Ce parfum de nos années mortes

Chapitre 5

oOo

« Tu n'es pas bien bavarde. »

Assise sur le bord de son lit, Cersei observait attentivement Sansa. Depuis qu'elle était revenue de son passage dans les jardins avec Symon Santagar, elle était inhabituellement silencieuse. Elle avait emporté un livre, mais elle tournait les pages avec un manque d'enthousiasme flagrant. Cersei jeta un coup d'œil à l'exemplaire du Jardin d'Or posé sur sa table de chevet – elle avait dépassé la moitié de l'ouvrage.

« Je n'ai rien de particulier à dire. »

« Hmm. »

Cersei se leva et posa la main sur son épaule. Sansa sursauta.

« Même ton livre ne semble pas t'emballer. »

« Eh bien… »

Elle poussa un long soupir.

« Il parle de Duncan Targaryen et Jenny de Vieilles-Pierres. Je l'ai lu de nombreuses fois quand j'étais enfant. Je crois même que c'était mon histoire d'amour préférée. »

« C'était ? »

Sansa referma le livre avec une certaine hésitation. Elle semblait en proie à un véritable conflit intérieur.

« Je ne sais pas. C'est… difficile à expliquer. L'histoire me plaît toujours, mais je ressens comme un sentiment… d'éloignement. Comme si j'étais déconnectée du récit. »

Les sourcils froncés, elle avait l'air plus perdue que jamais.

« Vous voyez ce que je veux dire ? »

Cersei ne se souvenait pas avoir ressenti pareille sensation à la lecture d'un roman. Elle hocha néanmoins la tête.

« J'ai pensé que cela s'explique par le fait que les histoires d'amour ne m'intéressent peut-être plus autant qu'avant… mais dans ce cas, je n'aurais pas autant apprécié Le Jardin d'Or. »

Une explication possible traversa brièvement l'esprit de Cersei. Cependant, après quelques instants de réflexion, elle décida de la garder pour elle. Sansa n'avait pas besoin d'un peu plus de confusion alors que Daenerys essayait de la vendre comme une poulinière à un de ses fidèles sujets.

Avisant sa chevelure épaisse, et mue par une impulsion étrange, elle y passa la main avec une tendresse indéfinissable. Sansa, les yeux rendus ronds par la surprise, la laissa faire, la bouche entrouverte.

« Et si je m'occupais de ta coiffure pour ce soir ? » proposa Cersei.

La sensation fantôme de la brosse disciplinant ses longs cheveux blonds la hantait toujours.

« Eh bien… pourquoi pas ? »

Sansa s'installa devant la coiffeuse et contempla son reflet avec beaucoup de lassitude. La lionne songea alors qu'elle n'était pas la seule à avoir tout perdu.

« Qu'est-ce que tu aimerais ? »

« Quelque chose de simple. »

Cersei acquiesça, saisit la brosse et la passa avec délectation dans les boucles rousses qui lui évoquaient des jours heureux – des jours où Jaime brossait ses cheveux avec adoration.

« Lorsque tu es arrivée à Port-Réal il y a toutes ces années, tu t'es mise à te coiffer comme les dames du sud, » avança Cersei avec une certaine prudence.

Elle craignit que la louve se renfrogne à la mention de cette période de sa vie, mais elle se contenta de hocher la tête.

« C'est vrai. Mais c'était stupide de ma part. Je n'ai jamais été du sud… et voilà que Daenerys cherche à m'envoyer encore plus au sud. »

Deux larmes perlèrent au coin de ses yeux alors que Cersei commençait à tresser ses cheveux.

« Je n'ai jamais été du sud… mais je ne suis plus vraiment du Nord. »

Elle les essuya avant qu'elles ne roulent sur ses joues. Cersei acheva la coiffure en méditant ses paroles – elle s'était décidée pour une simple natte d'où s'échappaient quelques mèches.

Elle saisit la main de Sansa et la pressa.

« Tu as peut-être l'impression de ne plus avoir de maison… mais rien ne t'empêche d'en bâtir une nouvelle. Tu as la vie devant toi, petite colombe. Tu peux construire un nouveau foyer avec les personnes de ton choix, parce que tu en auras envie – pas parce que la reine des Sept Couronnes t'aura ordonné de le faire. »

Sansa se mordit la lèvre, songeuse, puis son visage se fendit d'un petit sourire.

Elle effleura sa tresse du bout des doigts.

« C'est très joli. »

.

Tyrion prit place aux côtés de Daenerys d'un air maussade. Son regard balaya la table en quête de quelque chose qu'il trouva rapidement, à savoir une carafe de vin.

La reine voulait à l'origine organiser de véritables festivités – quelque chose qui ressemblait ni plus ni moins à des fiançailles. Il l'en avait dissuadée, d'abord parce que le trésor royal n'avait pas besoin qu'on le vide davantage pour des futilités, mais aussi parce qu'il savait très bien que Sansa n'avait pas la moindre intention d'épouser Symon Santagar. Il lui paraissait… regrettable de célébrer l'annonce d'un mariage qui n'aurait jamais lieu.

Daenerys s'était donc contentée d'inviter la délégation dornienne ayant accompagné Symon à partager un repas dans la salle du trône. Celui-ci discutait avec Sansa, qui venait de les rejoindre. De là où il était assis, Tyrion pouvait constater qu'elle n'éprouvait aucun plaisir à échanger ainsi avec lui.

« C'est un homme bon, » commenta Daenerys.

Tyrion se servit un verre de vin avant de lui répondre. Elle lui jeta un regard réprobateur.

« Sansa doit vous être très reconnaissante de ne pas la jeter entre les pattes d'un monstre. »

Sa voix pleine d'ironie mordante contraria un peu plus la reine.

« Sansa finira par comprendre que ceci est pour le mieux. »

Il n'eut pas le courage de lui dire qu'elle ne faisait que perdre son temps. Il n'était pas d'humeur pour un autre conflit. De plus, déclencher une dispute devant des invités était quelque chose à éviter absolument.

Daenerys se leva pour aller échanger quelques mots avec les seigneurs présents dans la salle. Tyrion jugea que continuer de boire jusqu'à ce que la soirée se termine était une option tout à fait plaisante. Cependant, il remarqua que Sansa, toujours accaparée par Symon Santagar, cherchait visiblement une porte de sortie. Après un instant d'hésitation, il opta pour un compromis. Il termina son verre, le remplit à nouveau, et rejoignit la louve et son prétendant.

« Majesté… » s'inclina respectueusement Symon en le voyant approcher.

Tyrion s'esclaffa nerveusement.

« Je ne suis pas encore roi. »

Ce rappel de son futur mariage ne contribua pas à améliorer son humeur.

« J'expliquais à Lady Sansa que ma famille est propriétaire d'un vignoble depuis plusieurs générations. »

Tyrion vit là une parfaite opportunité à saisir. Le vin restait, après tout, une de ses grandes passions.

« Vraiment ? Vous devez être un spécialiste en matière de vin, alors. »

« Eh bien, je… »

Sans lui laisser le temps de répondre, il le saisit par le bras et l'entraîna vers une des tables.

« Je ne suis pas certain que nous nous soyons procuré de très bons crus. Peut-être pourriez-vous me donner votre avis ? »

Si Symon aurait préféré poursuivre sa discussion avec Sansa, il n'en montra rien, sans doute peu désireux de déplaire au futur roi consort des Sept Couronnes une minute à peine après l'avoir rencontré.

Tyrion jeta un coup d'œil en arrière.

Sansa articula un merci silencieux et s'éclipsa discrètement.

.

Sansa étouffait.

Elle n'avait pas parlé avec Symon depuis cinq minutes qu'elle avait déjà l'impression de ne plus pouvoir respirer.

Elle ne supportait pas la prison invisible dans laquelle Daenerys essayait de l'enfermer. Et elle ne savait pas comment s'extirper de ce piège sans qu'il y ait de conséquences déplaisantes. Quoi qu'en dise Cersei, la reine ne réagirait pas bien à un refus de sa part.

Sansa était reconnaissante à Tyrion de lui avoir fourni une échappatoire. À présent, elle errait dans les couloirs déserts du Donjon sans trop savoir où aller. Ses pas la guidèrent tout naturellement vers la pièce où elle passait la majeure partie de ses journées ces derniers temps.

Cersei ne dormait pas encore. Installée dans le même fauteuil que d'ordinaire, elle somnolait, les mains posées sur son ventre, et fut surprise de la voir entrer.

« Déjà de retour ? »

Sansa haussa les épaules et s'assit en face d'elle.

« Je ne me sentais pas bien. »

C'était, après tout, la stricte vérité.

« Symon Santagar s'est-il montré… indélicat avec toi ? »

Elle percevait une réelle inquiétude dans la voix de Cersei. La glace autour de son cœur meurtri fondit quelque peu. Quelqu'un s'inquiétait pour elle – depuis combien de temps cela n'était-il pas arrivé ?

« Non. Il est… il est très gentil. Il ne m'a pas manqué de respect d'une quelconque manière. »

C'était bien ça le pire. Sansa avait l'impression d'être ingrate. Combien de jeunes filles nobles étaient mariées de force à des hommes qui ne voyaient en elles que des poulinières ou des objets destinés à assouvir leurs besoins sexuels ? Daenerys cherchait peut-être à la marier de force, mais bien peu étaient les femmes qui avaient le luxe de choisir leur époux.

Pourtant, elle ne parvenait pas à se résoudre à céder, non seulement parce qu'elle n'éprouvait que méfiance et hostilité à l'égard de Daenerys, mais aussi parce que s'imaginer devenir la femme d'un seigneur et porter ses enfants la rendait malade.

« Comment sait-on qu'on est amoureux ? » demanda t-elle avec une certaine timidité.

Cersei ne s'attendait pas à ce que la conversation prenne une telle tournure. Elle se mit à caresser son ventre sans y penser.

« Eh bien… Mon cas est particulier. D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été amoureuse de Jaime. »

Son expression devint la représentation parfaite de la mélancolie.

« Mais pour répondre à ta question… je savais que je l'aimais parce que je ne pouvais imaginer ma vie sans lui. Sans lui, je n'aurais jamais pu surmonter toutes ces années de mariage. Lorsque je le voyais… tout semblait plus lumineux. Ses baisers étaient l'air dont j'avais besoin, ses sourires l'énergie dont mon cœur avait besoin pour battre. Avec lui, je me sentais… complète. »

Sansa en eut les larmes aux yeux. En cet instant, Cersei lui évoqua vraiment une âme déchirée en deux, condamnée à pleurer son autre moitié pour le restant de ses jours.

Cela ne lui fit que lui rappeler à quel point elle était seule – à quel point elle l'était depuis des années.

« J'aimerais connaître ça, » avoua t-elle dans un souffle.

Cersei posa la main sur sa joue et essuya ses larmes du pouce.

« Ce sera le cas, petite colombe. »

Dans la salle du trône, les festivités se poursuivaient toujours : le bruit étouffé de la musique jouée leur parvenait jusqu'ici. Sansa songea que Symon et Daenerys se demandaient sans doute où elle était passée, mais elle ne parvenait pas à s'en soucier.

Après l'avoir étudiée quelques secondes, pensive, Cersei se leva et lui tendit la main.

« M'accorderais-tu cette danse ? »

La louve ne se souvenait pas de la dernière fois qu'elle avait dansé. Si elle était restée avec lui, c'est Symon qui lui aurait en toute logique tendu la main. Peut-être aurait-elle refusé poliment.

Néanmoins, Cersei n'était pas un prétendant jeté sur son chemin par Daenerys Targaryen.

Sansa entrelaça ses doigts aux siens et toutes deux se mirent à tournoyer lentement dans la pièce.

Les nuits étaient toujours fraîches à l'intérieur du château, mais, avec son corps pressé contre celui de Cersei, Sansa avait étrangement chaud. Elle n'était pas certaine d'avoir un jour été aussi proche de quelqu'un, mais la sensation lui plaisait. Elle lui évoquait un feu crépitant dans une cheminée en plein cœur de l'hiver. Une lumière dans l'obscurité.

Leurs visages n'étaient qu'à quelques centimètres l'un de l'autre quand elles cessèrent de tourner. Sansa distingua pour la première fois quelques paillettes dorées dans les iris verts de Cersei.

« Je peux avoir un petit sourire, maintenant ? »

Intimidée par cette soudaine proximité, Sansa parvint toutefois à lui offrir un sourire sincère.

Cette soirée s'était terminée de bien meilleure manière qu'elle avait commencé.

.

Tyrion titubait plus qu'il ne marchait à travers les couloirs du Donjon Rouge. Il venait de prendre congé de Daenerys et, bien qu'il soit à moitié ivre, il avait bien vu la colère dans son regard violet.

Il fallait dire que le banquet ne s'était absolument pas déroulé comme elle l'avait prévu. Sansa s'était vite éclipsée pour ne jamais réapparaître, et quant à lui, il avait préféré s'enivrer plutôt que de se comporter en futur roi.

Le coup de grâce pour elle avait sans doute été le fait que Symon, au lieu de partir à la recherche de sa potentielle future épouse, s'était joint à Tyrion dans sa dégustation de vin. Tous deux s'étaient bien amusés sous le regard de plus en plus déconfit de la reine.

Sans même y penser, il se dirigea vers la chambre de Cersei, et manqua de tomber en entrant dans la pièce. Sa sœur se réveilla en sursaut.

« Tyrion ? »

Sans même répondre, il franchit les quelques mètres qui le séparaient du lit et s'y écroula sans aucune grâce. Cersei soupira avec un certain agacement.

« Tu es complètement ivre. »

« Pas du tout, » protesta t-il dans un hoquet.

Il la sentit se lever et faire le tour du lit. Elle lui retira ses chaussures et rabattit les couvertures sur lui avant de se recoucher. Tyrion lui adressa un grand sourire qu'elle ne vit pas en raison de l'obscurité.

Cersei se raidit lorsqu'il se pressa contre elle.

« Je t'aime, grande sœur. »

L'alcool avait fait tomber toutes les barrières qu'il dressait habituellement entre eux, bien que celles-ci s'étaient faites de plus en plus fragiles ces dernières semaines.

Pour la toute première fois, il posa la main sur son ventre arrondi.

« Vous deux, vous êtes tout ce qu'il me reste, » soupira t-il.

Il s'endormit à peine quelques minutes plus tard, les joues mouillées de larmes et le cœur pleurant indéfiniment l'absence de Jaime.

.

Tyrion se réveilla tard dans la matinée. Cersei était en train de manger son petit-déjeuner en compagnie de Sansa quand il émergea finalement, battant difficilement des paupières.

« Je crois que vous avez un peu forcé sur le vin, » s'amusa la louve.

Tyrion se massa le front et esquissa une grimace.

« J'ai un mal de crâne épouvantable. »

Il les rejoignit à table et laissa Sansa empiler quelques victuailles dans une assiette et la lui tendre. Cersei observa la scène sans mot dire, songeuse.

Les mots que Tyrion avaient prononcé la veille ne cessaient de tourner dans son esprit dans une ronde entêtante.

Je t'aime, grande sœur.

Vous deux, vous êtes tout ce qu'il me reste.

Elle savait que ce n'étaient pas des inventions dues à l'alcool. Celui-ci n'avait fait que lui délier la langue, déterrant des mots qui seraient peut-être restés enfouis sans lui.

Cersei ne pouvait pas dire qu'elle était surprise. Cet aveu n'avait fait que lui confirmer ce qu'elle savait déjà, à savoir que Tyrion l'aimait. Néanmoins, entendre ces mots de vive voix lui avait fait un drôle d'effet.

Par ailleurs, il n'avait fait aucune mention de Daenerys. Comme si elle ne représentait rien.

Comme s'il n'allait pas l'épouser dans un avenir très proche.

À sa grande frustration, elle ne parvenait pas à saisir l'exacte raison pour laquelle il avait accepté de l'épouser. À vrai dire, elle ne pensait pas qu'il le sache lui-même.

« Désolé, pour cette nuit, » s'excusa t-il en lui coulant un regard penaud. « J'ai dû t'offrir un bien pathétique spectacle. »

Elle se contenta de lui sourire avec une certaine indulgence.

« C'était divertissant. »

« Je n'en doute pas… je ne me souviens de rien. C'est le trou noir. »

Il était peut-être préférable qu'il n'ait aucun souvenir des mots qu'il avait prononcés. Savoir qu'il avait mis à nu ses sentiments devant elle le mettrait sans doute très mal à l'aise. Cependant, Cersei n'avait besoin d'aucune confirmation sobre de sa part. C'était auprès d'elle qu'il s'était dirigé la veille, et non pas Daenerys. C'était avec elle qu'il préférait dormir, même si le lien qui les unissait n'avait rien de romantique ou de charnel.

Vous deux, vous êtes tout ce qu'il me reste.

Daenerys lui avait peut-être pris sa couronne, mais ceci était une guerre qu'elle n'aurait de cesse de perdre.

Si c'était là sa dernière victoire, Cersei la savourerait avec délectation.

.

Le regard rivé vers la mer et l'horizon, Sansa pensait. Elle pensait à Arya, se demandait où elle pouvait bien être. Elle pensait aussi à Jon et Bran, à Winterfell, songeant qu'elle devrait peut-être leur écrire une lettre.

Elle pensait à Rhaenyra et Alicent et leur amour impossible, celui qui avait éclipsé toutes les autres romances dans son esprit rongé par le trouble.

« Lady Sansa ? »

Symon se tenait à une distance respectable d'elle. Elle détacha son regard de l'étendue bleue à regret. Il avait l'air de marcher sur des œufs.

« J'ai beaucoup apprécié déguster du vin hier soir en compagnie du fiancé de la reine… néanmoins, c'est avec vous que j'espérais passer la soirée. »

Elle s'efforça de demeurer de marbre, sans grand succès.

« Je sais. »

« Je… corrigez-vous si je me trompe, mais j'ai l'impression que vous me fuyez. »

Sansa avait conscience que cette comédie ne pouvait durer plus longtemps. Ça n'en rendait pas moins terrifiante la tâche d'y mettre fin.

« Vous ne vous trompez pas. »

Elle s'efforça de le regarder dans les yeux.

« Aurais-je fait quelque chose qui vous a déplu ? »

Désormais, elle était allée trop loin pour reculer. Elle ne devait pas flancher.

« Non. Vous… vous avez été très bien. Mais… »

Un long soupir franchit la barrière de ses lèvres.

« Je ne désire pas me remarier. Il ne s'agit pas de quelque chose que vous auriez fait… mes réactions auraient été les mêmes avec n'importe qui. »

« Je vois. »

Symon accusa le coup avec beaucoup d'élégance. Il ne perdit pas son calme et ne l'accusa pas de l'avoir dupé, ce qui ne fit que renforcer son sentiment de culpabilité. Même si elle ne le connaissait pas bien, elle pouvait deviner que c'était un homme bon. Elle espérait qu'il trouverait l'épouse qu'il recherchait.

« La reine m'avait laissé entendre que vous étiez en quête d'un nouveau mari… » se contenta t-il de remarquer.

Il semblait à la fois surpris et déçu. Cette fois, Sansa hésita plus longuement. Symon était un des partisans de Daenerys. Elle ne pouvait pas se permettre de la critiquer ouvertement devant lui.

« Je suis navrée que les propos de la reine vous aient induit en erreur. »

Ses propos s'étaient faits prudents. Symon la toisa longuement, pensif.

« Je suis très observateur, vous savez. Et… je n'ai pas m'empêcher de déceler certaines… tensions, entre la reine et vous. »

Sansa n'était pas certaine qu'il attendait véritablement une réponse, et préféra garder le silence. Sa gorge était de toute façon trop nouée pour qu'elle formule une phrase bien tournée pour se sortir de cette situation, comme seul Tyrion en avait le secret.

« Mon cœur est déçu, Lady Sansa, » soupira finalement Symon. « Nous avons peu discuté, mais de ce que j'en ai vu, vous êtes exactement le genre de femme que je recherche : vous êtes intelligente et vous avez bon cœur. »

Elle accepta ses compliments avec un petit hochement de tête et un pincement au cœur.

« Néanmoins… il hors de question pour moi de vous épouser si vous n'en éprouvez pas le désir. Même si c'est un ordre de la reine. »

Une lueur d'espoir illumina les yeux de Sansa.

« Je lui dirai que vous ne correspondez pas à ce que je recherche. »

Elle voulut le remercier mille fois. Elle voulut s'excuser de ne pas pouvoir l'aimer comme il aurait pu l'aimer avec du temps. Finalement, trop soulagée pour parler, elle se contenta d'un grand sourire et d'un baiser sur la joue avant de s'éloigner, savourant la délicieuse sensation de la liberté.