L'après-midi était déjà bien entamée et les trois juges n'avaient pas quitté le bureau depuis le début de la matinée. L'affaire du meurtre du petit garçon de Concord leur prenait tellement de temps et d'énergie qu'ils n'avaient d'autres choix que de laisser les autres dossiers de côté mais voilà, les documents s'empilant de jours en jours, ils avaient du mal à en voir le bout.

En attendant la réponse du centre de classification, ils avaient décidé de se répartir équitablement la charge de travail pour en voir le bout avant la tombée de la nuit. Malgré tout, ils eurent quand même besoin d'y consacrer une grande partie de la journée pour terminer.

« Ça y est. » Souffla Albert Spencer qui apposait un point final à son document avant de reprendre : « Je voulais vous dire, le travail que l'on fait dans ce bureau est une chose, les affaires de jeunes délinquants auxquels vous êtes assignés en est une autre. Ce sont des affaires indépendantes où je ne peux pas intervenir alors j'attend de vous un investissement maximal. »

« Oui Monsieur. » Répondirent les deux juges associées en même temps.

Des coups furent frappés à la porte et Belle se précipita dans la pièce avant que qui que ce soit n'ait le temps de le lui autoriser. Ce n'était pas dans ses habitudes d'agir de la sorte et, en voyant la mine inquiète qu'elle affichait, personne n'eut besoin de plus d'explication pour comprendre que quelque chose était arrivé.

Regina se redressa dans sa chaise et ne put s'empêcher de penser au pire. Silencieusement, elle pria pour que ce ne soit point en lien avec la mère de Devin.

« Je suis désolée d'interrompre cette réunion mais c'est vraiment important. » Annonça-t-elle gravement.

« Qu'est-ce qui se passe ? » S'exclama le juge en chef, les sourcils froncés.

Avec une grimace, la médiatrice en justice se contenta d'allumer la télévision pour afficher la chaine des infos.

« La juge Regina Mills de la cour de jeune délinquant du tribunal de Concord a été nommée dans l'affaire du meurtre de l'enfant qu'il y a eu à Concord mais ses compétences en tant que juge sont remises en question. En effet, alors qu'elle était juge pour mineur au tribunal de Cleveland, il y a deux ans de cela, son attitude très autoritaire et sa manière de parler auraient suscité de nombreuses controverses. » Expliqua une présentatrice avec l'image de la brune en robe de juge en arrière-plan.

« Elle ne l'a pas insulté mais elle s'en est quand même prise à mon enfant en lui hurlant dessus ! Je ne peux pas croire qu'une telle personne puisse être juge. » Témoigna, à visage découvert, la mère d'un jeune délinquant dont elle avait traité l'affaire.

« De plus, lors de l'enquête sur le meurtre de cet enfant à Concord, elle aurait demandé à une mineur de se présenter volontairement au tribunal. Comme elle aurait refusé, elle l'aurait emmené de force sans mandat. Il y a désormais une nouvelle polémique à ce sujet. » Reprit la présentatrice.

La mâchoire serrée, Regina savait parfaitement qui venait d'orchestrer toute cette machination à son égard. Un bulletin d'information, basée uniquement sur sa personne et non pas sur le tribunal, diffusé sur la chaine principale à une heure de grande écoute – il n'y avait qu'une seule personne capable de faire une chose pareille pour lui faire perdre toute crédibilité.

Elle s'en alla à toute hâte, sans même prendre le temps de récupérer ses affaires et s'empressa de harceler la personne à l'initiative de cette honteuse stratégie. Comme il fallait s'y attendre, le tribunal fut, lui aussi, assailli d'appel de journaliste comme de particulier qui cherchaient à vérifier la véracité des propos entendu.

« Non, non, non, c'est complètement faux. Ils ont publié cet article sans vérifier les faits, c'est tout ce que nous avons à dire. » Annonça Scarlett.

« Non, elle ne l'a pas emmené de force ! Elle était accompagnée d'agent de probation et elle a mis en application ce qui était prévu par la Loi. Je ne crie pas, j'articule pour que vous puissiez bien m'entendre ! Il y aura un procès. » S'exclama Belle également au téléphone.

Dans le taxi, Regina ne quittait pas des yeux l'écran de son téléphone. Elle survolait tous les articles qui évoquaient ses précédentes affaires. Une vague de reproche se déferla sur les différents forum, chaque internaute y allait de son petit commentaire sur son autorité, sa cruauté, son inhumanité. En l'espace d'une heure, une pétition vit même le jour afin de la destituer de son droit d'exercer et le nombre de signature ne cessait d'augmenter.

Aurait-elle dû faire preuve de plus de gentillesse envers cet adolescent qui avait brutalement assassiné sa petite-amie sous prétexte que celle-ci lui avait refusé un rapport sexuel ? Aurait-elle dû être clémente envers cette fille qui avait volé la voiture de ses parents et, sous ivresse, avait brisé une famille – ne laissant que la mère en état de pleurer le corps sans vie de ses deux enfants et de son mari ? Aurait-elle dû être moins cruelle envers cet adolescent qui prostituait de force sa petite sœur, la vendant au premier venu tant que l'argent rentrait ?

Bien sûr que non, elle avait donné des sanctions à la hauteur de leur crime. S'ils ne s'étaient pas tourné vers le chemin de la délinquance à un âge aussi précoce alors elle n'aurait jamais eu besoin de les juger. Ils étaient tous là où ils méritaient d'être et ce n'était pas le témoignage de la mère d'un assassin qui allait l'empêcher de se regarder dans un miroir.

D'un pas décidé, elle pénétra dans le bâtiment et grimpa les escaliers en furie. Elle se précipita vers le bureau de cette vipère aux cheveux roux mais elle la croisa finalement en chemin.

« Regardez qui voilà. Je peux savoir ce qui vous amène ici, votre honneur ? » Dit-elle d'un ton amusé.

« C'est toi. Ce serait bien ton genre, tu n'as aucune morale. » Grogna la brune.

« Oui, c'est moi. C'est bien toi qui m'as dit que je devais effectuer mon travail ? La nation devait connaitre la véritable Regina Mills. »

« Quand on était en formation, tes ridicules coup bas n'avaient aucun effet sur moi. Il en sera de même aujourd'hui. Tu as perdu contre moi à l'époque et tu perdras encore. Ava Tillman va recevoir une citation à comparaitre au tribunal, sois à l'heure avec elle. Je te conseil de ne pas avoir de retard, il y aura plein de journaliste et je sais à quel point tu aimes ça. » Assura-t-elle avant de revenir sur ses pas.

« Dis-moi, ça fait longtemps que je n'ai pas eu de nouvelle de notre Dani chéri. Comment va-t-il ? » Lança Zelena avec malice.

La juge se contenta de lever les yeux au ciel en comprenant que la rousse n'avait pas pris en maturité depuis leurs années de formation.

Regina avait rencontré la rouquine lors de son entrée à l'université, partageant la même chambre au dortoir et étudiant la même licence, elles avaient très vite sympathisé. Donnant l'air d'être les meilleures amies du monde, elles passaient le plus clair de leur temps ensemble, étudiaient ensemble à la bibliothèque, déjeunaient ensemble à la cantine, apparaissaient ensemble aux diverses festivités du campus et surtout, elles dominaient ensemble le classement des élèves. Tout le monde connaissait Regina grâce à Zelena et tout le monde connaissait Zelena grâce à Regina, elles n'étaient jamais loin l'une de l'autre si bien que certains les pensaient sœurs.

Leur relation avait pris un tournant durant leur dernière année de licence. En plus de ses études en droit pénal, la brune avait choisi de suivre plusieurs options dont les sciences criminelles ce qui lui avait valu d'étudier pendant un an à l'étranger : elle avait passé plusieurs mois en France avant de terminer son année au Royaume Unis où elle avait commencé une relation avec Daniel Colter – affectueusement surnommé Dani par Zelena.

Le jeune homme avait suivi son amoureuse et, grâce à son dossier exemplaire, il n'avait eu aucun mal à être accepté dans le même établissement. Ils avaient emménagé tous les deux dans un petit studio ce que la rousse avait très mal vécue, en plus de ne pas pouvoir rattraper le temps perdu avec son amie, elle avait le sentiment d'être mise de côté. A partir de ce moment, la relation entre les deux femmes avait commencé à se détériorer.

Regina avait fait tout son possible pour maintenir un équilibre entre son amour pour Daniel, son amitié pour Zelena, ses cours et son travail à la bibliothèque. Elle faisait en sorte d'inviter son amie autant que possible, bien que le studio soit petit, pour la pousser à faire connaissance avec le jeune homme. N'ayant plus de contact avec sa famille, Daniel et Zelena étaient les deux personnes qui comptaient le plus à ses yeux alors elles ne voulaient perdre ni l'un ni l'autre.

Seulement voilà, les mois passant, la brune travaillaient de plus en plus tard à la bibliothèque et, à chaque fois qu'elle rentrait, son compagnon lui annonçait que la rousse était venu lui rendre visite, qu'elle était restée jusque tard et qu'elle avait même parfois proposé de dormir sur place pour lui tenir compagnie. Des rumeurs selon lesquelles Zelena menait une relation secrète avec le brun avait fini par voir le jour sur le campus et la principale concernée ne semblait rien faire pour les arrêter.

Bien au contraire, elle en jouait – énormément. Elle s'invitait à la table de Daniel lors de la pause déjeuner, elle l'embrassait sur la joue, lui tenait le bras dans les couloirs, elle rigolait bêtement même lorsqu'il ne disait rien de drôle, elle l'attendait à la fin des cours et lui sautait dans les bras à chaque occasion. Au final, le jeune homme avait atteint sa limite et lui avait hurlé tout ce qu'il avait sur le cœur devant tout le monde ce qui avait mis un terme à toutes ses rumeurs qui faisaient du mal à son couple.

Lors de leur dernière année d'étude, Daniel avait organisé un voyage romantique à Paris où il avait demandé la belle brune en mariage. L'information avait fait le tour du campus et Zelena n'avait pas tardé à le savoir. Elle avait été verte de jalousie en voyant la bague autour du doigt de celle qui avait été son amie et elle avait tout mis en œuvre pour les séparer, allant jusqu'à organiser un dîner où elle n'avait invité que le jeune homme dans le seul but de le séduire et de passer la nuit avec lui. Malheureusement pour elle, ses plans n'avaient pas fonctionné et, malgré tous les coups bas qu'elle avait mis en œuvre, les deux bruns avaient validés leurs années et s'étaient mariés dans la foulée.

Les deux jeunes femmes ne s'étaient plus revu depuis, empruntant chacune une voie différente pour terminer leur formation et ainsi exercer le métier dont elles avaient tant rêvé. Regina avait souvent repensé à cette amitié passée, elle avait eu du mal à tirer un trait sur la rousse si bien qu'elle en était venue à se demander si elle ne devait pas mettre un terme à sa relation pour la récupérer, choisir l'amitié plutôt que l'amour. Aujourd'hui, elle était passée à autre chose, elle s'était libérée du poids de cette amitié mais Zelena, elle, semblait toujours plongée dans le passé. La mesquinerie et la jalousie n'avaient pas quitté sa vie.

La brune eut à peine le temps de remettre les pieds au tribunal qu'elle fut convoqué dans le bureau du juge en chef qui lui jeta une pile de journaux – où son nom faisait la une – au visage.

« Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? A cause de vous, j'ai été convoqué par le premier président ! On n'est pas des amateurs, on doit être exemplaires quand on est juge ! Pourquoi vous ne m'avez rien dit ? Vous avez fait toute une histoire pour interroger Ava Tillman ce soir-là mais vous l'avez forcé à le faire ! Vous pensiez que ça ne poserait pas de problème peut-être ? » Hurla-t-il à s'en casser la voix.

La jeune femme n'osa pas répondre, son silence était sans doute ce qui agaçait le plus Albert Spencer. Habituellement, elle avait toujours quelque chose à répondre, quelque chose à ajouter, quelque chose à dire pour avoir le dernier mot mais maintenant qu'elle se retrouvait au pied du mur, elle n'avait plus rien à dire ? Agacé, il attrapa le téléphone de son bureau et composa le numéro de sa secrétaire.

« Demandez à Mademoiselle Swan de venir dans mon bureau. » Grogna-t-il.

Il n'eut pas à attendre plus que quelques secondes avant de voir la tête blonde franchir le pas de la porte. Celle-ci ne prononça pas le moindre mot, elle s'approcha de son homologue et attendit sa sentence.

« Cette affaire, ce sera Mademoiselle Swan qui s'en occupera ! » Fit le juge en chef qui lui tendit les documents relatifs à l'affaire.

« Monsieur Spencer... » Tenta Emma.

« C'est un ordre du premier président ! » Cria-t-il sans lui laisser le temps d'en dire plus. « Je vous avais clairement prévenu que notre département serait sous les feux des projecteurs et qu'il fallait être très prudent. On n'a pas le droit à l'erreur ! »

« J'étais avec elle sur ce coup. »

« Je vous demande pardon ? »

« Je suspectais aussi Ava Tillman d'être présente le soir du meurtre, j'ai donc aidé Madame Mills. » Annonça-t-elle avant de recevoir un coup de pied de la part de son homologue.

« C'est la vérité ? » Demanda Albert Spencer, incrédule.

« Non Monsieur, je suis allé chercher Ava Tillman seule ce soir-là et j'ai été seule à prendre cette décision. Je n'ai aucune excuse pour cela. » Affirma Regina en baissant honteusement la tête.

« Mademoiselle Swan, fixez une date de procès le plus vite possible et Madame Mills, vous assisterez Mademoiselle Swan. » Déclara l'homme avant de les renvoyer.

Les deux jeunes femmes quittèrent la pièce dans un silence de mort pour rejoindre leur bureau. La brune ouvrait la marche, les bras croisé sur la poitrine, elle était en colère d'avoir perdu son affaire mais elle ne pouvait rien dire.

« Pourquoi est-ce que vous avez fait ça ? C'est moi qui vous ai dit qu'elle était dans ce cybercafé, moi aussi je cherchais Ava Tillman. Pourquoi avoir pris toute la responsabilité ? Vous vous êtes tellement investie dans cette affaire... » Soupira Emma en s'appuyant contre son poste de travail.

« Je me suis investie mais est-ce que ça fait de moi une innocente ? Les journaux télés n'ont pas dit que des mensonges. C'était entièrement de ma faute, c'est vrai que je ne voulais pas rater cette occasion, il fallait absolument que je l'arrête. Le pire aurait été qu'ils confient l'affaire à une autre équipe, changer le juge principal ce n'est rien – question d'égo. Parfois il faut savoir sacrifier un bras pour avoir la tête de l'ennemie. »

Bien qu'agacée à l'idée de ne pas pouvoir conclure cette affaire, Regina ne s'inquiétait pas le moins du monde. Son homologue lui avait apporté une grande aide alors elle savait que celle-ci ferait le bon choix, qu'elle ferait régner la justice à sa place.

« Voici des cas intéressant que j'ai trouvé, lisez-en autant que vous le pourrez et ne vous inquiétez pas pour moi. » Dit-elle en lui tendant une pile de dossier d'affaire impliquant des schizophrènes.

Emma eut le tournis en voyant la quantité de document qu'elle allait devoir traiter. Elle soupira en comprenant qu'elle allait devoir passer la nuit au bureau si elle ne voulait pas y passer des jours entiers. Elle fut tirée de sa réflexion par des coups frappés contre la porte.

« Madame Mils, j'ai reçu un appel du centre de détention pour mineur. C'est Nicholas Zimmer, il souhaiterait faire des aveux. » Annonça Scarlett.