L'ombre de la culpabilité

Eddie Diaz se tenait dans sa chambre qu'il avait transformé en chambre médicale pour Buck, regardant son ami installé dans le lit avec une expression d'épuisement mêlée de douleur.

Le poids de la culpabilité pesait lourd sur ses épaules, une ombre constante qui ne le quittait jamais. Il savait qu'il aurait dû être là pour le protéger, qu'il aurait dû anticiper les dangers qui guettaient.

C'était lui qui avait été visé, et Buck avait payé le prix fort à sa place.

– Tu es bien installé ? demanda-t-il, la voix tendue malgré ses efforts pour la rendre douce.

Buck hocha lentement la tête, grimaçant légèrement.

– Oui, merci Eddie. Je suis bien.

Eddie serra les dents, luttant contre le flot de culpabilité qui menaçait de le submerger. Il s'approcha de Buck, ajustant les couvertures avec des gestes précis et attentionnés.

– Arrête de t'agiter comme ça, le gronda Buck la voix épuisée.

– Oui désolé, je veux juste être sûr que tu vas bien.

– Je vais bien, le rassura-t-il encore une fois. De toute façon, à part dormir, je ne vais pas faire grand-chose ces trois prochaines semaines, tu sais alors tu n'as pas besoin de bouger pour deux.

Mais Eddie n'était pas convaincu.

À cet instant, il aurait tout donné pour échanger sa place avec Buck, pour le voir ici en parfaite santé, dans un tout autre contexte. La scène devant lui était une vision qu'il ne parvenait pas à supporter.

Il aurait voulu que Buck soit debout, souriant, blaguant, pas cloué au lit par ses blessures. La culpabilité le rongeait, un poison insidieux qui lui murmurait qu'il avait gâché toutes ses chances. Il savait que ce n'était pas rationnel, que Buck ne le blâmait pas, mais l'idée persistait. Maintenant, il ne pouvait qu'essayer de rendre sa convalescence aussi supportable que possible.

C'était la moindre des choses.

– Je vais rester sur le canapé du salon, au cas où tu aurais besoin de quelque chose, déclara-t-il, essayant de maintenir une certaine distance pour ne pas laisser transparaître sa détresse. Si tu as besoin il te suffit de m'appeler, à tout moment, Buck.

Buck le regarda avec des yeux fatigués mais pleins de reconnaissance.

– Eddie, tu n'as pas à faire tout ça. Je sais que… tu te sens responsable mais ce n'est pas de ta faute.

Eddie secoua la tête, détournant le regard pour masquer ses émotions.

– Ce n'est rien. C'est normal que je m'occupe de toi.

Les heures qui suivirent furent une lutte constante pour Eddie.

Chaque mouvement, chaque tâche accomplie pour Buck était une tentative de se racheter, de compenser ce qu'il considérait comme ses échecs. Il se plia en quatre pour son ami, anticipant ses besoins, veillant à ce qu'il ne manque de rien.

Il contacta aussi Carla pour les prochains jours, ne serait-ce que pour aider à la toilette de Buck et changer les draps sans trop le bouger. Il espérait que ses actions effaceraient tout le mal qu'il avait causé.

Mais la culpabilité restait, implacable.

Cette nuit-là, alors que Buck dormait, Eddie s'installa sur le canapé du salon, luttant contre l'insomnie. Ses pensées tourbillonnaient sans cesse, des souvenirs de ce jour maudit revenant en boucle dans son esprit, le torturant. Les regrets et la culpabilité l'assaillaient, l'empêchant de trouver un semblant de paix.

Il revoyait les visages des agresseurs, sentait la peur et la douleur dans les yeux de Buck. Il entendait encore les cris de Christopher, et tout cela le hantait. Il n'avait pas pu s'empêcher d'écouter l'appel au 9-1-1 et il regrettait de ne pas avoir tuer ces monstres de ses mains.

C'était à cause de ses erreurs passées, de ses nuits de débauche, que tout cela était arrivé. Il avait été imprudent, et maintenant Buck souffrait à cause de lui.

Soudain, un cri perça le silence de la nuit.

Eddie se leva d'un bond, reconnaissant la voix de Buck. Il se précipita dans la chambre, le cœur battant la chamade.

Buck était en proie à un cauchemar, se débattant sous les couvertures, le visage marqué par la terreur.

– Non, pleura-t-il dans son sommeil. S'il te plait, non.

Eddie s'agenouilla à côté du lit, prenant délicatement la main de Buck.

– Hé, Buck, c'est moi, murmura-t-il d'une voix douce. C'est juste un cauchemar. Je suis là.

Buck ouvrit soudain les yeux, la peur toujours présente dans son regard. Il respira profondément, essayant de se calmer.

– Buck ? s'enquit-il doucement pour ne pas lui faire peur. Tu es avec moi ?

– Eddie, je... je suis désolé, balbutia-t-il, les larmes aux yeux.

Eddie secoua la tête, serrant un peu plus fort la main de Buck.

– Non, Buck, c'est moi qui suis désolé. Tout ça, c'est ma faute. C'est moi qui étais visé, c'est à cause de moi que tu as été blessé.

Buck le regarda avec une intensité qui le troubla.

– Non, je… Ce n'est pas ta faute, soupira-t-il finalement. Ces gens sont responsables, pas toi. Eddie, tu dois arrêter de te blâmer pour ça.

Mais Eddie ne pouvait pas s'empêcher de ressentir cette culpabilité écrasante.

Il savait que Buck essayait de le rassurer, mais au fond de lui, il se savait coupable, responsable de ce qui était arrivé.

– Si je n'avais pas été si imprudent, si je n'avais pas fait toutes ces erreurs, rien de tout cela ne serait arrivé, murmura-t-il, la voix brisée.

Buck essaya de se redresser, grimaçant de douleur. Immédiatement, Eddie l'aida à être mieux installé, soulageant la pression et la douleur.

– Tu ne peux pas changer le passé. Personne ne le peut. Ce qui compte, c'est que tu es là maintenant, que tu ailles mieux, pour toi et pour Christopher. Tu es un bon père et tu es là pour moi alors je peux aussi dire que tu es un ami incroyable.

Eddie sentit les larmes lui monter aux yeux. Il se pencha vers Buck, le prenant doucement dans ses bras.

– Je suis tellement désolé, Buck, murmura-t-il. Tellement désolé.

Buck le serra, aussi fort qu'il le pouvait, malgré la douleur.

– Je sais, Eddie. Mais tu dois te pardonner. On va traverser ça ensemble, comme toujours.

Eddie resta là, tenant Buck dans ses bras, sentant les larmes couler le long de ses joues. La culpabilité ne disparaîtrait pas facilement, mais avec le temps et le soutien de Buck, il savait qu'il pourrait peut-être trouver la paix.

– Tu veux en parler ? s'enquit-il en dégageant. De ton cauchemar.

– Non…, ça va aller. Je suis en sécurité.

– Tu es en sécurité. Essaie de dormir un peu, souffla-t-il doucement.

– Est-ce que… Est-ce que tu veux bien rester un petit peu ?

Eddie hésita mais Buck semblait terriblement en avoir besoin et il s'installa à ses côtés.

Il y avait largement assez de place pour eux deux et Buck ne pouvait pas bouger alors il y avait peu de chance qu'ils viennent s'enrouler autour de lui durant la nuit, comme il l'avait fait les deux seules fois où ils avaient partagé un lit. Pas que cela le dérangeait, Eddie adorait même ça.

Peut-être un peu trop d'ailleurs.

La nuit était silencieuse, seulement perturbée par les bruits lointains de la ville qui continuait de vivre dehors. Buck tourna légèrement la tête vers Eddie, ses yeux brillant dans la pénombre.

– J'ai peur.

Eddie sentit son cœur se serrer.

– De quoi ?

– Peur de ne jamais redevenir celui que j'étais. Peur de toujours craindre que quelqu'un s'en prenne à moi. Je... je ne veux pas vivre dans la peur.

Eddie prit une profonde inspiration, cherchant les mots justes. Il glissa sa main dans celle de Buck.

– Tu viens juste de vivre quelque chose de terrifiant. C'est normal d'avoir peur. Tu n'as pas à être fort tout de suite. Personne ne s'attend à ce que tu le sois. Avec le temps, tu surmonteras ça, je te le promets. Et je serai là, à chaque étape.

Les yeux de Buck brillaient d'une émotion qu'Eddie peinait à décrypter.

– Tu penses vraiment que je vais y arriver ?

– Oui, je le pense vraiment. Tu es l'une des personnes les plus fortes que je connaisse. Mais même les plus forts ont des moments de doute et de peur. Tu n'es pas seul, Buck. Nous sommes tous là pour toi, et je serai là pour toi, peu importe ce qu'il faudra.

Buck soupira doucement, comme si un poids immense venait d'être levé de ses épaules.

– D'accord, souffla-t-il en tremblant signe qu'il essayer de calmer ses sanglots.

– Maintenant, essaie de te reposer. On traversera ça ensemble, un jour à la fois.

Eddie resta là, sentant la présence rassurante de Buck à ses côtés, déterminé à ne jamais le laisser tomber.