TROISIÈME PARTIE

𝐏𝐑𝐄𝐌𝐈𝐄𝐑𝐄 𝐀𝐍𝐍𝐄𝐄 𝐀 𝐏𝐎𝐔𝐃𝐋𝐀𝐑𝐃

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« Surtout, Séraphine, comporte-toi dignement. »

Séraphine leva à peine un regard vers sa mère. Elles s'étaient assises face à face dans une calèche tirée par des chevaux ailés, la plus éloignée l'une de l'autre, sur des sièges en cuir durs et inconfortables.

Eileen s'était habillée avec élégance aujourd'hui, avec une robe sorcière en satin noir. Elle avait même décidé de porter des bijoux, ce qu'elle n'avait pas fait depuis bien longtemps – plus exactement depuis qu'elle était partie de chez les Prince.

Séraphine, pour cette occasion, aurait pu la regarder et admirer cette facette coquette de sa mère, qu'elle n'avait jamais aperçue, mais hors de question pour elle de faillir à cette promesse qu'elle s'était faite inconsciemment : jamais plus elle ne trouverait quoi que ce soit de positif dans cette femme qui lui était désormais presque inconnue. Comme l'aurait si bien dit Sirius, elle avait le cœur velu.

Un silence particulièrement malaisant s'étendait entre elles depuis le départ. Madame Vale n'avait, hélas, pas pu l'accompagner. Elle était retenue autre part mais elle avait assuré qu'elle arriverait à temps pour saluer son élève.

« Nous allons descendre à la surface », les informa le chauffeur.

Séraphine tendit le cou pour observer le véhicule fendre la couche de nuage et atterrir devant la gare de King's Cross. Les chevaux les tirèrent dans une ruelle invisible aux yeux des Moldus et Séraphine et sa mère descendirent.

Comme toutes ses affaires avaient été déplacées à Poudlard – sur la demande de sa mère, qui n'avait bien sûr pas requis son avis dans le processus —, elle n'avait pas à traîner ses bagages et put se diriger les mains libres vers le lieu qui l'emmènerait à l'école de sorcellerie de Poudlard.

Sa mère prit une grande inspiration et elles entrèrent. Les quais étaient noirs de monde. Séraphine prit soin de ne pas laisser paraître que son regard, loin de chercher une porte de sortie, s'évertuait à trouver une jolie tête rousse.

« Nous devons nous rendre au quai 9 ¾. » déclara Eileen en plissant les yeux.

Il fallut jouer des coudes mais elles y parvinrent. Eileen vérifia que la journaliste qui interrogeait Abraxas Malefoy après sa réaction choquante aux nouvelles lois était présente et l'avait bien remarquée.

« Tu dois foncer dedans, indiqua Eileen en pointant le mur du doigt.

— Séraphine ? »

Interpellée par cette voix familière, Séraphine se retourna et rencontra les yeux vert émeraude de Lily. Elle faillit courir pour se jeter dans ses bras mais se souvint de la présence de sa mère, juste derrière elle.

Elle tenta de l'ignorer, mais Lily, convaincue que son amie l'avait vue, insista. Elle se plaça en face d'elle, poings sur les hanches. Quand elle avait disparu du jour au lendemain, Lily avait vu des gens, des sorciers, qui étaient passés dans tous le quartier pour jeter des sorts. Elle avait réussi à les éviter mais tous ceux qu'elle connaissait avaient oublié qui étaient les Rogue. Il n'y avait plus aucune trace d'eux à Carbone-les-Mines, et leur ancienne maison avait, selon tous les résidents de l'Impasse-du-Tisseur, toujours été abandonnée, trop délabrée pour être mise en vente.

« Je sais que tu m'as vue ! s'exclama-t-elle.

— Je ne parle pas aux nés-moldus. » rétorqua Séraphine, jetant des coups d'œil exagérément expressifs en direction de sa mère.

Lily, confuse, mit un instant avant de chuchoter d'une voix si basse qu'Eileen ne soupçonna même pas qu'elle eut parlé : « Je t'attends à l'intérieur. Tu as intérêt à tout m'expliquer. »

Elle fonça dans le mur et Séraphine, restée en arrière, la contempla un instant avant de fusiller sa mère du regard.

« Tu as bien fait. Elle n'était qu'une mauvaise influence pour toi » renchérit Eileen sans se soucier de l'air énervé de sa fille.

« Séraphine, salua Ophélia Vale, qui était arrivée pendant la confrontation.

— Madame Vale ! Vous êtes venue me dire aurevoir ! s'exclama la fille, ravie.

— Non, dit l'enseignante. Je ne te dis pas aurevoir. »

Elle sourit et sortit un chapeau.

« Je suis désormais ta professeure de Métamorphose, affirma-t-elle en exécutant une gracieuse révérence. Je peux te dire à tout à l'heure.

— C'est vrai ? s'écria Séraphine. C'est formidable. Mais... ça veut dire que vous allez me laisser ?

— Non, bien sûr que non, nous aurons les vacances pour poursuivre ton éducation. »

Elle sourit de plus belle.

« Maintenant vas-y, avant que le train ne parte. »

Séraphine se retourna une dernière fois, mais Madame Vale avait déjà disparu.

Elle marcha droit devant elle, sans fermer les yeux, et s'enfonça dans le mur pour ressortir sur le quai de la gare de King's Cross. Le Poudlard Express, était un immense train à vapeur rouge qui gémissait des volutes de fumées. Devant lui, les enfants sorciers discutaient. Un hiboux et deux serpents, enfermés dans des cages, passèrent devant elle. Une explosion de rubans en dentelle résonna dans un bruit retentissant d'un côté, se noyant rapidement dans le bruit des conversations.

A côté d'elle, Lily, émerveillée par le train, était adossée au mur, une énorme valise dans la main.

« Lily ? » l'appela Séraphine.

Celle-ci tâcha de cacher son air fasciné et fronça les sourcils.

« Séraphine, dit-elle.

— Je sais que tu m'en veux, commença-t-elle.

— Bien sûr que oui ! Je t'en veux énormément ! Tu m'as promis que tu ne m'abandonnerais pas, et tu reviens et tu me dis que tu ne parles pas aux nés-moldus.

— Je t'assure que j'aurai préféré ne pas le faire, mais crois-moi quand je te dis que je n'ai pas eu le choix. Mon père est mort. »

Lily écarquilla les yeux et sembla hésiter entre continuer à bouder et compatir avec son amie. Elle finit par l'enlacer.

« Je suis désolée. Mais, alors, qu'est-ce qu'il s'est passé ?

— Ma mère m'a emmené vivre au Manoir Prince. Elle m'a même payé une professeure, pour apprendre les coutumes de sangs-purs. Elle veut que je la rende fière, ici, en étant à Serpentard. »

Lily réfléchit avant de demander : « Et tu comptes lui obéir ? »

Séraphine sourit.

« Plus jamais », répliqua-t-elle.

Et elle le pensait.