La caserne était toujours en ébullition, que ce soit pendant une intervention ou dans les moments calmes entre deux appels. Mais aujourd'hui, il y avait quelque chose dans l'air, quelque chose de différent, presque palpable, qui planait entre Buck et Eddie. Une tension silencieuse, invisible aux yeux des autres, mais bien présente entre eux.

Ils étaient là, côte à côte dans la salle commune, regardant le reste de l'équipe discuter et plaisanter. Buck jetait des coups d'œil furtifs à Eddie, comme il l'avait fait des centaines de fois auparavant. Eddie, de son côté, gardait le regard droit devant lui, comme s'il essayait de se concentrer sur quelque chose d'autre que l'homme assis à quelques centimètres de lui.

Cela faisait des mois, voire des années, qu'ils dansaient autour de ce non-dit. Cette complicité entre eux avait toujours été naturelle, presque automatique. Une alchimie que tout le monde remarquait. Mais malgré cela, malgré les regards, les sourires échangés, les moments où leurs mains s'effleuraient par inadvertance, aucun des deux n'avait jamais osé franchir la ligne. Et cela devenait de plus en plus difficile à supporter.

« Ça va ? » demanda Buck, brisant le silence qui s'était installé entre eux.

Eddie tourna la tête vers lui et hocha doucement la tête. « Ouais, je vais bien. Et toi ? »

Buck haussa les épaules, souriant légèrement. « Ouais, ça va. » Mais derrière ce sourire, il y avait une ombre de frustration. Une envie de dire plus, de poser des questions qu'il n'avait jamais osé poser.

Ils échangèrent un regard, et pour un instant, le monde sembla s'arrêter. Buck ouvrit la bouche, comme s'il allait enfin dire ce qu'il retenait depuis si longtemps. Mais, comme à chaque fois, il se ravisa à la dernière seconde.

« C'est quoi ton plan pour ce week-end ? » demanda-t-il finalement, essayant de revenir à des conversations plus sûres, moins risquées.

Eddie le fixa pendant une seconde de plus, avant de détourner les yeux. « Je vais passer du temps avec Chris. On va probablement aller au parc, faire un peu de vélo. »

Buck hocha la tête, un sourire plus large cette fois. « Ça a l'air sympa. »

Le silence retomba entre eux, pesant, plein de tout ce qu'ils ne se disaient pas. Buck voulait lui dire qu'il aurait aimé être là, qu'il aurait aimé faire partie de ces moments avec Chris, qu'il aurait aimé être plus qu'un simple ami. Mais ces mots restaient coincés dans sa gorge, incapables de franchir la barrière de ses lèvres.

Eddie, de son côté, ressentait la même chose. Chaque jour qu'il passait avec Buck, il se demandait pourquoi il n'arrivait pas à lui dire ce qu'il avait sur le cœur. Mais la peur de perdre ce qu'ils avaient, la peur de tout gâcher, le paralysait. Alors il restait silencieux, espérant que peut-être, un jour, les choses se résoudraient d'elles-mêmes.

Les mois passèrent, et cette routine d'incertitude devint leur quotidien. Des regards furtifs, des sourires hésitants, des conversations qui frôlaient des sujets plus profonds mais ne les atteignaient jamais vraiment.

Un soir, alors qu'ils étaient tous les deux assis dans le silence de la caserne, Eddie tourna la tête vers Buck. Il le regarda longuement, observant les traits familiers de son visage, la manière dont ses yeux brillaient sous la lumière tamisée. Ce moment aurait été parfait pour tout dire, pour enfin se libérer de ce poids qui le hantait depuis si longtemps.

Mais comme toujours, les mots restèrent prisonniers de sa peur.

« Buck… » commença-t-il, mais il s'interrompit, cherchant la suite de sa phrase.

Buck le regarda, sentant que quelque chose de différent se jouait dans l'air. Il attendait, presque nerveusement, espérant que cette fois-ci, ce serait le moment où tout changerait. Mais au lieu de cela, Eddie soupira et secoua la tête.

« Rien. C'est rien. »

Buck fronça les sourcils, mais ne poussa pas plus loin. Il avait appris à accepter ces moments d'hésitation de la part d'Eddie. Parce qu'il en avait eu beaucoup lui-même.

Les années passèrent, et rien ne changea réellement entre eux. Leur amitié resta forte, indéfectible, mais cette tension, ce non-dit, continua de les suivre. Christopher grandissait, et Buck restait une présence constante dans sa vie, presque comme un membre de la famille. Mais malgré cela, Buck et Eddie ne franchirent jamais cette ligne invisible.

Un jour, alors qu'ils étaient tous les deux sur le terrain après une intervention particulièrement difficile, Buck regarda Eddie, couvert de suie et de sueur, le cœur battant encore à cause de l'adrénaline.

« Un jour, » pensa-t-il. « Un jour, je lui dirai. »

Mais ce jour ne vint jamais.

Des années plus tard, alors qu'ils étaient tous les deux plus âgés, assis sur le porche de la maison d'Eddie, regardant le soleil se coucher, cette pensée traversa encore une fois l'esprit de Buck. Il tourna la tête vers Eddie, voulant lui dire enfin ce qu'il ressentait depuis si longtemps.

Mais en voyant Eddie, le même homme qu'il avait appris à aimer, il sut que certaines choses ne devaient peut-être jamais être dites. Parce que même sans les mots, ils avaient construit quelque chose de beau. Quelque chose de fort.

Eddie le regarda alors, un léger sourire aux lèvres, comme s'il savait. Comme s'il avait toujours su.

« Merci d'être là, Buck. » dit-il doucement.

« Toujours. » répondit Buck.