Chapitre VII - Noyau Profond
Anakin activa l'auto-pilotage et la capsule fusa en vitesse-lumière en direction de Lantillies. Soumis à leur appétit vorace, les Purrgils avaient ignoré l'appareil qui s'était lentement éloigné hors de la pouponnière stellaire. Ils avaient continué à flâner, drogués par les vapeurs de Clouzon. Un juvénile les avait suivis un bref instant et toisé le chevalier d'un œil qu'on aurait cru amusé. Peut-être essayait-il de le remercier pour cette source de combustible qu'il leur avait offerte par pur accident.
Ça avait été sa première confrontation directe avec ces animaux, et les rumeurs à leur sujet étaient fondées. De la majesté à la dangerosité de leur stature, mais également cette interdépendance entre chaque membre du pod. Des colosses dont l'unité semblaient ne créer qu'un seul être duquel le jeune homme devinait toute l'immensité au travers de la Force. Cette même grandeur l'avait terrifié lorsqu'il l'avait pressenti la première fois. Désormais, il goûtait au privilège de voguer en leur présence. Cette contradiction de sentiments le laissait perplexe. Il n'avait pas l'impression d'avoir eu une quelconque emprise sur ses augures. Comme si les cétacés avaient eux-mêmes dialogué avec ses instincts pour le rassurer de leurs bonnes intentions à son égard. Ce qui n'avait pas paru évident lorsqu'il s'était retrouvé à devoir fuir un cargo en ruine dans un astronef de poche.
Son introspection se mit en pause. Obi-Wan était en train de craquer sa nuque et délier les nœuds de muscles de ses épaules. Une scène qui accaparait toute son attention.
Le souvenir de la catastrophe s'était tapi dans la joie des retrouvailles et le silence de la cabine s'alignait dans cette béatitude. La mise en route périlleuse de la navette avait contraint les deux Jedi à de simples dialogues techniques et les minutes suivantes, à trouver leurs aises dans cette cosse métallique. Ils avaient retiré leurs combinaisons, espérant ne plus avoir à les remettre, et s'étaient aidés à dézipper ces gangues d'oxygène pour enfin retrouver la liberté de leurs mouvements. Ils avaient gardé les pantalons et les bottes malgré la chaleur, sachant que l'atterrissage serait imminent. Maintenant qu'ils devaient patienter, les non-dits juraient dans le blanc du silence.
— On y sera dans combien de temps ?
Son compère se positionna à ses côtés, le regard rivé sur le tableau de bord qui lui rendit sa réponse. Le moniteur affichait une arrivée dans une trentaine de minutes. Les instruments à leur disposition étaient loin de la pléthore d'un vaisseau standard mais avaient l'avantage de ne pas demander plus de détails à gérer. Soit ça passe, soit ça casse. (Et Anakin avait quelques longueurs d'avance dans cette philosophie.)
— On est sûr que la carte est fiable ? l'interrogea son ami. Je n'arrive même pas à stabiliser l'hologramme…
Le chevalier soupira. La capsule avait déjà subi des dégâts avant qu'il ne s'y glisse in extremis. À cela s'ajoutait les Purrgils qui l'avaient balloté dans leurs entrechats cosmiques, sans oublier son atterrissage brutal quelques minutes plus tôt.
— Un peu d'indulgence, somma-t-il en tapotant le plafond de duracier. La bête a déjà encaissé pas mal de chocs. Et on ne va pas demander à un Bantha de manger les étoiles.
Obi-Wan cessa de jouer des manettes pour poser les mains de part et d'autre de la tablette de contrôle.
— « Compter les étoiles », souffla-t-il.
— Quoi ?
— L'expression c'est « on ne demande pas à un Bantha de compter les étoiles ».
Son cadet arqua un sourcil, dubitatif. Son regard se perdit un instant et il n'eut aucun doute sur l'air stupide qu'il devait renvoyer.
— J'ai toujours dit « manger »… pensa-t-il tout haut.
Son acolyte renifla d'amusement.
— Je sais, admit-il, l'œil espiègle. Depuis ta première année d'initiation. Et pour être honnête, je ne pensais pas que c'était encore le cas jusqu'à ce que j'entende Ahsoka me le répéter.
Le jeune homme le jaugea longuement. S'il savait déjà qu'il n'y avait aucune méchanceté derrière ces mots, il voulait voir jusqu'où il pouvait pousser la raillerie.
— Tu ne m'as jamais rien dit ? sonda-t-il avec curiosité.
Les iris pers brillèrent d'une complicité qu'il ne parvenait pas encore à cerner.
— Un plaisir coupable, rétorqua son compère. Surtout le jour où tu l'as hurlé au visage du Chah de Zaadja.
Son cadet pinça les lèvres, la mémoire en chasse aux souvenirs. Il n'avait vu le Chah Zaadjien qu'une fois dans sa vie et il fallait remonter une dizaine d'années en arrière. Ça devait être une de ses premières missions diplomatiques avec Obi-Wan. Le souverain échinait ses travailleurs à la construction d'un temple, d'un mausolée ou quelque chose du genre… dans des proportions cyclopéennes. À défaut d'avoir un intermédiaire avec la royauté, les Jedi avaient été appelés à jouer le syndicat des petites mains. Les réminiscences étaient flous mais une image marquante ressurgit malgré tout : celle d'un groupe d'ouvriers avachis sur l'anthrosol, aux visages rougis par l'effort et le soleil, suant sang et eau en plusieurs souffles pitoyables. Des vieillards et des enfants en faisaient partie.
— En pleine négociations avec les chefs de clans Savariens, deux sénateurs et Mace Windu, renchérit son aîné.
Anakin grimaça. La suite des événements ne lui revenait pas mais cette équation de personnages ne prédisait rien de bon pour son sort.
— Pour ma défense, je devais avoir douze ans à l'époque, argua-t-il. Même si j'imagine que ça ne devait pas être une excuse pour Windu.
Le maître secoua la tête et reprit :
— La fille du Padischah s'est tellement prise d'affection pour toi qu'elle a fait pression sur son père en notre faveur. Elle a soutenu politiquement et financièrement l'insurrection des Savariens en défiant le patriarche.
— Parce qu'un gamin a insulté le plus grand souverain de la planète ?
— Parce que ce gamin ne supportait pas l'injustice.
Ils verrouillèrent leurs regards et le chevalier fut le premier à se détourner d'un rire.
— T'as l'air beaucoup trop fier de cette histoire.
Son acolyte haussa une épaule, la mélancolie au coin des lèvres.
— Je l'aime bien, murmura-t-il en réponse.
Anakin se mordit l'intérieur de la joue. Le lien s'était épaissi comme les vrilles d'une vigne enlaçant sa congénère et la Force frémit. La ferveur née de leur réunion ne s'était pas éteinte, et il ne suffit que d'un soupir pour attiser son feu. L'expérience était identique à sa première tentative au spatioport. La poursuite d'un sentiment fuyant derrière une armada de cirrus dont il voulait absolument connaître la nature. La première fois, ces mêmes nuages s'étaient assombris, cherchant à claustrer sa progression dans une cage orageuse. Désormais, Obi-Wan usait une toute autre stratégie pour dompter la connexion : les nimbes se mouvaient jusqu'à engoncer la conscience adverse dans leur masse cotonneuse.
Non, Anakin.
Le jeune homme s'était avancé, la main posée sur le torse de son aîné qui, lui-même, serrait doucement son poignet en retour. Un geste accompagné d'un regard pour dire qu'il était désolé. Qu'il ne pouvait pas lui donner ce que le chevalier lui demandait, et qu'il n'accepterait pas ce qu'il lui donnerait. Anakin se mordit la lèvre un peu trop fort pour se défaire de ce baiser qui lui picotait encore la peau. Une main sur sa nuque, un basalte au creux de l'estomac et l'envie sur le bout de la langue… Il s'écarta prestement de son compère tout en s'invectivant de prendre du recul dans ses pensées.
Ce lien était un poison sucré, une drogue dont on oubliait les répercussions, et que sa part animale lui scandait de reprendre. En une lente inspiration, il érigea une barrière pour l'isoler du flux spirituel. S'il assouvissait ne serait-ce qu'une pulsion, son esprit serait à la merci de toutes les autres. Ils n'étaient plus qu'à quelques heures de Coruscant et de la délivrance, il ne céderait pas maintenant.
Même une fois là-bas, qui te dit qu'on trouvera une solution ? Il jugula la pensée-traîtresse. Il n'y avait rien à négocier. Ce fantasme éphémère ne s'expliquait qu'au travers de cette connexion. Une fois l'effusion passée, il s'en voudrait de ne pas avoir été assez fort pour l'avoir repoussé. Obi-Wan le voyait comme une épreuve et il devait faire de même. Cette expérience n'était pas la forge d'un amour mais d'une tentation, et Padmé ne méritait pas ça…
Sa prothèse eut un soubresaut incontrôlé et il s'en empara de l'autre main pour stopper la douleur qui menaçait de s'intensifier. Chaque fois qu'il serrait le poing ou secouait brusquement son avant-bras, les branches de métal contorsionnaient l'armature jusqu'à tordre son poignet dans une position peu naturelle. À moins de sectionner une autre portion de chair, il lui était impossible de la retirer sans les outils adéquats. Ne lui restait plus qu'à serrer les dents jusqu'à bon port.
— Depuis combien de temps…?
La question de son compère s'immisça dans son esprit avant qu'elle ne soit entièrement formulée. Anakin répondit sans décontracter la mâchoire.
— Depuis l'hôtel. Enfin, je crois…
Obi-Wan avait froncé les sourcils pour le couver d'un regard inquiet. Une expression qui demandait à ce qu'il donne plus de détails.
— Une branche a dû se désarticuler pendant le combat contre les Acklays… compléta-t-il à tâtons.
— Quand tu as projeté les pierres sur le Kaleesh.
Le chevalier soutint à nouveau son regard. Il était décidément de plus en plus dur de cacher ses propres réflexions. C'était effectivement ce qu'il pensait. L'élan de Force qui l'avait traversé à ce moment-là avait été si puissant que tous ses membres avaient tremblé d'un trop-plein d'énergie. Sa prothèse avait été le vecteur de cette décharge étrangère et inexpérimentée et en portait désormais les stigmates. Mais s'il n'y avait que ça…
— Et le problème ne s'est pas arrangé durant l'accident, ajouta-t-il.
— Qu'est-ce qui s'est passé ?
Il savait que la question portait davantage sur la catastrophe générale. La main toujours serrée autour du poignet d'où échappait des cliquetis étouffés, le chevalier se laissa retomber dans la banquette au centre de la cabine.
— Je ne peux que te parler de ce que j'ai vu, annonça-t-il. Quelque temps après le départ, j'ai été pris d'une migraine à me taper la tête contre les murs.
Le maître opina, semblant garder ses questions pour plus tard.
— Gipan m'a conduit à une couchette dans laquelle je pouvais me reposer. Le sommeil est venu très vite. J'ai…
Non, il ne pouvait pas parler du rêve. Il se racla la gorge.
— On m'a chaleureusement réveillé avec un blaster contre la joue et Oïssi m'a demandé de la suivre jusqu'à la salle des commandes. J'ai dégainé sans négocier.
Son acolyte renifla, une moue moqueuse en coin.
— Il n'y a que quand je suis seul qu'on peut faire les choses à ma manière, se justifia le chevalier. Je laisse les pourparlers aux professionnels.
Il crut entendre le maître critiquer sa « mauvaise foi » dans sa barbe mais poursuivit sans le relever.
— J'étais toujours dans les vapes quand le combat s'est engagé mais je dois dire que je ne m'étais pas attendu à voir l'équipage aussi bien formé à ce genre de contre-attaque. Surtout la gynoïde.
— C'était une droïde-assassine.
Anakin scruta son ami. C'était une affirmation et non une question.
— Tu savais ?
— La femme qui m'a menée jusqu'à toi connaissait Reski.
— C'est grâce à elle si tu es venu jusqu'ici ?
— Plutôt « à cause d'elle », rectifia son aîné. Mais elle doit aussi te dire quelque chose. Une grande brune plutôt loquace avec une cicatrice sur la lèvre.
Le jeune homme écarquilla les yeux.
— Elle voulait nous vendre à Ventress, poursuivit son acolyte.
— À la seconde où elle m'a vu dans ce bar ? Et Reski était complice ?
Il hocha la tête en réponse aux deux questions. Les remords frappèrent de nouveau le jeune Jedi. Il ne voulait pas plus de détails. Il s'était fait avoir de la plus ridicule des manières et c'était tout ce qu'il y avait à comprendre. Il songea encore à ce qu'Obi-Wan lui avait dit au lendemain de son caprice, et ses mots qui avaient apaisé sa honte.
— À mon avis, reprit le maître, elle avait juste omis un détail dans ses plans. Celui disant qu'un Skywalker seul c'est comme un Reek hors de sa cage.
Cette fois encore, il semblait obstiné à ne pas laisser son ancien apprenti ruminer ses blâmes. Ce dernier soupira en retour.
— Je dirais plutôt qu'un Skywalker seul est pire qu'un Loth-cat blessé, corrigea-t-il.
— C'est donc toi qui a riposté contre Ventress ?
Il secoua la tête de droite à gauche.
— Je dirais plus un concours de circonstances. Ce qui est sûr c'est que Gipan en a fait bien plus que moi.
Il cogita ses mots quelques instants afin d'éviter de se perdre dans cette mêlée de péripéties.
— Elle m'a d'abord sauvé d'une rafale de rayons-plasma en verrouillant un des sas du couloir. J'étais toujours sur la défensive quand elle a commencé à me parler et j'ai même failli…
Le craquement mécanique de sa main autour de la gorge de la mécanicienne.
— Sa peur a été bien assez pour me faire rengainer. Elle était ma seule alliée alors j'ai tenté ma chance. Elle m'a demandé de la suivre jusqu'au hangar en se faufilant dans les coursives. Les accès étaient déjà bloqués lorsqu'on a atteint l'entrée et, depuis la baie, on a pu voir le tarmac se baisser et le Banshee prêt à accoster.
— Gipan était au courant du piège ?
— J'en sais rien.
« Et je m'en fous. » insinua-t-il en sous-texte.
— Qu'elle ait été menacée par Reski, qu'elle ait un compte à régler avec Ventress ou qu'elle se soit repentie à la dernière minute… Si elle n'avait pas été là pour m'aider, c'était la mort ou la capture assurée. Mon mal de crâne s'est intensifié et je ne pouvais compter que sur elle. En quelques minutes, elle a saboté les palettes gravifiques des chasseurs qui ont commencé à voler hors de la baie. Mais avant qu'on ne voit le plan réussir, la cale s'est verrouillée. La minute d'après, le cargo faisait un saut en hyperespace dans la pouponnière.
— Comment c'est possible ?
— Je ne peux pas croire à une défaillance vu le nombre de validations hiérarchiques que demande une seule activation des propulseurs de cet engin.
— Le capitaine aurait voulu échapper à quelque chose ?
— Quelque chose d'assez gros pour qu'il se mette Ventress à dos. Et je n'en vois qu'un.
Le maître fouilla son ex-padawan du regard, visiblement tiraillé par les hypothèses.
— Je t'ai connu plus perspicace, Obi-Wan.
Le silence qui s'ensuivit aurait pu s'avérer délectable si un certain spectre Bothan ne voilait pas encore leurs perspectives de survie. Anakin désamorça aussitôt les tourments de son partenaire par les déductions qu'il avait déjà mûrement réfléchi.
— Au moins, on aura vérifié la théorie, reprit-il. Seul ou à deux dans le même vaisseau, elle nous colle à la peau quoiqu'il arrive.
Son acolyte se lissa la barbe.
— C'est le lien qui l'appelle, protesta ce dernier en se tournant à nouveau vers les commandes.
Il tenta de réactualiser l'holocarte. Le moniteur affichait encore un quart d'heure avant l'entrée en stratosphère tellurique. Le jeune Jedi aurait pu croire à une panique grandissante de la part de son aîné s'il ne sentait pas la brasure de leurs esprits aussi calme.
— Cette migraine dont tu parlais, l'interpella le maître, c'est elle qui l'a provoquée ?
— C'est la seule explication qui me vient mais si c'est le cas, je ne comprends pas ce qu'elle essayait de faire. Ça a commencé par des oublis, une perte de la notion du temps et de l'espace, puis juste des douleurs qui me faisaient croire qu'on était en train de me broyer le cerveau pour me rendre fou. Pourtant, sa présence n'était pas aussi forte que celle avant le crash sur Cyrkon. Ou du moins, pas aussi… monumentale.
Il s'humecta les lèvres tandis que ses neurones s'activaient à trouver les bons mots.
— Elle venait de l'intérieur, affirma-t-il. En fait, c'était plus comme si elle me poussait à une sorte d'auto-destruction…
— Comme si elle faisait déjà partie de nous, marmonna son compère.
Il s'était renfrogné d'un air songeur. Il soupira puis s'assit sur la banquette opposée, le regard rivé au sol.
— Obi-Wan. Est-ce que toi aussi, tu as…?
La question du Jedi resta en suspens. Il avait déjà deviné que quelque chose s'était passé à l'autre bout de la connexion mais même s'il percevait le trouble, son étendue restait nébuleuse.
— Je t'ai vu mourir.
Son ami parlait sans relever la tête.
— Le lien était en train de mourir, poursuivit-il. J'ai d'abord pensé que la distance l'endormait en quelque sorte, puis… Un pressentiment monstrueux m'a fait paniquer, et j'ai commencé à te chercher. Dire que j'ai succombé au lien serait hypocrite. J'ai utilisé son pouvoir jusqu'à délaisser toutes mes attaches avec la Force pour ne jurer que par lui. Mais je ne me doutais pas encore du sacrifice à ce moment-là.
Quel sacrifice ?
— Mon sang-froid, souffla-t-il en réponse. Quand cette image m'est apparue…
Les regards se plantèrent l'un dans l'autre, vert contre bleu. Les secondes s'étirèrent sous le carillon des diodes où le jeune homme vit les yeux de son aîné glisser sur chaque détail de son visage. Il s'attarda sur ses épaules, son buste puis se posa finalement sur les mains jointes de son cadet.
Pire que la peur, Obi-Wan avait goûté au désespoir. Ce n'était pas une découverte pour le Maître Jedi, mais voilà bien longtemps qu'il n'avait pas laissé un tel sentiment le dévorer. Un désespoir cru, sans recul possible et alimentant une ardeur qui aurait brûlé tous les obstacles entre lui et son objectif. Anakin connaissait cette transe et était bien loin d'imaginer qu'au-delà de la mort de Qui-Gon, son ex-mentor le ressentirait encore un jour.
Un battement de cils plus tard, son ami se penchait pour saisir la main mécanique avec délicatesse. L'auriculaire se crispa lorsqu'il tourna la paume vers le ciel. Anakin fronça les sourcils d'amusement à l'étrange test de réflexe auquel son compère semblait le faire jouer. Il n'avait jamais particulièrement aimé que l'on s'attarde sur sa prothèse. Lui-même avait mis longtemps à l'accepter comme la continuité de son corps. Réapprendre à manier le sabre s'était avéré facile mais moduler la Force avec cet appendice de métal avait été une frustration digne de ses premières années d'initiation.
— Qu'est-ce qui s'est passé une fois dans la pouponnière ? questionna le maître.
Il pressa doucement le creux de sa paume avant de relâcher. Perplexe, le chevalier reposa la main sur ses genoux tout en dévisageant son partenaire quelques instants. Le désir de l'autre rongeait l'innocence de leur complicité et aucun des deux hommes ne semblait épargné. Ils devaient penser à autre chose.
— Les Purrgils n'ont pas attendu pour venir à notre rencontre, énonça-t-il. Je sais que ces animaux ont besoin de beaucoup d'énergie pour se déplacer en vitesse-lumière mais je ne m'attendais pas à les voir aussi déchaînés. Ils étaient affamés. Ils percutaient le vaisseau de tous les côtés et les tirs de canons n'ont pas dû arranger leur humeur.
— Et un cargo loin des routes hyperspatiales peut difficilement s'échapper.
— Les baleines nous encerclaient déjà, clarifia-t-il, et ce n'était qu'une question de temps avant que les « colis fragiles » ne fassent exploser le hangar. Il ne nous restait que la fuite.
— Qu'est-ce qui est arrivé à Gipan ?
Le dernier souvenir de la mécano le frappa comme un feu de salve. Il n'avait plus envie de retarder la bombe de la confession et les mots sortirent de sa bouche avant que son cerveau ne cherche à s'esquiver.
— On est descendu à la cale où se trouvaient les capsules mais Oïssi nous y a interceptés. On m'avait déjà fait comprendre qu'elle était du genre instable. Les chocs à répétition et le brouillage du système informatique ont dû la faire vriller. Elle ne retenait pas ses coups et quand j'ai réussi à prendre le dessus…
Il enfouit son visage dans ses mains. Il se serait mordu la langue jusqu'au sang si une main ne s'était pas posée sur son épaule.
— Avant le coup de grâce, Gipan s'est interposée.
Un corps qui voulait faire barrage entre la droïde et lui mais qui avait été réduit au canva de son sabre. Il ne voulait pas la tuer. La douleur l'avait aveuglé, le temps jouait contre eux, il ne pensait qu'à leur fuite. C'était un accident. Il ne voulait pas la tuer. Il voulait juste… se débarrasser d'un obstacle.
— Anakin.
Il leva la tête pour confronter Obi-Wan. Agenouillé devant lui, il serrait le poignet de son cadet dont le grincement métallique allait crescendo.
— Je n'ai pensé qu'à la tuer, avoua le chevalier.
— Parce que tu ne voulais pas mourir.
La présence de son compagnon se faisait de plus en plus dominante dans son esprit, et les tourments qui en gouttaient révélèrent une profonde culpabilité. Il plongea dans le souvenir d'un transplanète en déroute où chaque passager haletait de panique. Dans cette débandade, un grand sentiment d'impuissance avait ravagé le cœur du Jedi. Il n'y avait eu aucun désir de protéger, seulement de survivre. Et aussitôt, la Force lui avait répondu. Le silence absolu, un sol jonché de corps dont il avait pris les vies et sa peine pour seule compagnie, il s'était laissé abattre jusqu'à ce que son ami le retrouve.
Plus qu'un fragment de mémoire, c'était une confidence.
— Ce ne sont pas des excuses qu'on doit chercher, reprit son aîné, seulement des explications. En ce qui nous concerne, les circonstances ont choisi à notre place.
— J'aurais pu résister à la douleur, à l'entité…
— La question n'a jamais été de savoir si on pouvait résister, mais si on le voulait.
— J'ai tué une amie.
— Et tu auras des comptes à rendre, mais pas à moi. Tes remords sont déjà un bon châtiment, tu crois pas ?
— C'est au Conseil qu'il faudra poser la question.
Visiblement irrité par la réponse, le Jedi recula.
— C'était un accident et c'est tout ce qu'ils ont à savoir, rétorqua le maître.
— Justement. « Kenobi » n'a pas la même connotation que « Skywalker » quand on parle d'accident.
— J'ai échoué tout autant que toi.
— Sauf que le Négociateur n'a plus besoin de faire ses preuves.
— Ne me lance pas là-dessus.
— Je t'ai demandé ton avis ?
La rumeur d'un orage grondait dans chaque parcelle de Force autour d'eux. Anakin s'apprêtait à se lever pour vaquer à d'autres occupations lorsqu'une main agrippa sa nuque. Son aîné verrouilla leurs regards et le pouvoir irradiant de sa présence sembla isoler les deux hommes du reste du monde.
— Au fil des années, mon devoir de maître m'aura plus obnubilé que celui d'ami. J'aurai des centaines d'occasions de te dire que tu n'es pas celui que le monde adule ou déteste. Mais si ce lien est ma seule opportunité de te prouver que tu mérites ta place…
La connexion bourdonna d'éclairs. Embusqué par cette canonnade adverse, le jeune homme se tapit dans l'ombre de ses remparts psychiques. Au travers, il percevait la bienveillance, leur complicité, les chuchotis d'un aveu sincère et pourtant, il redoutait d'entendre la vérité. Ce serait trop brut, trop cru, trop intense. Il tenta de s'arracher à la tangence avant de réaliser que son compère avait déjà envahi son esprit. Les souvenirs lui parvinrent comme une pléiade d'étincelles.
Le jeune Skywalker m'inquiète… Fort mais ni stupide ni cruel… Impulsif… Donnez-lui sa chance… Instable… Il apprend… Orgueilleux… Aucun Jedi n'est un saint… S'il échoue, je serais le seul fautif… L'Ordre entier sera fautif, Maître Kenobi… Ce garçon me rappelle son professeur, dissipé mais prometteur… On n'apprend pas à son padawan à être parfait, Obi-Wan, mais à devenir la meilleure version de lui-même… J'ai du mal à croire qu'il était votre élève… Peut-être que c'était moi qui ne méritait pas d'être son maître…
Stop. Obi-Wan. Arrête-ça.
Le flot continuait jusqu'à confondre les sentiments dans un tumulte de fierté, d'angoisse, de culpabilité, d'agacement, de colère, de sérénité, d'espoir, d'amour, de camaraderie, d'affection… Il en suffoquait. Les garde-fous de cette puissance avaient disparu et dans ce déluge d'émotions, le chevalier posa les genoux à terre pour étreindre son acolyte avec force. Il avait commencé à psalmodier ses suppliques tandis que les sanglots lui serraient la gorge. Il avait capitulé, et les larmes qui mouillèrent l'épaule de son compagnon provoquèrent enfin l'embellie.
Une onde de calme émergea mais lorsqu'on l'enlaça en retour, le feu déferla dans ses veines. Il saisit le visage de son aîné et écrasa sa bouche contre la sienne. Un baiser vengeur qui déchaîna sa faim et qu'Obi-Wan lui rendait avec la même avidité. Les deux hommes s'accrochaient solidement l'un à l'autre. L'entité avait ensemencé leurs cœurs et ils voulaient en goûter les fruits. Les corps qui se pressent, la caresse des langues, les soupirs irrépressibles, l'ardeur fébrile dans les gestes et une flamme naissante au creux des reins. Chacun aveuglait l'autre et s'entraînait mutuellement dans sa chute.
Le Jedi chevauchait son aîné et avait commencé à rouler des hanches, arrachant des râles des deux côtés. Leurs combinaisons présentaient trop d'épaisseur pour offrir plus de friction. Il se pressa de défaire les ceintures lorsque sa prothèse crissa d'agonie et secoua son bras de douleur. Cette foudre lancinante alimenta sa persévérance. Il craignait de voir cette passion partir à jamais s'il ne la saisissait pas ici et maintenant. S'il la laissait fuir, il le regretterait. Il deviendrait fou.
Il ignora les cliquetis métallique et tenta de capturer les lèvres de son ami une fois de plus avant d'être stoppé d'une main contre la bouche. Hébété, le chevalier dévisagea son compère et se laissa happer par la chaleur de son regard. Frangé par la convoitise, ce dernier le contemplait comme un artiste admirerait son œuvre. Un objet de désir immortalisé dans la toile qu'il avait travaillé avec amour mais qu'il ne pouvait plus se résoudre à souiller de son toucher mortel. Oh kriff… Leurs pensées se confondaient. Si Obi-Wan aimait le lyrisme érotique, son ancien apprenti ne pouvait s'empêcher d'imaginer ce qu'il lui dirait en plein acte.
Il remua encore une fois son bassin d'une lenteur taquine et le maître agrippa sa hanche pour l'immobiliser. Il prit la joue de son cadet en coupe pour embrasser la commissure de ses lèvres et déposer une kyrielle de baisers-papillons sur la mâchoire, la gorge, une clavicule… Anakin sentit un frisson lui remonter l'échine. Il n'avait jamais été au-delà du flirt avec les hommes. Et le seul garçon qu'il eut jamais embrassé - un autre padawan plutôt noctambule - n'avait pas de barbe. Il se concentra sur cette sensation qui grattait autant qu'elle chatouillait et mordit un sourire quand un pouce frotta sa pommette. Son initiation fut cependant de courte durée. Son partenaire avait interrompu ses mignotises pour poser une tempe contre son épaule et chauffer sa nuque de son haleine.
Il avait saisi la prothèse qui ne cessait de cliquer dans une série de spasmes. Le jeune homme chercha à se dégager et grommela que tout allait bien mais la poigne se resserra. Une voix rauque lui murmura à l'oreille.
— On doit rentrer.
Trois mots et il tombait du ciel. Indigné par ce revirement de situation, le chevalier se dégagea de l'étreinte et jaugea longuement son partenaire. Le désir qui les animait implorait d'être assouvi mais la raison n'avait pas rendu les armes. Du moins, c'était vrai pour l'un des deux.
— Juste une fois, soupira Anakin. Et on oubliera.
Obi-Wan exhala un rire et secoua la tête à la négative. Il porta la main à ses lèvres pour y déposer un baiser contre le cuir du gant.
— Je tiens trop à toi pour ça.
Son cadet émit un vague grognement en réponse puis se pinça l'arête du nez dans la tentative de regagner un peu de lucidité. Il s'apprêta à repartir à la charge lorsqu'un détail coupa son élan. Dans le reflet des yeux pers, l'or frelatait la couleur de l'iris. Une myriade d'étoiles minuscules et si furtives qu'elles disparurent un battement de cils plus tard.
Horrifié, le Jedi se redressa brusquement pour tourner le dos à son ami et prendre appui sur le tableau de bord. L'image avait marqué sa rétine, et l'idée d'y voir un présage lui retournait l'estomac. Obi-Wan ne se laisserait jamais corrompre. Il ne pouvait pas se laisser corrompre. Surtout pas à cause de lui.
— Désolé, marmonna-t-il.
Il entendit le maître se lever avec lenteur et défroisser ses habits. Si l'on s'en fiait à la quiétude du lien, il avait déjà deviné ce qui avait perturbé son ami. Cependant, accablé par un mutisme soudain, il ne lui donna pas la réplique. Le malaise était glauque. Ils devaient rentrer le plus vite possible.
Ce silence incita Anakin à trouver quelque chose pour lui accaparer l'esprit. Machinalement, il tapota les commandes pour savoir combien de minutes il leur restait avant l'arrivée et… Hein ?
Le moniteur affichait un atterrissage imminent mais ils n'avaient toujours pas quitté l'espace-lumière. Il n'y avait aucun doute que l'équipement devait dérailler mais en scrutant plus attentivement le hublot, les zébrures bleues du vortex s'assombrirent étrangement. Bien trop gros pour être l'ombre d'un vaisseau ou d'un Purrgil, ça pouvait être les résidus de poussière cométaire ou interplanétaire, ou alors…
— Qu'est-ce qui se passe ? l'interpella Obi-Wan.
Il s'était une nouvelle fois glissé à ses côtés et analysait la situation d'un œil acéré. Tous deux s'étaient dissociés de la brasure spirituelle, et chacun scellait ses réflexions. Il fallait maintenant revenir à l'interprétation du langage corporel si l'on voulait les indices des pensées adverses.
La fenêtre commençait à s'obscurcir dangereusement et le maître confirma ses suppositions.
— De… l'antimatière ?
— Je nous sors de là.
— Tu veux nous tuer ? objecta son aîné en lui attrapant le bras.
Il secoua son poignet hors de sa prise. Les trous noirs avaient le funeste avantage d'être si dense que leur ergosphère s'étendait à plusieurs années-lumière. Son disque d'accrétion rouge projetait ainsi sa couleur assez loin pour qu'un pilote puisse s'échapper dès l'apparition de quelques flèches flamboyantes sur le vitrage. Ce qui n'était pas encore le cas pour eux.
— On a pas encore passé le point de non-retour, argua-t-il.
— Ce n'est pas un trou noir. C'est un trou de ver.
Le chevalier plissa les yeux et sonda son acolyte, lui demandant silencieusement de s'expliquer.
— Cette poussière blanche, indiqua son compère en pointant les stries laiteuses du couloir spatial, nous prouve qu'on a dépassé l'horizon. On va bientôt rentrer dans la seconde région.
Il était déjà suicidaire pour un X-Wing de voguer dans la cinétique d'un trou noir, mais espérer qu'une capsule traverse le deuxième champ gravitationnel d'un trou de ver ?
— La navette ne résistera jamais.
— Si tu arrêtes l'hyperdrive, l'antimatière nous détruira, renchérit l'aîné. De toute façon… il n'y aura pas assez d'oxygène ni de carburant pour un voyage retour.
— Alors on fait quoi ?
Il ne répondit pas.
Anakin le considéra encore quelques instants avant de maugréer un juron, prostré par la fatalité. Il se laissa retomber sur le sofa, déplia les jambes et jeta la tête en arrière. Il insulta l'entité, l'univers, la fausse providence, la guerre, sa putain de bonne étoile qui s'amusait à l'abandonner au pire moment. Ces tribulations le poussa à songer au petit garçon de Tatooine dont les enjeux étaient bien plus linéaires, pas moins difficiles mais moins dogmatiques et aux conséquences modestes. Skywalker, t'es qu'un ingrat.
— Da cha konkee skocha, punchee,﹡ murmura-t-il comme un sombre proverbe.
— Smeeleeya whao toupee upee.﹡﹡
Il asséna une œillade à cette répartie. Le Huttese de son mentor avait toujours été trop lisse pour la vulgarité notoire de la langue. Mais ce qui avait toujours eu tendance à lui arracher un sourire ne faisait maintenant qu'avilir son amertume. Avant qu'il ne puisse rétorquer, son compère s'assit près de lui et colla leurs épaules.
— Tu te souviens de ce qu'on a fait juste avant le crash sur Cyrkon ? l'interrogea Obi-Wan.
Le Jedi dut se débarrasser de son atonie mentale pour que les rouages d'un raisonnement se mettent en branle.
— Quand on a essayé de faire coïncider nos forces ? proposa-t-il. Et failli mourir ?
— Si le crash sur Cyrkon était un échec, ce qu'on a fait après le naufrage de Bothan était une réussite.
— Donc tu veux réessayer ? Et on fait quoi ? On attend que la capsule explose et on espère un miracle ?
Il entendit son compère soupirer d'agacement. Ce dernier cherchait à affronter son regard mais ne put confronter que le profil d'un guerrier abattu. Un général sans troupe. Un homme épuisé.
— Cette entité nous veut, tança son aîné. Elle ne nous laissera pas mourir.
Il prit le visage de son ami dans ses mains et l'obligea à lui faire face.
— Dans ce transplanète, hanté par toutes les vies que je venais de prendre, je me serais laissé mourir. Je me serais tué. Quand tu m'as retrouvé, ce n'est ni notre lien ni l'entité qui m'a consolé, c'était le fait de te voir. Tu incarnes tout mon courage en ce moment-même, et plus encore. Mais après tout ce qu'on a traversé, on doit prendre une décision.
— Tu crois que j'hésiterais à te sauver ? cingla le Jedi.
— Ce n'est pas la question qu'il faut se poser.
— Tu veux savoir si je serais prêt à embrasser le côté obscur si ta vie était en jeu ?
Obi-Wan le toisait d'un calme olympien.
— Tu connais la réponse. Tu veux juste m'entendre le dire, cracha son cadet.
— Je ne te demande pas des aveux. Juste de l'honnêteté.
— Pour que j'assume mes actes devant l'Ordre ?
— Pour nous ! mugit le maître. Sans l'Ordre, sans les Jedi, sans la République. Dis-le pour moi.
Ce désarroi, il ne l'avait jamais vu d'aussi près. Un mélange de peur et de colère creusait les traits de son ami et faisait trembler ses mains d'un trop-plein d'émotion. Le cœur dans les tempes, le chevalier banda ses muscles.
— Qu'est-ce que ça changera ? siffla-t-il entre ses dents.
— Si sombrer est un choix, lutter l'est aussi. Le côté obscur n'est qu'un joug qui change de visage en permanence. C'est pourquoi… je veux qu'il ne se présente à toi que sous une seule forme.
Une rafale de puissance tonna au sein de la Force. Ce mordoré ondoyait une fois de plus autour des prunelles. Un éclat qui aurait dû être le brandon d'un désastre mais qui s'avéra un rayon d'espoir dont Obi-Wan voulait être le boutefeu. Le corrupteur. Celui qui aura été le premier à goûter au poison pour le servir à son compagnon ensuite. Hors de question.
Dans ce collapsar, ils étaient seuls. C'était eux et l'univers. Ce qui les condamnait n'était ni l'entité, ni le destin mais eux-mêmes. La passion était l'autre, et l'autre était l'espoir. Pourtant, chacun s'accrochait encore à des préceptes insignifiants face à un dilemme mortel. Il était temps que ça change. Pour leur bien.
— Tout ce qui compte pour nous n'est plus là, déclara Anakin. Ce n'est ni la lumière ni les ténèbres qui nous sauvent. Il n'y a que nous.
Il déchaîna cette révolte de pouvoir et la capsule vacilla. Son acolyte écarquilla les yeux. Il resserra sa prise sur sa nuque en signe de représailles puis exhala un rire l'instant d'après. Le chevalier crut à une hystérie avant de voir son corps se relaxer et s'étendre un peu plus contre le sofa.
— Viens-là, lui intima le maître en approchant leurs fronts. Depuis le temps que je dis que mon padawan sera ma perte…
— C'est pour ça que tu n'en auras qu'un.
Les vrilles du lien se resserrèrent autour de son ex-mentor. Il voulait le posséder comme Obi-Wan le possédait déjà. Cette appétence se débrida et son cri appela celle qu'ils attendaient. Elle se manifesta dans la mutité de leur environnement. Le son ne se propageait plus, la pesanteur se fit plus légère et les lampes s'éteignirent pour certaines et clignotèrent pour d'autres. Elle enclavait les présences humaines dans l'unique espace de la navette et les deux hommes domptaient enfin leurs forces.
Avachis contre les sièges, ils ne bougeaient plus tandis que le trou de ver les aspirait dans un autre monde. Une euphonie paisible et ineffable qui les menèrent à partager un souvenir qu'ils n'avaient pas vécu.
···•···
Murés dans l'écrin de la nuit, les deux hommes partageaient leurs histoires, écoutaient le friselis des arbres chatouillés par le vent, échangeaient des baisers, devinaient le cri des animaux nocturnes, contemplaient la beauté froide des lunes jumelles, comptaient leurs cicatrices, caressaient les chairs, soupiraient les noms…
— Reste avec moi.
— Ani…
— Elle m'a promis... que rien ne nous arrivera tant qu'on restera.
···•···
La capsule fendit le ciel et traversa le firmament nimbé d'aurores avant de percer l'onde d'un lac. Elle remonta à la surface grâce aux airbags et flotta doucement jusqu'au rivage. Les défaillances multiples de l'appareil interdirent l'ordinateur à procéder à l'analyse de l'atmosphère. Sans qu'il ne puisse évaluer si l'air était respirable, les réserves basses d'oxygène favorisa l'ouverture de l'écoutille.
Au centre de la cabine, les deux Jedi semblaient plongés dans un profond sommeil. Les poumons s'emplirent de cet éther inconnu sans qu'ils ne se réveillent. La température extérieure était assez clémente et la nature plutôt taciturne pour ne pas les arracher aux rêves.
Ces deux orbes de vie attisèrent quelque chose dans la vallée. Comme une rumeur propagée par la brise et qui se répandit alentour jusqu'à atteindre les sommets des collines. C'est là, dans les hauteurs, qu'une nuée d'oiseaux s'échappa d'une acropole pour s'envoler vers les cieux.
Traductions:
﹡Tu vas droit à la catastrophe, mon gars.
﹡﹡Souris quand tu dis ça.
Note de l'auteur: Petite pause pour répondre aux reviews que j'ai reçu au dernier chapitre !
Merci beaucoup le Bichon Mystérieux pour ton commentaire. C'est galvanisant de voir des critiques fines et enthousiastes ! J'espère que tu apprécieras le chemin que je réserve à ces deux-là.
Merci encore une fois à nono.bulbie C'est un vrai bonheur de lire que cette petite histoire porte autant au cœur. Ça me pousse à toujours faire le meilleur pour écrire.
Je vous envoie plein d'amour et j'espère vous revoir pour la suite !
