Journal des reviewers
Lilinnea: Le seau d'eau est surtout pour mes deux zozos qui font nawak XD
Le triangle, c'est juste bon pour que le perso central se rende compte à quel point son premier choix (souvent) est le meilleur par rapport à l'autre. Or, Ysée n'a pas besoin de ça parce qu'elle est déjà charmée, il faut juste qu'elle approfondisse ses sentiments et qu'elle les reconnaisse. Maiiiiis... on a encore un bon bout de chemin à faire. Cette fic est loin d'être finie!
C'est dur de faire de la romance sans trop sombrer dans les situations classiques et je sais que j'en use (et vais en user) mais j'essaie juste de ne pas tomber dans le trop voyant. Ca fait plaisir de savoir que ça te réconcilie avec le genre, pourvu que ça dure!
Anya Kristen: Théorie loin d'être à côté de la plaque. Je peux déjà te répondre : après moult tergiversations, oui, j'ai écrit les deux fins, bien qu'une seule soit ma canon de base. Comme ça, tout le monde y trouvera son compte.
Tu as raison, la «happy ending» maintenant, serait trop utopique et pas du tout crédible. C'est pour ça que j'ai encore bien des choses à faire avant d'en arriver là et de jouer l'as dans ma manche pour espérer crédibiliser le tout. Sois patiente, je m'évertue toujours à rendre le déroulé des choses logiques et sensé ;)
* revient avec le seau *
Bon, z'êtes calmés? Ah. Non. Bon...
* arme le lancer * A la une, à la deux...
CHAPITRE 21 – POUR LE MIEUX
Ysée en avait le tournis. Comment Reis faisait-il pour conjuguer avec autant de brio la ferveur de ce baiser avec celui qu'ils auraient pu échanger la veille au soir ? Elle avait beau appeler à l'aide son bon sens pour l'empêcher de continuer, celui-ci faisait la sourde oreille tant elle était grisée par la félicité de l'instant. Ses mains trouvèrent Reis sans mal, que se soit pour l'étreindre ou apprécier la texture aérienne de ses cheveux.
Même son corps semblait réagir à présent qu'il était défait de l'emprise trop serrée du psyché et de ce qu'il ne fallait pas faire. Quand les mains de Reis longèrent sa taille et ses hanches, la jeune femme répondit au réflexe et prit appui sur ses épaules pour se hisser contre lui. Il retint ses jambes autour de sa taille avec la même aisance que le jour où il l'avait déposée sur le comptoir de la cuisine pour lui éviter les éclats de verre au sol. Le manque de souffle commençait à se faire ressentir chez la jeune femme mais ni elle ni lui n'avait la volonté de se séparer. Son esprit était blanc, empli d'une explosion de sensations d'une intensité jamais atteinte.
Quand Ysée sentit son corps basculer soudain à l'horizontale sur le matelas du lit, ce fut comme si un bouton d'arrêt d'urgence intérieur venait de s'enclencher depuis son cerveau à présent bien conscient. Elle se figea d'un coup et sa main repoussa le buste pressé contre elle.
« Reis ! »
Sa voix tinta entre les murs comme un verre qui se brisait. Reis émergea de ses propres limbes et le visage désemparé sous le sien termina de détruire ses œillères psychiques. Il s'écarta d'un bond et recula loin du lit, livide comme quelqu'un qui venait de commettre une atrocité.
Qu'est-ce qui lui avait pris ? Après ce que Ysée lui avait confié... Comment avait-il pu lui faire ça ? Pourquoi lui avait-il infligé cela alors qu'il savait ? Pourquoi n'avait-il pas su rester factuel ?
« Je... Ysée... Je ne... »
Affligée de le voir ainsi, Ysée se redressa à son tour mais à présent que la magie de l'abandon s'était dissipée, elle n'arrivait pas à faire le tri parmi la pagaille de pensées et de sensations désordonnées qui se diluaient en elle. L'ivresse de ce moment de tendresse. L'imbécillité d'avoir cédé à sa faiblesse humaine. Ce blocage immédiat. L'effroi imprégné dans les traits de Reis. La chaleur de l'ivresse devint confusion étouffante.
« Reis, je t'en prie, essaya-t-elle d'une voix faible. Ne te...
_ Pardon. »
Et la porte se referma aussi promptement que disparut l'androïde. Ysée ramena ses jambes contre elle et laissa sa tête retomber sur ses genoux. Elle en avait assez. Pourquoi tout était si compliqué autour d'elle ?
Elle les sentait encore sur elle. La bouche de Reis, ses mains, sa... fragilité.
Ses paupières scellées se crispèrent sous la lame de la culpabilité qui se planta dans son cœur. Quelle idiote. Était-elle si désespérée pour qu'elle profite ainsi de la vulnérabilité de Reis ? Comment ses pulsions allaient-elles rendre service à un androïde en quête du sens de son existence ? Reis était perdu, avait besoin d'un repère dans cette nouvelle vie et voilà comment elle le guidait ?
« C'est moi qui suis désolée... »
Dès le lendemain matin, les murs ne se résumèrent plus à ceux de la maison de Nell. Plus hauts et épais encore que ceux qu'elle avait érigés pour se protéger du monde extérieur, Ysée se heurta à ceux qui enfermaient Reis dans une bulle impénétrable encore plus isolante que les prisons les plus sinistres.
L'androïde n'était plus que l'ombre de lui-même ; le visage durci par une froide neutralité qui ne l'avait jamais rendu aussi stoïque. Aussi robotique. Ysée s'était interdit d'aller à sa poursuite après son départ précipité par crainte de jeter de l'huile sur le feu et aussi parce qu'elle ne savait plus très bien où elle en était. Un baiser, ça pouvait encore se rejeter sur un moment d'égarement. Reis était chamboulé par sa nouvelle conscience, elle-même avait été remuée en découvrant la vérité sur son compte ; leurs esprits embrouillés s'étaient laissé aller, soit.
Mais deux autres baisers... aussi fiévreux de surcroît. Cela en devenait plus que troublant.
Troublant. Cela résumait bien ce qu'elle ressentait. Sa tête n'était qu'un espace liquide dans lequel flottait son psyché sans que rien ne remonte à la surface. Un trou blanc. Ysée ne savait plus quoi penser ni comment regarder Reis après ça.
L'androïde lui épargna cette dernière peine avec un soin méticuleux qui sentait bon la perfection robotique. Il prenait bien garde d'éviter de croiser le regard de la jeune femme avec une précision effroyable et quand il était contraint à une interaction avec elle parce que Nell n'était pas loin, ses yeux se portaient sur un point quelque part derrière elle pour faire illusion.
Ysée en était glacée de mal-être au point de ne pas s'apercevoir qu'elle avait épousé le reflet de ce qu'avait été Reis la veille. C'était à présent elle qui demeurait inerte comme une statue de cire, la peau pâle et le regard éteint en quête désespérée d'un écho à ses appels muets. Mais rien. Reis défiait l'imperméabilité des meilleurs cirés grâce à l'implacabilité dont il avait fait son manteau.
Elle se haïssait. C'était lui qui avait raison. Le but n'était-il pas de cacher sa condition à Nell ? Il endossait très bien son rôle et rien ne posait question. Il était logique et rationnel. Comme elle l'était. Elle se définissait elle-même comme quelqu'un de logique. Alors... pourquoi souffrait-elle de ce silence ?
La jeune femme avait mal mais se résolut à faire ce qui était juste de faire. Sa priorité demeurait la sauvegarde de Reis. Elle s'appliqua donc à ne pas interférer et reprit son travail dès que possible pour s'occuper l'esprit. Elle installa son poste de travail sur une petite table située au milieu de l'espace mezzanine de l'étage, non loin du majestueux arbre à chat de Siam afin de profiter de la quiétude du félin endormi dans un panier perché.
Ysée pensa que sa nature résiliente et prompte à cacher ses émotions sous le tapis reprendrait vite le dessus. Après tout, c'était ce qu'elle faisait de mieux depuis toujours. Se taire, se faire oublier et passer à la suite. La suite de quoi, elle n'avait jamais vraiment su.
Hélas, elle ne se départait pas de cette épine acérée logée dans sa poitrine et qui prenait plaisir à l'excorier au détour d'une pensée trop alanguie vers un certain androïde. Son attitude avait même assez changé pour que ses collègues le remarquent et qu'elle se fasse houspiller par sa manager parce qu'elle s'était montrée trop acerbe au téléphone face à des clients.
Les repas étaient un supplice pour Ysée. Entendre Reis converser avec Nell presque aussi naturellement qu'avant alors qu'il ne lui accordait plus le moindre regard comme si elle était un mauvais souvenir à oublier était une pression supplémentaire dans son ventre contracté à l'extrême. Elle se contraignait à manger pour ne pas inquiéter Nell mais chaque bouchée était un caillou qui tombait directement dans son estomac.
Trois jours passèrent. Muets, pesants et creux. Seul le repas d'anniversaire d'Ysée en famille chez les époux Wiley un dimanche constitua une brève parenthèse d'oxygène. Le silence permanent qu'Ysée vénérait jusqu'ici était devenu un geôlier inattendu dont elle n'avait pas soupçonné l'efficience à la tourmenter. Ce vide autour d'elle et en elle la rongeait ; gangrène invisible qu'elle ignorait comment soigner. Mais c'était pour le mieux, se disait-elle. Le secret de Reis était sauf et elle ne lui causait plus de tort en lui infligeant ses propres travers. C'était pour le mieux.
« Tu n'as presque touché à rien. Je pensais que tu adorais mes tagliatelles au saumon, se désola Nell. Je te trouve aussi plutôt pâlotte, ces derniers temps. Tu es sûre que tout va bien ? »
Sa cadette s'extirpa de sa morne torpeur en papillonnant des paupières et son cerveau généra un sourire par automatisme.
« Bien s... »
Elle se serait bien passée de l'autre automatisme qu'elle eut. Ses yeux s'étaient dirigés vers Reis et accrochèrent les siens une fraction de seconde avant qu'il ne les envoie ailleurs. Sa première réaction directe vers elle en trois jours. Elle était en train de se craqueler.
« Je n'ai pas très faim en ce moment. Je suis indigne de tes attentions pour moi, sister », se reprit-elle en se redressant sur son siège.
Elle força une nouvelle bouchée tout en se risquant à un nouveau regard. Reis avait les yeux baissés sur la table et le furtif mouvement qui contracta ses lèvres laissait entendre qu'il hésitait à intervenir.
« Et sinon, comment se passent tes séances avec Reis ? »
Même si Ysée s'était jurée d'interférer le moins possible, elle n'en pouvait plus. Après ces trois jours d'exclusion, elle avait besoin d'entendre quelque chose au sujet de l'androïde, n'importe quoi. Cet océan entre eux était insupportable. Et puis, rester trop taciturne et mutique risquait de paraître étrange.
Nell se tourna vers son voisin de table en le détaillant avec attention et sa bouche se tordit sous une réflexion silencieuse. Reis soutint son inspection de sa meilleure affabilité polie.
« Il s'en sort bien. D'un point de vue psy, son comportement réagit bien aux situations auxquelles il est soumis, mais... je ne sais pas, grimaça la femme en remuant la main comme si elle cherchait à se saisir de ce qui lui échappait. Il ne me semble pas que c'était le cas avant sa dernière mise à jour mais j'ai l'impression qu'il manque quelque chose.
_ Manquer quelque chose ? répéta Reis en se redressant à son tour dans son siège, l'air tendu.
_ Je ne saurais l'expliquer. Tu es empathique, patient, rassurant, doux, mais... Ah, je n'arrive pas à mettre le doigt dessus. De la chaleur humaine, peut-être ? J'avais cru déceler en toi un petit éclat en plus mais... »
Une onde de malaise zébra les traits parfaits de l'androïde.
« Eh bien, je...
_ Il l'a. »
Nell se tourna vers sa petite sœur dont l'expression paraissait à la fois lointaine et très consciente.
« Je t'assure qu'il l'a, réitéra cette dernière en contemplant l'objet de ses dires.
_ Ah, ça me rassure, s'ébaudit Nell. Je me disais bien que j'avais fait le nécessaire. Tiens, justement. Si tu me donnais un peu ton retour sur votre temps passé ensemble ? Tu n'es pas obligée de rentrer dans les détails, je voudrais surtout un ressenti non-psy. »
Ysée ne répondit pas tout de suite. Elle cherchait ses mots. Elle cherchait la force de s'exprimer mais l'appui sur lequel elle s'était trop reposée ces derniers temps s'obstinait à fuir son regard alors qu'il était évident qu'il appréhendait. À quoi pensait Reis en cette seconde ? Craignait-il que ce qu'elle allait dire allait attester de sa déviance ? Ou au contraire s'attendait-il à être honni pour son attitude ? Ces deux pensées la déchiraient et faisaient saigner sa plaie intérieure d'une nouvelle douleur.
« Reis est... »
Elle vit la bouche de l'androïde se pincer et aussitôt, son souvenir contre la sienne revint avec la vivacité de la lumière. Et tout le reste s'ensuivit avec naturel et évidence : ses sourires discrets, sa retenue élégante, sa patience d'ange, sa simplicité désarmante, sa générosité salvatrice.
Elle s'attarda sur ce visage qui la fuyait parce qu'elle ignorait comment poursuivre sans lui.
« Reis est... l'être le plus bienveillant que j'ai vu depuis longtemps. Depuis que j'ai l'âge d'avoir conscience du monde qui m'entoure, j'ai tendance à surtout voir le mauvais aspect des gens. Jugement, moqueries, dénigrement. Le monde est un panier de crabes dans lequel je n'avais pas les armes pour me battre. Alors je me suis tapie au fond du panier pour me faire oublier et ça a marché. J'étais en paix. Et puis, Reis est arrivé. »
Le concerné se risqua d'abord à épier Nell en coin et l'attention presque religieuse qu'elle affichait l'intrigua. Il se décida alors à lever un peu le nez et s'immobilisa. Les yeux bleu-vert qui se mêlaient aux siens reflétaient tant de choses...
« Au début, je ne voulais pas qu'il m'approche. J'étais bien dans ma bulle, à attendre que les choses se passent, protégée par mes œillères. Et pourtant, il a réussi. Il m'a sortie de ma zone de confort pour me faire voir ce dont l'humain manque cruellement de nos jours. De la bonté. Une bonté qui se donne du mal à me réconcilier avec... avec tout, en fait. Parce ce que je guerroie contre tout et surtout contre moi-même. »
Ysée n'avait plus vraiment conscience de ce qu'elle disait ni de l'expression qu'elle renvoyait à Nell. Le vert-noisette des iris de Reis prenait toute la place et écrivait la suite de ses paroles avec l'aisance d'un auteur prodigieux.
Sa gorge s'étriqua et elle tenta un sourire en consolidant sa voix.
« Je lui suis reconnaissante pour ce qu'il a fait pour moi, même en si peu de temps. Et je pense que malgré ce qu'il est, il est doté de l'âme la plus humaine qui soit. »
Le silence se réinstalla autour de la table. Ysée et Reis n'étaient plus de cette réalité, reliés par un fil invisible qui les isolait du reste. La jeune femme sentait une brûlure lui monter aux yeux et se faisait violence pour ne pas la concrétiser en larmes par crainte de ne savoir comment gérer ensuite. Elle se demandait à quoi pensait l'androïde à être ainsi figé. Son visage était impeccable de neutralité mais dans le reflet de son regard couvait quelque chose de puissant.
Restée pantoise, Nell papillonna des paupières et tendit la main vers sa cadette pour lui caresser les cheveux.
« Sweetheart... flancha-t-elle d'une voix émue. Je suis heureuse de savoir que tu as pu te délester un peu grâce à Reis. Mon cœur de humanity bender est très touché par ce que j'entends. »
Ysée lâcha un faible rire qui lui permit aussi d'expulser une partie de l'émoi qui l'étreignait et s'arracha à l'œillade perçante qui lui faisait face. Elle n'osait plus l'affronter après cela.
« Je vais re-remplir la carafe », dit-elle en prenant le récipient vide avant de disparaître à l'intérieur de la maison.
Pas dupe de l'émotion dont elle venait d'être témoin, Nell guetta sa petite sœur en secouant tristement la tête.
« Petit cœur... » se désola-t-elle dans un soupir.
Elle se tourna vers Reis qui fixait encore la porte-fenêtre de la terrasse sans vraiment la voir.
« Elle a perdu vingt ans d'espérance de vie à se confier ainsi, tu sais ? » lui glissa-t-elle avec un sourire complice.
L'androïde se leva aussitôt avant d'hésiter. Quand Nell lui accorda son soutien d'un hochement de tête encourageant, il la remercia pareillement puis retourna à l'intérieur.
Il retrouva Ysée appuyée au comptoir de la cuisine, la bouteille d'eau encore pleine posée près de la carafe vide. Il captait d'ici son rythme cardiaque accéléré.
« Ysée ? »
La jeune femme sursauta un peu sans se retourner et s'empara de la bouteille pour la verser dans la carafe.
« Nell ne t'a rien dit ? Tout va bien ? demanda-t-elle avec neutralité.
_ Elle ne se doute de rien.
_ Tant mieux. »
Il s'arrêta à deux pas de son dos à se demander quel visage se trouvait derrière cette cascade de cheveux châtains.
« Ce que tu as dit...
_ Je le pensais. »
Elle reposa la bouteille vide et releva la tête.
« Même si je craignais que Nell veuille te renvoyer à CyberLife, j'ai pensé chacun de mes mots. »
Reis entendait sa sincérité. Ainsi que la peine qui l'accompagnait.
Tous deux demeurèrent silencieux et statiques. Elle, les yeux baissés sur le reflet de la lumière à la surface de l'eau, lui sur les reflets cuivrés de ses cheveux.
« Ce qui s'est passé l'autre soir dans cette chambre... » commença l'androïde après un temps en pesant autant ses mots que son timbre.
Ysée se retourna et son cœur se serra en le voyant. Son visage lui paraissait froid sous le reflet la contrition.
« Reis, ne te...
_ C'était un automatisme. Une réponse comportementale. Même si le développement de cette partie-là a été suspendu, j'ai accès à des comportements... plus intimes, déclara-t-il d'une voix contenue. Ce qui peut paraître étrange sachant que mon anatomie actuelle ne me permet pas de les concrétiser jusqu'au bout. »
Sans comprendre pourquoi, son interlocutrice se sentit de plus en plus mal. Cette conversation lui donnait la nausée. Elle secoua lentement la tête mais ne fut pas en mesure de verbaliser quoi que ce soit.
Il lisait sa détresse. Il entendait son mal-être. Mais rien ne pouvait être plus fort que l'aversion qu'il ressentait envers lui-même et la pensée d'avoir failli au point de mettre Ysée dans une situation atroce.
Depuis trois jours, il revivait la scène en permanence comme un cauchemar sans fin, chaque détail plus vivace que le précédent. Cette onde subite de peur qui avait crispé le corps d'Ysée. Son timbre de voix duquel perçaient la crainte et la honte. Ses yeux figés d'angoisse.
« J'avais l'impression de ne pas être à ma place. D'être quelqu'un d'autre. De subir encore. »
Il chassa cette autre réminiscence d'un furtif mouvement de tête et s'empressa de retourner dans la maison de son palais mental. Son errance dans le jardin de sa déviance avait fait assez de mal à sa protégée.
Reis s'appliqua également à ne plus regarder la jeune femme. Elle n'avait pas à être témoin de la honte qu'il éprouvait.
« Le fait de nous embrasser aussi intensément a déclenché le script comportemental logique suivant et j'ai... » Il s'interrompit, ne sachant comment formuler la suite qui l'affligeait trop. « Toujours est-il que je n'aurais pas dû en arriver là, même s'il n'était nullement question de coucher avec toi. Mon comportement envers toi était défaillant et irrespectueux. »
Ysée n'en revenait pas. Où était Reis ? Qui était cet androïde au discours sans relief ni chaleur ? Chaque mot était un coup de fouet qu'il s'infligeait lui-même. Mais plus que tout, elle percevait le poids des remords qui dévoraient Reis de l'intérieur. Alors qu'elle était celle qui avait cédé en premier et qui avait déclenché cette situation. C'était elle, la fautive.
« Je ne t'en veux pas, essaya-t-elle en faisant un pas vers lui. C'est moi qui...
_ Je suis un androïde, Ysée, trancha-t-il d'un ton sans réplique. Mon rôle est de veiller sur toi et c'est l'inverse qui s'est produit. Mon explication n'a pas à vocation de me dédouaner de cette erreur mais je te la devais par respect pour toi. Je te garantis que rien de tout ceci ne se reproduira à l'avenir. »
Elle s'arrêta aussi vivement que si elle s'était heurtée à un mur invisible.
« Comment ça ? Que veux-tu dire ?
_ Je suis peut-être plus éveillé que mes pairs, je n'en reste pas moins une machine. Je me dois de ne pas oublier ce que je suis au risque que tu en pâtisses encore. »
Il inclina une dernière fois la tête en signe d'excuse puis tourna les talons. Il s'arrêta cependant trois pas après et sa tête pencha vers son épaule.
« Ce que tu as dit à Nell... je ne l'oublierai jamais. Jamais. Merci. »
Puis il s'éclipsa aussi discrètement qu'il était venu ; bise glacée qui balayait ses entrailles de plomb. Ysée resta pétrifiée sous cette anesthésie qui engourdissait corps et esprit.
Pourquoi voulait-elle disparaître de la surface de la Terre ?
Je vous l'avais dit. La déviance chez moi, c'est pas juste cligner des yeux de façon plus ostentatoire et roule ma poule.
Là, ils ont bien été calmés l'un et l'autre. Mais s'ils sont dans la jauge basse de leur relation, ils ne peuvent que remonter :P J'aime les yoyos.
