Yo,
R.A.R :
Bouh-ahh : Merci beaucoup pour ton suivi régulier. Je suis ravie de voir que l'histoire t'intrigue et que les personnages te plaisent. Excuse-moi, j'ai un peu de retard pour ce chapitre, et parfois du mal à me motiver. Merci pour ta présence.
Voici le chapitre 6 de l'acte I.
Bonne lecture !
Le Lendemain,
Demeure de Kenpachi Zaraki
— On va être en retard.
Ichigo mordit sa lèvre et gonfla ses joues. C'était un rictus qu'il avait quand on le pressait de se hâter. Grimmjow devait avouer qu'il en jouait parfois. Le rouquin ne s'était pas réveillé à l'heure ce matin et Yumichika n'avait pas été là pour le sortir de son futon. Brusquement appelé par Zaraki en bas des escaliers alors que les deux autres garçons finissaient leur petit-déjeuner, Ichigo avait dû se hâter pour se préparer.
Maintenant, il brossait ses cheveux avec ardeur mais sans succès apparent. Grimmjow, appuyé à l'épaule contre le chambranle de la porte de la salle de bain, le regardait s'acharner avec amusement. Yumichika n'y arrivait pas vraiment mieux habituellement. Cela interpella le brun : il se demanda soudain pourquoi lui et Ikkaku n'étaient pas là ce matin. Il était encore tôt et il ne les avait pas même vus en se levant. Auraient-ils dormi à l'extérieur ? Soudain, la perspective de les imaginer dans les bras d'une compagne chacun fit rougir Grimmjow. Impossible ! Ikkaku était sans doute trop nerveux et sang-chaud ; Yumichika trop perfectionniste et pointilleux ; pour tous deux se trouver une compagne. À deux, ils faisaient la paire mais aucune autre équation n'était possible. Mais tout à coup, en les imaginant former un couple tous les deux, le rouge de ses joues monta jusqu'à la pointe de ses oreilles.
— Qu'est-ce qui te fait rougir comme ça ?
— Q-quoi ? Je rougis pas !
— Si, tu es tout rouge, tu as chaud ?
— Mais non, idiot ! C'est… Il y avait des poivrons dans le riz ce matin, tu sais bien que ça me fait toujours ça ! Maintenant active-toi, Ulquiorra nous attend !
Et il quitta la salle de bain d'un pas assuré. Ichigo haussa les épaules et reposa la brosse à cheveux en soupirant.
— Hm ? Il n'y avait pas de poivron… constata-t-il d'une petite voix innocente.
Il se regarda un instant dans le miroir de fortune, cassé par endroit, qui pendait contre le mur. Sa coupe irait bien pour aujourd'hui. Après une rapide évaluation de son image, il se sentit prêt à partir.
Quand il sortit de la salle de bain, il vit Grimmjow se faire confier une lettre par Zaraki. Son frère la plongea au fond de sa poche et enfila ses chaussures. Ichigo arriva au pas de course pour se préparer aussi. Il salua son tuteur qui en fit vaguement de même et les trois garçons se retrouvèrent sur le chemin de l'école.
— Dépêchez-vous, je ne veux pas arriver en retard ; prévint Ulquiorra.
Le garçon tentait de faire de grandes enjambées mais, avec ses petites jambes, le résultat était plutôt médiocre.
— Relax ; reprit Grimmjow ; le prof va pas nous tuer si on a une ou deux minutes de retard. Surtout si c'est à cause d'Ichigo !
— Hey !
— J'y peux rien, t'es le chouchou !
— C'est pas vrai !
— C'est une question de politesse ! intervint brutalement Ulquiorra ; Arriver en retard, c'est manquer de respect au professeur ! Toi, Ichigo, tu devras t'excuser ! Et puis, il ne faudra plus que ça recommence ! Tu t'es pris pour une marmotte ce matin, ou quoi ? Tu savais très bien que…
— Du calme, Ulqui', il a compris je crois ; coupa court Grimmjow en passant sa main sur le visage du petit brun pour lui couvrir la bouche.
— Mh, je ferai plus gaffe, Ulqui' ; prévint Ichigo avant de poursuivre ; c'est quoi que tu as dans ta poche Grimm' ?
— C'est pour ses médoc'. On devra aller lui chercher à la fin des cours.
Ichigo acquiesça gravement et Ulquiorra reprit son sempiternel sermon, moqué par Grimmjow de temps à autre sur tout le chemin.
La journée à l'école se passa bien. Urahara ne reparla pas des recensements aux enfants, ni même en privé. Les trois garçons se doutaient pourtant qu'Urahara avait été mis au courant par les autres Pasteurs présents de l'interrogatoire musclé qu'avaient reçu Ulquiorra et Grimmjow. Le Professeur fit plutôt mine d'oublier cet évènement avec de grands sourires et des activités ludiques plutôt que de longs exercices de calcul et d'écriture. Ce ne fut pas pour déplaire à Grimmjow. Néanmoins, on ne parla que de ça dans la cour de récréation. Les recensements ne s'étaient pas non plus mieux passés pour les autres enfants. Plusieurs filles avaient pleuré en entendant leur Sinner hausser la voix, un garçon s'était évanoui pendant l'examen médical, une autre avait reçu une gifle en voulant quitter les lieux avant la fin de son recensement et un autre encore avait été fessé après avoir éternué sur le registre. Un garçon absent de la classe s'était apparemment fait frapper par son père quand il lui avait dit que le Pasteur l'avait trouvé trop maigre et que c'était donc de sa faute.
— Je ne me sentais pas du tout à l'aise avec ses Sinners autour de moi. Ils sont tellement grands et… impressionnants ; dit Orihime.
— Si tu fais un high kick assez haut, Hime, il y a moyen que tu le dérouilles comme il faut tu sais ? informa Tatsuki en joignant le geste à la parole, portant sa jambe dans le vide d'un coup sec.
— Tu ne devrais pas dire des choses comme ça, Tatsuki ; rappela Grimmjow
— J'suis pas folle, caïd ! Mais s'ils osent toucher à toi, Hime, j'hésiterai pas !
— Ahah, ne t'inquiète pas autant, Tats' ! Et puis, il y a mon frère qui m'attendait dehors, alors je n'ai plus eu peur après.
Tatsuki ne parut pas très satisfaite et se contenta de hausser les épaules tout en retravaillant ses high kicks.
— Vous avez été interrogé ? dit Chad.
C'était une évidence. Ce qu'il voulait savoir, c'était s'ils avaient fini en un seul morceau. Grimmjow le comprit aisément et, comme il ne devait rien dire, se contenta d'un « ouais, comme tout le monde » tandis qu'Ulquiorra baissait la tête en gardant le silence.
— Ils ont été plutôt insistants avec moi ; informa Chad, ce qui ne manqua pas d'alerter Grimmjow.
— Pourquoi ça ? Qu'est-ce qu'ils t'ont demandé ? demanda-t-il, piqué de curiosité.
— Je suis le petit-fils du responsable des Forges et ils enquêtent sur des faux-monnayeurs qui utilisent le feu pour fabriquer leur plaque… Pas étonnant qu'ils veuillent en savoir plus. Ils m'ont demandé ce que je faisais le week-end, qui je voyais en dehors de l'école, quelle était ma relation avec mon grand-père ou encore si je savais construire des plaques…
— Han ! Ne me dis pas que tu es soupçonné ?! se scandalisa Orihime.
— Non, je ne pense pas… Mais on a la preuve qu'ils n'écartent aucune piste. Ils pourraient bien accuser un enfant s'ils le souhaitaient. Je pense qu'ils iraient même à le punir.
— Mais la Loi… ; osa Ichigo, peu sûr de lui ; dit que ce n'est pas... possible, hein ?
Tout à coup, Grimmjow repensa aux paroles de Zaraki :
— T'avises pas de t'énerver ou de manquer de politesse aux Sinners. Ne penses pas que comme t'es qu'un gosse ils te feront rien.
— Ils peuvent s'en prendre… aux enfants ?
— J'ai jamais vu ça mais ça pourrait bien arriver. Pour apprendre à certaines têtes brûlées le respect des castes, il faudrait user de la manière forte.
Un Freak qui pouvait devenir Dog, un Dog qui menait une dangereuse insubordination et enfin des Sinners qui se croyaient tout-permis… Le système des castes était-il vraiment fiable ?
L'après-midi se passa plus calmement et les enfants oublièrent finalement les Sinners en s'amusant à l'Ecole. Tous étaient sans doute d'accord pour dire que c'était un endroit merveilleux. Les enfants se retrouvaient et appréciaient être loin des parents, loin des tuteurs, loin du travail, loin des castes. Urahara ne donnait jamais l'impression d'être deux castes au-dessus d'eux. Il n'avait jamais une attitude hautaine ni orgueilleuse. Il ne s'imposait jamais par sa caste mais seulement par son titre de professeur. Il ne portait pas non plus son costume traditionnel de Pasteur ni de riches habits ou bijoux luxueux. Seul son bracelet argenté rappelait sa caste mais il abordait une tenue aussi simple que celle d'un Dog et ne rajoutait aucun apparat. Les enfants n'avaient pas de raison de le craindre et tous l'adoraient.
— Je vous laisse pour aujourd'hui, nous avons bien travaillé ! Et ne tardez pas trop pour commencer à chercher vos sujets ! Trouvez avec votre binôme un métier qui vous plairait et faites-en un bel exposé à la classe ! Je compte sur vous !
Les enfants quittèrent lentement l'école et plusieurs groupes se formèrent à l'entrée pour discuter du fameux sujet d'exposé. Grimmjow en était déjà lassé. Autant il pouvait paraître gueulard et extraverti, autant passer devant ses camarades à l'oral sur un sujet qu'il ne connaissait presque pas pour obtenir une note était tout à coup beaucoup plus intimidant. Il ne savait même pas de quoi il aurait envie de parler. Il fallait être deux pour le projet. Il suivrait sans doute ce que voudrait faire son camarade.
En parlant de camarade, l'un d'eux ne semblait pas le suivre vers la sortie. Ichigo était debout à sa table et semblait attendre Orihime qui, rougissant et joignant ses mains près de son visage, semblait peiner à lui dire quelque chose.
— Ichi' ? Tu viens ?
Ichigo se tourna vers lui. Son regard était plus concentré et sa réponse fut sans appel :
— Pars devant ! Je te retrouve dehors.
Grimmjow se sentit étrangement blessé par ce ton neutre et resta un instant immobile à regarder les deux rouquins à quelques mètres de lui. Orihime parlait mais il ne pouvait rien entendre. Les derniers enfants sortaient et il n'y aurait bientôt plus qu'eux dans l'école. Pourquoi restaient-ils plantés là ? Qu'est-ce qu'Orihime pouvait bien lui dire de si important que cela ne pouvait pas attendre d'être dehors ? Pourquoi cette conversation avait tout l'air d'être secrète ?
— Alors Grimmjow, tu tiens à rester ici pour la nuit ?
C'était Urahara qui rangeait les feuilles, crayons et jeux dans la grande armoire près de la porte d'entrée de l'école. Grimmjow se figea et grimaça, comme pris sur le fait.
— N-non ?
— Aaah, je vois ! Tu as envie de m'aider à ranger toutes ses affaires, n'est-ce pas ? Je me disais justement qu'il fallait que je réorganise l'ensemble de l'armoire ! Tu le ferais pour moi ?
Grimmjow se crispa tout à coup :
— Euuh… J'peux pas, Prof', je dois aller faire une course !
Comme pour attester de la vérité de ses dires, il brandit la lettre qu'il avait gardée toute la journée dans la poche. Urahara, taquin, fit une mine triste et prit une voix théâtrale :
— Ah, je vois, je vois ! Quelle tristesse ! Mais tu peux venir quand tu veux, hein ? Tu le sais, ça ?
— Euh… Ouais, ouais ! Mh… À demain, Prof' !
Et finalement, Grimmjow quitta les lieux et retrouva Ulquiorra dans la cour :
— Je croyais qu'on ne devait pas trop traîner.
— Dis-le à Ichigo ! Il reste depuis une plombe à l'intérieur !
— Où est Orihime ? Elle ne serait pas partie sans me dire au-revoir, hein ?
Tatsuki, l'œil attentif, scrutait tous les environs avec une main en visière collée au front. Chad, plus pragmatique, répondit :
— Elle est à l'intérieur avec Ichigo sans doute.
Grimmjow soupira :
— J'en ai marre. Attendre les uns, faire des courses pour les autres… ; scanda-t-il en agitant la lettre ; quand est-ce que je me repose moi ?
— Tu exagères ; répliqua Ulquiorra ; ce n'était pas une journée trop épuisante pour toi !
— Qu'est-ce que tu insinues ?!
— Allons, Grimm', on sait tous que tu es meilleur en dessin qu'en dictée ! se moqua Tatsuki ; tu as eu l'air de bien t'amusé en arts plastiques !
— Quoi ? Mhmgrn… Pas plus que toi ! Et tu es toujours aussi nulle à ce que je vois !
— Han ! Comment oses-tu ? J'ai eu une meilleure note que Renji ! On peut dire que j'ai surpassé le Roi !
— Hum, un coup de chance…
— Stop ! finit par dire Ulquiorra en les séparant physiquement ; arrêtez de vous chamailler ! Vous pouvez pas vous parler sans crier ou quoi ? Je crois avoir compris pourquoi Orihime et Ichigo parlent ensemble. C'est à propos de l'exposé.
— Quoi ?! hélèrent Grimmjow et Tatsuki ensemble.
Soudain, deux têtes rousses apparurent. Orihime, toute rouge, se cachait les joues avec ses mains. Ichigo, avec un grand sourire, expliqua au groupe :
— Orihime et moi faisons l'exposé ensemble ! Nous allons nous intéresser à la Bibliothèque, puisque son frère y travaille. C'est une chouette idée, non ?
Il y eut un court silence.
— QUOI ?! s'écrièrent en cœur Grimmjow et Tatsuki.
Ichigo perdit soudainement son sourire. Pourtant, il était sûr que ce sujet ferait des jaloux car il se sentait chanceux de découvrir la Bibliothèque.
— Tu vas travailler avec elle ? voulut s'assurer Grimmjow.
— Pourquoi Orihime ?! se lamenta ostensiblement Tatsuki ; Pourquoi tu m'as fait ça ?! Tu ne voulais pas travailler avec moi ? Je n'ai pas d'assez bonnes notes comme Ichigo, c'est ça ?
Orihime leva les mains en signe d'apaisement et sourit de manière bienveillante en rassurant comme elle put Tatsuki qui affichait une mine déconfite :
— Mais non, Tatsuki, mais c'est vrai que… je travaille bien avec Ichigo en cours alors… comme je savais qu'il aimait les livres… je me suis dit que ça pouvait l'intéresser…
Les deux enfants dépités restèrent un instant les yeux rivés sur elles, la mâchoire tombée par terre. Tatsuki était au bord des larmes tandis que Grimmjow ressentait une colère gronder au creux de son ventre et dirigée de manière irrationnelle vers Orihime. Au final, il se retint car il comprit que c'était absurde de se plaindre de cela. Il avait l'habitude de travailler avec Ichigo en groupe mais ce n'était pas si grave d'être séparé de lui pour un simple exposé. Il se tourna donc vers Ulquiorra, mains dans les poches :
— Bon alors nous voilà ensemble. Sois pas trop dur avec moi, et je te laisse choisir le sujet.
— Je suis désolé Grimmjow, mais je suis en binôme avec Chad pour l'exposé. Nous l'avons décidé en vous attendant.
Il y eut un nouveau silence. Puis des exclamations et des pleurs des deux côtés quand Grimmjow et Tatsuki comprirent qu'ils devraient travailler ensemble. Le garçon réfléchit à toute vitesse pour connaître quelqu'un d'autre de la classe mais peu de monde l'appréciait ou se fierait à lui pour travailler en duo. Du côté de Tatsuki, ces efforts pour trouver des filles libres furent vains, tout le monde était déjà en binôme.
— Aargh, me dites-pas que je vais devoir me taper le cancre ?!
— Eh, tu t'es vu la tache ? Et puis, je suis pas un cancre !
Tatsuki semblait ne plus l'écouter et faisait semblant de pleurer sur l'épaule d'Orihime, comme pour lui faire comprendre toute l'horreur de sa destinée. Cette réaction, aussi comique pouvait-elle passer, finit par énerver Grimmjow qui se sentit vexé. Ni une, ni deux, il saisit les poignets d'Ulquiorra et d'Ichigo pour quitter le groupe une bonne fois pour toute :
— Continue de chialer sur ta copine, nous on se casse ! On règle cette histoire demain !
Les deux autres enfants, projetés dans la foulée du premier, finirent par prendre le rythme et enjamber la cour en quelques secondes. Lorsqu'ils entrèrent dans une avenue, Grimmjow les lâcha. Ulquiorra soupira en ajustant sa manche froissée par la poigne de son frère :
— Toute cette histoire pour un exposé, franchement ! C'est ridicule…
— Peu importe, je verrai avec elle demain. Si elle me met des bâtons dans les roues à longueur de journée, ça va mal finir…
— Allez, du calme, Grimm' ; dit Ichigo d'une voix douce ; ce n'est qu'un exposé et puis Tatsuki est une fille super forte ! Il faut juste que vous arrêtiez de vous taquiner sans cesse…
Grimmjow acquiesça timidement en grimaçant et finit par hausser les épaules. Puis, en marchant silencieusement, il comprit que ni lui ni Tatsuki n'avait de raison de s'insulter ou de croire que l'un ou l'autre serait mauvais pour ce travail. C'était plutôt l'idée de ne pas être en binôme avec la personne qu'ils souhaitaient qui leur faisait perdre le contrôle. Il regarda Ichigo. Était-il plus heureux de travailler avec Orihime qu'avec lui ? Il stoppa net ses pensées et jeta d'un coup de pied le premier caillou qu'il vit sur son chemin. Il ne voulait pas connaître la réponse.
Ulquiorra, Ichigo et Grimmjow se dirigèrent vers la Maison des Shiba qui vendait les médicaments dont Zaraki avait besoin. Le chemin fut silencieux, notamment pour Grimmjow qui avançait tête bêche, les mains dans les poches. Ulquiorra en fut assez surpris. Non pas de le voir énervé à l'idée de ne pas être avec Ichigo pour le travail de recherche mais plutôt de le sentir si distant. D'ordinaire, il aurait ronchonné des heures durant ou tenté d'agacer la personne-même à l'origine de sa colère. Mais il n'avait rien reproché à Ichigo. Il s'était juste tu et avait ouvert la marche.
La maison des Shiba était une grande baraque en bois, bien plus grande que celles habituelles des Dogs mais tout aussi vétuste. A l'intérieur, vivaient trois frères et sœurs qui travaillaient ensemble. Tout au long de l'année, ils étaient pharmaciens et proposaient leurs médicaments aux plus démunis. Pendant les fêtes religieuses, ils s'improvisaient chefs artificiers pour offrir de beaux spectacles dans le ciel étoilé. C'était Kaien, l'aîné, qui avait eu l'idée de ces feux d'artifice. Il avait travaillé des mois entiers à la confection de ces feux. Au premier spectacle, les Pasteurs furent conquis et les Lords, qui avaient critiqué la démarche jugée trop périlleuse, avaient aussi fini par accepter. Dangereux ou pas, ces feux étaient chaque année très attendus par les Dogs et adultes comme enfants s'émerveillaient de ces spectacles lumineux.
Kûkaku était la seconde. Elle était assez terrifiante pour les enfants qui l'appelaient souvent la "sorcière rouge". Si son sourire carnassier et sa voix grave suffisaient à terrifier les plus jeunes qui pensaient trouver une sorcière, le rouge venait quant à lui de la couleur de ses paumes de main. Plusieurs fois attaquées par les produits chimiques utilisés, elles s'étaient peu à peu abîmées et la chair avait brûlé à vif. Aujourd'hui, elle bandait ses mains et ses bras jusqu'aux coudes mais le surnom lui était resté.
Ganju était le plus jeune des trois. Il était d'un naturel plus teigneux que son frère Kaien et moins ingénieux que sa sœur Kûkaku mais il restait sympathique et de bon foi.
— Voilà les trois petits monstres en missive pour Kenpachi, j'parie ! cria soudain une voix féminine.
Kûkaku, assise sur le banc qui bordait la façade avant de la maison, était en train de nettoyer des étranges ustensiles dans une bassine d'eau. Elle s'était arrêtée pour les accueillir alors qu'ils étaient encore à dix bons mètres de la maison. Il semblait qu'elle pouvait tout entendre ou tout prévoir.
— Tch, c'est qui le monstre exactement ? chuchota Grimmjow pour lui-même, mal à l'aise de la voir, notamment à cause de la poitrine généreuse qui coulait dans son décolleté alors qu'elle était encore penchée vers sa bassine d'eau.
Il reçut soudain un coup de coude dans les hanches de la part d'Ulquiorra. Il s'attendait à une remontrance qui ne vint pas. Son frère le regardait juste avec des yeux blasés et la main droite ouverte à lui.
— Donne-moi l'ordonnance au lieu de la broyer dans ta poche ; dit-il d'une voix toute aussi peu enthousiaste.
Grimmjow, légèrement surpris, obtempéra. Si Ulquiorra voulait s'occuper de cette affaire à sa place, il en était bien soulagé. Le petit brun avança pour aller souhaiter le bonjour à Kûkaku. Ichigo en fit de même, avec sa voix toujours joyeuse, tandis que Grimmjow traîna des pieds jusqu'à elle.
— Et toi, gamin ? Tu ne me dis pas bonjour ? Je ne crois pas que Kenpachi t'ait appris à manquer de respect à tes aînés !
— B'jour.
—Excusez-le, nous sortons de l'école. Il doit être fatigué ; expliqua Ulquiorra.
— Huh, fatigué ! Vous devriez travailler pour de vrai, une fois, vous verriez ce que c'est la fatigue ! Hein, Grimmjow ?
— Ouais, sans doute...
Une chose était sûre : il n'irait pas faire son exposé au sein de la Maison Shiba !
— Bon, qu'est-ce que je peux faire pour vous ? fit Kûkaku en posant son matériel sur le banc pour qu'il sèche avant de s'essuyer les mains dans les pans de son tablier gris.
— Nous aurions besoin de ça, s'il vous plaît. C'est pour notre tuteur.
Elle prit la feuille d'Ulquiorra et la consulta brièvement. Tout à coup, ses sourcils se levèrent, marquant une légère surprise. Elle soupira et les incita à rentrer d'un coup de menton.
L'intérieur était tout en bois mais l'odeur avait disparu au profit d'essences plus chimiques qui piquaient le nez. Peu de lumière traversait les fenêtres car la fumée des préparations avait fini de les ternir. On entendait çà et là des glougloutements de potions et un feu qui craquelait. Les murs étaient envahis de grandes étagères pleines de livres plus ou moins bien rangés. Le reste de la pièce présentait des grandes tables carrées sur lesquelles s'étalaient de grands dépotoirs, remplis d'ingrédients divers et variés, de la verroterie utilisée en préparation et de multiples feuilles volantes, tantôt écrasées contre des chaudrons, tantôt utilisées pour étaler des plantes et des poudres. Les trois enfants restèrent côte à côte à l'entrée. La pièce leur faisait véritablement penser à l'antre d'une sorcière qu'ils avaient découvert dans les livres d'image. Ils sursautèrent quand un chat grimpa sur une table pour les fixer de ses deux yeux jaunes vifs.
— Kaien !
Il fallut pour Kûkaku répéter deux fois le prénom de son frère pour qu'il daigne enfin apparaître de derrière une porte, un torchon entre les mains et le tablier plutôt sali par de récentes activités.
— Te voilà enfin ! Une lettre pour toi...
— Désolé, tu sais bien que je n'entends plus rien quand je me concentre !
Quand il eut pris la lettre, Kûkaku resta là, immobile après avoir mis ses mains sur ses hanches.
Kaien comprit en la voyant devant elle que ce n'était pas une simple lettre. Puis, en penchant sa tête sur le côté, il découvrit trois visages familiers à la porte.
— Oh, les enfants ! Ça faisait longtemps ! Venez, entrez, vous n'allez pas attendre devant la porte !
Les enfants ne pouvaient pas vraiment dire qu'ils connaissaient Kaien Shiba. Ils venaient simplement là depuis le plus jeune âge pour prendre des médicaments car, de toute évidence, ils avaient toujours connu Zaraki avec une canne. Mais, même s'ils n'avaient rien d'intime avec cet homme, le pharmacien avait toujours été bienveillant envers eux, chaleureux et souriant. Il devait avoir bientôt la trentaine à présent mais il semblait que sa bonne humeur naturelle ne lui avait jamais fait défaut.
Il agita les bras pour les inviter à entrer. Les trois garçons, mal à l'aise, ne savaient pas vraiment quoi faire. Ils ne passaient jamais beaucoup de temps ici et étaient souvent accompagné de Yumichika d'habitude. Le dimanche, lors des courses, il n'était pas rare qu'il passe chez les Shiba. Les garçons n'avaient pas d'autre choix que de suivre. La transaction se faisait rapidement, sans même qu'ils n'aient besoin d'entrer. Là, pour ainsi dire, ils ne savaient pas vraiment où se mettre. Tout était encombré du sol au plafond. Kûkaku, après avoir râlé un coup face à l'hésitation des trois garçons, se mit en tête de dégoter trois chaises pour eux. Elle dut empiler encore plus les livres sur la table pour les dégager et leur proposer. Kaien la regardait avec sympathie.
— Tu ne crois tout de même pas que je vais faire le thé encore ? lança-t-elle.
Kaien eut l'air surpris du ton sec après cet élan de gentillesse mais cela le fit rire. Kûkaku, rapidement excédée, sortit dehors reprendre son nettoyage.
— Venez, asseyez-vous, il doit rester du thé quelque part.
Les garçons prirent place et attendirent. Kaien avait repassé sur le feu la théière en fonte mais il ne fut pas assez patient. Le thé vert était tiède. Ichigo et Ulquiorra burent sans rien dire et Grimmjow posa son verre sur un coin libre de la table.
Kaien lisait attentivement la lettre. Il avait perdu son sourire habituel et fronçait légèrement les sourcils. Grimmjow se dit en le voyant que ce visage-là, plus fermé et concentré, devait sans doute faire partie intégrante de la personnalité de Kaien. Il devait parfois le cacher derrière de trop grands sourires. Tout à coup, il lui parut que la lettre parlait d'autres choses que des douleurs de Zaraki.
Pour autant, à la fin de sa lecture, il plia la lettre et la rangea dans sa poche. Puis il leur sourit comme si de rien n'était.
— Ne bougez pas, je vais vous chercher ça. Kenpachi semble avoir fini les provisions que je lui avais données.
Il se leva et disparut dans ce qui devait être un laboratoire.
— Il avait l'air bizarre en lisant la lettre ; observa Ichigo.
Grimmjow bondit sur l'occasion, trop heureux que quelqu'un ait la même impression que lui :
— Il lui a écrit quelque chose de plus...
— Qu'est-ce que vous racontez ? ne put s'empêcher de critiquer Ulquiorra.
— Kaien était très concentré sur la lettre ; expliqua Ichigo.
— Et alors ? Zaraki est un client ici, Kaien se concentre juste pour bien faire son travail.
— Mais il le connaît bien depuis le temps ! Je suppose que ce sont toujours les mêmes médicaments !
— Peu importe... C'est une lettre personnelle, peut-être que Zaraki a des problèmes de santé en ce moment...
— C'est lié à tout ça... ; coupa Grimmjow, perdu dans ses réflexions.
Ulquiorra sentit ses épaules se dresser et un frisson parcourir sa nuque. Comme à chaque fois que Grimmjow voulait parler de "ça" - ce qui correspondait au meurtre terrible du Freak en pleine nuit sous leurs yeux - Ulquiorra se sentait mal à l'aise et tentait de substituer sa peur à une colère sourde :
— Tu t'imagines des choses, Grimm', arrête de continuellement lier les événements soit disant "bizarres" entre eux ! Quel serait le rapport entre cette agitation des Sinners, notre tuteur et un pharmacien ? Tu ne tournes pas rond... Et puis, ce ne sont pas tes affaires ! Qu'est-ce que tu vas faire ? Demander la lettre pour la lire et en avoir le cœur net ? Tu n'aurais pas honte ?!
— J'ai jamais dit ça Ulqui'... C'est juste que j'ai l'impression depuis quelques semaines que les choses sont différentes de d'habitude... Tout le monde paraît sur ses gardes, à commencer par toi...
— Quoi ?! Tu...
— Ce n'est pas un reproche. Mais je ne peux pas m'empêcher de penser que les adultes cachent quelque chose...
Ulquiorra dut avouer que Grimmjow n'avait pas tout à fait tort, encore une fois. Il lui donnait raison mais ne voulut pas l'avouer à haute voix. Il se contenta de soupirer et de hausser les épaules.
— Ne te fais pas remarquer avec tes impressions ou tu risquerais de finir dans de beaux draps...
Il n'arrivait pas à le contredire. Il ne pouvait pas s'empêcher de lui faire la morale à chaque fois, mais plus par crainte que par conviction.
— T'inquiète Ulqui', j'ai bien compris la leçon la dernière fois. Je ne nous mettrai jamais en danger.
Ulquiorra tourna la tête pour ne pas montrer à Grimmjow que sa remarque lui faisait plaisir. Ces derniers temps, il avait mûri et semblait plus courageux ; ou disons, moins téméraire. Le petit brun ne pouvait s'empêcher de penser qu'il préférait cela au caïd d'antan, même si cette maturité s'était faite à la suite d'un sinistre épisode.
Kaien revint enfin de son laboratoire et les enfants se turent. Il leur montra un petit baluchon en toile rêche qui s'alourdissait avec les médicaments déposés à l'intérieur.
— Voilà qui devrait le contenter, il devrait en avoir assez pour deux mois. Je n'ai pas pu refaire mes stocks ces derniers jours alors je compte sur vous pour revenir me voir quand il aura fini ! déclara-t-il, un grand sourire aux lèvres.
Ichigo prit le baluchon avec entrain en le remerciant joyeusement. Grimmjow, accoudé à la table, avait posé la tête contre sa main et regardait Kaien d'un air perplexe. Ulquiorra se leva en même temps qu'Ichigo mais le dernier enfant ne bougea pas. Il finit par se faire remarquer par Kaien qui posa les mains sur ses hanches.
— Eh bien, Grimmjow ? Tu sembles préoccupé ; tu n'as même pas touché à ton thé. Tu veux me dire quelque chose ?
— Ouais.
Ulquiorra lança à son frère un regard de tueur, prêt à lui bondir dessus s'il disait une bêtise.
— Je t'écoute, vas-y ; dit Kaien d'une voix douce en s'asseyant à côté de lui.
Grimmjow réfléchit une seconde. Il n'y avait pas trente-six manières de demander alors il se lança :
— Pourquoi vous n'êtes pas Pasteur ?
Grimmjow entendit Ulquiorra souffler, agacé par son impolitesse. Mais il ne perdait pas de vue l'expression de Kaien qui parût mal à l'aise avec la question. Il y avait une sorte de tristesse et de désillusion dans ses yeux que Grimmjow n'aimait pas.
— Eh bien, c'est comme ça, je suppose. "On est qui on naît", n'est-ce pas ?
— Vous utilisez une phrase de vioc' pour vous justifier ?
Cette fois, Ulquiorra passa une main sur la bouche de son frère et s'excusa :
— Pardonnez-le, Zaraki a beau lui répéter mais il a du mal à se tenir ces derniers temps...
Kaien rit quelque peu en agitant les mains en avant en signe de courtoisie :
— Non, non, il n'y a pas de mal, ne t'inquiète pas !
Grimmjow mordilla un doigt trop proche de l'ouverture de ses lèvres et Ulquiorra sursauta en retirant sa main. Il ne manqua pas le regard bleuté qui lui défendait bien de se mettre au travers de sa route.
— Alors ?
— Aah, Grimmjow, je crains de ne pas pouvoir te donner une réponse. Tu trouves que j'ai l'air d'un Pasteur, moi ?
— Vous aidez les autres mieux que certains d'entre eux...
— Grimm' ! Ne dis pas de mal des Sup... ; tenta de réprimander Ulquiorra.
— ... Et vous soignez les Dogs depuis des années ; coupa Grimmjow ; Pourquoi ne pas avoir gradé ?
Kaien sourit encore avec gêne et se gratta la joue en cherchant quoi répondre, les yeux au plafond.
— Disons que ce n'est pas si simple de grader... Et puis, au final, je me sens bien en tant que Dog.
Il reprit un air plus concentré et une voix grave :
— Tu n'apprécies pas ta caste ? Moi, je voudrais y rester toute la vie.
Grimmjow ne parut pas entièrement convaincu par la réponse. Il haussa les épaules pour signifier son avis.
— Tu te rendras compte que grader n'est pas nécessairement la solution pour être heureux. Ça ne doit pas non plus être un objectif dans ta vie. Quand les anciens disent "on est qui on naît", c'est aussi ça... Il faut trouver son bonheur dans ce que l'on est, pas dans ce que l'on aurait aimé être.
Quelques minutes plus tard, les trois enfants repartaient avec le baluchon de médicaments. Grimmjow avait l'esprit encore embrumé. Ce genre de migraine le sonnait depuis des jours à chaque fois qu'il réfléchissait à tous ces événements et cherchait à les relier ensemble. Dans ces moments-là, il n'entendait presque plus rien autour. Alors, sans surprise, il ne prêta aucune attention aux milles réprimandes d'Ulquiorra.
Grimmjow reprit ses esprits quand il se cogna la tête contre quelque chose. Ou plutôt quelqu'un. Quand il releva la tête, il découvrit une fille blonde qu'il avait déjà vue à l'école. Elle était plus petite qu'eux et paraissait effrayée.
— Désolé pour ça, je regardais pas droit ; soupira Grimmjow en se grattant la tête.
Mais la petite n'avait pas l'air plus apaisée. Ses yeux s'embuèrent rapidement et ses lèvres tremblèrent :
— Je... Je suis désolée ! Veuillez m'excuser !
Grimmjow eut une seconde de retard et haussa les sourcils, interloqué par le vouvoiement :
— "Veuillez" ?
— S'il vous plaît, pardonnez-moi ; reprit la fille de plus belle ; je ne voyais plus rien et je courrais vite... Je suis pressée... Je dois... Vous ne le direz pas au Roi, hein ?
Grimmjow resta interdit un instant, complètement déboussolé par les sanglots de la petite blonde. Puis, en analysant un peu, il se mit à rire :
— Ahah, tu m'as pris pour un Lord ? Vraiment ? Comment veux-tu que je parle au Roi de ça ?
Ichigo pouffa, la main devant sa bouche. Grimmjow s'en aperçut et l'interrogea du regard.
— Je crois qu'elle parle de Renji plutôt.
Grimmjow déchanta immédiatement. Son regard souriant se changea bien vite en air maussade.
— Ah lui...
— Pourquoi tu as l'air de le craindre autant ? demanda Ulquiorra qui réfléchissait bras croisés ; il t'a menacé ?
La petite nia. Les garçons remarquèrent enfin qu'elle portait une petite boîte dans ses mains :
— Il n'a pas besoin... C'est le Roi après tout, il peut tout faire... Il a dit qu'il punirait les mauvais serviteurs. Il l'a déjà fait !
Grimmjow sortit une main de ses poches et pointa la boîte qu'elle serrait contre elle :
— Et tu cours... pour lui apporter ça ?
La petite acquiesça :
— Mon père tient une confiserie et le Roi m'en demande tous les jours à l'heure de goûter. Je suis en retard ! Il faut que je vous laisse !
La fille s'inclina une nouvelle fois pour s'excuser et s'enfuit à toutes jambes. Grimmjow la regarda courir aussi vite et se sentit triste pour elle. Jamais il n'accepterait de courir pour un Roi par peur d'une punition ; quitte à l'affronter.
— Renji prend un goûter tous les jours ? reprit Ichigo ; quel luxe... C'est bien lui le Roi.
— Un Roi qui prend ses aises, apparemment... ; observa Ulquiorra ; ça ne m'étonne pas. A force de gagner, il commence à prendre goût à sa couronne dorée.
Grimmjow ne répondit pas tout de suite. Il regarda dans la direction vers laquelle était partie la fille. C'était du côté de la cave, le QG de Renji. Il devrait y aller. Le plus vite possible. Il enfourna de nouveau sa main dans sa poche et reprit sa marche pour rentrer à la maison :
— Comment ose-t-il les punir ? murmura-t-il, assez fort tout de même pour qu'Ichigo et Ulquiorra l'entendent et comprennent la sourde colère qui tintait sa voix.
Quand Ichigo, Ulquiorra et Grimmjow arrivèrent enfin à la maison, le soleil commençait à se coucher. L'automne s'installait peu à peu et le soleil allait accélérer sa course.
Zaraki buvait avec un vieil homme dans le hall de réception du rez-de-chaussée. D'habitude, les paravents en papier de riz étaient tirés pour laisser plus d'intimité à la conversation. Comme il n'y avait personne d'autre dans la maison, Zaraki n'en avait rien fait. Les enfants virent alors l'invité qu'ils reconnurent bien vite : il s'agissait d'Oscar, le grand-père de Chad et directeur des Forges. Il tenait une forme olympique pour son âge mais l'usure du travail l'avait rendu plus lent et averti. Il se tenait à genoux devant la table basse en bois sur laquelle reposaient les coupelles de saké vide. Zaraki, en face, reposait en tailleur, sa canne posée à terre.
— Nous en reparlerons une prochaine fois ; dit Zaraki.
Il avait les bras croisés et l'air concentré. Le vieil homme répondit que cela serait un plaisir et se leva une fois que Zaraki l'eût salué. Les enfants en firent de même quand il passa devant eux dans le hall d'entrée. Oscar leur sourit et caressa un instant les cheveux d'Ichigo avant de quitter la demeure.
Une fois la porte coulissante fermée, Ichigo vint offrir le baluchon de médicaments à Zaraki qui inspecta silencieusement le contenu. Au final, il hocha la tête, satisfait.
— Je vois que je peux encore compter sur vous trois.
Grimmjow fit semblant de paraître en retrait mais écoutait avec attention.
— Tout s'est bien passé ?
— Sans problème, Zaraki. Kaien a personnellement lu ta lettre avant de te préparer ça ; informa Ulquiorra.
— Bien, bien...
Il prit une petite boîte pour en sortir une gélule.
— Ichigo. Apporte-moi un verre d'eau.
— Oui, tout de suite !
Le rouquin s'exécuta avec rapidité et remplit un verre dans la réserve d'eau potable. Il apporta ensuite le verre à son tuteur qui le remercia avant de boire d'une traite pour avaler la gélule.
Ulquiorra, curieux, en profita pour s'approcher et constater que le baluchon contenait des boîtes et un papier qu'il reconnut comme la prescription du pharmacien. Grimmjow avait beau s'être imaginé des histoires, et même s'il aurait voulu le croire, il fallait avouer qu'il n'y avait rien d'étrange.
— Bien ! Je lève votre punition. Vous pourrez vous promener comme vous le souhaitez à partir de demain. Mais vous devrez être revenu à 18h00 à la maison. Je ne tolérerai aucun retard, compris ?
Ichigo leva son poing en l'air avant de le ramener contre soi avec un grand sourire :
— Yes, compte sur nous !
Ulquiorra sourit à Zaraki pour le remercier et Grimmjow hocha légèrement la tête.
Les enfants finirent par monter à leur chambre. Lorsque Grimmjow, le dernier du groupe, entama la première marche, il tourna la tête du côté de Zaraki. Il remarqua qu'il l'observait attentivement. Il ne lui dit rien et il continua de monter.
Ichigo s'affala sur son futon avec un grand râle de satisfaction.
— Quelle journée ! J'suis épuisé !
Grimmjow posa ses affaires dans un coin et vint s'asseoir près de la fenêtre. Il donnait raison à Ichigo : les derniers événements après une journée à l'école avaient fini de le fatiguer.
Ulquiorra s'étira un moment avant de dérouler son futon à son tour. Pendant ce temps, Ichigo avait rapporté du papier et des crayons et dessinait à plat ventre sur son futon, la feuille contre le sol.
— Qu'est-ce que tu fais ? demanda Ulquiorra au bout d'un moment.
— Je veux faire un bel exposé avec Orihime à la bibliothèque ! répondit Ichigo, absorbé par son coloriage ; Alors je me suis dit qu'on pouvait faire quelque chose comme un panneau qu'on présenterait à la classe !
Ulquiorra se mit dans la même position, la tête entre ses mains. Il approuva l'idée en le conseillant sur certaines couleurs à prendre. Grimmjow les observa silencieusement. Il remarqua particulièrement l'entrain d'Ichigo à propos de cet exposé. Il avait l'air d'y prendre beaucoup de plaisir. Pour quelle raison ? Juste celle de faire un exposé ? Celle d'aller à la Bibliothèque ? Ou bien... celle de travailler avec Orihime ?
Grimmjow ne savait pas trop pourquoi cette pensée lui pinçait le cœur. Il se sentait sans doute un peu rejeté, lui qui avait toujours insisté auprès d'Ichigo pour qu'ils travaillent constamment ensemble. Au dernier exposé qui portait sur "les méfaits des moustiques", ils avaient fini au laboratoire avec un vieux Pasteur qui leur avait parlé pendant des heures de la différence de taille et de couleurs des boutons de moustique. C'était Ichigo qui avait choisi le sujet, intéressé par ces insectes qui ne le laissaient jamais en paix l'été. Grimmjow avait suivi mais s'était mortellement ennuyé. Il lui avait fait la réflexion et Ichigo avait eu l'air blessé. Il s'était même énervé contre lui quand il avait montré peu d'entrain à apprendre son texte pour le jour de la présentation. Après l'exposé, le temps était passé et Ichigo avait donné l'impression d'oublier, en lui offrant à nouveau ses plus beaux sourires. Grimmjow avait aussi oublié. Le voir aussi content de travailler avec Orihime ce jour lui avait douloureusement rappelé cette histoire. A présent, il avait envie d'être meilleur avec lui. Il avait envie de le faire sourire comme Orihime semblait savoir le faire.
Plus tard, ils dinèrent avec Yumichika et Ikkaku qui revinrent des Forges peu avant la fin de l'Heure Sourde. Les deux hommes n'avaient pas été là hier soir ni ce matin mais aucun enfant n'osa demander la raison. Ils avaient l'air épuisé et Yumichika, qui d'habitude était plutôt bavard et énergique, paraissait plus éteint et calme.
Ulquiorra le remarqua aussi. Le travail aux Forges était-il si épuisant que cela ? Il lui tardait de découvrir ce monde pendant l'exposé. Ce lieu l'attirait aussi tout particulièrement car il demeurait le centre névralgique de toute cette histoire de faux-monnayeurs. Pour rester honnête, il était tout aussi curieux que Grimmjow à propos de cette enquête. Il était simplement plus discret.
Merci pour votre lecture. Une review fera toujours plaisir !
