Hello tous !
Voici le chapitre du dimanche ! Pas sûres que vous nous en remerciiez, ce coup-ci :)
Enjoy quand même :)
Stella : Merci beaucoup ! Non la violence c'est pas bien mais parfois effectivement ça part tout seul ;) merci pour ta review, on espère que tu aimeras ce chapitre aussi !
KAGAMI
Il se réveille une première fois vers trois heures du matin. Il a mal partout, il a froid et un méchant mal de tête. Il se redresse, probablement que dormir sur le sol dur de la terrasse n'aide pas. Il referme la baie machinalement derrière lui et retourne s'écrouler sur son canapé.
Il ouvre les yeux une seconde fois à l'aube. Sa tête est toujours douloureuse. Il se lève doucement et comme première étape pour bien démarrer sa journée, il va se servir un cachet anti douleur pour calmer la batterie qui joue dans sa tête. L'appartement est resté en bordel. Ça ne lui ressemble pas de ne pas débarrasser et de se mettre une murge pareille. Et puis les évènements de la veille lui reviennent. Il s'accroupit au milieu de sa cuisine de nouveau accablé de chagrin et de désespoir. Il pleure et frappe des poings contre le meuble.
« Fuck… Fuck... »
Il se laisse dix minutes. Dix minutes que le putain de cachet face effet. Dix minutes à pleurer, à s'apitoyer, puis il va sous la douche. Il se lave rapidement. Il s'habille et il range l'appartement. Le ménage, c'est con mais ça le calme et occupe son esprit, alors il fait souvent ça quand il est préoccupé ou du sport. Mais laissé son appartement, encore plus quand il est mal ça le rend encore plus nerveux. Quand son lieu de vie est enfin propre et bien rangé, il avise son téléphone resté éteint.
Il hésite, mais finalement le rallume pour constater qu'il a un nombre incalculable d'appels en absence de Levi. Pas un message de Daiki. Il appelle son opérateur pour faire résilier son numéro. Il note quelques coordonnées qu'il veut garder sur un bout de papier : Kuroko, Himuro, Alex, Son père, quelques anciens de Seirin et le numéro d'Aomine, il doit au moins s'excuser. Et de toute façon, dès demain ils seront coéquipiers. Il ne pourra pas l'éviter.
Il sort pour s'acheter une nouvelle carte SIM. Et de la bière. Et peut-être quelque chose de plus fort aussi. Ou pas. Demain il doit être à l'entraînement, les vacances sont terminées.
Il ne veut plus voir Levi. Il a laissé quelques trucs chez lui, mais rien de vital. Il a suffisamment de fric pour se racheter une planche de surf tous les jours.
Ouais ça paye d'être basketteur. Ça paye le silence, les mensonges...
Il revient avec quelques courses et met sa nouvelle carte sim dans son téléphone et le réinitialise. Plus de photos, plus de contacts, plus rien. Une nouvelle vie commence. Il a pris des décisions. Il ne veut plus mentir, ni se cacher auprès des gens qu'il aime. Il configure rapidement son téléphone en mangeant une soupe instantanée et enregistre les numéros qu'il a conservés. Il envoie un SMS à chacun d'eux pour les informer de son nouveau numéro en se gardant Aomine pour la fin auquel il envoie un message un peu plus long.
[Kagami - 11h05]
Salut, c'est Kagami. Nouveau numéro. Je suis désolé pour hier... Vraiment. J'aurais pas dû te dire tout ça. Il faut que je te parle. Enfin si tu veux bien. Dis moi quand tu es disponible. Merci.
AOMINE
Quand il se réveille à l'aube le lendemain, il a l'impression d'avoir rêvé la journée d'hier. Rien n'a bougé, l'univers est toujours le même. Tout demeure à sa place, et même Lola qui dort à côté de lui. Le seul détail l'assurant de la réalité de tout ce qui s'est passé la veille, c'est sa main droite qui lui fait mal. Ce n'est pas la première fois qu'il frappe quelqu'un, alors il sait que ça passera vite. À l'heure actuelle, il y en a un qui a beaucoup plus mal que lui, et cette pensée le réconforte vaguement.
Il masse ses paupières fatiguées. Il a très peu dormi cette nuit, mais au moins, son mal de crâne s'est un peu dissipé. Il se lève et va faire du café. Après ses aveux à Lola, ils ont discuté un peu. Elle lui a posé des questions, comme "depuis quand tu le sais" ou "pourquoi est-ce que tu as accepté d'emménager avec moi", et il a répondu brièvement, mais le plus honnêtement possible. C'est plus facile de parler de tout ça en ne ressentant plus rien. Le vide qui menaçait en lui, qui prenait chaque jour davantage plus de place et qu'il refusait de regarder en face, a finalement eu gain de cause.
Ce qui devait arriver, arriva, comme dirait sa mère. C'est ce qu'elle a coutume de dire quand elle voit qu'il persiste à faire les mauvais choix, et qu'il finit par en payer les conséquences. Elle ne le dit jamais comme un reproche, plutôt avec un soupir un peu triste. Un peu comme la réaction de Lola. Elle ne lui a pas jeté d'assiettes à la figure, elle ne l'a pas insulté, elle n'a même pas haussé le ton, en fait. Elle a écouté ses réponses sans guère les commenter. Il ne sait même pas ce qu'elle en pense vraiment. Mais ce n'est pas vraiment le moment de la harceler de questions. Aujourd'hui, il compte la laisser tranquille de toute façon.
Après son café, il va courir au bord de la mer. Il essaie de retrouver ainsi un peu d'énergie. Son corps malmené par ses excès, le manque de sommeil et le choc émotionnel de la veille proteste au début, mais se réveille peu à peu. Il finit son footing par une baignade rapide, et puis rentre le temps de se doucher. Il prend quelques affaires, il ne sait même pas s'il va dormir ici ce soir, et il sort pour aller prendre le petit-déjeuner quelque part. Il marche longtemps avant de trouver un établissement calme et peu fréquenté, et se pose dans un coin de la salle avec ses écouteurs sur les oreilles. La nourriture lui fait un peu de bien, mais si elle comble son estomac, son cœur demeure aussi vide que son assiette terminée, qu'il repousse d'un geste de la main avant de boire un autre café.
Vers 11h, il reçoit un texto de Kagami. Qui a déjà changé de numéro ? Il est un peu surpris qu'il ait gardé son contact, du coup. Il lit son message et hésite un bon moment. Il finit par accepter, uniquement parce qu'il n'a aucune raison de refuser d'écouter ce que Kagami a à lui dire.
KAGAMI
[Aomine - 11h15]
T'as pas à t'excuser. Je suis dispo ajd. Rien de prévu.
Il ne sait pas exactement à quoi il s'était attendu, mais bizarrement pas à une réponse aussi immédiate. Et soudain, il n'est plus très sûr d'être prêt à respecter ses décisions. Il inspire profondément, et tape sa réponse en tremblant un peu.
[Moi - 11h17]
14h ? Au bar du premier soir.
[Aomine - 11h17]
Ok. À tout à l'heure.
Il hoche la tête doucement. Ok. ça va bien se passer. Tout va bien se passer. Il prend une profonde inspiration et appelle son père.
« Salut papa. T'as un peu de temps pour déjeuner ?
— Hm... Pas plus d'une heure... Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi tu as changé de numéro ?
— Justement... Faut que je te parle d'un truc. On peut se retrouver au resto à côté de ton boulot à 12h ?
— Ok... Tout va bien hein ?
— Oui t'inquiète papa. Rien de grave. Merci à tout à l'heure. »
Il soupire et raccroche. Il a l'impression que sa voix tremble autant que sa main. Il a l'estomac noué. Il a l'impression de faire le plus grand saut de sa vie. ça pourrait tout foutre en l'air. Absolument, tout. Mais son père n'est pas comme ça, hein ?! C'est le genre de discussion qu'ils n'ont jamais eu. De ce qu'il sait son père est plutôt tolérant sur les questions de l'homosexualité. Mais entre tolérer et accepter un enfant gay, il y a un monde parfois..
Il range encore. Enfin il n'y a plus grand chose à ranger. Il va troquer sa tenue grunge contre un jean brut et une chemise noire. Il s'assoit sur son lit, nerveux. Il a l'impression que son estomac est en train de se liquéfié. Son cœur bat douloureusement dans sa poitrine et il a des sueurs froides. Il a en somme un trac monstrueux. Il a peur. Mais ça lui évite de penser à son cœur en miette et à lui.
Mais il faut vraiment qu'il le fasse. Ça fait déjà un moment que ça le ronge à petit feu tous ces mensonges. Ça devient invivable de se cacher tout le temps. Il sait ce qu'il risque, et ça l'effraie, mais il est prêt à le prendre. L'honnêteté est quelque chose d'important pour lui, il a toujours détesté le mensonge et aujourd'hui il a l'impression d'être un horrible menteur et hypocrite, ce qui le bouffe de l'intérieur. Et puis, il a conscience que ces mensonges n'ont fait que permettre ce que Levi lui a fait, il a été l'instigateur du premier mensonge et les autres ont naturellement suivis.
Il se décide à rejoindre le point de rendez-vous avec son père à pieds. Ça lui fera du bien. Il hésite à prendre le sac d'Aomine, mais il s'occupera de ça plus tard. Il arrive au rendez-vous bien avant l'heure. Il entre dans le restaurant et se prend un verre de bière pour patienter.
AOMINE
Il reste dans le café où il s'est installé pour le petit-déjeuner. Ce n'est pas comme s'il savait où aller d'autre, de toute façon. Il ne connaît pas cette ville, même si depuis hier il a fait pas mal de chemin à pied... Il faut dire qu'il n'a pas retenu grand-chose de ses balades.
Il s'occupe avec son portable, surfe sur Internet. Il n'attend rien de ce rendez-vous avec Kagami tout à l'heure. Il n'attend plus rien de quoi que ce soit, semble-t-il, et surtout pas de lui-même. Il réalise vaguement qu'il est toujours dans une sorte d'état de choc, mais ça n'a aucune importance pour le moment. Au moins, aujourd'hui il a remplacé le whisky par du café, pour lui c'est déjà amplement suffisant comme victoire.
Depuis qu'il vit aux States, il a l'impression d'être de passage. Et quand il se voit lui-même assis tout seul dans ce café, son sac à ses pieds avec quelques affaires pour une nuit ou deux, cette impression s'accentue encore. Il songe à rentrer, après sa saison chez les Lakers. Partir aux USA, c'était peut-être pas une si bonne idée que ça, après tout. Pour lui, le rêve américain s'arrête là.
KAGAMI
Sa bière est terminée quand son père le rejoint. Il n'a plus l'habitude de le voir en costume, il le porte toujours avec classe mais ce qui le frappe c'est la maturité qui se dégage de lui. Son père a vieilli. Il n'est plus le jeune homme de ses souvenirs d'enfant.
« Eh bien fils ?! Qu'est ce qui se passe ?
— T'affoles pas... Ce n'est rien de grave vraiment. On commande ?
— T'as besoin de manger ?
— Ouais... J'suis un peu nerveux.
— Mais c'est rien ?
— Papa...
— Ok ok. Tu sais ce que tu prends ?
— Ouais. »
Son père hèle un serveur, il commande deux bières et des plats. Il reste nerveux, mais doucement il sent que son estomac se détend un peu. il ne peut plus faire marche arrière maintenant de toute façon. Il prend des nouvelles du travail de son père, ils discutent de choses et d'autres. Et c'est seulement quand ils sont servis qu'il se décide à parler.
« Ce n'est rien de grave encore une fois... Promis. Mais c'est quelque chose qu'il est souvent un peu difficile d'aborder.
— Ok... »
Le regard du quarantenaire le scrute malgré tout avec inquiétude. Il lui sourit en essayant d'être rassurant.
« Ok... Papa... »
Aller Taiga ! Montre que t'es pas un lâche. Sa gorge se noue. Il inspire doucement. Son père attend, inquiet mais il sourit et l'encourage en posant une main sur la sienne. Il ne dit rien, il ne lui met pas la pression. Il patiente simplement. Il a pourtant réfléchi à plein de manière de dire les choses. "Papa j'aurai jamais de petite amie parce que...", "Papa je n'aurai pas d'enfants parce que...", "Papa je sais que tu veux que je fonde une famille mais...".
Mais tout ça lui semble stupide. Son cœur s'affole dans sa poitrine. Il murmure alors simplement, un regard suppliant plongé dans le regard noisette de son père.
« ... Je suis gay papa... »
Son père semble ne pas comprendre et reste muet de longues minutes. Son coeur se comprime dans sa poitrine. Des frissons glacées parcourent son dos. Il a envie de pleurer. Le plus âgé se ressaisit réalisant la tension de son fils.
« Je suis désolé Taiga... J'ai été maladroit… J'aurai dû y penser. »
Il vient serrer la main du plus jeune dans les siennes et lui sourit. Un sourire doux et chaud et celui d'un père à son enfant qu'il chérit quoiqu'il arrive.
« ... It's ok son… ça ne me pose aucun problème. J'veux juste que tu sois heureux Taiga. »
Taiga crispe sa main sur la sienne à ses derniers mots et il laisse des larmes de soulagement couler doucement.
« ... It's ok... Don't cry my little boy... Je suis désolé.
— Merci... Merci papa. »
Taiga sourit entre ses larmes et se calme doucement. Il est soulagé. Il a l'impression d'être plus léger. C'était si simple et pourtant il avait tellement eu peur. Son père lui pose des questions et il lui parle. Il lui raconte comment il a compris. Il lui raconte Levi. Et finalement, il lui raconte Aomine et ce qu'il s'apprête à faire.
« Honnêtement, Aomine-kun c'est pas récent n'est-ce pas ?
— Comment ça ?
— Maintenant, je me dis que je comprends mieux pourquoi tu as toujours été fasciné par ce garçon. Il t'a toujours plu. »
Il essaie de nier mais peut-être que son père a raison. La fin du repas se passe calmement, il se sent tellement soulagé d'avoir enfin avoué et la réaction de son père... Il n'aurait pas pu rêver mieux.
Il prend alors la direction du bar où il doit rejoindre Aomine. Il aura au moins trente minutes d'avance mais c'est pas grave, c'est une autre conversation probablement difficile qu'il va avoir, autant prendre le temps de s'y préparer.
AOMINE
Quand l'heure de son rendez-vous avec Kagami approche, il paie ses consos, attrape son sac et rejoint un taxi. Il passe sa vie dans les taxis, semble-t-il, à sillonner cette ville inconnue sans jamais rien retenir. Il est perdu en permanence. Mais heureusement, comme il l'a dit à Kagami, les taxis, eux, ne s'égarent pas. Quand est-ce qu'il lui a dit ça, déjà ? Il y a une éternité, lui semble-t-il.
KAGAMI
La discussion avec son père l'a beaucoup soulagé et il appréhende l'échange avec Aomine bien plus sereinement. Bien-sûr il est tout de même un peu nerveux, dans tout ce qu'il a à lui dire certaines informations risque d'être très mal accueillies. Il sirote une bière en attendant son ami. Il s'est installé à la même place que le premier soir. Aomine est en retard et ça réveille sa nervosité.
AOMINE
Il arrive avec dix minutes de retard. En entrant de le bar, il ne voit pas Kagami en bas, alors il monte à l'étage, là où ils s'étaient posés le premier soir. Il le repère à une table, pose son sac et s'assoit face à lui.
« Salut. »
KAGAMI
Quand Daiki fait son apparition, il éprouve un certain soulagement et peut-être autre chose aussi, un truc qui lui donne le sourire et lui réchauffe le coeur. Pourtant en voyant sa tête fatiguée, son sourire se fane un peu.
« Salut... »
Il est un peu déstabilisé, mais n'ose pas lui poser de questions, pas tout de suite.
« ... Tu veux boire un truc ? »
AOMINE
« Non, merci. »
Il se mordille le bout du pouce, regarde autour de lui. L'endroit est presque désert. Il reporte son attention sur Kagami, et puis détourne le regard. Il ne sait pas quoi lui dire. Et voilà qu'il recommence à être nerveux. Alors qu'il était très bien dans cette sorte d'indifférence glaciale où il baignait depuis hier soir. Il veut y retourner. Maintenant.
KAGAMI
Il décèle dans ses gestes l'anxiété de Aomine. Il se demande ce qui le rend aussi nerveux puis il remarque sa main abîmée. Et il ne peut définitivement pas l'ignorer.
« Merci d'être venu... Euh... T'as tapé qui ? »
AOMINE
Il regarde sa main. Ah, oui. Il avait prévu cette question. Au point, il où en est, de toute façon...
« Levi. Il a eu la mauvaise idée de venir voir chez moi si t'y étais. Il survivra. »
Il regarde Kagami et ajoute :
« Je sais que c'est le moment où je suis censé présenter mes excuses et dire que je sais pas ce qui m'a pris, mais je suis pas désolé, et je sais très bien ce qui m'a pris.
— Oh... T'excuser... De lui avoir explosé la gueule ?
— Ouais. Paraît que ça se fait pas.
— Hm..., il soupire, ouais... J'pense que je l'aurai défoncé aussi... Alors merci. Mais j'veux juste plus voir sa gueule..., il lui sourit doucement, c'est à moi de m'excuser. T'avais raison... Je savais, mais... J'voulais pas savoir.
— Ouais, j'connais ça. Pas besoin de t'excuser, j't'ai dit.
— Si... Parce que t'as bien fait de me le dire... Et j'ai été un con. Mais merci... J'avais besoin d'un coup de pied au cul...
— C'était rien. Je t'ai juste répété un truc que Lola m'a dit. Si coup de pied au cul il y a eu, c'est toi qui te l'es mis tout seul. Donc pas besoin de me remercier non plus.
— Ouais... J'ai réfléchi... Si, j'ai pu laisser ça se produire... C'est parce que j'ai initié le mensonge... Alors j'ai décidé d'être honnête maintenant... Pas avec la fédé j'en suis pas encore là... Mais avec les personnes qui me sont proches. J'ai commencé avec mon père ce midi... J'lui ai expliqué que j'étais pas puceau, lui fait un clin œil, mais gay., il se mordille la lèvre, et c'est pour ça que je voulais te parler. »
À ces mots, Aomine sent le sang quitter son visage. Quel rapport avec lui ?! Il regrette tout à coup de ne pas avoir pris de verre. Il ne dit rien et il attend la suite.
KAGAMI
Il rougit. C'est la première fois qu'il fait ça. C'est la première fois qu'il doit avouer à un mec qu'il est... Attiré par lui... Amoureux de lui ? Oh... Fuck... C'est peut-être pas aussi difficile que d'affronter son père et lui avouer son homosexualité. Parce que Aomine sait déjà qu'il est gay… mais il se sent quand même beaucoup trop nerveux.
« J'ai décidé d'être honnête... Et d'ailleurs... Si j'peux me permettre... T'as une sale gueule..., il se mord la lèvre, désolé... J'suis un peu nerveux... J'ai jamais fait ça avant... »
Son regard est un peu fuyant, son estomac est totalement noué et son coeur bat un peu trop vite dans sa poitrine, il a l'impression de ne plus avoir de souffle. .
« Je te demande rien ok... J'ai juste besoin de le dire... De te le dire... »
Mais putain Taiga, exprime toi clairement au lieu de tourner autour du pot : 'Je t'aime Aomine'. C'est quand même pas compliqué ?!
« Je... J'ai... J'ai des sentiments pour toi... »
Il est écarlate. Il a super chaud et il bégaie. Pire, déclaration EVER !
AOMINE
Il le dévisage un assez long moment sans s'en apercevoir. Il a la bouche atrocement sèche. Il aurait vraiment dû prendre un verre. Ce qu'il vient d'entendre lui fait un sacré choc. Encore un. Alors même qu'il pensait que c'était terminé, que plus rien ne pouvait l'atteindre. Et qu'il trouvait que c'était très bien comme ça.
Les pensées se bousculent dans sa tête.
Est-ce qu'il ne devrait pas être content ? Après tout, hier soir, il a... admis devant Lola que lui aussi avait des sentiments pour Kagami, non ? Mais il ne... Il n'était pas prêt à entendre ça. Il n'avait pas prévu que ce soit réciproque, et lui, contrairement à Kagami, il n'est pas en pleine révolution de l'honnêteté, et puis...
« Je ne comprends pas. Hier encore t'étais avec un gars dont t'étais amoureux et tu serais encore avec si j'avais pas... »
Il secoue la tête.
« Je ne comprends pas », répète-t-il d'une voix très basse.
KAGAMI
« Je sais... Et... Je comprends pas non plus... Peut-être que je m'en suis juste jamais rendu compte parce que je savais que c'était pas possible. Mais... Déjà au lycée, t'étais super important pour moi. On a juste même pas eu le temps d'être pote les choses sont allées trop vite à l'époque... Et quand tu dis que tu croyais que je m'intéressais pas à ça... Ouais à l'époque, j'allais pas super bien et c'était vraiment pas à l'ordre du jour pour moi... Je sais pas... Je peux pas te l'expliquer. »
Il se perd, il ne sait pas. Il ne sait pas quoi répondre à Aomine. Il n'a pas de véritables explications. C'est juste... c'est arrivé. Et il n'avait pas pensé devoir se justifier.
« Je sais juste que... L-Levi croyait qu'on... Qu'on était sortis ensemble toi et moi... Que... Quand j'suis avec toi j'me sens bien et que j'ai l'impression de pouvoir être moi-même. C'est différent de lui... Avec Levi j'me suis toujours senti en insécurité... Et c'est douloureux, fatigant. Malsain... J'me suis menti longtemps concernant ma relation avec lui... Hier, c'est comme si on m'avait foutu la tête dans l'eau froide pour me réveiller et me faire réaliser que j'étais... Manipulé et... Malheureux. »
Une larme glisse sur sa joue. Il l'essuie rapidement.
« Je peux pas te donner d'explications. Et je te demande rien. Ok ? Je sais que t'as Lola et que de toute façon t'es pas gay. J'voulais juste être honnête avec toi. Et j'crois que j'avais besoin de faire cette démarche pour pouvoir... avancer. Je suis désolé si... ça te gêne... Si ça change quelque chose entre nous mais... J'en ai marre de mentir. Et j't'avais promis de rester honnête avec toi. »
AOMINE
Il écoute jusqu'au bout, il faut bien, même si chaque mot est un coup de poignard et que dans sa tête tourne une seule pensée "arrête de parler, Taiga, arrête... j'aurais pas dû demander... arrête de parler..." Maintenant, il est totalement coincé. Après ce que Levi lui a fait, après les efforts de Kagami pour tout changer, le courage qu'il a eu pour lui faire cette déclaration et pour affronter la réalité en face... Il ne peut tout simplement pas se dérober. Comme ses mains tremblent, il serre les poings.
« Ok, alors je vais te la faire courte sinon je pense pas que j'arriverai jusqu'au bout. »
Il inspire profondément.
« Je ne suis pas amoureux de Lola parce que je ne suis pas hétéro et je l'ai jamais été. Elle a réussi à me le faire dire... enfin. Admettre. Hier soir. Je ne te le dis pas pour te donner de faux espoirs même si j'ai... aussi des sentiments pour toi. »
Il déglutit et reprend avant que Kagami n'ait l'idée de l'interrompre.
« Je te le dis parce que j'ai le sentiment que je te le dois vu ce que tu viens de me dire. Faire preuve d'honnêteté... Même si... je suis pas sûr que ce soit le bon choix. En tout cas, ça s'arrête là. Oublie-moi. Je sais que ça va pas être simple dans les premiers temps, mais après cette saison, je rentre au Japon et je te promets que t'entendras plus jamais parler de moi. Je suis désolé pour tout ce qui s'est passé. Et je dis pas ça pour te torturer ou pour que tu me retiennes, mais parce que hier... »
Il inspire encore un bon coup. Allez, termine ce que t'as à dire, Daiki. T'as déjà fait le plus dur.
« Hier, Levi m'a dit que je valais pas mieux que lui et il a absolument raison. Je suis un menteur et un lâche. »
Il a un rire étranglé, amer.
« T'as vraiment un karma de merde avec les mecs, hein... J'en suis sincèrement navré. Tu mérites beaucoup mieux que ça. C'est pour ça que j'ai voulu te le dire, pour Levi. Parce que je trouvais ça injuste pour toi. Et c'est pour ça que je te dis maintenant de m'oublier. »
Il s'interrompt, les yeux toujours fixés sur ses poings crispés. Il est essoufflé et son cœur cogne contre ses côtes. Ça y est, c'est dit. Et il n'est même pas soulagé. Même si c'était la chose la plus difficile qu'il ait jamais dite. Normal, à quoi il s'attendait ? Pas de réconfort pour les menteurs et les lâches. Ça, c'est juste.
KAGAMI
Il a l'impression de tomber dans un puits sans fond et la chute est rude. Ça ne devait pas se passer comme ça. Cette réponse ne faisait pas partie des possibilités. Aomine n'était pas gay.
Il est perdu, il ne sait pas quoi penser. Ça lui fait peur un peu. Parce que il n'est pas prêt. Après Levi il n'est pas prêt...
Ça devrait être une bonne nouvelle pour eux, mais vu la réaction d'Aomine... Ça ne semble une bonne nouvelle ni pour l'un ni pour l'autre.
Mais il ne veut pas que Aomine sorte de sa vie. Ni dans un an, ni jamais. Il n'est pas prêt à envisager une relation romantique avec lui. Mais il ne veut pas qu'il disparaisse de sa vie... Encore une fois. Il ne veut pas qu'il reparte au Japon sans lui et l'abandonne.
Il n'est pas sûr de tout comprendre. Lola sait ? Alors il se passe quoi pour eux ? Mais il est sûr d'une chose...
« T'es pas comme lui. T'as pas trompé Lola. Tu as pas cachée votre relation. Et tu as des remords à ne pas l'aimer comme il aurait fallu. Tu as fais des erreurs... Mais t'es pas un manipulateur... On est humain. On fait des mauvais choix... Parfois, on est lâche... Ça fait deux ans que je le suis... Alors je sais de quoi je parle... Parfois on ment... Je pratique aussi depuis presque dix ans alors ouais je sais... Mais tu n'es pas comme lui... Kuroko a raison... On se ressemble plus que ce qu'on croit toi et moi... »
Cette tirade l'a calmé un peu et il se sent un peu plus à même d'ordonner ses idées et de réfléchir à tout ce que Aomine a dit.
« Je suis surpris... Honnêtement, je t'aurais rien dit si... Si j'avais su... Pas par manque d'honnêteté mais parce que... Je suis pas prêt... Avec Levi c'est trop frais et trop... Douloureux. Ce que je ressens pour toi ça reste encore confus... Si j'avais eu un espoir j'aurais temporisé... Alors j'ai bien entendu ce que tu m'as dit. Et je suis pas d'accord... Je veux pas que tu disparaisses de ma vie, je veux pas t'oublier. Je veux... Continuer à jouer au basket avec toi. Je veux qu'on reste potes... »
AOMINE
Les mots de Kagami ne l'atteignent qu'à moitié. Mais suffisamment pour le mettre en colère. Tiens, ça faisait longtemps, ça. La colère aussi est un sentiment qu'il a toujours soigneusement refoulé.
« T'as déjà brisé le cœur de quelqu'un, Taiga ? Pas juste parce que y a des sentiments pas réciproques... Mais parce que t'as laissé croire que y en avait ? T'as déjà regardé le visage de quelqu'un à qui t'as menti et que si, t'as trompé ? Pas en allant voir ailleurs, mais c'est pas la seule manière de tromper. Jouer avec les sentiments des autres c'est encore pire. Tu comprends pas, putain... Quatre jours ont suffi. Quatre, Taiga. Je serai plus jamais le même. Je n'ai pas fait des "erreurs" et des "mauvais choix". Je me suis forcé à pas être gay. »
Il se calme un peu et reprend :
« Autrement dit, je viens de foutre en l'air tout ce que j'ai fait et dit pendant dix ans. T'es la deuxième personne au monde à savoir ce que j'ai dans la tête, et ça en moins de 24h. Et je peux pas défaire ça. Je peux plus revenir en arrière. Je peux plus faire semblant. Je viens de perdre tout ce à quoi je me raccrochais. J'ai joué et j'ai perdu et je mérite tout ce qui m'arrive. »
Il se prend le visage dans les mains et laisse passer quelques instants.
« Je suis désolé. Je voulais pas... retourner ça contre toi. Je suis juste... à bout. Si je pouvais, je partirais ce soir... » Il secoue la tête et souffle : « Et merde... »
KAGAMI
Non c'est vrai, il ne sait pas. Il ne sait pas quoi dire pour l'aider, le soulager. Il reste intimement convaincu que Aomine n'est pas comme Levi. Daiki est une victime. Il s'est fait bien plus de mal à lui-même qu'à quiconque. C'est triste pour Lola mais c'est un dommage collatéral de ce que Aomine s'est infligé à lui-même pendant tout ce temps. Il ne sait pas ce qui l'a poussé à refouler ce qu'il est vraiment comme ça, et il ne peut qu'imaginer la violence de ce déni
« T'excuse pas… T'as raison… Je sais pas… J'interprète les choses différemment mais j'suis pas à ta place. Moi j'vois juste… Que c'est à toi qu'tout ça fait le plus de mal. Je suis… Désolé pour Lola. Je… Je comprends sa douleur et tout mais c'est plus facile de surmonter une douleur infligée par quelqu'un que ce qu'on s'inflige à soi-même. Elle s'en remettra… Mais et toi ? J'm'inquiète pour toi… Je sais qu'on a vécu des choses différentes mais je peux peut-être te comprendre un peu… T'aider à accepter, changer... »
Il ne sait pas si se sont pas les mots que Aomine a besoin d'entendre. Mais il n'a pas envie de lui mentir. Et puis, en terme de cœur brisé, il maîtrise un peu son sujet. Ça fait mal ouais. Mais on finit par s'en remettre, même si c'est parfois long.
AOMINE
« Je sais pas, Taiga. Je sais plus rien... Comme je te l'ai dit... Je suis à bout. Finalement arrivé au bout d'une très longue route. Et paradoxalement je m'attendais pas à ce que ça arrive aussi vite. Et maintenant... Bah maintenant, je sais pas. Tu vois ce sac, là ? »
Il désigne du menton son sac à ses pieds.
« Je l'ai pris parce que je sais pas où je dors ce soir. »
Il rigole un peu.
« Hier quand je suis parti de chez toi... Je suis allé me saouler. En fin d'aprem le barman m'a demandé si je voulais qu'il m'appelle un taxi. J'ai dit non, parce que je savais pas où j'allais. Et voilà... Aujourd'hui c'est pareil. Comme je le lui ai dit... Je sais pas où je vais... Au sens propre comme au sens figuré. »
Il se marre encore, amèrement.
« Tiens, c'est la première fois que j'ai pas besoin d'avoir trop bu pour être pathétique... Fuck... »
Il se frotte le visage et fait de son mieux pour se ressaisir.
« Bref. Je suis content pour toi. Et.. c'est vraiment courageux de ta part. D'avoir pris toutes ces décisions. D'avoir parlé à ton père. De m'avoir parlé à moi. Je le pense sincèrement. Je suis désolé d'avoir eu cette réaction. Désolé que tu te casses les dents encore une fois, et en plus même pas de la façon dont tu t'y attendais... Au moins... les choses sont claires... j'imagine que c'est déjà ça. »
Et enfin, ce soulagement dont il avait tellement besoin, vient. Bon, c'est le genre de soulagement qu'on a quand quelque chose d'horrible s'arrête enfin, mais c'est toujours ça de pris. Il reste le silence et le vide. Et c'est encore préférable.
KAGAMI
Il hoche doucement la tête. Il comprend que Aomine a besoin de temps et peut-être d'un refuge, un lieu pour se poser et réfléchir avant de pouvoir repartir.
« T'excuses pas pour moi… Comme tu dis… C'est pas vraiment ce à quoi je m'attendais mais en quelque sorte ça fait pas grande différence. Excepté que j'aime pas te voir comme ça. »
Il indique le sac de la main.
« Tu peux venir chez moi…, il s'interrompt et se mord la lèvre, enfin je veux dire… Je sais que la situation est particulière… et potentiellement gênante en plus t'as probablement envie d'être seul. J'peux te laisser mon appartement. C'est pas comme si j'avais vraiment eu le temps de m'y installer tu vois… J'peux aller chez mon père quelques temps. »
AOMINE
Il secoue la tête.
« Non... Mes plans restent les mêmes. Je fais que passer. Je vais honorer ce contrat parce que j'ai pas le choix. Après, je rentre. Ce que je veux, c'est disparaître. Je laisse tomber, j'abandonne. J'ai atteint ma limite. J'ai plus envie de me battre. J'ai perdu, je te l'ai dit. J'arrête les frais. »
KAGAMI
Il a l'impression que Aomine lui laboure la poitrine à coup de couteau ou de marteau. Il reconnaît cette douleur. Cette envie de pleurer. Aomine lui brise le cœur, avant même que quoique ce soit ait pu commencer. Il réalise qu'il a trop mal pour que ce soit juste un crush. Il se contente de sourire tristement. Parce que là, il n'y arrive juste pas. Ça fait trop en deux jours. Et ce n'est pas aujourd'hui, ce n'est pas étant lui-même affaibli par son histoire avec Levi, qu'il trouvera les mots pour retenir Aomine.
« Je pensais au moins à ce soir par exemple… Ou la semaine. Je sais pas… Mais la saison elle dure plusieurs mois, tu vas pas dormir à l'hôtel tout ce temps.
— En fait la vérité moche c'est que je vais probablement récupérer mon appart. Je l'aurais bien laissé à Lola mais c'est moi qui le paie et elle va pas vouloir, évidemment, que je lui fasse la charité. Donc je suis pas à la rue... C'est juste temporaire. »
AOMINE
Il sait ce qu'il est en train de faire. Kagami lui a laissé une porte entrouverte et il vient de la lui refermer en pleine figure. Mais c'est mieux comme ça. Il vaut mieux tout arrêter avant que quoi que ce soit puisse commencer. Parce qu'il n'en fera rien de bon de toute façon. Ça évitera de faire plus de mal, de façon plus pernicieuse, avec le temps. Il préfère rompre tous les liens avant qu'ils ne se mettent à pourrir. Quand il rentrera... Il ne rentrera pas à Tokyo non plus. Il ne sait pas encore où il va aller, et surtout, ce qu'il va faire. Il avisera en temps voulu.
« Je suis... vraiment désolé. Je sais que ça vaut pas grand-chose. J'aurais aimé que ça se passe autrement. Mais c'était me bercer d'espoirs naïfs. Y a des gens qu'on peut pas sauver, et j'en fais partie. »
Il se lève et ramasse son sac, puis dépose un billet sur la table.
« J'avais promis de payer ce coup-ci... » Il a un sourire vague. « Prends soin de toi, Taiga. »
KAGAMI
Il n'a même pas la foi de répondre. Il ne le regarde même pas partir. Il est juste achevé. Il le voit du coin de l'œil disparaître dans les escaliers. L'espace d'une seconde il a envie de se lever et de le rattraper, de le secouer et de le supplier de pas l'abandonner, de l'embrasser…
Mais il ne fait rien de tout ça. Il reste là. Et quand Aomine n'a plus aucune chance de le voir, il laisse ses larmes couler. Ça lui fait mal. Ça lui fait dix milles fois plus mal que pour Levi. Parce que Levi a pris soin de le torturer sur la longueur, alors qu'il était déjà à bout et c'était finalement le coup de trop qui brisait ce qui restait d'une mascarade à laquelle il s'accrochait désespérément. Avec Levi, il avait plus mal à son orgueil qu'à son coeur brisé depuis longtemps. Alors que Aomine venait d'arracher ce qu'il restait de son coeur déjà bien abîmé.
Il cache son visage dans ses mains. Il comprend maintenant que son père a raison. Il n'a juste jamais réalisé et toutes ces années c'était Aomine qu'il attendait. Son basket, son amitié et son amour ?
Il le découvre et le perd dans la même heure. Et ça lui fait terriblement mal. Comment un truc qui n'a même pas existé peut être aussi douloureux ?
« T'as raison Daiki… T'es un lâche… »
Il reste là. Il n'a pas le courage de bouger. Quand un serveur s'approche, il commande un bourbon avec l'argent que Aomine a laissé, tant qu'à faire autant se saouler avec son fric.
AOMINE
Il hèle un taxi. Il s'assoit dedans. Demande qu'on l'emmène à l'hôtel le plus proche. Et une fois qu'il y est, il balance encore ses billets, obtient une clé, s'enferme dans sa chambre, rejoint le lit, même si on est en plein milieu de l'après-midi, rien à foutre.
Il a déjà été mal dans sa vie mais jamais comme aujourd'hui.
Mais c'est la conséquence logique d'une très, très longue suite de mauvaises décisions.
Ce qui devait arriver, arriva.
Il ne prend pas la peine de se déshabiller, de se laver, de sortir la moindre affaire de son sac. Il se met sous la couverture et attend. Comme toujours. Que l'inconscience vienne le libérer. Il a saccagé ses derniers espoirs et c'est le seul truc dont il est à peu près fier dans sa vie. D'avoir eu le courage de s'isoler définitivement. Maintenant... Il ne sait pas trop comment il est censé vivre avec, mais au moins, c'est fait. Bien sûr... Il restera encore ses amis, ses parents. Mais ce sera plus facile. Il suffira de disparaître progressivement. Tout ce qu'il doit faire, c'est tenir. Encore quelques mois.
Et comment tu comptes faire ça ?!
Je trouverai un moyen. J'ai toujours trouvé un moyen. Et si je le trouve pas... Tant pis. Personne me regrettera de toute façon. Enfin, si... Mais pas longtemps.
Il a toujours pensé qu'il ne servait à pas grand-chose, de toute façon. Et il vient de passer dix ans de sa vie à merder dans les grandes largeurs. Il a juste achevé le processus. Il ne s'en croyait pas capable, à vrai dire. De se détourner comme ça de tout espoir. Mais qui a besoin d'espoir, hein ? L'espoir c'est pas ça qui aide à se voir en face dans le miroir. Seulement à prolonger la torture d'en être incapable.
Alors, on pourrait se demander pourquoi dans ce cas il ne dort pas de la nuit, si ses décisions étaient aussi bonnes que ça.
Quelle importance, de toute façon. C'est trop tard pour y repenser. Le mal est fait.
KAGAMI
Il boit ce que le billet d'Aomine lui permet de boire. Ça ne suffit pas pour être ivre. Mais ça l'aide à se calmer. Il hésite à aller chez Levi juste pour lui défoncer sa gueule parce que tout est de sa faute de toute façon. Mais il a un peu peur que cette part de lui qui avait toujours courbé l'échine face à lui, le trahisse et qu'il se laisse aller à une mascarade d'étreinte amoureuse juste pour oublier sa douleur et sa solitude.
Il se lève, prend un taxi et rentre chez lui. Il se change rapidement et ressort pour aller courir, casque sur les oreilles, il se vide un peu la tête même son coeur reste lourd et il a l'impression de s'essouffler plus vite que d'habitude.
Il court deux heures. Il veut être certain d'être suffisamment fatigué pour dormir. Demain, c'est la première journée chez les Lakers. Sa vie sentimentale est un fiasco, mais il peut au moins essayer de réussir sa carrière. Alors il doit dormir et oublier ces derniers jours.
Il s'est épuisé. Il a mangé, beaucoup trop, pour combler le trou vide et glacial que Aomine a laissé derrière lui.
Et dans son lit la conversation de l'après-midi tourne en boucle dans sa tête. Comment c'est possible qu'il ait merdé à ce point ? Et quand il y repense ça brûle de nouveau ses tripes et son coeur est pris dans un étau glacé, des larmes inévitables reviennent le secouer.
C'est épuisé par le chagrin qu'il s'endort tard dans la nuit.
AOMINE
Vers trois heures du matin, il ne dort toujours pas, et il réalise qu'il est toujours en colère.
Très en colère.
Et ça a probablement joué dans ses réactions aujourd'hui. En colère contre qui, contre quoi ? Tout le monde. Et tout. Mais... Il réalise aussi que quand Kagami lui a dit qu'il voulait quand même qu'ils "restent potes"... ça l'a foutu dans une colère noire. Qu'il voit seulement maintenant, à trois heures du matin.
Good for you, Taiga. T'as fait ton coming-out, t'as décidé d'assumer, et tu t'es pas aperçu que le simple fait de te fréquenter pendant quatre jours avait foutu ma vie en l'air. Et tu veux qu'on reste potes ?!
Il réalise bien ses pensées. Il sait bien, au fond, que ce n'est pas de la faute de Kagami. Mais la colère reste intacte.
Il tourne en boucle. Toute une vie, tout une construction d'adulte à maladivement contrôler ses actes et ses sentiments. Et puis, quatre jours. Évidemment, c'est de sa faute, aussi. S'il n'avait pas commencé à se mêler de ce qui ne le regardait pas, rien de tout ça ne serait arrivé. Et maintenant il en arrive à le reprocher à Taiga. Ses propres manquements.
Il sait tout ça, mais il n'arrive pas à penser clairement.
Il attend encore une heure. À quatre heures du matin, il sort du lit. Il va se prendre un café dans le bar de l'hôtel ouvert 24h/24. Il se rappelle qu'il n'a même pas de quoi aller faire du sport aujourd'hui. Alors il attend encore. Quand le jour se lève, il va acheter ce dont il a besoin dans une boutique. Il trouve sur le chemin de retour un terrain de basket et joue tout seul. Et puis, il rentre à l'hôtel, se douche, rassemble ses affaires comme un parfait robot bien programmé et se rend à son nouveau boulot. Celui qui aurait dû être son rêve. Et pourtant, il n'a jamais autant détesté la simple idée d'aller quelque part. Il serre les dents. Même s'il n'y a plus aucune conviction dans son jeu, il se pense tout de même assez apte pour convaincre. Ça a toujours marché, après tout. Même au fond du trou... Pendant toutes ces années. Il ne suffit pas de grand-chose pour donner le change. Il peut continuer à le faire. Au moins pendant un temps. Il y arrivera. Il n'a pas le choix.
KAGAMI
Il se réveille à l'aube comme d'habitude. Il sent que le sommeil lui manque mais il se lève malgré tout. Il s'habille, mange un fruit et part courir une bonne heure. La routine bien huilée du matin, c'est bien, il n'y a pas besoin de réfléchir. Il rentre, se douche et se prépare pour participer à son premier entraînement avec les Lakers et... Aomine. En pensant à lui, son coeur se serre douloureusement.
Ça aurait du être un moment magique. I peine deux jours ils se faisaient une telle joie de jouer ensemble et de jouer pour cette équipe qu'ils admirent. Et finalement il a peur. Peur de revoir Aomine autant que de ne pas le revoir.
C'est paradoxal mais il a peur que Aomine ne soit pas là, qu'il soit vraiment parti... S'il est parti, il n'y aura plus aucun espoir d'arranger les choses.
Parce qu'il a beau être fatigué et blessé, il reste un optimiste. Il ne se laisse pas abattre comme ça. Il continue à lutter. Toujours. Il a juste parfois besoin de quelques jours à se recentrer sur lui-même pour retrouver la force de se battre pour les autres.
Il espère que Aomine sera là vraiment, même s'il sait que ce sera dur de le voir et de le regarder en face.
AOMINE
Il arrive fatigué et dégoûté, mais en principe, tout ce qu'on pourra lire sur son visage, c'est le manque de sommeil. Et mal dormir à la veille de son premier entraînement n'a rien d'improbable quand on est un jeune joueur recruté par les Lakers, ça a de quoi stresser n'importe qui.
On leur a donné rendez-vous sur le terrain pour faire les présentations. Et malgré le fait qu'il ait le cœur dans les chaussettes, ça lui fait un frisson de rencontrer des joueurs qu'il avait auparavant admiré à la télé. Il avait rêvé d'être comme eux. Maintenant, il sait que c'est hors de sa portée. Pas parce qu'il n'est pas un bon basketteur, mais parce qu'il n'a plus envie de se battre. Il n'a plus d'énergie, que ce soit pour le basket ou autre chose. A priori, ce n'est pas un problème fondamental. À la fin du collège, il jouait sans la moindre âme, la moindre étincelle de vie, et il gagnait quand même. Chez les Bulls, certes, ça avait été un peu plus compliqué que ça. Mais il avait réussi à s'en tirer assez honorablement pour se faire recruter par un autre club prestigieux alors qu'il n'y allait pas à fond. Là, cela dit, il ne se fait pas d'illusions. Il fera une saison correcte, sans plus. De toute façon, pour ce qu'il en a à foutre... Dès que le terme de son contrat arrivera... Il laissera tout tomber.
Il appréhende de croiser Kagami ce matin. Mais ils ont crevé l'abcès hier et maintenant, ce sera comme pour tout le reste : ça passera. Il a été on ne peut plus clair avec son ancien rival, même s'il ne lui a pas tout dit. Mais cette colère qu'il ressent... Il ne voit pas l'intérêt de l'exprimer. Elle n'est même pas légitime. Il en a dit assez pour se faire mépriser par Kagami, et c'est ça qu'il lui faut. Qu'il leur faut. Il a tué les sentiments de Kagami dans l'œuf, et ça, il ne le regrette pas. C'était la bonne chose à faire. Alors, quand il le voit se pointer sur le terrain, il ne l'ignore pas, mais ne manifeste rien de particulier non plus. Ils se connaissent, oui, et c'est tout. Ce qui importe maintenant, c'est le boulot. Il n'a jamais vraiment vu ça comme ça. Du boulot. Maintenant, oui. Et le plus important pour bon professionnel ? Être bon comédien. Heureusement pour lui, il excelle dans ce domaine.
KAGAMI
Il regarde Aomine mais il ne dit rien non plus. Pas parce qu'il veut l'éviter ou l'ignorer, mais parce que ce n'est ni le lieu ni l'endroit et parce que comme il l'avait pensé c'est encore trop douloureux pour lui.
Peut-être que les autres ne voit que de la fatigue sur les traits d'Aomine, mais lui il voit bien plus. Il voit la flamme qui a disparu, il voit la même attitude que la toute première fois où il l'a rencontré au collège. Cette attitude comme si Aomine était plus mort que vif et n'avait plus foi en rien.
La dernière fois, il l'avait sauvé de ça, simplement en jouant au basket. Mais cette fois, comment le sauver ? Ce n'est pas la foi du basket que Aomine a perdu. C'est... Il ne sait pas trop. Il ne comprend pas tout ce qui s'est passé pour Aomine. Mais il sait qu'il est en parti responsable. Même si honnêtement, il n'aurait jamais pu prévoir ça. Et s'il avait compris avant... Il aurait sûrement joué la partie autrement. On lui avait juste pas donné toutes les règles au départ.
Il ne sait pas comment il peut l'aider. Il n'est même pas sûr d'être celui qui peut l'aider. Et sans penser à ses sentiments pour lui, Aomine est quelqu'un d'important et qu'il n'aime pas voir comme ça. Déjà à l'époque... Ça l'avait pas mal chamboulé avant même de le connaître. Mais aujourd'hui, ils sont amis… En tout cas il espère l'être encore.
Il ne sait pas ce qui s'est passé avec Levi. Pourquoi ils en sont venus à ce que Lola le confronte à son déni ? Il a du mal à comprendre comment Aomine a pu se mentir à lui même aussi longtemps et avec autant de conviction ?
Ce qu'il s'est infligé à lui même est d'une violence inouïe, mais la mise au jour de son mensonge si bien travaillé, dont il était lui même si 'convaincu', est une chute encore plus violente.
Aomine a nié et refusé d'y croire pendant si longtemps... Aujourd'hui, c'est sûrement très difficile à accepter. La situation l'a forcé à faire face à la vérité. Visiblement il n'est pas prêt à l'affronter et fuit encore.
Taiga n'a pas envie de le laisser faire, égoïstement parce que si Aomine fuit c'est aussi, surtout peut-être le fuir lui, mettre le plus de distance possible entre eux. Et il ne veut pas que Aomine disparaisse de sa vie. Et moins égoïstement, il a peur. Peur pour Aomine. Peur de ce qu'il pourrait faire. Il ne peut pas vivre dans le déni toute sa vie, il se détruit.
Il a envie de se battre pour Aomine, mais il n'est pas sûr d'être la bonne personne. Ses propres convictions sont encore fragiles. Il reste convaincu qu'il a fait le bon choix pour lui-même pour repartir sur de bonnes bases, pour aller de l'avant. Mais il n'avait pas prévu que ça impacte Aomine... Pas comme de cette façon en tout cas. Et il s'efforce de ne pas regretter. Heureusement que la réaction de son père a été très positive, il n'ose pas imaginer dans quel état il serait aujourd'hui si son père l'avait rejeté.
Il quitte Aomine des yeux. Le coach est là. C'est le moment de faire le vide, de mettre ses problèmes personnels entre parenthèses. De toute façon, ce n'est pas ce matin qu'il trouvera la solution à ses tourments.
AOMINE
Quand la première journée se termine, il est dans un état d'épuisement tellement intense qu'arrivé en bas de chez lui, il lui faut cinq minutes pour se rappeler de son putain de code.
Quand il se souvient, ça lui fait mal au cœur, parce que ça lui rappelle sa première soirée avec Kagami.
Le chiffre du diable, et un B comme Bakagami.
Il a prévenu Lola qu'il venait, mais quand il arrive, il constate que toutes les affaires de la jeune femme ont disparu. Et il est même trop fatigué pour chialer. Trop fatigué pour penser. Trop fatigué même pour se saouler. Alors il va se mettre au lit, éteint son portable et finit par s'endormir en regardant une série.
KAGAMI
La journée s'est déroulée sans accroc comme on dit. Il a bien joué. Il a montré ses capacités mais pas trop il découvre encore l'équipe alors il est prudent. Les coéquipiers ont l'air sympa. Pour le premier jour en tout cas, rien à redire.
Il a surveillé un peu Aomine au début, mais l'intensité de l'entraînement lui a rapidement accaparé tout son esprit et honnêtement ça lui a fait beaucoup de bien de ne plus avoir à réfléchir et de simplement ressentir, laisser son instinct, ses réflexes parler pour lui.
Il est fatigué ce soir. Il se prépare un repas copieux pour combler sa faim, le sport ça creuse, et le vide aussi en lui, qui revient au galop maintenant qu'il est seul.
Il mange en regardant la télé, pour ne pas cogiter. Il prend l'appel de son père et lui raconte cette première journée. Et il évoque sa rencontre avec Aomine la veille, mais il reste vague. Il n'a pas envie d'y penser. Et peut-être qu'il a choisi de ne plus se cacher, néanmoins parler reste un exercice avec lequel il n'est pas familier.
Quand il se couche, c'est un sommeil agité qui le rattrape rapidement.
AOMINE
Le lendemain, il a un peu récupéré mais le mental n'y est pas, et c'est dur de se lever. Quand il rallume son portable, il voit que Satsu lui a laissé des messages. Il ne répond pas. Il ne sait pas quoi lui dire. Même si, il doit bien l'admettre, les derniers événements feraient un épisode d'enfer pour le feuilleton de sa vie suivi par Ryota et Satsu. Il s'est battu, il a fait son coming-out, plus ou moins, reçu une déclaration, en a fait une (plus ou moins encore une fois) et s'est fait larguer par sa copine. Full drama ! Mais il n'a pas envie de raconter tout ça. Et puis de toute façon, raconter tout ça, ça voudrait dire révéler à ses amis qu'il a menti toute sa vie, et il se sent déjà assez mal comme ça. Il ne veut plus parler, de rien, à personne. Il en a déjà trop fait, ou pas assez, il ne sait même plus. Quelle importance maintenant, de toute façon... Les regrets, les remords... où ça va le mener ? Alors il préfère tout débrancher, se murer dans le silence à nouveau.
Mais est-ce que ce n'est pas recommencer à faire semblant ? Est-ce que ce n'est pas une autre manière de mentir ? Et puis... Au fond il sait bien qu'il ne peut pas vivre comme ça, totalement seul. Qui le pourrait ? Mais pour l'instant il ne sait pas quoi faire d'autre. Recréer ou entretenir des liens lui semble plus douloureux que de ne rien faire du tout.
Il l'a senti venir. Ce moment où il allait se fracasser sur les rochers. Maintenant, il a simplement la sensation d'avoir été brisé en mille morceaux, et il a l'impression que plus rien ne pourra jamais réparer ça.
Il sait bien ce que c'est, ce sentiment. Du désespoir. Il sait aussi que s'il le traîne trop longtemps... ça le détruira. Mais pour l'instant, il ne voit pas d'issues. Toutes celles qui existaient, il les a condamnées. Il se punit pour tout ce qu'il a fait, ou pas fait. Il est désespéré parce que c'est tout ce qu'il mérite.
On ne va nulle part avec ce genre de raisonnement, mais est-ce qu'il veut seulement encore aller quelque part ?
