Vérités difficiles

Le lendemain matin, après avoir déposé Christopher à l'école, Eddie passa par le parc où ils allaient souvent se promener en famille. Là, sur un banc, il trouva Maddie. Elle semblait avoir passé la nuit ici. Elle avait l'air perdue et secouée.

Eddie s'approcha, hésitant.

– Maddie ? s'enquit-il. C'est ça ? Je suis Eddie, le… Le mari de Buck.

Elle leva les yeux, les larmes coulant sur ses joues.

– Qu'est-ce que vous faites, ici ?

– Je n'ai nulle part où aller, murmura-t-elle.

Eddie ressentit une onde de compassion.

Il savait ce que c'était de se sentir seul et désespéré. Elle avait cruellement besoin d'aide mais dans son état, elle ne lui parlerait pas et il ne pourrait pas convaincre Buck de revenir vers elle, sans en savoir plus.

Elle avait besoin de se reposer et de se sentir en sécurité, avant toute chose. Eddie avait déjà vu ce regard perdu et il ne savait pas comment il allait pouvoir dire à ça à Buck. Il allait s'écrouler.

Il prit une décision rapide.

– Viens, dit-il doucement. Je vais te trouver un hôtel où tu pourras rester pour le moment. Juste le temps de comprendre où tu en es et comment nous pouvons t'aider.

– Evan…

– Je lui parlerai, lui promit-il. Mais tu as besoin d'un endroit pour toi, tu ne peux pas rester ici.

– Je n'ai pas d'argent.

– Laisse-moi m'occuper de ça, lui sourit-il. Viens maintenant.

– Pourquoi tu veux m'aider ?

– Parce que ton frère m'a sauvé la vie et parce que je reconnais que trop bien ce regard.

– Je ne vois pas de quoi tu parles, nia-t-elle en détournant les yeux.

– Ça aussi je reconnais. Tu ne me connais pas et tu n'as aucune raison de me faire confiance et si tu préfères, je peux te déposer dans un des foyers pour femmes battues de la ville mais tu as besoin d'aide, Maddie.

Elle fondit en larmes et Eddie fit de son mieux pour la réconforter.

Ils se rendirent ensuite dans un petit hôtel non loin de là, et Eddie paya une chambre pour elle. Il lui donna son numéro de téléphone et lui demanda de l'appeler si elle avait besoin de quoi que ce soit.

– Je vais parler à Buck, ajouta-t-il. Je ne garantis pas qu'il viendra tout de suite mais il t'aidera.

De retour à l'appartement, Eddie attendit que Buck immerge de sa sieste de fin de quart et lui prépara un petit brunch. Il le laissa manger un peu puis, il s'assit en face de lui, son visage sérieux.

– Buck, il faut qu'on parle de quelque chose… de… ta sœur, termina-t-il quand il fronça les sourcils.

Buck leva les yeux, agacé.

– Je t'ai dit que je ne veux rien avoir à faire avec elle. Elle est comme les autres.

– Non, Buck, je ne suis même pas sûr qu'elle sache que tu es riche. Et je crois qu'elle est en danger.

– De quoi tu parles ? Tu ne l'as vu que deux secondes.

– Elle était dans le parc ce matin et je crois qu'elle y a passé la nuit. Elle semblait perdue et secouée.

– Je ne me souvenais pas qu'elle était si bonne comédienne, gronda-t-il.

– Elle ne joue pas Buck et…, écoute-moi une minute d'accord ? Tu as dit que tu avais confiance en moins et je pense, j'ai la sensation que tu devrais l'écouter parce qu'elle… Buck, je crois sincèrement qu'elle vient de fuir une relation abusive, termina-t-il d'un coup comme pour arracher un pansement d'un coup sec.

Buck fronça les sourcils, son agacement se transformant en inquiétude.

– Une relation… abusive ? C'est ce qu'elle t'a dit ?

– Non, répondit Eddie avec gravité. Elle ne le dira pas parce qu'elle en a honte mais je… Je sais ce que c'est. J'ai vu ce regard dans ses yeux. C'est le même que j'avais quand… quand je fuyais Shannon.

Les yeux de Buck s'élargirent de surprise et de choc.

– Quoi ? sursauta-t-il.

Eddie prit une profonde inspiration, sentant les larmes monter.

Il ne savait pas comment il allait pouvoir lui dire ça. Personne ne le savait, pas même Christopher. C'était tellement honteux, tellement dur pour lui d'admettre avoir été battu pas sa femme.

– Shannon… elle… Elle m'a fait vivre un enfer. Elle me rabaissait tout le temps, m'humiliait sans en avoir l'air, et elle frappait, fort, avec tout ce qu'elle avait à porter de main.

– Pourquoi tu n'as jamais porté plainte ?

– Tu n'imagines pas, combien de fois, j'ai voulu le faire mais j'avais honte et le dire à haute voix ça revenait à admettre que j'échouais. Je ne pouvais même pas me défendre, j'avais trop peur de la blesser gravement, de la tuer accidentellement. J'ai fini par la détester, par détester ma propre vie.

– Oh Eds…

– Et maintenant, elle est morte, le coupa-t-il. Renversée par une putain de voiture et je n'obtiendrai jamais justice pour ce qu'elle m'a fait subir.

Buck se leva et s'assit à côté d'Eddie, posant une main réconfortante sur son épaule.

– Eddie, je suis tellement désolé. Je ne savais pas...

Eddie secoua la tête, essuyant ses larmes.

– Ce n'est pas ta faute. Mais tu dois comprendre que ta sœur a besoin de toi. Si cet homme est après elle, elle est en danger de mort. Elle a besoin de notre aide.

Buck resta silencieux un moment, absorbant les révélations douloureuses d'Eddie. Finalement, il hocha la tête, déterminé.

– Tu es sûr de toi ? demanda-t-il incertain.

– Tu ne peux pas feindre ce regard, ce comportement, cette façon d'être sur le qui-vive, toujours. Elle est complètement terrorisée, Buck.

– D'accord. Je vais l'aider. Je ne peux pas l'ignorer si elle est vraiment en danger.

Eddie se sentit soulagé et reconnaissant.

Ensemble, ils allaient affronter cette nouvelle épreuve et aider Maddie à se reconstruire. Leur nouvelle vie prenait des tournants inattendus, mais ils étaient prêts à affronter chaque défi, main dans la main.

Buck passa l'après-midi au téléphone et Carla vint les rejoindre avec les informations qu'elle était parvenue à récolter, avant même l'heure du goûter. Le moins qu'on pouvait dire c'était qu'elle était redoutablement efficace.

Le soir même, Buck et Eddie se rendirent à l'hôtel où Maddie séjournait. Lorsqu'elle ouvrit la porte, son visage montra une lueur d'espoir mêlée de méfiance mais elle était toujours pâle avec les yeux rougis.

– Evan, murmura-t-elle en tremblant.

Buck hocha la tête, l'air sérieux.

– Eddie m'a parlé, admit-il. Il m'a fait comprendre que je ne pouvais pas t'ignorer. Si tu as vraiment besoin d'aide, je suis là pour toi mais si tu te joues de moi…

Les larmes coulèrent librement sur les joues de Maddie.

Elle s'effondra dans les bras de son frère, sanglotant de soulagement. Cette fois, bien qu'hésitant, Buck referma ses bras sur elle, avant de la serrer fort contre lui, pleurant à son tour.

– Tu vas devoir tout me dire, grande sœur, souffla-t-il. C'est le seul moyen pour moi de te protéger efficacement.

Ils rentrèrent tous les trois à l'appartement, où Maddie fut accueillie chaleureusement. Christopher, curieux et plein de vie, apporta un sourire à chacun de leurs visages. Le dîner fut simple mais réconfortant, rempli de discussions et de sourires timides.

Plus tard dans la soirée, après avoir couché Christopher, Eddie et Buck s'assirent avec Maddie pour discuter de la situation. Elle leur raconta son histoire, sa voix tremblante d'émotion.

– Doug... il a commencé à devenir violent, il y a quelques années. Au début, ce n'étaient que des mots, des insultes, affirma-t-elle faisant tressaillir Eddie et la main de Buck pressa doucement son genou en signe de réconfort, le regard toujours tourner vers sa sœur. Puis, ça a dégénéré. J'avais peur de partir, peur de ce qu'il ferait. Mais je ne pouvais plus supporter ça. J'ai pris la décision de fuir, et je n'avais nulle part où aller. Alors, je suis venue te voir.

Buck écouta attentivement, son visage grave.

Il comprenait maintenant l'ampleur du désespoir de sa sœur. Il espérait seulement qu'elle ne se jouait pas de lui mais de ce qu'il avait pu apprendre de sa vie et les quelques rapports de police pour tapage et suspicion de violence conjugale qu'il avait pu retrouver, plaidaient en sa faveur.

Il choisissait de la croire en espérant qu'il avait raison.

– Tu es en sécurité ici, Maddie, dit-il doucement. On va te protéger et t'aider à te reconstruire.

Maddie hocha la tête, reconnaissante.

– Merci, Evan. Merci, Eddie. Vous ne savez pas à quel point cela signifie pour moi.

Les jours suivants furent remplis de nouvelles routines et de soutien mutuel.

Buck avait installé Eddie dans sa chambre car il refusait de dire la vérité à Maddie, préférant jouer la carte de la prudence, tant qu'il ne serait pas certain qu'elle n'était pas de mèche avec leurs parents. Eddie aurait dû en être gêné mais Buck ne dormait pas toujours à la maison à cause de ses quarts et il devait admettre qu'il dormait mieux avec sa chaleur rassurante à ses côtés.

Eddie et Buck firent tout leur possible pour aider Maddie à se sentir en sécurité et à l'aise. Ils contactèrent des associations pour les femmes victimes de violence, organisèrent des séances de thérapie et commencèrent à planifier son avenir.

Eddie trouvait de plus en plus de raisons d'apprécier Buck. Il voyait en lui un homme profondément bon, prêt à tout pour protéger ceux qu'il aimait. Leur amitié se renforçait, et Eddie se sentait plus que jamais en sécurité et soutenu.

Un matin, alors qu'ils prenaient le petit-déjeuner tous ensemble, Maddie se tourna vers Eddie.

– Eddie, tu… tu avais vécu la même chose et… Comment as-tu trouvé la force de t'en sortir ?

Eddie prit une profonde inspiration, sentant le soutien de Buck à ses côtés.

– C'était difficile. Mais j'ai trouvé la force en pensant à Christopher. Je ne pouvais pas le laisser grandir avec un père comme une épave. Et maintenant, avec l'aide de Buck, je me sens enfin capable de tourner la page et de reconstruire ma vie.

Maddie sourit à travers ses larmes, touchée par la résilience d'Eddie.

– Merci, Eddie. Tu es une source d'inspiration.

Leur nouvelle vie n'était pas parfaite, mais ensemble, ils étaient prêts à affronter chaque défi. Eddie, Buck et Maddie se soutenaient mutuellement, créant une famille improvisée mais solide. Les jours de souffrance et de peur semblaient peu à peu s'éloigner, remplacés par des moments de joie, de rire et d'espoir.

Et ainsi, chaque jour apportait son lot de révélations, de défis et de victoires. Eddie et Buck continuaient à apprendre à se connaître, construisant une amitié profonde et sincère. Ils savaient que, tant qu'ils se soutenaient, ils pouvaient surmonter n'importe quelle épreuve.

Leur histoire était loin d'être terminée, mais ils étaient prêts à écrire chaque nouveau chapitre ensemble, main dans la main, avec courage et détermination.