3e jour (ahem), 1er prompt, un mélange de "blessé par une flèche" et le fameux "Promettez-moi que vous n'allez pas paniquer" :D

(Promis, la suite de Sundown arrivera vite aussi ;))

Bonne lecture !


Qui — QUI — se promenait encore avec un arc et des flèches, au vingt-et-unième siècle ? A part Hawkeye, bien sûr, mais Hawkeye ne comptait pas, parce que 1) il avait la classe, et 2) il n'avait jamais essayé de lui tirer dessus.

Pas comme cet archer masqué qui avait décidé de semer la panique à Manhattan.

Peter essayait tout à la fois de l'arrêter, de protéger les piétons qui avaient eu le malheur de se trouver dans sa zone d'attaque et d'ignorer les appels de May qui lui demandait où il était et si, par hasard, il n'avait pas encore oublié de la prévenir qu'il ne rentrerait pas pour le dîner.

— Karen, envoie-lui un message pour lui dire que je suis désolé et lui demander si elle peut me garder une assiette de côt… hé, attention avec vos flèches ! Madame, s'il vous plaît, poussez-vous ou vous allez vous faire toucher ! Quoi, encore, c'est pas bientôt fini ? Non, non, Karen, ce n'était pas pour May que je disais ça, efface efface efface !

Tout à ses bondissements, roulades, lancers de toile et messages pour sa tante, ce qui devait arriver finit par, effectivement, arriver : tout à coup, quelque chose heurta violemment la jambe gauche de Peter et l'adolescent perdit l'équilibre. Par chance, il venait d'envoyer une nouvelle toile et cette fois-ci, celle-ci avait atteint sa cible : pile dans les yeux du tireur qui, aveuglé, se prit les pieds sur son propre carquois et chuta en plein dans le caniveau, hors d'état de nuire.

Peter n'eut malheureusement pas l'occasion de se réjouir : il avait à peine eu le temps de se réfugier plus loin, dans une ruelle vide, avant que sa jambe ne ploie anormalement sous son poids et que, peu à peu, une douleur sourde, profonde, se mette à saccager ses nerfs.

— Oh put-je veux dire purée purée PUREE DE PUTAIN DE POMME DE TERRE !

La hampe d'une flèche dépassait de sa cuisse ; Peter pouvait en voir l'empennage, mais sa pointe était si profondément enfoncée dans sa chair qu'il ne pouvait que la deviner — et en dessiner les contours à la façon dont tout autour, ses muscles et son sang brûlaient encore et encore et oh purée il n'allait quand même pas devoir la retirer lui-même ?

— Argggh ça fait un mal de chien ! Karen, qu'est-ce que je fais ? Est-ce que je dois l'enlever ? Ça n'avait pas l'air aussi, humpf, douloureux à la télé !

— Je suis navrée, mais la prise en charge d'une telle blessure est au-delà de mes compétences.

— Tu v-veux dire que p-personne ne t'a programmée pour un cas de blessure par flèches ?

— Malheureusement, non. Mr Stark a uniquement envisagé les blessures par balles, couteaux, poings américains, épées, marteaux, tridents, battes de baseball et boomerangs.

Boomerangs ?

— « On ne sait jamais », selon lui. Toutefois, il n'a pas envisagé que tu te battrais contre un archer car, je cite ses propres paroles, « qui utilise encore des flèches au vingt et unième siècle » ?

— MAIS OUI ! geignit Peter, des larmes de douleur perlant à ses yeux. Il n'y a pas un syndicat des supers-méchants auprès duquel on pourrait faire une réclamation ?

— Je ne pense pas, mais au regard de ton état, je te conseille très fortement d'appeler Mr Stark.

— Tu me le conseilles, ou tu… gnnn… tu me l'ordonnes ?

— Je prends cette réponse pour une approbation . Appel à Mr Stark en cours.

— Quoi ? Mais non, je ne disais pas ça pour…

— Hey, Spider-Kid, ça faisait longtemps, lança la voix de Tony Stark.

— Oh, euh, salut ! Ouais, ça fait super longtemps, hein ? répéta Peter.

Il y eut un léger silence, puis :

— Littéralement trois heures, quand tu m'as appelé pour me dire que tu avais retrouvé cette adresse de tacos dont tu as rabattu les oreilles de Happy pendant les six derniers mois.

Un nouveau silence, et encore :

— Bref, c'était une plaisanterie.

— Ah… aaaah ! Ha ha ha ? essaya Peter.

Il imagina sans mal Mr Stark plisser les yeux de l'autre côté du fil, esquissant cette sorte de pli bizarre avec sa bouche qu'il faisait parfois lorsque l'adolescent lui parlait.

— Okay, petit, j'ai besoin de ton aide, là, je commence à être court de réplique. Tu avais quelque chose à me dire ?

— D'accord, enfin, je veux dire, oui, bredouilla Peter. M-mais d'abord… promettez-moi que vous n'allez pas paniquer, d'accord ?

Il entendit parfaitement Mr Stark retenir son souffle. Puis le relâcher. Puis le reprendre un peu plus rapidement. Avant de le relâcher dans un sifflement précipité.

Bref, Mr Stark paraissait sur le point de paniquer.

— Peter.

— … Mr Stark ?

— Qu'est-ce que tu as encore fait ?

— Qui vous dit que c'est moi qui ai fait quelque chose ? protesta Peter. J'ai juste… aïe !

En voulant faire un pas en avant, sa jambe s'était définitivement dérobée sous son poids, comme si on avait scié sa cuisse. En l'observant, il retint un haut-le-coeur : elle semblait avoir doublé de volume autour de la flèche, il n'imaginait même pas de quoi elle avait l'air sous son costume taché de sang.

— Peter, tu es toujours là ?

— Ouais M'sieur, y a vraiment pas de quoi s-s'inquiéter… nyyaargh…

— Ce genre de râle d'agonie ne joue pas en ta faveur.

Il entendait maintenant Mr Stark s'agiter, il pouvait même percevoir les grincements et les vibrations de son armure.

De son armure ?

— P-Pas le peine de venir, j'ai la situation bien en main !

— Certainement. Tu n'as pas un couteau enfoncé dans la jambe, par le plus grand des hasards ?

— Bien sûr que non !

Le soupir de soulagement de Mr Stark s'étouffa net lorsque Peter ajouta :

— Une flèche, par contre…

— Une flèche ? (La voix de Mr Stark frémissait d'incrédulité.) Tu veux dire que de toutes les armes possibles et imaginables, tu as reçu une flèche ? Tu t'es battu contre qui ? Legolas ?

— J'sais pas, peut-être. Il avait un carquois inépuisable et il tirait comme un fou.

Peter effleura l'empennage de la flèche du bout des doigts. Il le regretta aussitôt :

— Gnn… c'est normal que ça fasse aussi mal ?

— N'y touche surtout pas ! Tu n'y as pas touché, n'est-ce pas ? Je te jure que si tu y as touché…

— Non, non ! Mais franchement, Mr Stark, vous devriez dire à Hawkeye que c'est super barbare, ces trucs là !

— Mh mh, je n'y manquerai pas. Ne bouge pas, j'arrive dans quelques minutes.

— De toute façon, je pourrai pas aller bien loin…

Peter s'assit tant bien que mal et appuya son dos contre un mur couvert de graffitis. Lentement, serrant les dents pour réprimer ses grognements de douleur, il étendit sa jambe blessée devant lui. La sensation de déchirure s'était peu à peu métamorphosée en battement sourd, lancinant, dont les palpitations s'accordaient à celles de son coeur.

Il avait tellement mal qu'il craignait de vomir — et il n'était pas certain qu'avec son masque sur le nez, ce soit une idée brillante.

— Peter, tu m'écoutes ?

— Hein ?

Il n'avait pas réalisé que Mr Stark avait continué de lui parler. Sa tête commençait à tourner, il se sentait un peu cotonneux, est-ce que c'était normal ?

— K-Karen, tu peux faire une recherche Google pour moi ?

— Bien sûr, Peter. Que souhaites-tu rechercher ?

— Hé ho, je suis toujours là ! lança la voix lointaine de Mr Stark.

— Demande : « Quel effet ça fait de recevoir une flèche », s'il te plaît.

— Non, Karen, ne fais pas ça.

— Hé, c'est mon IA, pas la vôtre ! protesta faiblement Peter.

— Karen, je te rappelle que je suis ton créateur et qu'en tant que tel, je t'ai donné la vie, mais je peux aussi la reprendre, rétorqua fermement Mr Stark.

— Recherche annulée, annonça Karen d'une voix claire.

— Noooon ! T-Trai… traitre… sse ?

Pourquoi avait-il tant de mal à parler ? Il ferma les yeux, essayant tout à la fois de respirer profondément et de déglutir sans se vomir dessus.

Dans ses oreilles, la voix de Mr Stark devenait plus frénétique.

— Hey, non, Spider-Kid, ce n'est pas le moment de faire la sieste, pas avec ce machin dans la jambe. J'arrive, okay ?

— Mmh, fais pas la s-sie… siestsssse… juste repose mes… zy… zzyeux…

— Ça s'appelle faire la sieste, bonhomme.

Peter n'y trouva rien à redire.

Les grondements de l'armure d'Iron Man se rapprochaient de lui ; il les entendait tout à la fois dans les hauts-parleurs intégrés à son costume et à l'extérieur. Dérangé par le bruit, il saisit la base de son masque et, d'un geste brusque, l'arracha de son visage.

L'air frais sur sa peau lui fit du bien, mais lui fit également réaliser que son front ruisselait de sueur ; pourtant, il n'avait pas chaud, au contraire, il commençait même à grelotter…

— Friday, je veux un rapport détaillé sur l'état de Peter. Spider-Kid, petit, tu m'entends ?

Peter entrouvrit les paupières. A travers sa vision brouillée, il reconnut le visage paniqué (effrayé ?) de Mr Stark. L'homme s'était agenouillé devant lui, dans la poussière ; Peter eut de la peine pour son costume trois pièces impeccable qui, déjà, récoltait tous les débris non identifiés qui traînaient sur le bitume.

— V-vous êtes drôlement blanc, M'sieur, parvint-il à articuler avec quelques difficultés.

— Ses pupilles sont dilatées, répondit Mr Stark.

Peter ne comprit pas tout de suite que ce n'était pas à lui qu'il parlait.

— Je reviens dans quelques secondes. Essaie de garder les yeux ouverts.

Peter ne comprit pas tout de suite que c'était à lui qu'il parlait.

— Mmhmm, marmonna-t-il en signe d'assentiment.

Est-ce que ça signifiait qu'il n'avait pas le droit de cligner des yeux ? Peter jugea que non et battit des cils. Une fois. Deux fois. Trois… trois… tr… mh, ce mur était anormalement douillet, et puis la douleur dans sa jambe devenait de plus en plus lointaine, remplacée par une vague de froid délicieusement anesthésiante…

— Peter, réveille-toi !

L'adolescent fronça les sourcils. Oh, zut, il s'était réellement endormi ? Il ne s'en était pas rendu compte.

Peter !

A l'intonation de Mr Stark, il devina qu'il essayait déjà de le réveiller depuis plusieurs minutes.

— Mhh, d'solé, marmonna-t-il en entrebâillant les paupières.

Il se retrouva nez à nez avec le costume d'Iron Man.

— W-wooaahh, parvint-il à dire.

— Woah, comme tu dis. Je t'emmène à la Tour, Bruce va s'occuper de cet énorme cure-dents qu'un crétin t'a planté dans la jambe.

Peter commença à remuer, mais le regretta aussitôt : ses nerfs reprirent brutalement conscience et une vague de douleur transperça sa cuisse. Un cri de détresse lui échappa.

— Hey, non, non, n'essaie pas de te lever. Mets tes bras autour de mon cou, je vais te porter.

Lentement, Peter glissa ses bras autour de l'armure d'Iron Man et nicha son visage contre son épaule métallique. Le froid le fit grimacer et il ferma les yeux.

— Garde les yeux ouverts, ordonna à nouveau Mr Stark. Tu auras tout le temps de dormir quand Bruce sera là pour superviser les opérations.

Puis, d'une voix plus sèche :

— Tu es sûre qu'on ne peut rien faire, Fri ?

Petit n'entendit pas la réponse de l'IA, si bien que celle de Mr Stark le fit sursauter :

— Le petit est en état de choc ! Je n'ai pas programmé un protocole contre ça ?!

L'adolescent n'avait pas l'impression d'être en état de choc. Il savait seulement qu'il avait froid, qu'il était fatigué et qu'il avait tellement mal mal mal mal mal

L'armure de Mr Stark avait décollé, et chaque souffle de vent contre sa cuisse était une torture. Rapidement, il ne fut plus capable de dire si c'était de la sueur ou des larmes qui baignaient ses joues. Il avait beau se mordre la lèvre de toutes ses forces, de pathétiques petits gémissements de douleur ne cessaient de lui échapper. A chacun d'eux, il croyait entendre la respiration de Mr Stark s'accélérer.

Au moins, il devenait moins difficile de lutter contre le sommeil.

Mais lorsqu'ils se posèrent sur le toit de la tour des Avengers, l'envie de dormir devint plus impérieuse, comme si elle n'attendait que cet instant pour réclamer son dû. Son corps lui faisait l'effet d'être en chiffon. On l'allongea sur un lit, ou en tout cas une sorte de lit avec des roues, prenant soin de ne pas toucher à sa jambe blessée. La pointe de la flèche qui en dépassait semblait le narguer ; il aurait voulu faire voler en éclats toutes ses résolutions et l'arracher de là, mais quelqu'un l'en empêchait, tenant sa main tandis qu'ils roulaient dans les couloirs de la Tour.

— M-Mr Stark ?

— C'est bientôt fini, répondit celui-ci, les traits crispés.

— I-ils vont c-couper mon costume ?

Mr Stark parut surpris par sa question.

— Sûrement. Je veux dire, oui, probablement. C'est tout ce qui t'inquiète ?

En dépit de la douleur et de la fatigue, Peter parvint à esquisser un pâle sourire

— Bah oui, p-pourquoi ?

Mais avant que Mr Stark n'ait pu répndre, Peter sursauta violemment : une main gantée de blanc avait frôlé sa jambe.

— Doucement ! dit aussitôt Mr Stark d'un ton venimeux qui surprit Peter.

L'instant d'après, Bruce Banner était debout près de lui et lui souriait, lui offrant un visage paisible qui contrastait avec celui, rongé d'inquiétude, de Mr Stark.

— Hey, Peter.

— Vous avez vu, je suis r-resté réveillé, M'sieur Banner, murmura Peter.

— C'est très bien. Tu verras, ça ira beaucoup mieux dans quelques minutes. Je vais te donner quelque chose contre la douleur, d'accord ?

— Mmmhmm.

On cisailla délicatement la manche de son costume (désolé, Karen, songea confusément Peter), puis on lui injecta quelque chose dans le bras. Un liquide brûlant se répandit dans ses veines comme de la lave — et tout à coup, Peter ne sentit plus rien. Rien qu'une merveilleuse béatitude, une sensation de plénitude incroyable : le lit étant en nuages, son corps étant en nuages, le plafond était en nuages, Mr Stark était en nuages…

— … jusqu'à dix, okay ?

Peter avait raté le début de la phrase, mais il comprit ce qu'on attendait de lui. Sa bouche était très pâteuse, il peinait à articuler :

— Un… d-deux… qu-quatre… quatre ?

Il crut entendre le rire étranglé de Mr Stark, puis plus rien.

Peter rouvrit les yeux, persuadé que seulement quelques secondes s'étaient écoulées — mais la pièce dans laquelle il se trouvait était plongée dans l'obscurité, trahissant le passage des heures.

Il remua faiblement. Son corps était lourd, il y avait un arrière-goût métallique sur sa langue et un tuyau était relié à son bras. En voulant bouger sa jambe gauche, sa cuisse l'élança brièvement et il grimaça. La douleur n'avait rien à voir avec ce qu'il avait ressenti lorsque la flèche s'y était logée, mais cela restait assez désagréable.

— Oui, c'est ce qui arrive quand on se fait tirer dessus, dit Mr Stark, dont les contours du visage se matérialisèrent subitement dans l'ombre, faisant sursauter Peter :

— Woaaah, mais q-qu'est-ce que vous f-faîtes dans le n-noir ?

Du moins, ce furent les paroles qu'il essaya de prononcer, mais les mots butèrent contre ses lèvres, comme si sa langue refusait de coopérer. De frustration, il gonfla les joues et en expulsa tout l'air dans un « plop ! » bruyant.

— Calme-toi, petit, c'est normal que tu aies un peu de mal à parler. Je ne sais pas ce que Bruce t'a donné, mais ça endormirait un mammouth. Je ne sais même pas comment tu fais pour être déjà réveillé.

— Suis pas un mammouth, grommela Peter.

— Je sais, Spider-Kid. Comment va ta jambe ?

— Ça va, prétendit-il en détournant les yeux.

— Ce n'est pas ce que disait ta tête, quand tu t'es réveillé.

Sans écouter ses protestations étouffées, Mr Stark s'approcha d'une machine et y pianota quelques instants.

Une sensation de chaleur, délicieusement étourdissante, revint ses répandre dans ses veines. Peter poussa un soupir de soulagement qui n'échappa pas à son mentor.

— C'est mieux, hein ?

— Mmmhhhoui.

— Parfait. Repose-toi, Pete, ça accélérera le processus de guérison.

— Mmhh… au fait, M'sieur, vous avez attrapé Legolas ?

— Lego… ah, l'archer ? Oui, la police l'a arrêté peu de temps après ton départ. Ta tante a failli aller le retrouver au commissariat pour lui botter les fesses, mais finalement, elle s'est laissée convaincre qu'il serait plus sage de venir directement ici.

— May est l-là ?

— Bien sûr. Elle est restée à ton chevet pendant des heures, Pepper et moi avons dû lutter pour la convaincre d'aller se reposer. Ne t'en fais pas, on lui a réservé la chambre d'invité VIP, celle avec le jacuzzi et le sauna intégrés, elle n'avait pas l'air mécontente.

— Elle va… ado… adorer, souffla Peter.

Mr Stark émit quelque chose qui ressemblait à un rire et posa la main sur son épaule, à travers l'épaisse couette qui l'emmitouflait.

— Dors bien, Pete.

— Au fait, M'sieur Stark…

— Spider-Kid ?

— V-vous avez toujours la f-flèche ?

— ... Pourquoi ?

— J-je… je pourrais la garder en souvenir ?

Malheureusement, il s'endormit avant d'avoir pu entendre la réponse.