Musique écoutée :I saw no Shadow of Another Parting (The Aria) - The Great Expectations - OST Patrick Doyle
Harry avait quitté Hermione à la sortie du parc.
Il l'avait prise dans ses bras et serrée un peu plus fort qu'à son habitude. Elle avait senti poindre une fragilité dans cette étreinte, un tressaut dans la poitrine d'homme, un craquement dans le marbre dans lequel il semblait taillé aujourd'hui.
Il l'avait relâchée et lui avait souri avec une chaleur qu'elle ne lui connaissait plus.
- Je te laisse rentrer seule. Je vais contacter le bureau pour leur dire que je ne rentrerai pas tout de suite.
- Où vas-tu ?
- Tu le sais.
Elle avait acquiescé doucement, l'ombre de l'inquiétude passant dans ses yeux. Elle avait tendu la main vers lui et avait effleuré la manche de son manteau d'auror.
" Je peux t'appeler ce soir ?" avait-elle demandé.
Harry soupira et elle avait poursuivi :
"Pour moi. J'aurais besoin de savoir si tu vas bien."
- D'accord," avait-il finalement concédé. Et il avait transplané.
Et maintenant, il se trouvait là, raide comme un piquet, la tête levée vers les portes de la boutique Purge and Pionce ltd, où se dissimulait le grand hôpital magique Sainte Mangouste.
Il consulta sa montre. Dans moins de deux heures, il devrait être de retour au bureau. Cela lui donnait une raison suffisante de hâter cette rencontre et surtout la possibilité de l'écourter rapidement.
Il rejeta l'éclair de colère qui fusa un instant dans son esprit, ce fugace temps de lucidité où il se demanda pourquoi il s'infligeait cela.
Parce que tu te comportes comme une brute, que tes meilleurs amis ont vécu un drame sans que tu t'en rendes compte, que ta femme s'est tiré au bout du monde et… parce que tu paies Malfoy pour coucher avec toi dans ta propre maison.
La réprimande silencieuse eut l'effet escompté et il entra dans le magasin de vêtement.
Après avoir activé le mannequin adéquat dans la vitrine, il pénétra dans l'accueil de l'hôpital.
Il salua de la tête la réceptionniste brune derrière le comptoir. Elle semblait sur le point de l'interrompre dans sa marche quand son regard s'illumina. Soudain, elle sembla oublier de lui demander la raison de sa visite, alors que la ligne de son regard dessinait les traits de son visage.
Harry profita de ce moment d'égarement pour presser le pas, conscient que la nouvelle de sa présence dans les locaux ferait rapidement le tour des services. Il longea les couloirs écrus bien trop familiers. Il avait parcouru ces allées un grand nombre de fois, que ce soit pour des affaires ou pour visiter des collègues blessés.
Mais le souvenir le plus vivace était sa première fois, lorsqu'il avait pénétré dans l'hôpital pour rentre visite à Arthur Weasley. En ce temps-là, ses nuits étaient hantées de cauchemars et de visions, son esprit empreint des souvenirs de Nagini et Voldemort, son corps ravagé par une colère qui n'était pas la sienne.
Cela lui semblait une éternité. Sirius était encore vivant et Dumbledore… pouvait encore lui mentir. Il secoua la tête. Il ne voulait pas penser à Sirius et à Dumbledore maintenant.
Il ne prit pas la peine de s'annoncer au docteur Hopps. Il ne voulait pas s'attarder. Il ne voulait pas discuter. Il n'était pas là pour l'enquête, mais pour lui-même.
Il avançait d'un pas égal dans le dédale de couloirs et de portes, le regard fixe. Il avait toutes les informations sur le service, l'étage, la chambre et sa carte de visite était son visage. S'il croisait des assistants et guérisseurs dans les couloirs, aucun d'eux ne l'arrêtait, se contentant de le dévisager, arcant les sourcils quand ils confirmaient son identité par simple contact visuel.
Il finit par arriver devant la porte souhaitée et ce fut seulement à ce moment-là que l'hésitation l'envahit. Les scrupules furent brefs et furent interrompus pas un simple "lâche" qu'il souffla sèchement entre ses dents serrées avant de cogner sur le panneau de la porte grise.
Il se dit qu'il devait attendre une réponse avant d'entrer, une autorisation pour pénétrer dans la pièce, mais il ne voulait pas risquer de flancher et de fuir. Il savait qu'elle était là.
La porte s'ouvrit sur une chambre d'hôpital commune, aux murs blancs, placard vert et lit métallique blanc.
Une jeune femme était allongée dans les draps blancs. Son visage, impassible, était tourné vers lui.
"Monsieur Potter", dit-elle en signe de salutation quand elle le reconnut.
Son timbre était détaché et sa voix était endormie. Les paupières lourdes tombaient sur ses yeux bruns, résultat des sorts et pilules calmantes qu'on lui prodiguait. Le rapport parlait de crises d'angoisse et de comportement dépressif, une tendance à la mélancolie, ainsi qu'une longue liste de troubles psychiatriques, plus ou moins avérés, afin d'amadouer les jurés à son procès.
Harry se demanda si elle se souviendrait de sa visite, mais peu importait au fond.
"Madame Graham," répondit Potter en la saluant d'un mouvement de tête avant de s'avancer davantage.
Elle ferma les yeux, son visage se crispa en un léger masque de douleur. Elle rouvrit les yeux et les posa sur l'Auror.
"Je dois garder ce nom pour le moment. On ne divorce pas d'un mort.
- Vous pourrez faire les démarches pour retrouver le vôtre après votre procès, quel que soit le verdict", dit-il en prenant place sur la chaise à côté du lit.
"Pour retrouver qui je suis? "
Harry ne répondit pas. Il prenait le temps de l'observer : les cheveux noirs en bataille, une frange courte en rideaux, de beaux yeux bruns, une peau laiteuse, mais pas maladive quoique manquant des caresses du soleil. Un pansement couvrait encore sa joue et sa tempe était bleutée.
"Il s'est bien débattu.
"Non, peu finalement. Il dormait quand …"
Elle s'interrompit, méfiante.
"Vous pouvez me parler, dit Harry. Je ne fais pas partie de l'instruction. Vous envoyer en prison ne fait pas partie de ma mission. Vous en sauver non plus."
Elle eut un rire sec et bref qui surprit Potter. Elle semblait étrangère à ce qui lui arrivait, à la situation purement dramatique dans laquelle elle se trouvait. Comment réagir au monde quand celui-ci n'a plus de sens? Par une petite part de folie sans doute. Ou peut-être les potions distordaient-elles sa réalité ?
"Ma mère est venue me voir hier. Elle ne comprend pas pourquoi j'ai fait ça. Je semblais tellement heureuse.
- Elle ne s'est jamais demandé comment sa fille brillante se retrouvait à s'occuper du ménage et d'un logis pendant que son mari, bien plus vieux qu'elle, continuait une carrière universitaire ?
La voix de l'auror était neutre, mais les mots suintaient de reproche. L'aveuglement et l'indifférence de l'entourage lui semblaient toujours impardonnables.
Olivia Graham lui sourit tristement et eut un léger haussement d'épaules.
- Elle a vu un beau mariage avec un homme réputé. Elle était heureuse pour moi. Ils étaient tous heureux pour moi. Ce mensonge leur convenait parfaitement."
Sa voix se brisa, et elle déglutit en essuyant de retenir ses larmes.
"Je me sens…
- Trahie ? dit Harry, si vite qu'elle leva le regard vers lui et plongea ses yeux bruns dans les siens.
"Oui", souffla-t-elle alors que les larmes s'échappaient.
Elle tenta de se reprendre en les essuyant de ses paumes, et en inspirant profondément. Doucement, elle se tourna totalement vers lui, et s'allongea sur son côté. Elle passa son bras sous sa tête, et l'observa longuement sans mot, comme s'il se trouvait lui aussi sur le lit, sur son côté opposé, face à elle, dans un moment de confidence, à la tombée de la nuit.
Une larme roula de son œil et glissa sur son nez, mais elle l'essuya rapidement.
"C'était un professeur extraordinaire," murmura-t-elle. "Et je n'ai pas connu mon père. Je lui faisais confiance, je l'admirais. J'aurais fait tout ce qu'il me demandait."
Harry sentit sa gorge se serrer. Elle poursuivit : "Je ne pensais pas qu'il me trahirait ainsi. Qu'il transformerait toute ma vie en mensonge.
- Comment avez-vous rompu l'enchantement ? demanda Harry.
Il ne voulait pas qu'elle parle davantage de son mari. Son cœur battait furieusement dans sa poitrine et son sang tambourinait à ses oreilles.
Elle ne parut pas surprise de l'interruption abrupte et fit mine de se redresser. Harry s'approcha, passant son bras autour de son corps pour l'aider à se mettre assise.
"Merci", dit-elle en repoussant d'une main les cheveux de son cou et en lui offrant la vue de sa nuque. Sous la ligne de ses cheveux, la peau était râpée et à vif, presque brulée.
"C'était pire avant", dit-elle en se rallongeant et en reprenant sa position face à l'auror. "Le frottement constant du collier avait commencé à me limer les cervicales." Elle eut un rire nerveux. "Je ne m'en rendais même pas compte ! Mais j'ai eu une infection et en m'auscultant le médecin a vu les dégâts du bijou et il m'a donné un baume ainsi qu'un pansement. Mais surtout, il m'a demandé de ne pas porter le collier pendant deux semaines le temps que je cicatrise."
Harry acquiesça et elle poursuivit :
"C'était impossible, murmura-t-elle. Elle se mit soudain à haleter, alors que son corps était secoué de tremblements. Potter voulut se pencher vers elle, mais elle leva la main pour l'empêcher de l'approcher. Il recula, lui laissant le temps et l'espace pour se calmer.
"Pardonnez-moi" souffla-t-elle en reprenant ses esprits. "L'évocation de ce bijou me bouleverse encore. Imaginez alors. La simple idée de le poser, de ne pas l'avoir sur moi, m'était insupportable."
Sa voix s'éteignit et d'autres larmes coulèrent, mais cette fois elle les essuya avec une pointe d'agacement. Sa propre faiblesse semblait l'exaspérer.
"Je l'attachais à ma ceinture en mettant le bijou contre mon ventre ou je l'enroulais autour de mon poignet," expliqua-t-elle. "Mais à un moment, je l'ai perdu… en aménageant la nouvelle bibliothèque. Je m'en étais pas rendu compte, mais d'un coup j'ai été malade, j'ai eu des nausées et surtout je tremblais. Je tremblais tellement, comme sous un effet d'un manque de potion ou d'un hallucinatoire. Et quand je me suis rendu compte que j'avais perdu le collier, j'ai cru que j'allais m'évanouir."
Elle serra et desserra les poings.
"Je l'ai cherché partout. Peter devait rentrer le soir même d'un séminaire en Bulgarie, et je ne savais pas comment lui dire que j'avais perdu le bijou. Quand il est rentré, je le cherchais encore. Il m'a trouvé très agitée et je lui ai menti, je lui ai juste dit que j'étais souffrante. Il est allé se coucher et moi… j'ai retourné toute notre maison pour trouver cette saleté de collier. Je le cherchais encore quand j'ai aperçu ceci."
Elle lui montra son poignet. Harry y vit un tatouage, un tatouage de nœuds et courbes. Il ne sut dire quel en était le symbole.
"J'avais oublié. Je l'avais oublié. Il y a un homme qui porte le même. Nous l'avons créé ensemble. C'était un serment… Je l'aimais. Il n'a pas compris pourquoi je suis partie." Elle caressa doucement la gravure sur son poignet, avec tendresse, avant d'y planter ses ongles. Là, tout l'amour que je pensais avoir pour Peter s'est mué en rage ! J'ai pris un couteau de cuisine sur le comptoir et… Et quand il est mort, je me suis sentie… vide. Je n'étais pas libérée, j'étais vide !"
Elle éclata en sanglots, les mains plaquées sur ses lèvres pour étouffer ses plaintes et Harry ferma les yeux, le visage crispé, incapable de supporter le son de ses pleurs. Sa poitrine se contractait, ses dents se serraient. Il secoua la tête, la bile lui montant aux lèvres.
Il voulait qu'elle se taise. Il voulait qu'elle la ferme !
Tout à coup, il eut envie de hurler, mais elle s'était reprise. Juste à temps. Ses mains quittaient sa bouche, alors qu'elle reprenait son calme. À ses côtés, imperceptiblement, Harry tremblait.
"Vous savez ce qui est atroce ?" dit- elle d'une voix à peine audible, encore chevrotante. "Quand les inspecteurs ont trouvé le collier sous le fauteuil, quand je l'ai vu dans les mains de votre collègue, je n'avais qu'une envie : le remettre."
Harry Potter eut un pli presque méprisant au coin des lèvres, mais il finit par acquiescer en baissant les yeux. Il garda le silence, pendant plusieurs minutes, alors qu'elle semblait perdue dans ses propres pensées, les yeux rivés sur le plafond. Il fut reconnaissant, pour ce silence, et parce qu'elle semblait ne rien attendre de lui.
"Vous savez ce que cela fait d'être possédé ?" demanda-t-elle soudain. Harry ne répondit pas. "Le docteur Hopps me dit que je dois redevenir moi-même. Je ne sais plus qui je suis, monsieur Potter. Je ne suis pas sûre de vouloir continuer. J'ai été un objet pendant si longtemps. On m'a volé ma vie. Comment ne pas ressentir autre chose que de la colère ?
- Mais contre qui pouvez-vous être en colère? Celui qui vous a fait du mal est mort."
Sa voix était froide et implacable. Elle ne répondit pas. Quand il leva les yeux vers elle, elle le fixait avec tristesse, comme si elle voyait à travers lui, dans des recoins de lui-même qu'il ne pouvait affronter.
Il se leva soudain, le pas moins assuré qu'il ne l'aurait cru. La main crispée sur le dossier de la chaise qu'il avait occupé, il la salua d'un bref hochement de la tête, prêt à prendre congé.
Elle ne fit aucun geste à son encontre et il lui tourna le dos.
Arrivé à la porte, il posa la main sur la poignée, et stoppa. Il expira doucement, et finit par dire avec douceur :
" Vous devriez l'appeler."
Il tourna légèrement la tête vers Olivia, mais sans la regarder, incapable d'affronter à nouveau son regard.
"L'homme qui porte le même tatouage que vous. Vous devriez l'appeler. " Il inspira, son cœur lui fit à nouveau mal, battant trop fort dans sa poitrine. Mais il se força à parler.
"Quand on a oublié qui on est… il est important de s'entourer de personnes qui s'en souviennent."
La voix perlée lui parvint.
"Merci d'être venu, Monsieur Potter."
Il ne répondit pas et ferma la porte.
Square Grimmaurd
Le répondeur prit à nouveau l'appel :
8 h
"Salut, Harry, c'est Hermione. Tu avais dit que tu m'appellerais ce soir. J'ai appelé à ton bureau, mais ils m'ont dit que tu n'étais pas revenu de l'après-midi. Je voudrais savoir comment ça s'est passé, rappelle-moi, ok?
20 h
"C'est encore moi. Moi, Hermione. N'oublie pas de me rappeler. Je t'embrasse."
22 h
"C'est encore moi. J'ai appelé l'hôpital, ils ont dit que tu étais parti avant 15h. Et tu n'es pas rentré au bureau et tu ne leur as pas dit où tu allais. Où es-tu? Rappelle-moi quand tu auras eu ce message, ok?"
23 h
"Harry, je commence vraiment à m'inquiéter. Rappelle-moi s'il te plait ou je débarque chez toi !"
Adossé au chambranle de la porte, une tasse de café fumante dans la main, Drago soupira en regardant le voyant du répondeur clignoter furieusement :
"Bon ! Il va falloir que je m'inquiète aussi alors…" dit-il en posant sa tasse sur le meuble du couloir et en attrapant sa veste.
Fin du Chapitre 10
Désolée, désolée pour le retard ! Je suis sous l'eau, ce n'est pas une excuse évidemment mais je promets que le prochain chapitre arrivera plus rapidement !
