Chapitre 15 - Noli Me Tangere
Stupéfaite, Hermione resta interdite devant le crâne. Il était conscient. Cela compliquait grandement les choses. Elle ne pouvait pas simplement l'amputer d'un morceau de lui-même s'il était sensible.
"Donnez moi une bonne raison de ne pas crier aux intrus pour attirer les bonnes sœurs," dit le crâne.
"Je vais devoir t'exploser en mille morceaux si tu essaies", dit Malefoy.
"Promesses, promesses," dit le crâne.
"S'il vous plaît - êtes-vous la Magdaléenne ?" demanda Hermione, son choc laissant maintenant la place à une grande curiosité. Avait-elle gardé la mémoire du temps de son vivant ?
"Un écho de celle qui était autrefois connue sous ce nom," dit le crâne.
"Un fantôme ? Un esprit ?"
"Il y a beaucoup de Formes d'Êtres."
Malefoy donna un coup de coude à Hermione. "Pas le temps."
"C'est vrai, discutons plutôt de ce qu'un beau garçon comme toi vient faire dans un endroit pareil."
"J'ai de mauvaises intentions," dit Malefoy. "De toute évidence."
"Oh la la, un bad boy," dit le crâne.
Hermione était émerveillée. Elle fixait le crâne, prise d'un vertige face à une telle source de renseignements historiques, ne sachant ce qu'elle avait envie de lui demander en premier. Malefoy lui donna un autre coup de coude. "Fais ce pourquoi nous sommes là. Il faut qu'on parte."
Hermione se rappela soudain où elle se trouvait et qui était à leurs trousses. Il fallait qu'elle prélève un morceau du crâne, avec son consentement si possible. "Bien - je dois - mais -"
Il y eut des voix dans le couloir derrière eux. "On a de la compagnie," l'interrompit Malefoy. "Déclenche tes explosions."
Hermione leva sa baguette et prononça la formule d'activation en runique ancien. Elle sentit son énergie magique déjà à mal drainée alors que cinq étincelles brillantes fusaient de sa baguette et sifflaient dans le couloir pour déclencher leur rune respective.
Il y eut un moment de silence absolu.
Puis la crypte, les couloirs et la grotte furent secoués par les explosions. Des cris résonnèrent au loin. Une fine couche de poussière de roche recouvrit Hermione, Malefoy et le reliquaire de la Magdaléenne.
Du couloir ne leur parvenait plus aucun son.
Hermione, les mains posées sur ses genoux, avait le souffle coupé par l'exercice magique.
"Qu'avez-vous fait ?" demanda le crâne.
"Gagné du temps," haleta Hermione.
"Fais ton truc," dit Malefoy, en se positionnant devant le passage dans une position défensive. "Vite !"
Hermione s'agita nerveusement. "Mais elle a des sensations ! Elle n'était pas censée avoir des sensations !"
"Sensations est un terme plutôt optimiste," dit le crâne.
"Mais vous pouvez percevoir les choses !" dit Hermione. "Je ne peux pas juste - juste -"
"Juste quoi, précisément ?"
"J'ai besoin d'un petit bout de vous," dit Hermione.
"Tss. Toi comme le reste du monde. Des morceaux de moi ont été volés siècle après siècle, tu sais."
"Bouge toi, putain !" s'enerva Malefoy.
Hermione sortit son ostéotome de sa poche extensible.
"Oui. Ma mâchoire a vécu à Rome pendant 700 ans ; on vient juste d'être réunis."
"A-ah oui ?"
"En 1295. Grâce au Pape Boniface VIII, bénie soit sa tête pointue."
Hermione se pencha vers le crâne, mal à l'aise. "Je euh - Je vois que votre os occipital est fêlé. Ça vous dérange si je l'arrange un peu ?"
"Noli me tangere," dit le crâne.
Hermione, l'ostéotome dans une main et la baguette dans l'autre, dit "Je suis désolée pour ça." Elle fit disparaître la vitre du reliquaire. "Tellement désolée - mais c'est pour une bonne cause, c'est promis…"
"Noli me tangere," répéta le crâne alors qu'Hermione approchait sa main. "Tu vas le regretter."
ooo
Au moment où le bout de ses doigts entrait en contact avec l'os, Hermione sentit une familière sensation près de son nombril. Le crâne était un foutu Portoloin. Au moment où il l'emporta, Hermione sentit quelque chose saisir son bras - Malefoy. Bénis soient ses réflexes fulgurants, pensa-elle alors que le décor de la crypte disparaissait.
Ils se matérialisèrent dans un cachot, dix mètres au-dessus du sol, et commencèrent à plonger vers le sol. Comme au ralenti, tous les deux pivotèrent pour apercevoir un rougeoiement à travers la pierre du sol au-dessous : Sanctification Spirituelle.
Ce qui les sauva, alors qu'ils tombaient, fut qu'ils avaient tous les deux leur baguette sortie. Hermione jeta un Wingardium Leviosa à Malefoy au moment où il faisait de même pour elle, et ils flottèrent, tous les deux à la merci absolue de la volonté de l'autre, quelques centimètres au-dessus du Tourment.
Hermione luttait pour maintenir le corps massif de Malefoy en lévitation ; elle ne serait pas capable de le tenir pendant bien longtemps. Elle sentait également Malefoy à bout de forces. Elle était même étonnée qu'il lui reste assez d'énergie magique pour la retenir de s'écraser sur le sol après les prouesses qu'il avait accomplies dans la crypte.
"Balai !" haleta Malefoy.
Hermione lui jeta le crâne et sortit le balai de sa poche. Elle se contortionna dans les airs pour l'enjamber - elle sentit plus qu'elle ne vit la grimace de Malefoy devant l'effort supplémentaire que ça lui demandait de la maintenir dans les airs pendant ses gesticulations. Puis, elle s'appliqua à faire avancer le balai vers Malefoy. Il coopéra avec des secousses hésitantes. Quand Hermione fut assez proche, Malefoy tira le bout du manche à lui et s'effondra dessus derrière elle.
"Putain !" haleta Hermione, complètement essoufflée.
Malefoy était furieux. "Ces putains de maudites nonnes !"
"Oh la la," dit le crâne alors que Malefoy rendait à Hermione. "Ça n'était pas arrivé depuis l'Âge Sombre. Quel ravissement !"
Malefoy fit voler le balai de haut en bas dans le cachot, la baguette sortie, cherchant un échappatoire.
"Cette pierre doit faire des mètres et des mètres d'épaisseur," dit Hermione, tenant de lancer des sortilèges de Métamorphose sur le mur alors que Malefoy les faisait glisser tout le long. "Je ne peux rien faire passée la couche intérieure."
"On peut essayer la force brute avec quelques Bombarda," dit Malefoy. "Mais ça nous viderait tous les deux - et qui sait ce qu'il y a de l'autre côté."
Hermione se garda bien de lui dire que personnellement, elle était déjà vidée.
"Oh, à peu près cinquante Sœurs enragées," répondit le crâne. "Elles auront déclenché les alarmes maintenant et seront toutes rentrées de la fête du Solstice. Ooooh j'espère que tu ne croiseras pas la Prieure, mon chéri, elle rendrait ton beau visage plutôt méconnaissable."
"Il doit y avoir une entrée - sinon comment récupéreraient-elles les prisonniers " Malefoy redoubla son effort de recherche. "Nous devons la trouver - c'est le point le plus faible."
"Je parie qu'il n'y en a pas. Elles enlèvent probablement la protection anti-transplanage et viennent récupérer les corps torturés par le Tapis de Doloris en transplanant," paria sombrement Hermione.
"Qu'elle est intelligente," dit le crâne.
"Tais-toi toi - c'est ta faute si on est là."
"J'ai essayé de vous prévenir," dit le crâne. "Ne parlez-vous pas latin ?"
Hermione essaya de ne pas céder à la panique en énumérant les possibilités qui s'offraient à eux. "J'ai des millions de choses dans mes poches - mais que faire avec ça ? Est-ce qu'on met des pièges ? Est-ce qu'on pose des explosifs ? Elles pourraient nous laisser pourrir ici des années avant de venir nous chercher. J'ai assez de nourriture pour - euh - des mois, peut-être ? Comment allons-nous dormir au-dessus du Tourment ? Je pourrais nous faire des hamacs ?"
Malefoy saisit soudain son poignet, immobilisant sa main qui s'agitait pendant ses réflexions. Il fixait la main d'Hermione avec un air triomphant. Hermione suivit son regard. Dans la lueurs de leurs deux baguettes, sa bague scintillait.
"Mais - tu as dit que tu n'avais pas fini le Portoloin."
"En effet."
"Donc - donc à quoi tu penses ?"
Malefoy tapota les doigts contre le poignet d'Hermione. "Je ne sais pas. Une possibilité. Je n'ai pas pu fixer la destination finale sur un endroit désiré. L'Arithmancie est correcte, il y a juste ce stupide blocage à la fin que je n'ai pas su résoudre."
Hermione essaya de contenir son excitation. Elle se tourna vers lui sur le balai. "Dont tu es en train de dire qu'il marche, mais qu'on a aucune idée d'où on va arriver ?"
"Oui."
Hermione lui tendit sa main. "Active-le."
"Tu ne comprends pas. Je n'ai aucune putain d'idée d'où on va arriver," répéta Malefoy. "Ça pourrait être dans les entrailles de la terre. Ça pourrait être à l'intérieur d'un volcan, au fond de l'Atlantique. On pourrait mourir au moment où on arrive, écrasés ou brûlés, ou asphyxiés."
Hermione chercha le regard de Malefoy, qui avait l'air aussi déconcerté qu'elle. "Cinquante nonnes enragées nous tombant dessus avec leur sainte colère, ou l'asphyxie ?"
Malefoy passa une main sur son visage. "Bordel. Comment en sommes-nous arrivés là, putain ?"
"Ooh, le Portoloin, le Portoloin !" dit le crâne. "Je veux voir le monde !"
"Tu choisis," dit Malefoy à Hermione, ignorant le crâne.
Hermione se remit droite sur le balai et réfléchit. Elle se lança dans une analyse SWOT mentale. Dans les Forces elle classa Malefoy sans hésitation. Ses réflexes fulgurants étaient une force, son habileté en Duel également. Elle s'y mit également car elle pourrait guérir d'éventuelles blessures. Dans les Faiblesses, elle inscrivit mentalement leur état de fatigue avancée à tous les deux.
"Tu fais une analyse SWOT," remarqua Malefoy.
"Chut."
"C'est quoi une analyse SWOT ?" demanda le crâne.
Elle n'eut pas à réfléchir pour les Opportunités, y indiquant immédiatement Rester en vie et Obtenir un fragment du crâne. Les Menaces furent plus longues à remplir : Mort probable, Asphyxie, Brûlures, Sanctification Spirituelle pour l'éternité, Désartibulation, Duel à deux contre cinquante si les nonnes les retrouvaient...
Elle médita un instant sur son tableau mental puis se tourna de nouveau vers Malefoy pour lui exposer ses conclusions.
"Portoloin. Baguettes sorties, prêts à Transplaner au moment où on se matérialisera à l'autre endroit. Même dans le plus hostile des environnements, les dommages que nous pourrions subir dans cette petite seconde devraient être soignables."
"Même la lave ? On prend un sacré risque."
"Nous avons le crâne. Et j'ai des vies à rendre meilleures. Vérifions que cette chose stupide n'ait pas de sort de traque; on n'a pas besoin que la Sororité nous suive, où qu'on aille."
Le crâne fut soumis à des sorts de diagnostic d'Hermione et de Malefoy. Aucun d'entre eux ne fut délicat, mais le crâne semblait ne pas ressentir grand-chose.
"Ça chatouille," dit le crâne alors qu'il était suspendu entre eux, bombardé de sortilèges.
"Il n'y a rien," dit finalement Malefoy. "Seulement l'écho du Portus."
"Ce qui était une idée brillante. Un simple sort non maléfique à la toute fin. Droit dans un cachot. Saleté de nonnes."
"Très bien," dit Malefoy. "Allons-y. Mais avant je veux laisser quelques remerciements pour les Sœurs Bénédictines de la Sainte Connerie."
"Ooh, vilain," dit le crâne alors que Malefoy cachait quelques malédictions, sorts et autres diableries dans la maçonnerie.
Hermione se garda de lui dire de garder de l'énergie au cas où le voyage en Portoloin tournerait mal. À ce stade, elle commençait à croire que Malefoy n'avait pas de limites et qu'il trouverait toujours l'énergie nécessaire. Comment pourrait-il sinon être toujours debout et en capacité de continuer à lancer toute une flopée de sortilèges plus ou moins noirs après avoir tracé son chemin dans la crypte truffée de protections plus complexes à désarmer les unes que les autres ?
Elle profita de ce temps pour lancer un Assurdiato sur le crâne et le fourrer dans sa poche.
"Prête ?" demanda finalement Malefoy, le bout de sa baguette sur la bague d'Hermione, prêt à activer le Portoloin.
Hermione croisa son regard et hocha la tête. Elle était tendue, mais elle n'avait pas peur. À eux deux ils formaient une équipe redoutable.
"Portus," dit Malefoy.
ooo
Le Portoloin les aspira à travers la protection anti-transplanage et les traîna pendant un long moment. Hermione avait les doigts d'une main crispés sur le manche du balai, ceux de l'autre sur sa baguette. Le bras de Malefoy était fermement enroulé autour de sa taille. Hermione remercia le ciel que le Portoloin les entraîne sur une trajectoire rectiligne et pas tourbillonnante comme la Cheminette. Cela lui éviterait au moins d'être malade en plus de magiquement vidée.
Elle n'évita cependant pas le vertige : ils se matérialisèrent à peu près six mètres au-dessus du sol - les dieux soient loués pour le balai - surplombant une scène étrange et surréaliste. Ils volaient au-dessus d'un groupe de bateaux, regroupés comme s'ils étaient amarrés dans une baie - mais il n'y avait pas d'eau. Des dunes ondulaient, à perte de vue dans toutes les directions. Hermione garda les yeux fixés sur l'horizon, évitant de regarder en bas.
Un filet de fumée émanait de la bague - les restes du Portus imparfait qui disparaissaient.
Un vent chaud leur soufflait du sable dans les yeux et gerçait leurs lèvres.
"Bien sûr, on aurait pas pu apparaître, genre, dans le Kent," ironisa Malefoy, mais le soulagement perçait dans sa voix.
"Ça aurait été bien trop pratique," dit Hermione. "Mais je prends ça plutôt que le centre d'un volcan - et nous n'avons pas été Désartibulés par une mauvaise Arithmancie. Bien joué."
Malefoy vola plus bas, jetant des sorts de détection vers le cimetière de bateaux. Il n'y avait aucun être vivant dedans.
"Je vais nous faire descendre. Nous avons besoin de nous reposer - on est tous les deux crevés."
"J'approuve."
Ils atterrirent parmi les coques rouillées et trouvèrent un endroit dans l'ombre d'un bateau plus petit.
Hermione descendit tant bien que mal du balai, resta sur le sol à quatre pattes le temps de se remettre de ses émotions, puis se remit sur ses pieds. Elle avait besoin de son téléphone pour localiser l'endroit où ils se trouvaient.
Elle fouilla dans sa poche jusqu'à ce qu'elle le trouve. Elle le sortit triomphalement mais sa joie fut de courte durée : il n'y avait pas de réseau. Elle fit quelques pas, tenant le mobile bien haut, le baissa, fit une recherche manuelle du réseau, en vain.
"Pas de réseau," soupira-elle. "Nous sommes hors de portée des télécommunications moldues. J'aurais bien aimé savoir où nous sommes."
"Un foutu grand désert comme ça ? Quelque part en Afrique, si je devais deviner."
"C'est ce que j'aurais dit aussi," dit Hermione. "Il y a un endroit appelé la Côte des Squelettes en Namibie, célèbre pour ses épaves parmi les dunes. Mais cette théorie est contrecarrée par l'absence plutôt flagrante de la mer. Peut-être que les bateaux nous donneront des indices."
Elle se dirigea, spéculative, vers la proue du navire sous lequel ils s'abritaient. Des caractères abîmés étaient éparpillés, ayant autrefois formé le nom du navire.
Hermione posa ses mains sur ses hanches, perplexe. "Du cyrillique ?"
"... suggères-tu que nous sommes en Russie ?"
"Je n'en ai aucune idée," dit Hermione.
Hermione était trop lasse pour réfléchir au mystère de leur localisation actuelle. Elle avait besoin de repos pour reprendre des forces.
"Où est le crâne ?" demanda soudainement Malefoy, semblant remarquer l'absence de ses remarques croassantes.
"Dans ma poche," dit Hermione. "Avec un Assurdiato sur ses os temporaux. Je suis fatiguée de ses remarques incessantes."
"Bonne idée. As-tu quelque chose à manger dans cette poche ?"
"Evidemment."
Elle métamorphosa sommairement des bouts de bateaux épargnés par la rouille en une table basse et des tabourets. Le dessous des tabourets avaient de la vieille peinture qui s'écaillait et la table menaçait de leur servir le tétanos avec leur dîner mais Malefoy lui épargna des remarques sur l'absence de souci du détail et elle lui en fut reconnaissante. Il se posa lourdement sur un tabouret, signe qu'il était probablement aussi épuisé qu'elle.
Hermione fouilla dans sa poche et en sortit une baguette, du pâté, divers fromages, un assortiment de charcuterie, quelques cornichons, des olives et une boîte de salade d'aubergines épicés.
Elle observa la table. "Qu'est ce que j'oublie ? Oh ! Les boissons."
Elle sortit de l'eau en bouteille en commentant "Scandaleusement hors de prix" et une bouteille de vin blanc ("Aucune idée de s'il est bon, la bouteille était jolie").
Hermione passa le vin à Malefoy. "Tu veux bien le refroidir ? On peut quand même faire les choses proprement."
Malefoy lança plusieurs sorts de refroidissement sur la bouteille. "Bien. Je peux au moins considérer que j'ai contribué à ce repas."
Hermione fronça les sourcils. "Contribué ? Malefoy, aujourd'hui ça aurait été impossible sans toi. Je me serais trompée de chemin au premier escalier hallucinatoire et j'aurais fini dans une oubliette* pour l'éternité. Et si ce n'était pas ça, je serais possédée par un démon - ou tout à fait morte. Tu connaissais le contre-sort de toutes ces putain de choses qu'on a croisé. Tu a tracé ton chemin dans un labyrinthe plein de maléfices qui n'avait pas été pénétré depuis l'Âge Sombre. Tu as à moitié bricolé un Portus sur cette bague et ça a marché, bon sang, et nous sommes ici, en vie, grâce à toi. Tu a été -"
Elle fit une pause, cherchant le mot approprié. "Tu as été extraordinaire," finit-elle doucement. Gênée, elle s'éclaircit la gorge et s'affaira avec sa baguette pour éviter de regarder Malefoy. "Je devrais faire apparaître des verres, non ?"
Malefoy ne répondit pas alors qu'elle métamorphosait l'emballage du pain en deux verres de vin. Elle sentait son regard sur elle mais elle ne leva pas les yeux avant qu'il ne parle :
"Une dernière chose avant de manger, si ça ne te dérange pas."
"Quoi ?"
Ses traits étaient indéchiffrables. Il pointa sa baguette vers Hermione.
"Finite incantatem," dit-il.
Elle sentit la magie de Malefoy caresser son visage alors que le charme se dissipait et qu'elle retrouvait son apparence habituelle. Elle regarda Malefoy avec amusement.
"Je te rend la pareille ?"
"Vas-y."
"Excellent. J'en peux plus de cette perruque pubienne. Finite incantatem."
Les cheveux bruns et bouclés de Malefoy retrouvèrent leur blondeur et ses yeux leur couleur acier.
Il passa la main dans ses cheveux pour le recoiffer dans un geste typiquement Malefoyen qui donna à Hermione envie de rire. "Ça fait moins perruque pubienne ?"
"Mmh." Hermione haussa les épaules, jouant l'indifférence pour ne pas avouer qu'il était en effet beaucoup plus à son avantage comme ça.
"Tu peux juste dire que mes cheveux sont magnifiques, tu sais," dit Malefoy.
"Ils sont corrects, pour un sorcier qui vient de s'introduire dans une crypte et de fuir des nonnes. On mange ?"
Ils mangèrent, burent et se reposèrent, et commencèrent à retrouver leur énergie magique épuisée. Malefoy taquina Hermione, feignant d'être choqué qu'elle soit capable de préparer un repas qui ne soit pas à base de boîte de thon et de Curlys au fromage. Hermione dit qu'elle avait un paquet de Curlys au fromage dans sa poche, juste pour lui, puisqu'ils lui restaient si profondément en tête. Malefoy demanda si elle avait aussi quelques poils de chats, pour compléter l'expérience. Hermione dit que bien sûr, en sortit deux de sa poche et les fit flotter dans la direction de Malefoy. Malefoy dit merci, qu'il se sentait à la maison maintenant, et aussi, y aurait-il de la tarte banane caramel pour le dessert ?
"Les boutiques du village n'en vendaient pas," regretta-elle.
Pour le dessert, Hermione proposa des dattes fourrées à la pâte d'amande, des figues sèches et des abricots.
"Tu sais," dit Malefoy alors qu'il mâchait une datte. "On pourrait demander à la Magdaléenne si elle a importé la recette, après tout."
"Oh !" s'exclama Hermione. Elle réfléchit un instant à l'idée, puis approuva : "Allez !"
Elle sortit le crâne de sa poche et mit fin à l'Assurdiato.
"Bonjour, qu'est ce que c'est ?" demanda le crâne, ses orbites ombreuses regardant la coque du bateau. "Sommes-nous à la mer ?"
"Non," dit Hermione. "Mais voudriez-vous régler une question pour nous ? Avez-vous importé la recette des dattes fourrées à la pâte d'amande en France depuis la Terre Sainte ?"
Elle tint une datte devant le crâne, dans un but illustratif.
"Qu'est-ce que c'est que ça ? Une palourde ?"
"Bien, ça répond à la question," dit Hermione, mangeant la datte.
"Tu viens de restaurer l'honneur d'une nation entière," dit Malefoy au crâne.
L'attention du crâne se tourna vers lui. "Oh, c'est toi. Tu sais, je pensais justement que tu serais plus beau en blond."
"Merci," dit Malefoy.
Hermione et lui échangèrent un regard inquiet - le crâne les avait maintenant vus sans* camouflage.
"Est-ce que les crânes sont sensibles à l'Oubliettes ?" demanda Malefoy. "Ils n'ont pas de cerveau."
"On va devoir essayer, maintenant qu'elle nous a vu," dit Hermione avec sérieux. "Elle a un esprit, en tout cas."
Le crâne, qui venait d'achever son analyse d'Hermione, dit, "Quand à toi, tu es un peu moins cadavérique que précédemment."
"Un peu fort de café, venant de vous."
"J'étais d'une grande beauté," dit le crâne.
"Tu as toujours des pommettes magnifiques," dit Malefoy.
Le crâne gloussa - un son plutôt déconcertant. Pendant que Malefoy flirtait avec le morceau de squelette, Hermione avait de nouveau sorti son ostéotome. Il était temps de faire son prélèvement.
Elle orienta le crâne vers Malefoy. Il le distrait en passant une main dans ses cheveux et en le regardant d'un air séducteur.
Réprimant un rire, Hermione pressa le bord biseauté de son instrument sur une partie déjà irrégulière du crâne. Il y eut un bruit sec alors qu'un morceau se détachait, qu'elle transféra dans un tube à essai.
"Qu'est ce que c'était ?" demanda le crâne. "Avez-vous entendu quelque chose ?"
"Non," dit Malefoy.
Hermione sortit un sac de sa poche, dans lequel elle jeta le crâne pour qu'il ne les voie plus. Puis elle pointa sa baguette sur le renflement du sac. "Oubliettes."
La voix confuse et étouffée du crâne leur parvint à travers le sac. "Sœur Sophia ? C'est vous ? Pourquoi il fait si sombre ?"
Hermione lança un Assurdiato et un Silencio et le fourra de nouveau dans sa poche avec une once de regrets. Elle trouvait terriblement dommage de ne pas pouvoir explorer cette source de connaissance.
"Les historiens des religions donneraient cher pour avoir une discussion avec elle. Peux-tu imaginer -"
"Non," dit Malefoy.
"Je sais, je sais," dit Hermione avec amertume. "Je vais la renvoyer au monastère dès qu'on aura rejoint la civilisation. Avec un peu de chance son retour saine et sauve va nous épargner la poursuite des nonnes."
"J'aurais bien aimé me battre en duel avec la Prieure. Elle avait l'air d'être une furie."
Le repas étant terminé, ils se levèrent difficilement des tabourets inconfortables et s'étirèrent. Hermione conjura une grande couverture moelleuse, qu'elle plaça sur le sable. Elle s'allongea et invita Malefoy à s'allonger à côté d'elle.
"Elle avait en effet l'air d'être une furie," dit Hermione. "Au diable les Aurors et l'Ordre - on aurait dû envoyer les nonnes françaises se battre contre Voldemort."
"As-tu vu ce labyrinthe ? Les Bonnes Sœurs l'auraient renversé en cinq minutes. Nous vivrions dans un nouvel ordre du monde, monacal."
"Tout le monde porterait des bures," dit Hermione avec amusement. "Tu serais absolument ravi."
"J'ai seulement exprimé de la surprise face au côté dévêtu des vêtements moldus," dit Malefoy, piqué. "Pas d'objections."
"De la consternation, plutôt."
"De l'étonnement. C'est un choc culturel."
"Les robes n'interfèrent-elles pas avec le matage des fesses ?" demanda Hermione.
"Elles sont un fléau pour la pratique."
"Et donc ?"
"Je n'avais pas vraiment pensé à des alternatives, jusqu'à - jusqu'à assez récemment."
"Tu ignores ce que tu ignores," approuva sagement Hermione.
"Exactement. Je suis en train de développer une nouvelle estime pour la mode moldue - eux savent comment habiller les fesses."
Hermione rit. Malefoy, allongé les bras croisés sous sa tête, leva sa baguette paresseusement et fit flotter la bouteille de vin vers eux.
Ils observèrent en silence le ciel se teinter d'orangé.
"Tu sais - le soleil se couche ici," dit songeusement Hermione. "C'était le milieu de la matinée au monastère. Ce veut dire qu'on a sauté huit ou dix fuseaux horaire vers l'est, selon notre distance de l'équateur."
Elle se mis sur le ventre et se rapprocha du bord de la couverture. Du bout du doigt, elle dessina une carte du monde dans le sable.
"Où est-ce que ça nous mène ? L'ouest de la Chine ?" demanda Malefoy.
"Euh - c'est possible. Il y a tellement d'endroits possibles, dépendant de combien de fuseaux on a sauté. Iran… Oman… tous les -stan…"
Malefoy grignotait à présent des figues sèches pendant qu'Hermione faisait des spéculations. Ses doigts recontrèrent un objet blanc qu'elle extrait du sable.
"Oh !" dit-elle en identifiant le coquillage long et blanc comme un Scaphopoda.
"Quoi ?"
Elle donna le coquillage à Malefoy.
"C'était un fond marin," dit-elle en regardant le sable. "Comme c'est curieux."
Elle se mit à quatre pattes et passa les doigts dans le sable, déterrant d'autres coquillages et vestiges de vie marine.
"C'est un Scaphopoda," dit Hermione à Malefoy qui avait toujours le coquillage dans sa main. "Mais je ne sais pas de quelle espèce, donc ça ne nous aidera pas à affiner notre localisation."
Malefoy examina le coquillage puis le rendit à Hermione. Leurs doigts se touchèrent. Sa peau était froide. À la place du coquillage, elle tendit à Malefoy les restes d'un oursin.
"Oursin de mer," dit-elle.
"Fascinant."
Hermione ignora le sarcasme et retourna à l'étude de sa carte, maintenant ponctuée de morceaux de coquillages. "Je ne connais pas assez les anciennes mers pour faire une suggestion intelligente, basée sur ces créatures. Il serait dangereux pour nous de transplaner quelque part, étant donné que nous n'avons aucune idée d'où nous sommes sur la planète."
Elle hésita imperceptiblement, redoutant ce qu'elle s'apprêtait à suggérer.
"Je pense que notre prochaine manœuvre devrait être un vol de reconnaissance pour voir si nous pouvons trouver la civilisation, et avec un peu de chance, une Cheminette Internationale."
Malefoy se redressa sur ses coudes. "Excuse-moi, viens-tu de dire vol ?"
"Oui."
"Comme dans, utiliser le balai ?"
"Oui."
"Toi ? De ta propre volonté ? Tu veux utiliser un balai ?"
Elle s'était attendue à ce genre de réaction, mais cela ne l'empêcha pas de prendre la mouche. "Oui, d'accord ? Il s'est révélé être terriblement utile. Ne prends pas cet air satisfait."
"Trop tard."
"Je vois ça."
Malefoy transpirait la satisfaction par tous les pores de sa peau. Il se remit à plat dos, les mains sous la tête, observant le ciel avec un sourire triomphant. C'était un sourire sincère, qui illuminait son regard habituellement si froid. Hermione se demanda s'il était heureux à la perspective de voler ou du fait que c'était elle qui l'avait suggéré.
"Le soleil se couche," dit Malefoy. "Attendons jusqu'à ce qu'il soit sous l'horizon, et ensuite faisons une reconnaissance d'en haut. S'il y a des bâtiments aux alentours, ils seront éclairés et on pourra les voir de loin."
Juste au moment où Hermione hochait la tête pour approuver, une sorte de meuglement résonna entre les dunes autour d'eux.
"As-tu entendu une vache ?" demanda-elle.
"Une vache ? On aurait dit Weasley aux toilettes."
"Eurk - ne soit pas - oh ! Regarde !"
Un troupeau d'animaux apparut au-dessus des dunes.
C'était des antilopes au museau caractéristique qui permit à Hermione de les identifier facilement.
"Oh, j'ai lu quelque chose sur elles - ce sont des antilopes Saïga," dit-elle, bondissant sur ses pieds, pleine d'émerveillement.
Les animaux s'arrêtèrent devant le mouvement soudain. Ils regardèrent Hermione avec méfiance puis parurent décider qu'elle ne représentait pas un danger car elles continuèrent à avancer de leur démarche sautillante.
"Drôles de choses," dit Malefoy. "Magiques ?"
"Non," répondit Hermione sur la pointe des pieds, regardant le troupeau passer. "Extrêmement rare par contre."
L'animal de tête poussa son meuglement particulier et le troupeau disparut derrière une dune.
Hermione retourna à la couverture et s'agenouilla devant sa carte. "Cela va aider à nous situer. Ces antilopes vivent dans des endroits restreints. Nous sommes quelque part en Asie Centrale." Elle se mordit la lèvre. "Les regroupements de population seront peu nombreux et éloignés les uns des autres."
"On volera vers le sud ou l'ouest, alors," dit Malefoy. "Définitivement pas au nord."
"Je suis d'accord - il n'y a rien d'autre que les steppes russes par là."
"On va attendre encore une heure," dit Malefoy, regardant le soleil alors qu'il sombrait derrière les dunes. "Ensuite on pourra voler."
Hermione s'allongea sur le dos à côté de lui et plaça elle-aussi les mains derrière sa tête. Elle était toujours émerveillée. "Je ne peux pas croire que j'aie vu une antilope Saïga," dit-elle rêveusement.
"Moi, je ne peux pas croire qu'on ait eu une conversation avec le crâne de Marie Madeleine."
"Et qu'on ait presque été battus par des nonnes."
"Ces nonnes étaient des sauvages. Mes prochaines protections en seront inspirées. Devrais-je ajouter une Barrière de Belzébuth à ton laboratoire ?"
"Tu pourrais. Un endroit dédié à la possession démoniaque ajouterait un peu de vigueur aux couloirs de Trinity."
Bientôt, le soleil ne fut plus qu'un souvenir doré reflété dans le firmament. Il n'y avait pas de chants d'oiseaux dans le désert ; tout était calme, excepté le sifflement plaintif du vent contre les coques rouillées.
Le vent se fit plus silencieux alors que le monde s'assombrissait. La lune émergea et peignit les dunes d'un blanc argenté. Puis, dans l'immobilité noire au-dessus d'eux, les constellations se mirent à briller les unes après les autres, et les galaxies, et les nébuleuses innombrables.
Hermione n'avait jamais vu un ciel comme celui-là, si éclairé par sa propre brillance, scintillant des possibles mystères de mondes lointains.
Ensemble, dans un silence impressionné, Hermione et Drago observèrent l'éclat tourbillonnant au-dessus d'eux. Leurs cœurs semblaient étrangement pleins, et leurs problèmes petits et distants, sous de tels cieux.
ooo
Aucun d'entre eux n'avait prévu de faire une sieste, mais l'épuisement magique prit son dû et les assomma tous les deux pendant deux heures.
Le bon côté fut qu'ils se réveillèrent absolument régénérés. Quelques vifs mouvements de baguette emballèrent ou effacèrent toute trace de leur passage.
Et puis, ce fut l'heure de voler.
Malefoy prit un air avide alors qu'Hermione sortait le balai de sa poche. Elle le tint hors de sa portée et dit, "Ce n'est pas parce que je pense que c'est une bonne idée que je vais apprécier. Me faire hurler de terreur n'est pas l'objet de cet exercice."
"Je ne ferais jamais une chose pareille," dit Malefoy, semblant offensé qu'elle ait pu penser une telle chose de lui, comme s'il n'avait pas à son actif une longue série de précédents.
Profondément méfiante, Hermione, lui passa le balai. Malefoy monta puis vola jusqu'à elle pour qu'elle grimpe dessus. Elle tordit ses mains, prit une inspiration, se demanda à voix basse pourquoi elle finissait toujours sur un maudit balai, et finalement, monta.
"Tu t'en sors mieux quand tu n'as pas le temps d'y penser," remarqua Malefoy alors qu'Hermione se calait entre ses jambes. "Comme dans la crypte."
"La mort imminente me fait oublier la mort légèrement moins imminente," grogna Hermione à travers ses dents serrées.
Elle entendit Malefoy lancer un assortiment de sorts contre le vent et le froid quelque part au-dessus de sa tête. "Prête ?"
"Non," s'étrangla-elle. "Mais vas-y."
Malefoy ne se le fit pas dire deux fois. Il décolla vers les cieux aux millions de millions d'étoiles.
La scène post-apocalyptique de la flotte de bateaux corrodés devint de plus en plus petite, jusqu'à ce que les coques ne soient plus que des tâches en dessous d'eux. Hermione ne put s'empêcher de garder les yeux ouverts, hypnotisée par la myriade d'étoiles qui éclairaient de leur lumière argentée un océan de dunes, ondulant sans fin tout autour d'eux. C'était magnifique, époustouflant.
Elle souffla un seul "Wow" stupéfait puis resta silencieuse.
Malefoy suivit une ligne droite en direction du sud-est. Le balai ne cessait de vibrer sous eux et Hermione appréhenda un problème technique. Elle finit par demander anxieusement :
"Pourquoi le balai vibre ?"
"Il veut aller vite," dit simplement Malefoy.
Soulagée, Hermione médita un instant sur cette réponse. "Vite comment ?" demanda-elle timidement.
Malefoy réfléchit avant de répondre sous la forme d'une autre question : "À quelle vitesse peut aller ta voiture ?"
"J'ai déjà dépassé les deux cent kilomètres-heure - en Allemagne, note bien."
Elle était peut-être une hors la loi en ce qui concernait le vol de reliques, mais pas sur la route, merci beaucoup.
"On peut aller à deux cent avec le balai," dit Malefoy. "Si tu es partante."
Elle hésita. Valait-il mieux un très long vol à vitesse réduite, ou un vol plus court mais rapide ? "C'est un désert sacrément grand," dit-elle finalement.
"Ça l'est."
"On vole depuis vingt minutes et nous n'avons vu aucun signe d'habitation humaine."
"Correct."
"On couvrirait plus de terrain en allant plus vite."
"En effet."
Hermione se redressa entre les bras de Malefoy et se rendit compte que ses cheveux volaient dans son visage. "Allons-y. Ajoute quelques brise-vent - je vais faire quelque chose pour mes cheveux."
Il ralentit pour jeter les sortilèges alors qu'Hermione tressait sa queue de cheval et la fourrait dans son haut.
Stressée, Hermione dit : "N'accélère pas trop vite ou je vais tomber."
"Tu ne tomberas pas. Je te tiens."
C'était dit comme une vérité inébranlable, et Hermione se rendit compte qu'elle lui faisait totalement confiance.
"Je sais," dit-elle, se détendant légèrement.
"Ça sera juste comme si on était dans ta voiture," dit Malefoy en se penchant en avant, son torse se plaquant contre le dos d'Hermione.
"Ma voiture a des ceintures de sécurité," objecta Hermione. "Et elle reste solidement sur le sol tout le teeeeeeeeeeemps-"
Elle ne put s'empêcher de finir sa phrase dans un cri perçant alors que le balai bondissait en avant. L'adrénaline emplit ses veines et son cri se transforma en un rire joyeux. Elle se sentait en sécurité contre Malefoy malgré la vitesse, mais elle était toujours aux prises de son vertige, ce qui la rendait à moitié amusée, à moitié terrifiée, et certainement pas en état de formuler quelque pensée cohérente.
"Là, maintenant on arrive à quelque chose," dit Malefoy à son oreille alors que les dunes se changeaient en un flou argenté en dessous d'eux.
"Oh mon dieuuuu-"
"Tu gardes un œil sur les lumières, n'est-ce pas ?"
"Ughflrp"
"Bien."
Ils filèrent à travers le désert, météoriques. Malefoy, devant l'absence de protestation d'Hermione, accéléra encore fougueusement, et à présent les dunes étaient une lueur argentée en dessous, et les étoiles un tourbillon vertigineux.
Malefoy tenait fermement Hermione contre lui, et elle savourait ce contact. Elle aimait être dans les bras de ce sorcier si exceptionnel, féroce et étrangement attachant. Son odeur l'enveloppait, mélange de son parfum, de poussière et d'aventure.
Tout ça était fou - être contre Malefoy, filer à une vitesse insensée au-dessus de ces étendues sauvages sans avoir aucune idée d'où ils étaient, le Portoloin illégal et inachevé, le crâne parlant, toutes ces choses. C'était irréel. C'était grisant.
"Là !" dit soudain Hermione en tendant le bras.
À cette vitesse, il fut fouetté vers l'arrière et frappa Malefoy à la tempe.
"Désolée !" lâcha Hermione. "Mais - regarde !"
Au sud d'eux brillait l'aura jaune des lumières moldues. D'abord elles parsemaient le sable, ici et là, puis elles commençaient à former de longues lignes parallèles. Des routes.
"Une ville !" dit Hermione.
Malefoy vola moins vite et moins haut. Alors qu'ils ralentissaient, Hermione les Désillusionna tous les deux, de peur qu'un Moldu regarde les étoiles par une telle nuit.
Ils rasaient les toits à présent, cherchant plus d'indices sur leur localisation. Les panneaux des enseignes des magasins étaient en cyrillique et, bizarrement, en Arabe, avec ce qui ressemblait à du hangeul coréen, tout pour garder dans la confusion tout sorcier ou sorcière qui serait perdu.
Hermione demanda à Malefoy de ralentir encore pour qu'elle puisse consulter son téléphone, maintenant qu'ils avaient atteint la civilisation.
"Tashkent," dit-elle.
"À tes souhaits," dit Malefoy.
"Non, c'est là où nous sommes. Nous sommes en Ouzbékistan."
"Ma parole," dit Malefoy. "Nous sommes hors des sentiers battus."
"C'est excellent. Il y a une ambassade britannique ici. Il y aura un Consulat Magique à l'intérieur. On va pouvoir rentrer par Cheminette."
Elle programma l'itinéraire sur le GPS de son téléphone, qui les guida jusqu'au toit de l'ambassade britannique, qui était fermée pour la nuit. Malefoy les fit entrer par effraction, repéra les quartiers du Consul, et ils réveillèrent le pauvre sorcier.
Malefoy usa d'intimidation pour que le Consul enclenche le flux de la Cheminette Internationale, malgré leur absence de toute sorte de papiers, Hermione lui jeta un Oubliettes, et Malefoy un sort de Sommeil, puis ils furent conduits à Londres par les flammes bleues.
Malefoy et elle formaient définitivement une équipe redoutable.
Ils furent recrachés sur le sol britannique vingt minutes plus tard, après le voyage en Cheminette le plus long et le plus étourdissant qu'ils aient jamais expérimenté tous les deux. Malefoy, tout duelliste aguerri qu'il était, en sortit avec une roulade ; Hermione s'effondra moins gracieusement, aux prises avec une forte nausée.
Elle s'allongea sur le sol froid du hangar londonien qui servait de plateforme d'arrivée et ne bougea plus.
Elle fixait le plafond qui refusait obstinément de rester immobile, et vit du coin de l'œil Malefoy, qui s'en sortait généralement mieux qu'elle avec toutes les choses qui tournaient, inspecter les alentours. Il semblait boitier de nouveau.
"Ils ont mis une ligne de Cheminette domestique," dit-il. "On peut chacun rentrer directement chez nous."
"Je ne peux pas," dit Hermione en priant pour qu'ouvrir la bouche ne la fasse pas vomir immédiatement.
La tête de Malefoy apparut dans le champ de vision d'Hermione, masquant le plafond tourbillonnant. "Tu as l'air sur le point de vomir," observa-il judicieusement.
"Je le suis," dit Hermione.
"Ce n'est qu'un tout petit voyage supplémentaire en Cheminette."
"Va t'en et laisse moi mourir," dit Hermione d'une voix faible.
Malefoy parut considérer l'idée avant de demander : "N'as-tu pas une potion contre la nausée ?"
"Si je sens ne serait-ce qu'une potion, je vais décorer ce sol avec de l'aubergine et -"
"Chut," dit Malefoy.
Des bruits de pas résonnaient dans le hangar.
Malefoy s'agenouilla près d'Hermione. "Il y a un agent qui arrive et nous n'avons aucune explication justifiant pourquoi nous venons d'arriver de Tashkent sans papiers, ni tampon du Consul. Il faut qu'on parte."
"Merde," dit Hermione, levant faiblement la tête. "Ils vont trouver mon charme d'Extension s'ils nous fouillent.
"Et, on a toujours ce fichu crâne. C'est un Artefact volé - sans mentionner assez précieux pour déclencher un incident international."
"J'ai entendu quelqu'un arriver, je te dis," s'éleva la voix d'un homme.
"Impossible," s'éleva une autre. "Il n'y a rien de prévu avant Istanbul à la demie."
Hermione leva un bras et murmura, "Fais-nous transplaner."
"Où ?"
"Où tu veux, bordel !"
Malefoy saisit son bras et transplana aussi silencieusement que possible.
