PARTIE 2 : DRAGO
Drago laissa une fois de plus son esprit divaguer. Il était presque dix-neuf heures et il avait trouvé la journée interminable. Voilà pourtant à peine une semaine qu'il était de retour à Londres. Son bureau donnait sur le chemin de Traverse, plus particulièrement sur la banque Gringott et il se surprenait à apprécier le spectacle des passants. L'Angleterre lui avait vraiment manqué. Non que son séjour à New-York ait été désagréable mais les sorciers anglais avaient cette touche de fantaisie et de flegme qui ne se retrouvait pas de l'autre côté de l'Atlantique.
Il secoua la tête. Il devait se reconcentrer. Ce travail dans un fonds d'investissement était une très belle opportunité, pas question de gâcher sa chance en rêvassant. Il était bien déterminé à faire ses preuves.
- Malefoy!
Son patron, un sorcier débonnaire du nom de William Rathford, venait de pénétrer dans son bureau, sans s'annoncer comme à son habitude. Drago commença à se demander s'il n'allait pas mettre un enchantement. La lourde porte en chêne en tremblait encore.
- Tu travailles encore? On n'est pas aux Etats-Unis, tu as le droit d'aller retrouver ta petite-amie, si tu en as une.
Il eut un gros rire peu subtil. Depuis une semaine qu'il travaillait avec lui, Drago avait vite compris que la subtilité était la dernière qualité de William. Il lui accorda un de ses célèbres sourire glacial.
- Tiens, poursuivit son patron en laissant choir un énorme dossier sur son bureau, je veux qu'on s'en parle demain.
Le dossier portait la mention «S.O.S.» Un appel au secours? pensa Drago, pince-sans-rire, en parcourant rapidement les parchemins.
- Soutien aux Orphelins Sorciers? Qu'est-ce que c'est ce machin?
- C'est une fondation qui vient en aide aux orphelins. Comme tu le sais, les petites péripéties de Voldemort en ont laissé pas mal.
Drago se pinça les lèvres. Voilà une chose qui ne lui avait pas manqué. Il détestait qu'on évoque le mage noir devant lui. Heureusement, William Rathford avait la qualité de ne pas se préoccuper du passé de ses employés, et poursuivit donc comme si de rien n'était:
- Le nouveau décret du ministère nous oblige à consacrer une part de nos fonds à des actions sociales, on m'a soufflé cette idée, tu me diras ce que tu en penses.
Drago leva les yeux au ciel. Super. Il ne manquait plus que cela. Il travaillait dans la finance, pas à Sainte Mangouste, qu'était-il supposé analyser dans ce dossier?
- Je n'y manquerai pas, répondit-il poliment en poussant le dossier du bout des doigts.
Il espéra que William prenne cela comme un point final à la conversation mais le sorcier lissa son imposante moustache brune.
- Alors? Cette petite amie? Comment s'appelle-t-elle?
Drago retenta le sourire glacial, qui n'eut encore une fois aucun effet. Si son attitude froide suffisait habituellement à instaurer un climat de respect voire de crainte autour de lui, elle était totalement inefficace à cet instant. William sortit un parchemin roulé de sa poche et lui fit un gros clin d'œil.
- Un goéland t'a apporté cela tout à l'heure.
Le blond vit à horreur que le parchemin était scellé par un énorme cœur en cire. Il arracha brutalement la lettre des mains de William.
- Ah les jeunes… soupira le sorcier avant d'enfin tourner les talons.
Drago regarda le rouleau et les pièces du puzzle se mirent en place. Un goéland. Une missive interocéanique. Amber. En trois ans, elle était celle qui s'était le plus rapprochée d'une relation, à défaut d'avoir un mot plus précis. Il avait eu de l'affection pour elle mais pas assez pour le retenir à New York. La dernière chose dont il avait besoin était qu'elle le poursuive avec des lettres enflammées!
Il décacheta le parchemin avec un soupir d'appréhension.
Hello l'anglais,
J'espère que tu as fait un bon voyage, ici il fait ridiculement chaud pour un mois de juin, c'est terrible. Je suis allée dans notre restaurant préféré pour commander des fish and chips, c'est dire combien tu me manques! Le week-end prochain, on compte partir sur la côte avec Ben et Riley, j'aurais bien aimé que tu sois là, même si tu détestes la plage, je t'aurais étalé de la crème solaire. Sans aucune arrière-pensée bien entendu, pas la peine de lever les yeux au ciel.
(Désolée si cette lettre n'a aucun sens, je l'ai écrite avec un verre de Whisky Pur Feu à la main.)
Ne t'inquiète pas de ce débordement d'amour, Drago, je sais exactement la tête que tu fais en ce moment. Essaye de penser un peu à moi en retour et ça me suffira amplement.
XOXO
Amber
PS: tu as oublié ton caleçon préféré chez moi, je le garde en souvenir.
Il resta figé un instant. Il avait eu l'impression d'entendre sa voix au fort accent en lisant cette lettre, elle avait toujours parlé trop vite, passant d'une idée à l'autre, se laissant emporter par son enthousiasme. Drago roula le parchemin avec attention: c'était un peu idiot, mais il voulait le garder. Il n'avait pas noué beaucoup de relations à New-York et surtout pas amoureuse, mais Amber avait une telle insouciance et une telle joie de vivre, qu'il avait un peu réchauffé son âme à son contact. Même si la plupart du temps, elle lui tapait sur les nerfs.
La perspective de rentrer dans son appartement solitaire ne l'enchanta pas. Il hésita à envoyer un hibou à Blaise et Théodore pour leur proposer un verre puis se rappela qu'il avait cet horrible dossier S.O.S. à lire. Autant s'en débarrasser, cela lui permettrait d'occuper sa soirée.
En remontant le chemin de Traverse jusqu'à son appartement, Drago apprécia la douceur du soir et la lumière, encore bien présente à cette époque de l'année. Un vendeur ambulant proposait des patacitrouilles. Dans ces moments-là, il était particulièrement content d'être de retour. Soudain, il aperçut une silhouette bien reconnaissable et son cœur fit un étrange mouvement.
- Daphné?
La jeune femme lui retourna un regard étonné avant d'illuminer son visage par un grand sourire. Elle portait un énorme sac remplit de livres. Elle n'avait pas changé.
- Drago! Mais oui, Théo m'a dit que tu étais de retour! Comment vas-tu?
- Très bien, je n'habite pas loin d'ici maintenant et toi?
Ils devisèrent pendant un instant comme deux vieux amis qui se retrouvent. Drago fut étonné d'être aussi content de la voir, ils n'avaient jamais été particulièrement proches. Certes Daphné était maintenant la petite amie de Théodore mais tout de même.
- Quand est-ce que tu viens dîner chez nous? Théo serait tellement content.
- Euh, quand tu veux, juste le temps que je m'installe correctement. C'est encore un peu le campement chez moi.
- Raison de plus!
Drago trouva soudain son insistance un peu agaçante. Il marmonna une excuse sur son travail, promis de lui envoyer un hibou et la salua. Le retour à son appartement se fit dans une profonde perplexité. Il n'avait eu qu'une envie: lui demander des nouvelles d'Astoria. Cela faisait pourtant un petit moment qu'il n'avait plus pensé à elle. Il se corrigea intérieurement. Moins pensé à elle serait plus juste.
À chacune de ses rencontres avec une femme, même si aucune n'avait duré bien longtemps, Drago n'avait pu s'empêcher de la comparer avec Astoria. Aucune n'était aussi belle, aussi douce mais surtout aucune ne l'avait regardé avec autant d'adoration que certains yeux bleu clair qu'il n'arrivait pas à se sortir de son esprit. Comme s'il était la personne la plus importante au monde. Il avait cru que c'était normal, après tout on lui avait répété toute son enfance qu'il était exceptionnel, mais chacune de ses conquêtes lui avait semblé excessivement narcissique en comparaison.
Si on excluait le flirt qu'il avait partagé avec Pansy, Astoria avait été sa première «relation», il n'arrivait pas à trouver un mot plus précis, c'était sans doute normal qu'il y pense. Il n'y avait rien de particulier là-dedans. En entrant dans son petit appartement, il se morigéna. Pas question de laisser ses pensées divaguer plus. Il détestait la nostalgie.
La pièce principale de son appartement était relativement grande mais surtout dotée d'une grande terrasse avec une magnifique vue sur le Londres sorcier. C'est ce qui lui avait plu. Il n'avait pas besoin de beaucoup plus de place, il passerait sans doute ses week-ends et ses vacances au Manoir familial. Une chambre avec salle de bain complétait l'ensemble. Tout était fonctionnel, presque impersonnel, mais le jeune homme n'en avait cure.
Il ôta ses chaussures et soupira. Il avait envie d'une bièraubeurre mais Drago avait toujours trouvé détestable de boire seul. Cela lui rappelait trop son grand-oncle Black qui buvait excessivement à chaque réunion familiale et que l'on retrouvait ronflant sur un canapé. Il passa derrière le bar américain et se servit une eau pétillante quand le journal du jour attira son œil. Il l'avait feuilleté ce matin en buvant son café. Machinalement, il tourna les pages, à la recherche d'un article intéressant qu'il n'aurait pas encore lu. Arrivé à la rubrique «Les Potins d'Abraxas», il comprit qu'il ne trouverait pas. Bien malgré lui, le jeune homme parcourut la page. Apparemment, Célestina Moldubec venait de se séparer de son troisième mari et l'orientation sexuelle du nouveau Ministre de la Magie passionnait les foules.
Son cœur manqua un battement. Non pas à cause du divorce de Célestina Moldubec mais à cause de la photo du paragraphe suivant. Une jeune femme aux cheveux châtains embrassait fougueusement ce qui s'avéra être Harper O'Baile, le poursuiveur star des Frelons de Wimbourne. La jeune femme était Astoria.
Se sentant complètement ridicule, Drago attrapa le journal dans un geste brusque et lut le texte qui accompagnait la photo.
Ce n'est pas un souaffle qu'Harper O'Baile a attrapé, mais bien le cœur d'Astoria Greengrass, une jeune femme de 21 ans, qui s'avère être une récente recrue de la célèbre agence de communication et marketing Queenie. Selon nos informations, les deux tourtereaux sont ensemble depuis plusieurs mois et se sont rencontrés à un gala de charité. Il y a de l'amour dans l'air…
Drago posa brutalement le journal, perturbé. Tout cela ne le concernait pas. Astoria avait refait sa vie, elle en avait bien le droit. Il passa machinalement sa main dans les cheveux puis décida de déroger à ses propres règles. Tout compte fait, il avait bien besoin d'une bièraubeurre, de préférence très fraîche.
à suivre...
