risque qu'on le prenne à nouveau à parti pour l'interroger par rapport à ses problèmes de sommeil.
L'hyperactif poussa un soupir qu'il voulut… Normal. Manque de chance, il était tremblant, trahissant nombre de choses chez lui – dont son état fébrile et ses émotions en bazar. Ne t'endors pas, se répéta-t-il à de nombreuses reprises. Il prit d'ailleurs l'initiative de se lever et de faire quelques pas dans la chambre. Il s'agissait pour lui d'un moyen comme un autre de… Tenter de garder son corps éveillé. Mais chacun de ses pas était hésitant, peu assuré, faisant montre de sa capacité plus que partielle à se débrouiller complètement seul actuellement. Et pourtant, il comptait bien prendre la voiture. Conduire. Persuadé qu'il pouvait y arriver, Stiles ne remettait pas son plan en cause. Il n'avait que celui-là, de toute façon. Ses courses, il les ferait lui-même.
A ce moment-là, la nervosité commença à remplacer ce désespoir fortement ancré en lui. Il n'y avait plus qu'à espérer que tout se passe bien, que ses yeux ne se ferment pas lorsqu'il conduirait. Que l'on ne se leurre pas : Stiles savait parfaitement à quel genre de risques il s'exposait. Or, il ne voyait pas ce qu'il pouvait faire d'autre. Tant qu'il s'efforçait de rester éveillé et concentré sur son objectif, tout devrait bien se passer. Après, il pourrait s'autoriser… L'impossible. Dormir. Ou du moins essayer de cette façon. Ce qui était certain, c'est que Stiles ne tenterait plus de sombrer dans les bras de Morphée de façon naturelle – trop risqué. Puis il n'avait pas très envie de manquer de se retrouver mis à la porte du chalet parce qu'il réveillait souvent ses deux colocataires. Ce n'était pas qu'il les croyait capables de faire cela, mais il considérait que chacun avait ses limites. Ne connaissant pas les leurs, Stiles préférait ne pas tenter le diable, ni imaginer ce dont ils pourraient être capables.
Stiles surfa sur son téléphone un moment, traîna. Et le temps passa horriblement lentement, si bien qu'il décida de bouger au bout d'une pauvre demi-heure. Impossible d'attendre plus ou bien il finirait par céder à la tentation de s'allonger sur ce lit au matelas tout à fait confortable. Pas pour dormir réellement, juste pour… Piquer un somme – léger. Une petite sieste, rien de bien sérieux. Mais même ça, ça lui faisait peur, trop pour qu'il prenne le risque. Alors c'est particulièrement nerveux et sur les nerfs qu'il sortit de sa chambre. D'un pas aussi discret que possible, Stiles jeta un œil au salon et à la cuisine : personne. Il se dirigea alors vers l'entrée et se saisit des clés qui pendaient, accrochées à côté des manteaux. Il se saisit du sien et sortit du chalet sans prendre la peine de verrouiller la porte derrière lui. Un oubli sans importance. Il n'avait même pas pris ces clés-là de toute façon. Dans sa tête, il n'avait qu'un objectif, qui éclipsait d'ailleurs tout le reste : obtenir ces fichus comprimés. L'on était doucement en train de se rapprocher de l'obsession, le seul moyen pour lui de retrouver un semblant de vie – et de sommeil – normal.
Stiles déverrouilla la voiture à l'aide de son bip. Aveugle aux alentours, sourd à tout, si ce n'est le son léger et l'allumage des feux le prévenant de la réussite de sa manœuvre. Vive l'ouverture centralisée. Et s'il avait prononcé ces mots, cela n'aurait pas été plus fort qu'un soupir pâteux. Sa main se posa sur la poignée côté conducteur.
- Où tu vas comme ça ?
La voix lui donnant l'impression de lui parvenir de loin, Stiles n'y fit pas vraiment attention. Vu le niveau de sa fatigue sans précédent, cela pouvait très bien être le fuir de quelque hallucination.
Sauf qu'une hallucination, ça ne touchait pas. Ça n'attrapait pas son poignet. Stiles revint alors complètement à la réalité et fit volte-face. Un soupçon de colère fit irruption en lui… Mais ne fut pas assez fort pour le submerger. Trop fatigué. Le fait est qu'il n'apprécia pas le moins du monde de voir la face détestable d'Isaac, de savoir qu'il était là et qu'il risquait très probablement de lui mettre des bâtons dans les roues. Lui et Jackson ne faisaient que ça, de toute façon.
- Où tu vas ? Répéta le loup-garou.
- Acheter des somnifères, répondit Stiles après quelques secondes de flottement.
Il n'avait pas envie de se battre, de subir un autre interrogatoire, ni même de chercher à jouer le dur. Plus vite il aurait satisfait la curiosité d'Isaac, plus vite il pourrait s'en aller. Puis à côté de cela… L'hyperactif n'avait vraiment aucune énergie. Le froid au dehors mordait la peau de son visage et accentuait subrepticement cette fébrilité qui commençait à lui coller à la peau.
Stiles ne chercha même pas à sonder Isaac – il avait son regard whisky ailleurs, sur son épaule, sur l'arbre derrière lui… Sa réaction lui importait peu. Et le peu de colère qu'il avait vaguement commencé à ressentir s'envolait déjà. Il devenait comme… Blasé. De ça, de tout, une chose mise à part.
Il me faut ces somnifères.
