Bonjour à toutes et à tous !

Merci à Cassye pour son commentaire !

Là, on part sur une série de chapitres où je suis - à égale mesure - impatiente et terrifiée de connaître vos impressions. A chaque fois, j'ai tenté des choses, ai expérimenté certaines idées, bref : en terme d'écriture ça a été l'éclate, et j'espère que ça sera le cas également d'un point de vue lecture.

Ici, on est sur un chapitre majoritairement centré action/combat.

Réponse aux reviews :

Cassye : Oui, je trouve ça plus impactant que l'Ange gardien soit une personne appartenant au passif du protagoniste, ou du moins qu'il incarne "quelque chose" d'important pour lui. Mettre Elyon avait donc du sens pour Nymuë ! Oh, contente que tu aies pu tenter le coup de l'empoisonnement chez les gobelins, quand j'ai découvert cette possibilité la première fois, j'ai été émerveillée. Et oui, surtout dans l'acte 1, être une drow change énormément de dialogues. Là je joue tieffeline dans ma run Dark Urge, et y a pas mal de nouveautés aussi. Merci encore et toujours pour ton soutien !

Recommandation musicale : sur la chaîne Vivi's Radio Backup Channel - Rare VGM, je vous conseille l'OST Cutscene (Before the Raid on Emerald Grove) - Baldur's Gate 3 (OST).

Bonne lecture !


Chapitre 12

La bataille du Bosquet

Nymuë ouvrit les yeux, le cœur battant à tout rompre et le corps couvert de sueurs. Les premiers rayons du Soleil pointaient le bout de leur nez ; le jour n'allait pas tarder à se lever. La jeune femme reconnut avec soulagement les toiles épaisses de sa tente et, par-delà l'ouverture, les marques de leur campement. Pas de météore, pas de Plan Astral… et pas d'Elyon.

Elle sortit de son abri, la tête encore lourde de cette étrange vision. Sa confusion augmenta quand elle vit que ses trois compagnons étaient déjà debout, rassemblés autour du feu de camp. Astarion lui lança un regard étrange :

" Vous parlez en dormant, indiqua-t-il. Mauvais rêve ?

- Particulièrement réaliste ?", ajouta Ombrecoeur.

L'elfe noire observa tour à tour ses camarades. Les traits de la prêtresse étaient tirés, inquiets. Lae'zel présentait une moue renfrognée, et ses bras étaient croisés. Seul le roublard paraissait de bonne humeur.

" Êtes-vous en train de me dire… commença lentement la musicienne.

- G'lyck, grogna la guerrière. Nous avons tous rêvé cette nuit. Le parasite est bien implanté, semble-t-il."

Nymuë porta involontairement la main à son front : sa fièvre était tombée, et la larve au tréfond de son esprit demeurait - pour l'instant - parfaitement calme. Se pourrait-il que ce visiteur nocturne, cet ange gardien mystérieux… tout cela se soit réellement passé ?

" J'espérais que mon imagination me jouait des tours, poursuivit la demi-elfe, mais visiblement, ce n'est pas le cas. Cette… personne que j'ai vue en rêve voulait que je me serve de la larve… que je fasse appel à son pouvoir. Elle m'a dit être de mon côté, et qu'elle était liée à l'artefact… mais je ne sais pas trop.

- A l'artefact ? répéta Nymuë.

- Je n'en sais pas plus. Elle m'a juste confirmé que c'était grâce à lui qu'elle nous protégeait. Et regardez où nous en sommes ce matin : plus de tremblements, de nausées, plus rien.

- Est-ce que ce… sauveur avait une apparence particulière pour vous ?"

Aucun de ses compagnons ne lui répondit. Les sourcils de Lae'zel étaient tellement froncés que ça en devenait douloureux à regarder.

" De mon côté, continua l'elfe noire, il s'agissait de quelqu'un que je connaissais. Autrefois.

- Je ne saurais dire si cet étranger m'était familier ou non… murmura la prêtresse avec amertume. Pas avec ma mémoire dans cet état."

Ni Astarion, ni la githyanki ne se donnèrent la peine de développer. A la place, Lae'zel lança :

" Ignorez ce songe. Chaque parole, chaque promesse… Tout n'est que tromperie des ghaiks. Ces parasites sont une menace à éradiquer, et non pas une opportunité à exploiter.

- Oh, quelle rabat-joie, siffla le roublard. Cette vision est une bonne chose. Nous allons enfin voir ce que ces larves peuvent faire pour nous.

- Je ne serais pas aussi confiante si j'étais vous, tempéra Ombrecoeur. Cette entité… elle nous préserve de notre larve, mais d'un autre côté souhaiterait qu'on y fasse appel davantage ? Ou nous avons en effet un protecteur secret… ou nous nous jetons tout droit dans un piège.

- Une bataille se gagne au fil de l'épée, rugit la guerrière, pas grâce aux pouvoirs de vulgaires parasites. Détournez-vous de ces apparitions. Et ne vous laissez pas séduire par ce nouveau pouvoir, si attrayant soit-il."

Nymuë sentit, comme à l'accoutumée, qu'ils attendaient son verdict. Tout son instinct lui hurlait de ne pas faire confiance à cet étranger, cet imposteur ayant pris le visage d'un être cher pour mieux la tromper. Cependant une partie d'elle - infime mais tenace - souhaitait revoir Elyon. Souhaitait aussi éprouver à nouveau cette confiance absolue qui accompagnait l'utilisation des dons illithids.

Mais cette personne n'était pas Elyon. Et cette puissance n'était pas une solution.

" Je suis d'accord avec Lae'zel, murmura-t-elle. Je pense que nous devrions avoir affaire à nos larves le moins possible. Et qui que soit cette entité, elle avait sûrement des intentions cachées."

Ses camarades hochèrent la tête, à l'exception d'Astarion qui lâcha une exclamation de dégoût. Nul doute que ce débat reviendrait sur la table…

Du mouvement à quelques mètres leur indiqua que le reste du Bosquet commençait, lui aussi, à s'éveiller. Les aventuriers se dépêchèrent d'empaqueter leurs effets et de revêtir leurs armures. Ils avaient une plus grande menace que leur parasite à affronter, dans l'immédiat.

Le Terrier était vide ; la plupart des tieffelins s'étaient réfugiés dans les caves, avec ordre de suivre la rivière souterraine en cas de fuite. Quant aux druides, Halsin les avaient rassemblés dans les cavernes, prêts à entamer leurs incantations :

" Les oiseaux planteront leurs serres dans les yeux des archers, leur avait expliqué l'archidruide, la veille au soir. Les ours et les sangliers chargeront leurs troupes. Le vent éloignera leurs flèches, et les racines emmêleront leurs pieds. Nous vous ferons gagner du temps, mais n'oubliez pas que la vraie cible est Minthara."

Les gobelins n'ayant aucun sens de la stratégie militaire, il était fort à parier que leur unité s'effondrerait si la tête pensante du cortège était coupée. Sans leur générale, les guerriers s'enfuiraient, et il ne resterait plus qu'à leur donner chasse.

Alors que les compagnons se dirigeaient vers la Grande Porte, Ombrecoeur les stoppa. Une main posée sur le cœur, elle prononça quelques brèves paroles avant qu'une lueur dorée ne les entoure. Nymuë sentit comme une tape bienveillante sur son épaule, un bref sentiment de sérénité remplaçant son appréhension.

" Ça ne bloquera pas un coup mortel, averti la prêtresse, mais cette bénédiction affinera peut-être assez vos sens pour vous sauver la vie."

L'elfe noire lui sourit : ils auraient besoin de toute l'aide possible aujourd'hui, faveurs divines comprises. Zevlor attendait au sommet de la Grande Porte avec quelques réfugiés volontaires. Une poignée, par rapport au nombre de soldats aperçus au camp gobelin. Mais cela devrait suffire. Lorsqu'il les vit, le chef tieffelin vint à leur rencontre :

" Vous êtes là. Halsin et les autres druides ont déjà entamé leurs hymnes, et nos éclaireurs ont repéré des gobelins dans les bois. Ils arriveront d'un moment à l'autre."

Il les dévisagea longuement, son visage prenant progressivement une expression résolue :

" Nous les avons déjà repoussés une fois. Si vous êtes avec nous, peut-être que nous pourrons recommencer.

- Quelle est votre stratégie ? s'enquit Lae'zel, la main déjà posée sur son épée.

- Il nous faut éclaircir leurs rangs au plus vite, tant que les incantations des druides nous protègent de leurs attaques. La Grande Porte est fortifiée, et le terrain en amont piégé, mais cela ne les retiendra qu'un moment. Votre rôle est d'éliminer Minthara ; nous sonnerons la corne pour les attirer, mais elle est notre priorité.

- Un défi dont tout le monde sera témoin, commenta Ombrecoeur. Elle aura sans doute beaucoup de mal à résister à ça.

- Précisément, approuva Zevlor. Elle s'attend à mener une attaque éclair, à nous submerger aisément et rapidement… Mais elle vous trouvera sur sa route, vous aussi."

Les aventuriers acquiescèrent et observèrent les alentours : des semblants de remparts avaient été construits devant les postes d'archers, afin qu'ils puissent se mettre à couvert. Les rochers autour de la Grande Porte, toutefois, laissaient à leurs ennemis l'opportunité d'escalader jusqu'à eux. Ils allaient donc devoir surveiller ces ouvertures, tout en tenant éloignés les gobelins de l'entrée principale.

" Lae'zel, lança Nymuë, je vous veux près de l'accès Ouest, prête à massacrer quiconque tentera de grimper. Ombrecoeur, près de la trouée Est ; les pierres y sont plus lisses, vous devriez pouvoir créer un éboulement. Astarion, près des postes d'archers : prenez des huiles, et visez les pièges explosifs de vos flèches. Je ferai de même avec ma magie, si elle se montre coopérative. Il est temps de faire léviter des bombes."

Avec surprise, elle nota que ses compagnons la regardaient en souriant. Ils paraissaient presque… confiants. Ne devraient-ils pas plutôt être furieux contre elle, à l'approche de ce combat ? Les chances n'étaient clairement pas de leurs côtés… Et elle avait provoqué cette situation. Pourtant, ils se dirigèrent diligemment à leur poste, dégainant leurs armes et préparant leurs sorts. Nymuë s'avança vers la corne de guerre, et souffla un grand coup.

Il ne fallut que quelques minutes pour que les premiers hurlements se fassent entendre. Comme un seul homme, une horde de gobelins s'élança vers eux. L'elfe noire les compta rapidement, 10, 20… plus de trente gobelins. Et, eux, n'étaient même pas une douzaine.

Le sol trembla alors qu'un rugissement plus puissant noyait les autres. Broyant un arbre de son poing, un troll sorti des sous-bois à la suite des troupes ennemies. La musicienne vit les tieffelins sur sa droite reculer, les yeux écarquillés d'horreur. La créature était gigantesque, son crâne chauve dépassant la moitié de la Grande Porte. Un réfugié lâcha son arc et tomba à genoux :

" C'est fini Zevlor, murmura-t-il. Fini. Nos armes sont émoussées. Nos armures, trouées. Nous n'avons aucune chance.

- Il suffit, s'écria le vétéran en relevant son camarade. Tu ne mourras pas aujourd'hui. Vous tous, écoutez-moi !"

Les tieffelins se tournèrent vers lui, la même peur inscrite sur leurs visages. Ils avaient fui les Enfers, et avaient connu la mort sur la route. Le seul abri les ayant acceptés avait menacé de se retourner contre eux. Ils n'étaient pas des guerriers, pas même des survivants. Et ils étaient fatigués.

" Je sais que la terreur habite chacun d'entre vous… Mais je sais aussi que vous vous êtes battus toute votre vie. Notre chemin a toujours été semé d'embûches, de choix difficiles à faire. Rien n'est différent, aujourd'hui. Ces créatures en veulent à nos vies, à nos enfants… Elles veulent nous réduire à néant. Mais nous devons résister !"

Le crâne de Nymuë explosa soudainement, alors qu'une écharde de glace se frayait un chemin dans son esprit :

" Comme c'est émouvant, railla la voix de Minthara dans sa tête. J'en ai presque la larme à l'œil. Dernière chance, Âme Éveillée. Tranchez-lui la gorge, et ouvrez cette porte. L'Absolue les veut tous morts."

La jeune femme tiqua : la générale drow n'était présente nulle part sur le champ de bataille. Et sa voix venait de derrière elle. L'air hagard de ses compagnons lui confirma qu'eux-aussi avait reçu cet avertissement ; elle serra les poings.

" Ce Bosquet est sous notre protection, siffla-t-elle. Votre déesse n'a aucun droit sur ces gens.

- Quelle ironie, lui répondit mentalement sa congénère. Je vois dans votre esprit, vous savez. Vous n'avez jamais mis les pieds à Menzoberranzan ; l'Absolue ne vous a jamais touchée de sa lumière. Vous êtes une infamie pour la race des elfes noirs. Et vous n'êtes certainement pas digne de vivre dans Son royaume."

Son ricanement résonnait partout : à son oreille, à l'arrière de sa nuque, sous ses pieds, et en même temps à des kilomètres. Nymuë se retourna, cherchant à la localiser ; mais Minthara coupa leur connexion et son murmure disparut.

" Le plan ne change pas, indiqua la jeune femme à ses camarades. Elle veut juste nous effrayer.

- T'chk. C'est qu'elle ne vous connaît pas.", grogna Lae'zel en réponse.

La musicienne leva un sourcil, surprise : la githyanki venait-elle de lui accorder un compliment ? Elle n'eut pas le temps de réfléchir à ce sujet : trois gobelins, déjà, se précipitaient vers l'entrée du Bosquet, des tonneaux de poudre explosive dans le dos.

" Ils visent la Grande Porte, hurla Zevlor. Arrêtez-les !"

Nymuë s'empara des bombes rassemblées près de son couvert de fortune. Détachant son poignard de ses chaînes, elle les enroula autour des explosifs. " Ça devrait leur donner suffisamment d'élan, pensa-t-elle. En espérant qu'elles ne m'éclatent pas à la figure".

Se relevant, elle pivota et jeta son projectile de toute ses forces sur le gobelin le plus proche. Il toucha sa cible, et celle-ci disparut dans un hurlement ; le souffle de la détonation emporta également une partie de ses camarades. Au même moment, une flèche enflammée d'Astarion toucha un second baril, créant une autre onde de choc.

" Je prends le dernier, déclara le roublard, directement dans sa tête. Occupez-vous du troll !"

Le monstre fendait les nuages causés par les explosions et se ruait vers la Grande Porte, crocs découverts et massue brandie. Nymuë tendit la main vers lui, se concentrant sur son arme :

" Brûle", pensa-t-elle.

Le gourdin s'enflamma, faisant lâcher à la créature un mugissement de douleur. L'elfe noire sourit… jusqu'à ce que le troll projette sa masse dans sa direction.

" Baissez-vous !", hurla-t-elle, en se plaquant au sol.

Elle vit la lueur des flammes se rapprocher à toute vitesse, mais un vent violent se leva et renvoya la matraque directement à son propriétaire. Des cris retentirent sur le champ de bataille : un souffle puissant précipitait au sol les quelques gobelins ayant entrepris d'escalader les parois rocheuses. Des lianes aussi solides que des cordes s'étaient enroulées autour des jambes du troll et l'immobilisaient. Sortant de la forêt, une nuée d'oiseaux et d'animaux fondirent sur les soldats ennemis.

" Halsin ! s'écria Zevlor avec soulagement. C'est le moment, foncez sur… Où est Minthara ?"

La drow demeurait dangereusement absente du chaos qu'était devenue la mêlée. Même l'arrière des rangs ennemis n'était composé que de gobelins. Quelque chose clochait.

Nymuë se releva, prête à avertir le chef tieffelin, quand une vocifération l'arrêta. D'un bond spectaculaire, Lae'zel sauta sur la tête du troll et saisit in-extremis une de ses oreilles :

" Pour Vlaakith !", hurla-t-elle.

Elle lui planta son épée entre les deux yeux. Le monstre ouvrit sa gueule, stupéfait : sa lourde masse s'affaissa lentement en avant. La guerrière s'accrocha aux remparts de bois avant de tomber à son tour.

"Quelle idiote !", fulmina l'elfe noire en pensée.

La githyanki faisait maintenant une cible parfaite pour les archers ennemis ! La musicienne se précipita vers elle, prête à la relever. Alors qu'elle saisissait sa main, elle aperçut un gobelin armer son arc dans leur direction :

" Flagra !", retentit la voix d'Ombrecoeur.

Une décharge lumineuse traversa la vallée et s'écrasa au pied du soldat, l'envoyant droit dans la gueule d'un ours. Nymuë entraîna sa camarade à sa suite, les mettant toutes deux à couvert. De mauvaise grâce, Lae'zel adressa un signe de tête à la prêtresse pour la remercier.

" Vous avez perdu la tête ? s'écria l'elfe noire. Vous pensez que c'est le bon moment pour tenter des exploits héroïques ? Vous auriez pu…"

Le tumulte autour d'elle prit fin brusquement. Les corbeaux tombèrent au sol, et le vent cessa de souffler. Les animaux affrontant les gobelins gémirent de douleur avant de s'effondrer.

Sous leurs pieds, là où se situait l'antre des druides, Nymuë entendit un cri.

" Impossible, murmura-t-elle. Comment…

- Une diversion, crachat Lae'zel. Elle a envoyé le plus gros de ses troupes à la Grande Porte, pendant qu'elle s'infiltrait dans les cavernes. Elle a dû trouver une autre entrée.

- Ou on la lui a indiquée.", corrigea Astarion, depuis son abri.

"Kagha.", comprit Nymuë. La druidesse devait connaître les sorts de protection défendant le Bosquet… Et Minthara n'avait eu aucune hésitation à sacrifier le plus gros de son arsenal pendant qu'elle éliminait ses ennemis de l'intérieur. "Le loup dans la bergerie", avait-elle dit…

Si Halsin et ses comparses mourraient, elle aurait ensuite libre accès aux réfugiés tieffelins. Des dizaines d'individus, apeurés et sans défense…

" J'y vais, déclara-t-elle.

- Elle s'attend à ce que vous fassiez ça, objecta Ombrecoeur.

- Je sais. Mais nous ne pouvons abandonner ce front, autrement les gobelins nous envahiront quoi qu'il arrive. Vous devez rester ici pour abattre le plus gros de leur force. De plus, vous l'avez entendu : son message m'était adressé. Si je la provoque, elle répondra à l'appel.

- Alors quoi, darling, vous nous proposez un noble sacrifice ? siffla le haut-elfe. Ne soyez pas stupide. Vous ne tiendrez pas plus de deux secondes face à cette drow.

- Les druides seront avec moi. J'ai juste à vous faire gagner du temps. Et puis…"

Elle s'interrompit, dévisageant tour à tour ses compagnons :

"... Je suis une drow, moi aussi."

Le regard des aventuriers se porta à nouveau sur le champ de bataille. Un tieffelin gisait près de la corne de guerre, une flèche plantée dans le cou. Un autre avait été saisi par un lasso, et était tombé de la plateforme de garde ; ses hurlements se faisaient de moins en moins audibles, au fur et à mesure que les gobelins plantaient leur lame dans son corps. Le flanc Ouest, abandonné par Lae'zel lors de son saut spectaculaire, voyait les premiers soldats ennemis atteindre son sommet. Leurs assaillants n'étaient plus qu'une quinzaine, mais Zevlor et ses hommes ne sauraient les retenir seuls.

" Revenez vivante.", chuchota Ombrecoeur d'une voix tremblante.

Nymuë hocha la tête, puis quitta son abri d'une roulade. Elle saisit l'échelle de cordes permettant de rejoindre le Terrier, et atterrit souplement sur le sol. Poussant sur ses jambes, elle se précipita vers les cavernes, courant comme jamais elle n'avait couru. "Pourvu que je n'arrive pas trop tard, pensa-t-elle. Faites qu'ils soient vivants !". Elle ne vit nulle trace de Minthara ou des gobelins près des caves, signe que leurs opposants n'avaient pas encore quitté les souterrains. Elle traversa le Bosquet, poussa la lourde porte de pierre… et demeura interdite.

Une vingtaine de druides habitaient le sanctuaire ; la moitié, déjà, avait trouvé la mort. Rath fixait le plafond de la grotte d'un air vide, la bouche grande ouverte. Les quelques survivants défendaient chèrement leurs peaux face à trois gobelours ; leurs Familiers avaient également rejoint la bataille.

Au centre de ce carnage, se tenait Minthara. Armée d'une masse et d'un bouclier, elle luttait contre un ours gigantesque que Nymuë reconnu comme étant Halsin. Près d'elle, Kagha observait silencieusement le combat. L'archidruide était blessé à la patte avant, et la générale gagnait progressivement du terrain. Son sourire face à son adversaire était serein ; chacun de ses coups lui laissait une nouvelle entaille.

" Minthara !", cria Nymuë.

Sa congénère tourna ses yeux rouges dans sa direction, et son rictus s'accentua :

" Il est temps que les ténèbres vous emportent, iblith.", provoqua-t-elle.

Elle s'adressa ensuite sèchement à Kagha, qui sursauta :

" Toi, la vermine, siffla-t-elle. Prouve-moi que j'ai bien fait de te laisser en vie et affronte ton maître.

- Vous… vous aviez dit que vous ne vous en prendriez qu'à Halsin et aux étrangers… murmura Kagha.

- Tu voulais un Bosquet purifié de toute souillure. Je suis plus que complaisante à te l'offrir. Maintenant, fais face aux tiens ou termine comme eux !"

Avec hésitation, l'ancienne première druidesse sortit sa rapière. Minthara repoussa l'ours d'un puissant coup de bouclier, et l'animal gémit de douleur. La générale en profita pour rouler sur le côté, avant de bondir en direction de Nymuë.

Le temps parut se figer, comme au ralenti ; mû par un instinct plus puissant qu'elle, la musicienne se jeta sur le côté et évita le coup au dernier moment. Le bouclier s'ancra dans la porte, brisant la roche.

"Merci, Ombrecoeur.", pensa-t-elle en contemplant le trou béant, là où se trouvait précédemment sa tête. Sans la bénédiction de sa camarade, elle serait présentement en train de saluer sa déesse pour elle.

Minthara abandonna sa protection et saisit sa masse de ses deux mains. Nymuë évita sa première attaque d'une pirouette, puis la seconde. La troisième, toutefois, la toucha en plein ventre et l'envoya à terre.

Elle en eut le souffle coupé, et le goût du sang envahit sa bouche. Satisfaite, la générale s'approcha afin de donner le coup de grâce. Elle leva haut son arme ; Nymuë, en retour, lança ses chaînes de toutes ses forces. Les attaches s'enroulèrent autour du manche, et elle tira. Le bras de son adversaire se pencha, mais ne plia pas ; avec horreur, la musicienne se sentit glisser dans sa direction.

Elle jeta son poignard derrière Minthara, et plongea entre ses jambes ; attrapant de nouveau son arme, elle enroula ses chaînes et renforça sa prise autour de la masse. Dans un rugissement, la générale frappa en arrière mais, entravé, son mouvement ne fut pas assez large. Les deux femmes se dévisagèrent, chacune forçant sa prise sur l'autre.

Un choc, à l'extérieur des cavernes, surprit les combattantes ; des cris de joie surpassèrent un instant le chaos des affrontements :

" Ils se replient ! hurla la voix de Zevlor. Les gobelins s'enfuient !"

Les druides tirèrent un regain d'énergie de cette annonce : un des gobelours chuta sous les crocs d'un loup, et un autre se convulsa, pris dans un nuage de poison. Le duel entre Kagha et Halsin continuait à faire rage ; mais le dernier gobelours se rangea du côté de la première druidesse, prenant l'animal en tenaille.

L'archidruide tenta de porter un coup, mais il chancelait. Sa lourde masse était maintenant acculée à un gouffre, incapable d'échapper aux assauts de ses deux assaillants. Avec hésitation, Kagha vit le gobelours approcher son mentor, prêt à l'achever. Ses yeux parcoururent les grottes qui furent autrefois son foyer, le corps de ceux qu'elle avait considérés comme ses frères. Ils s'arrêtèrent sur le cadavre d'une vipère, tranchée en deux ; celui de sa fidèle Tee-la. Avec un hurlement de fureur, elle se jeta sur le guerrier et le poussa.

Le gobelours voulut la dégager d'un geste du bras, mais l'elfe des bois s'accrochait farouchement. Il reculait maladroitement, oubliant le précipice à ses pieds ; le sol s'affaissa.

Le dernier soldat ennemi sombra dans les ténèbres, emportant Kagha avec lui. Les yeux de l'ancienne première druidesse se posèrent une dernière fois sur son maître. Pendant une ultime seconde, elle sourit.

Halsin poussa un long mugissement ; quant aux autres druides, ils se tournèrent vers Minthara, toujours immobilisée.

" Félonie, cracha-t-elle. Misérable traître à votre sang…

- Vous avez perdu, Minthara, répliqua Nymuë. Rendez-vous."

Les yeux de la générale passèrent de son visage à son médaillon, ayant glissé de son armure. Elle lâcha un rire sardonique :

" Oh, Lolth serait tellement fière de vous, ma soeur."

La musicienne la fixa, interdite ; Minthara profita de cette brève distraction pour tirer brusquement sa masse à elle, et la libérer de ses chaînes.

" Je vais vous envoyer directement la saluer, siffla-t-elle. Puis, j'arracherai votre cœur et l'offrirai à l'Absolue…

- Pas avant que je ne perce le vôtre, démon.", rugit une voix dans leur dos.

La générale releva la tête, mais l'épée de Zevlor fut plus rapide ; d'un geste, elle lui traversa la poitrine. L'elfe noire hoqueta, le regard écarquillé ; ses iris rouges rencontrèrent celles du chef tieffelins, qui la fixait avec une froide résolution :

" Pour mes hommes morts au combat.", souffla-t-il.

Il délogea sa lame ; Nymuë vit le corps de Minthara lentement tomber en arrière, une expression stupéfaite sur le visage. Ses derniers mots avaient été pour sa déesse.

Et elle ne lui avait pas répondu.

" Nymuë !", s'écria Ombrecoeur.

La musicienne sentit des mains solides la remettre sur pieds, et tomba nez-à-nez avec Lae'zel. La guerrière gith grogna, satisfaite de la voir tenir sur ses deux jambes, puis laissa place à la prêtresse. La demi-elfe se mit aussitôt à incanter des formules de soin en palpant sa blessure.

" Nous ne sommes pas débarrassés de vous, semble-t-il.", chuchota quelqu'un sur sa gauche.

À moitié dissimulé par la porte de pierre ébréchée, Astarion l'observait. Il esquissa un sourire en coin lorsque leurs regards se croisèrent. Le cœur de Nymuë se serra : aucun de ses compagnons n'étaient amoché, ils ne présentaient que des coupures superficielles. Ils allaient bien ; ils avaient gagné. Les yeux de l'elfe noire glissèrent sur le visage de Minthara, figé dans la mort désormais. Quand ils se posèrent de nouveau sur le roublard, ils étaient insondables :

" Pas aujourd'hui, on dirait.", murmura-t-elle.


Notes de fin :

Et voici pour la bataille du Bosquet d'Emeraude !

Dans ma run Dark Urge actuelle, je profite des changements apportés par le Patch 6 pour sauver les tieffelins, mais avoir tout de même Minthara dans mon équipe en l'assommant.

Il était important pour moi que ce face-à-face avec Minthara ne donne pas l'avantage à Nymuë : entre une paladine et une barde, le rapport de force en combat rapproché m'a parut trop inégale. Et je n'aime pas faire des personnages surpuissants : les protagonistes sont ce qu'ils sont, avec leurs moments forts, et leurs faiblesses.

Quant à la trahison de Kagha, petit changement que je me suis autorisée dans l'histoire car j'aime le drama. J'ai apprécié lui apporter un angle nouveau sur cette fin de chapitre.

Semaine prochaine, une certaine célébration tieffeline...

Merci pour votre lecture, et n'hésitez pas à me faire part de vos retours, c'est ce qui me motive le plus ! A bientôt.