Il neigeait à gros flocons à travers les fenêtres du château pendant qu'Harry et Hermione se rendaient à la fête de Slughorn. Un épais manteau blanc immaculé recouvrait les environs du Poudlard, la nuit semblait calme et paisible.
L'atmosphère extérieure contrastait avec le brouhaha émanant du bureau du professeur de potion.

Harry tendit son bras à Hermione avant de rejoindre la foule. La jeune Gryffondor n'avait pas imaginé qu'il y aurait autant de monde.

Il devait y avoir une cinquantaine de personnes, des sorciers de tout âge, des têtes familières et d'autres inconnues, elle repéra même des figures qu'elle était certaine d'avoir déjà vu dans des manuels scolaires. Elle eut à peine le temps de parcourir la pièce du regard que le professeur Slughorn surgit de nulle part, posant une main sur l'épaule de Harry.

- Vous êtes là mon garçon ! Ravie de vous voir Miss Granger. Venez avec moi, j'ai quelqu'un juste là qui est impatient de vous connaître, dit-il en souriant.

Elle suivit son meilleur ami, amusée. Cette soirée serait peut-être plus divertissante qu'elle ne le pensait.
Elle rencontra une multitude de sorcier, présentée comme la sorcière la plus prometteuse de sa génération, au bras du célèbre survivant. Ce dernier faisait la fierté du professeur Slughorn qui l'exposait comme le gem le plus précieux de sa collection.
Elle discuta avec un descendant de Linfred de Stinchcombe, l'illustre inventeur de la potion poussos et de la pimentine.
Il lui raconta l'origine de sa cicatrice sur la main, qui n'était pas sans rappeler celle de Harry. Il était médicomage et avait un jour soigné une jeune fille qui se baladait toujours avec cette espèce de Crabe de feu hybridé. Extrêmement protecteur envers elle, la créature s'était jetée sur lui pensant de toute évidence qu'il lui voulait du mal.

Elle partagea ensuite une discussion intéressante avec un magizoologiste, une ancienne journaliste de la Gazette du Sorcier et un professeur de divination français sur les différences culturelles entre les sorciers de Grande Bretagne et ceux du continent américain.

Alors qu'elle était allée chercher des boissons pour elle et Harry, qui était coincé avec un ami proche de Slughorn, elle fut surprise par Cormac McLaggen qu'elle n'avait pas vu arriver.

- Salut Hermione, chouette soirée, pas vrai ? lui sourit-il de toutes ses dents tel un prédateur.

- Tu n'es pas accompagnée de Romilda Vane ce soir?

- Si mais je ne sais pas où elle est.

Il ne fallut à Hermione qu'un regard dans la foule pour trouver ladite cavalière, qui regardait Harry des étoiles dans les yeux. Elle remarqua également du coin de l'œil le professeur Rogue qui semblait écouter le récit d'un sorcier très grand et plus pâle qu'elle ne l'imaginait possible.
Elle s'écarta de Cormac alors qu'il s'apprêtait à lui toucher le bras.

- Excuse-moi, il faut que je retrouve Harry, lui dit-elle sans lui laisser le temps de répondre.

Elle se rapprocha de son ami et posa la main sur son épaule, espérant envoyer le message à Cormac qu'elle n'était pas disponible, puis reporta son attention sur le professeur de défense contre les forces du mal qui se trouvait juste derrière leur interlocuteur.
Hermione n'avait jamais envisagé Rogue se prêter au jeu des mondanités, bien qu'il s'intégrait parfaitement à ce milieu. Il avait une prestance naturelle et dégageait une certaine classe alors même qu'il restait stoïque et ne semblait pas participer activement à la conversation. Elle se demandait ce qu'il pouvait bien penser en cet instant.

Elle se reconcentra sur le moment présent après avoir entendu son nom.

- Oh vous savez Monsieur, Hermione est bien plus douée que moi dans ce domaine.

Ignorant complètement le sujet de leur discussion, elle se contenta de sourire affectueusement à Harry.

- Voulez-vous bien nous excuser ? demanda ce dernier.

Les deux amis s'éloignèrent un peu de l'effervescence et allèrent chercher les verres qu'Hermione n'avait pas pu leur apporter un peu plus tôt, préférant fuir le Gryffondor envahissant.

- Je vais m'en aller je pense, je n'arriverai jamais à me retrouver seul avec lui.

- Mais comment espères-tu te retrouver seul avec lui si tu ne restes pas jusqu'au bout?

- Tu sais à quel point je déteste être l'attraction locale Hermione. Nous ne discutons même pas, il se contente de me montrer à un maximum de gens, il me fatigue.

- Tu devrais essayer de rester Harry, Dumbledore a dit que c'était important. Tu n'es pas obligé de le laisser faire, laisse-le se languir un peu. Oh regarde! Ginny est là-bas, je ne l'avais pas vu, allons-y.

Ginny n'avait pas l'air de passer la meilleure soirée de sa vie. Ils s'installèrent tous les trois dans un coin un peu plus isolé, non sans avoir récupéré un plateau d'amuse-gueules abandonné.
Sous le regard attentif d'Harry, la plus jeune des Weasley leur expliquait que Dean était déjà parti et qu'il n'était pas de très bonne compagnie ces temps-ci.

Hermione fut à nouveau attirée par la silhouette imposante du professeur Rogue qui venait chercher un verre de whisky pur feu.
Bien qu'elle ne l'avait vu sur aucune des photos des anciens élèves de Slughorn, elle était sûre qu'il avait dû faire partie de son fameux club à son époque, ou tout du moins qu'il y avait été invité. Elle le voyait mal être du genre à se pavaner, ce qui expliquait probablement l'absence de photo de lui.
Elle fut brusquement sortie de ses rêveries par l'objet même de ses réflexions, Rogue lui lança un regard venimeux avant de partir rejoindre un autre groupe.
Pantoise, elle se reconcentra sur Harry et Ginny, qui se demandaient de quelle couleur seraient leurs fameux pulls de Noël de cette année.

Un peu plus tard, Ginny, qui avait retrouvé son sourire, annonça qu'elle allait partir retrouver son dortoir. Hermione en profita pour s'éclipser elle aussi et lui emboîta le pas.

- Promets moi d'essayer d'accord ? glissa Hermione à Harry. Bon courage…

Soulagées de s'éloigner de la ferveur de la soirée elles hâtèrent le pas dans le couloir.

- Miss Granger!

La voix de Rogue les fit bondir. Ses pas résonnaient dans le couloir alors qu'il se rapprochait. Il fit signe à Ginny de s'en aller et attendit quelques secondes qu'elle ait disparue avec de s'adresser à Hermione d'une voix mielleuse.

- Puis-je savoir à quoi vous jouez exactement?

Il la toisait de toute sa hauteur, Hermione était franchement impressionnée.
Elle l'interrogea timidement du regard.

- Suis-je devenu si soudainement intéressant à vos yeux que vous me regardiez sans cesse comme si j'étais une édition particulièrement rare de ''L'histoire de Poudlard'' ?

Touché.
Hermione se sentir rougir, complètement démunie.
Elle réfléchissait à toute allure à ce qu'elle pouvait répondre à ça tout en gardant une once de dignité et choisit finalement de jouer franc-jeu. Elle n'avait pas vraiment pensé à lui demander cela ce soir mais c'était le moment ou jamais. De toute façon, elle n'avait aucune autre justification à lui fournir.

- En réalité professeur, je souhaite me former à la legilimancie et à l'occlumancie.

Sans même s'en apercevoir Hermione retenait sa respiration.

- Et en quoi cela me concerne-t-il ?

- J'espérais que vous accepteriez de me donner des cours, monsieur.

Elle soutint son regard noir pendant ce qui lui sembla être une éternité.

- Qu'est-ce qui peut bien vous faire croire que j'ai le temps, ou seulement l'envie, de céder à vos caprices d'enfant gâtée?

Il n'avait pas dit non, remarqua Hermione. Il aurait déjà pu refuser bruyamment et s'en aller mais il ne l'avait pas fait, peut-être avait-elle fait mouche. Si elle voyait juste, il la sondait.

- Je ne pense pas que la volonté de s'améliorer et d'apprendre de nouvelles choses soit un caprice monsieur. Je veux mettre toutes les chances de mon côté face au futur sombre qui s'annonce.

- Cela ne répond pas à ma question, Miss Granger.

Elle était déstabilisée au possible, elle n'avait aucune idée de ce qu'il avait en tête ni de ce qu'il attendait. Cette situation ne correspondait à aucun scénario qu'elle avait pu envisager. Elle ne savait pas bien s'il la testait ou bien s'il se moquait d'elle, dans tous les cas cela ne semblait pas bien engagé.

- Que souhaitez-vous que je réponde, professeur Rogue ? demanda-t-elle avec audace.

Au moins elle serait fixée, c'était quitte ou double.
Sans un mot, Rogue fit volte-face et se dirigea vers une porte sur la gauche. Il l'ouvrit d'un coup de baguette et entra dans une salle de classe vide.

- Suivez-moi, entendit Hermione.

Elle entra dans la pièce, incertaine, et ressentit immédiatement un malaise s'installer lorsqu'il referma la porte. Il se contentait simplement de la fixer, affichant une expression indéchiffrable.
Bien loin de la soirée mondaine se déroulant pourtant à quelques mètres de là, elle fut envahie par la peur et l'inconfort. Paralysée par le regard pénétrant de Rogue, elle était au bord de la crise de panique, sans aucune explication logique.
Elle le vit esquisser une moue satisfaite alors que la tension s'allégea. Elle comprit finalement qu'il avait déjà commencé.

- Vous connaissant, je ne pense pas me tromper en affirmant que vous avez dû avaler un bon nombre de livre sur le sujet, ricana-t-il. C'est déplorable, vous n'avez pas la moindre volonté de vous protéger d'une intrusion pourtant bienveillante.

- Bienveillante ? répondit Hermione piquée au vif. Vous ne m'avez même pas prévenu, comment aurais-je…

- Eh bien vous l'êtes maintenant.

Il entra dans son esprit si brutalement qu'elle faillit tomber.
C'était comme un tremblement de terre, elle n'avait plus de repère, tout était flou. Et cette douleur, elle avait l'impression qu'une force surhumaine tentait de faire exploser son crâne de l'intérieur, de l'extérieur, c'était extrêmement violent, insoutenable.
Elle n'avait plus la capacité de réfléchir, elle voulait hurler pour arrêter ça mais aucun mot ne sortait de sa bouche. Au bout de quelques dizaines de secondes, la torture commençait à s'estomper juste assez pour la priver de l'inconscience, la laissant assister au défilé de ses propres souvenirs.

Rogue était comme une bête sauvage détruisant tout sur son passage, n'omettant aucun recoin, comme un monstre guidé par la fureur. Elle revécu ses cauchemars les plus sombres, ses pires souvenirs, la mort de Sirius, celle de Cédric, la vision de Voldemort et celle du basilic juste avant d'être pétrifiée. Elle vit ses peurs, ses peines, sa solitude, ses plus grandes hontes, ses humiliations alors qu'elle entendait Rogue rire dans sa tête. Elle se vit se faire bafouer, battre et torturer, comme des visions du futur qu'elle redoutait.

Tout s'arrêta soudainement, aussi précipitamment que cela avait commencé, la laissant plus misérable qu'elle ne l'avait jamais été. Elle baissa la tête, honteuse, ne parvenant pas à contrôler ses larmes.

- C'est ainsi que le Seigneur des Ténèbres procède. Ne croyez pas que vous pourrez un jour réussir à atténuer quoi que ce soit de ce que vous venez de vivre si cela devait se reproduire, déclara-t-il avec mépris.

Rogue la regarda d'un air moqueur et lui tendit sa baguette qu'elle saisit en tremblant. Elle n'avait même pas remarqué qu'il s'en était emparé.

- Vous êtes une sorcière Miss Granger, vous avez une baguette. Oubliez-le encore une fois et cela vous sera fatal.

Lorsqu'elle releva la tête vers lui, il n'y avait plus que de la colère sur le visage d'Hermione. Ses yeux lançaient des éclairs, on pouvait y lire une haine profonde et une puissante volonté de se venger.
Elle serra sa main autour de sa baguette. Pendant un instant le maître des potions crut qu'elle allait réellement lui jeter un sort, mais elle n'en fit rien.

- Allez au diable, dit-elle en quittant la pièce.

Il sortit à son tour en prenant le temps de verrouiller la porte. Il n'était guère surpris de la réaction de son élève et bien qu'il n'aimait pas l'idée de laisser passer ce genre de remarque, il ne lui en tiendrait pas rigueur pour ce soir. Même avec Harry Potter il n'y était pas allé si fort.

Bouillonnante, Hermione marcha quelques minutes sans but précis puis se décida à monter tout en haut de la tour d'astronomie. Elle voulait être seule et ne croiser personne.
Une fois au sommet, elle prit de grandes bouffées d'air glaciale presque douloureuses et songea à ce qui venait de se passer. Dire qu'elle était tombée de haut était un euphémisme. Elle s'était sentie déchirée, mise à nu et humiliée. Vivre toutes ces atrocités en quelques minutes seulement était réellement traumatisant, il avait bien réussi son coup, elle ne le solliciterait plus.
Elle entendait encore le rire lointain de Rogue dans sa tête, elle était dégoutée. Ce qui lui était insupportable, plus encore que d'avoir subi cette violence inouïe, c'est que quelqu'un ait pu assister à tout ça, son bourreau qui plus est. Plus elle essayait de chasser cette idée et plus elle s'énervait.

Heureusement elle allait avoir les vacances de Noël pour se recentrer, elle ne rentrerait pas chez ses parents. Être seule, c'est tout ce dont elle avait besoin.

Lorsqu'elle revint à la salle commune de Gryffondor, elle vit Harry et Ron étalés dans le canapé, somnolents. Il devait être tard, pour ce qu'elle en savait.

- Hermione ! s'exclama Ron qui l'avait entendu arriver. Mais où est-ce tu étais ?

- J'ai croisé Rogue. Vous aviez raison, il est horrible.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demanda Harry, affolé.

- Oh…elle soupira. Je lui ai demandé son aide et il a refusé de la manière la plus douloureuse qu'il soit, je n'ai pas très envie de rentrer dans les détails, précisa-t-elle l'air absent.

- Est-ce que ça va ? Il ne t'a pas lancé un impardonnable quand même ?!

Elle ne pensait vraiment pas que le Doloris puisse infliger une douleur plus intense que ce qu'elle avait subi. Aussi, l'Imperium n'avait pas été nécessaire à Rogue pour prendre possession de son esprit et lui faire voir ou ressentir ce qu'il voulait.

- Non, chuchota-t-elle. Je vous laisse. Au fait, je vais rester à Poudlard finalement, on se reverra à la rentrée.

Harry et Ron échangèrent un regard choqué en regardant Hermione partir. Ils ne la reconnaissaient pas, ils n'avaient jamais vu leur amie dans cet état.
Encore en tenue de soirée, Harry se leva, subitement déterminé à aller demander des comptes à l'ancien mangemort.

- Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée. Crois-moi j'ai envie au moins autant que toi de lui faire payer ça ! ajouta Ron alors qu'Harry était sur le point de lui répondre. Mais on est coincé, on ne peut rien faire à Poudlard, on se ferait expulser avant même de réussir à l'atteindre.

Harry tournait dans la salle commune comme un lion en cage.

- Qu'est-ce que tu crois qu'il lui a fait?

- Je ne sais pas, répondit le rouquin, penaud. Je ne l'ai jamais vu comme ça, Hermione n'est pas du genre à se laisser démonter.

- Je t'assure que si j'ai le croise aux réunions de l'ordre la semaine prochaine…

- Je sais, et je serais avec toi.