- J'ai deux nouvelles et une question ! annonça Ace en revenant dans l'après-midi avec les livres.
Elle s'arrêta dans le salon pour voir qu'elle passait totalement à la trappe. Tout le monde, même Izou, Haruta et Dobby, était tourné vers la table basse où Marco et Drago disputaient une partie de shogi avec une intense concentration.
- Qui gagne ? demanda à voix basse Ace au tableau sans se détourner de la scène.
- Drago, lui répondit tout aussi bas Izou en penchant la tête vers elle, lui aussi absorbé par le spectacle. Il est aussi rusé que Pudding.
- Tu me diras, il a son âge…
- Mais c'est une fille de Big Mum, et cette femme est sournoise derrière son apparente stupidité. Ses gosses cultivent ce trait de caractère dès le berceau. Et là, le Phénix s'est fait avoir. Il tente de sauver ses plumes, mais il sait qu'il ne peut pas remonter.
Finalement, Marco éclata de rire et tendit une main à Drago qui la serra, fier de lui.
- Vous aviez parié quelque chose ? s'enquit Ace en se rapprochant enfin du plateau maintenant qu'elle ne risquait plus de les déconcentrer.
- Non, heureusement, je déteste perdre un pari, yoi, sourit Marco.
- Bien joué bonhomme, y'en a pas des masses des joueurs débutant qui arrivent à battre des hommes comme Marco dans un jeu de ce genre, félicita Ace en offrant une brève étreinte par derrière au gagnant avant de le relâcher.
- Je jouais souvent aux échecs avec mère, au manoir, pendant que père était à ses affaires, sourit tristement le jeune homme. Et c'est aussi un bon moyen d'ignorer les conneries de Parkinson quand je suis dans la salle commune. Théo et Blaise ne sont peut-être pas aussi bons, mais entre se faire rétamer sur un échiquier et écouter cette fille, le choix est vite fait pour eux.
- Y'a pas photo, approuva Harry. Si tu étais aussi bon aux échecs, pourquoi tu ne t'es pas chargé de l'épreuve, en première année ?
- Parce que tu t'es avancé avant moi, répondit le blond en haussant les épaules.
- T'as pas honte de te faire battre par un débutant, Fushisho, se moqua Ace en passant derrière le canapé pour s'appuyer sur le dossier de Marco.
Elle lui prit le menton dans une main et lui pinça le visage avec amusement pour ensuite l'embrasser.
- Tu disais avoir des nouvelles et une question ? s'enquit Marco pour changer de sujet.
- Vous avez dit quoi à Mrs Weasley pour qu'elle se montre aussi froide et agressive à mon égard quand je l'ai croisée chez Fleury & Bott ?
- Harry a eu quelques mots avec elle quand elle t'a accusée d'être une mauvaise mère. Elle n'a pas apprécié que trois de ses enfants soient d'accord avec lui, répondit Drago.
- Comme je l'ai dit à Ronald, je préfère une mère qui me confie une arme et m'apprend à m'en servir de façon correcte et pas à tort et à travers, qu'une femme qui dit sans la moindre honte qu'elle a déjà fait usage d'un philtre d'amour, comme si cet impérium liquide était quelque chose de normal, grommela le D. en appuyant son menton sur ses bras croisés sur la table.
- Dobby est certain que monsieur Harry avait les meilleures intentions du monde, mais il serait bien d'être plus diplomate dans son discours, suggéra Dobby en tapotant le dos du garçon comme pour le consoler.
Marco resta impassible, mais le tremblement de ses lèvres montrait qu'il se retenait de rire.
- Je me suis marrée à lui dire que si elle préférait élever ses enfants pour être des gentils petits toutous qui obéissent aux ordres d'individus aux intentions plus que questionnables, c'était son problème, pas le mien, marmonna Ace en haussant les épaules. Elle s'est vantée auprès de moi que son fils Ronald soit devenu préfet, contrairement à toi.
- Tu aurais voulu ? demanda Harry.
- Tu es un loup, Harry. Pas un chien en laisse. Si on avait voulu de toi que tu sois un bon petit garçon discipliné, l'univers a fait une connerie monumentale en me mettant sur ta route, chaton.
- Tu continueras à m'appeler chaton jusqu'à quand ?
- Même six pieds sous terre, tu seras toujours mon chaton. Je veux que ton épitaphe porte la mention de « chaton à sa maman » !
Drago éclata de rire devant la scène alors que les deux Portgas se tirait la langue par-dessus un Marco sans réaction.
- Quand vous aurez fini vos gamineries, on connaîtra la seconde nouvelle, rappela à l'ordre Izou alors que Haruta venait de quitter le cadre en hurlant de rire.
- C'est une mauvaise nouvelle, répondit Ace en se redressant, très sérieuse.
Elle ouvrit son sac et en tira les livres qu'elle plaça sur le canapé à côté de Marco.
- C'est de la merde en barre. Et je pèse mes mots. Je vois d'ici des cours d'une inutilité monumentale.
- Pire que Lockhart ? demanda Drago en acceptant les deux livres qui lui étaient tendus.
- Au moins, il faisait un semblant d'animation avec sa connerie. Mais là, je pense que votre professeur est désigné par le ministère pour faire passer sa politique de l'autruche dans l'école. J'vois ça d'ici !
- Je dois combien pour les livres ? demanda Drago.
- Que dalle, c'est pas moi qui les ai acheté, les tiens.
Elle fit un signe des mains pour leur faire comprendre d'échanger.
- Chaton, donne-lui ton livre de sorts.
Harry tendit le livre en question à Drago qui lui donna le sien avant d'ouvrir celui qu'il venait de recevoir et se figea.
- Elle va bien. Et ta petite-sœur se porte bien de ce que j'ai vu. Vas-y, je vais préparer le dîner, lui dit d'une voix douce Ace.
Drago retira une enveloppe avec son nom dessus de son livre et se leva.
- Tu veux que je dépose tes bouquins sur ta valise ? proposa le Serpentard à son ami.
- T'embête pas, je suis curieux de voir vraiment ce que vaut ce livre pour qu'Ace soit si pessimiste au sujet des cours qui vous attendent. Va lire ton courrier, yoi, lui répondit Marco.
Drago disparut rapidement à l'étage pour s'isoler dans sa lecture.
- Rien de plus ? Pas d'aventures extraordinaires ? De recrutement de chibi-kunoichi ? De devin mal luné ? Pas d'hommes qui se sont jetés sur toi pour te faire des déclarations d'amour, yoi ? demanda Marco en prenant le livre de défense.
- Laisse O-Tama tranquille ; Kali n'est pas mal lunée et le dernier homme à m'avoir fait une déclaration d'amour, c'est mon chaton. Donc, chéri, tu es en tort. Alors, au lieu de te foutre de moi, tu devrais plutôt te rattraper, répondit Ace en se décollant du canapé. On s'y met Dobby ?
L'elfe se leva immédiatement et suivit la femme dans la cuisine.
- M'man, pourquoi j'ai une lettre pour tonton dans mon livre de sorts ? demanda Harry qui avait voulu le feuilleter.
- J'ai croisé Tonks qui m'a demandé de faire passer ça à ton oncle. Le courrier sera encore plus surveillé à l'école, apparemment. Et elle a toujours le bébé.
- L'avortement est autorisé jusqu'à quand ici, yoi ? demanda Marco en fronçant les sourcils.
- Trois mois, je crois, pour les moldus, mais je sais pas ce que disent les sorciers sur le sujet.
- Avant l'avortement, Sainte Mangouste vérifie si le bébé aura de la magie. Si c'est le cas, ils refuseront l'intervention, raconta Harry. Les sorciers sont de moins en moins nombreux, donc, peu importe les circonstances qui entourent la conception et la grossesse du bébé, ils refuseront d'aider la mère à s'en débarrasser. Ceux qui le font malgré tout risquent Azkaban.
- Comment tu le sais ? s'étonna Ace en sortant la tête de la cuisine.
- J'ai souvent dû souvent aller à l'infirmerie pendant que je me préparais à la seconde tâche, histoire de ne pas mourir de froid. Malgré la surveillance, il y a eu des débordements pendant le bal de Noël. Une fille est venue pour demander de l'aide à l'infirmière, sans réaliser que j'étais là. Mme Pomfresh l'a installée dans une pièce à part et elle m'a demandé de faire comme si j'avais rien vu et rien entendu. Je lui ai dit de retourner auprès de cette fille, parce que vu son état, elle devait avoir une sacrée grippe. Me suis renseignée par la suite, c'est tout.
- Bonne réponse, que ce soit de toi, que de cette femme, yoi, approuva Marco.
- Donc, Tonks garde l'enfant, comprit Harry. C'est tonton qui sera content.
- Il doit déjà avoir quelques petits bâtards sur les océans, ne te fais pas d'illusion, lui dit Haruta en revenant dans la toile. Sauf que cette fois, eh bien, il n'a pas l'excuse d'être toujours en mer pour ne pas être au courant et ne pas prendre ses responsabilités.
- En attendant, tu fais attention à ce que tu dis dans tes lettres, d'accord mon chaton ? demanda Ace en retournant s'occuper du repas.
- Haiii.
.
.
Drago regardait d'un air absent par la fenêtre du taxi qui les conduisait à la gare, jouant avec l'un des lacets de la capuche de sa veste. Depuis la lecture de sa lettre, il était clairement perdu dans ses pensées, ne prononçant pas plus de quelques mots d'une voix morne. Harry avait voulu lui demander s'il allait bien mais sa mère l'en avait déconseillé. C'était normal que le garçon soit dans cet état. Il avait besoin de temps pour reprendre sa contenance. Après tout, pour sa propre survie, il avait fugué de chez lui, devant vivre loin de sa mère et de sa sœur à venir.
Clairement pas de quoi être joyeux.
Le taxi les déposa devant King's Cross, et les bagages furent chargés dans les chariots. Yuki n'ayant pas de cage, elle devait être déjà partie en volant pour l'école. Une surprise les attendait devant la gare en la présence de Remus et Sirius sous sa forme de gros chien noir.
- Officiellement, on est là pour escorter les Weasley et Patmol ici présent voulait absolument sortir, même si Molly l'a déjà grondé pour son escapade de l'autre jour, sourit Remus. Officieusement, je viens remercier ma patronne pour ma semaine de congé.
- C'est la pleine lune demain, je ne suis pas ignoble au point de te faire bosser dans ton état, grommela Ace en roulant des yeux.
- Les chiens ne sont pas censés être les animaux les plus obéissants ? demanda Drago en regardant son ami enlacer le molosse.
Sirius lui jeta un regard noir.
- REMUS ! appela une voix dans la gare.
- Et c'est moi qui me fais rappeler à l'ordre, soupira le loup. Eh bien, à bientôt. Te perds pas dans la foule, Patmol, je n'ai pas envie que Molly me tue à cause de toi.
Sirius aboya et Remus salua les jeunes avant de s'éloigner au trot.
- Eh bien, on y va ? demanda Ace aux deux jeunes avec elle.
Et ils entrèrent dans la gare avec un long pas. Ils firent semblant de flâner entre les voies Neuf et Dix puis, lorsqu'il n'y eut plus personne en vue, chacun, à tour de rôle, alla s'appuyer contre la barrière et la traversa sans difficulté pour atteindre le quai. Le Poudlard Express était là, crachant des panaches de vapeur noire au-dessus de la foule des élèves et de leurs familles qui se pressaient dans l'attente du départ.
Sa vue brisa le moral du D. qui avait espéré vraiment ne plus y retourner.
Son attention fut attirée par sa mère qui mit sur le crâne de Drago sa capuche. Le blond dû comprendre pourquoi puisqu'il la tira un peu plus vers l'avant pour masquer au mieux son visage.
- Il est beau, ton chien, Portgas ! lança Lee en les voyant passer.
- Merci, Jordan, répondit Harry avec un sourire tandis que Sirius remuait frénétiquement la queue.
- C'est ça, fait le beau, Patmol, on te dira rien, soupira Ace.
- LES GARÇONS !
Impact dans trois, deux, un…
Drago manqua de perdre l'équilibre quand Hermione se jeta à son cou, alors que son père la coursait avec le chariot pour ne pas la perdre.
- Ces machins grandissent trop vite. Faut qu'on arrête de leur donner de la soupe, on retrouvera peut-être nos gnomes qu'on aimait tant, soupira Ace à l'adresse du dentiste.
- Si seulement. Pas de bêtises avec ma fille à Poudlard, jeune homme, dit le père de la demoiselle.
Drago ne risquait pas de répondre vu qu'il se faisait à moitié étranglé par Hermione.
- J'veux pas faire les rabats-joies, mais on a Fol-Œil en approche, marmonna Harry.
Le docteur Granger se raidit, n'ayant toujours pas digéré l'amnésie que lui avait infligée le vieil auror. Le couple se sépara alors que Drago se mettait devant Hermione. Ace alla à la rencontre du vieux guerrier, l'empêchant de s'approcher plus.
- Enlèvement et séquestration. C'est assez ironique qu'une raclure d'en vot' genre connaisse aussi bien les lois, grommela l'homme avec sa casquette de porteur pour masquer son œil magique.
- Je préfère être une raclure qui s'attaque à d'autres raclures plutôt qu'un chien en laisse qui prend des enfants à leurs parents sous prétexte qu'un grand combattant le leur a ordonné, lui rétorqua Ace.
- Je viens chercher le chien.
- Il dit au revoir à son filleul, alors t'attendras le départ du train.
- C'était amusant de mettre en danger la sécurité de notre quartier général ?
- Fallait pas toucher à Hermione, Harry et Drago en premier lieu. Ah et la vie privée, ça se respecte. Le prochain espion de votre organisation qui traine chez moi, je vous le renvoie dans de tout petits paquets.
- Le gamin n'a rien à faire avec une femme de votre engeance. Je pensais à la base que vous étiez une combattante, mais vous êtes le genre de saloperie qui gangrène nos rues, en réalité.
- Je suis une putain d'infection qui absorbe les autres déchets, soyez content, je fais le nettoyage pour vous. Barrez-vous.
Maugrey fit un pas de côté comme pour la contourner mais Ace posa un pied sur sa jambe de bois.
- Combien de secondes vous croyez qu'il me faudra pour réduire cette prothèse en cendre ?
- Plus qu'il ne m'en faudra pour vous couper ce pied.
- On essaye ?
Sirius émit un gémissement en sentant le Haki montant de la femme.
- C'est normal, c'est maman qui s'énerve, pas de quoi s'en faire, rassura Harry à l'adresse de son parrain. Les animaux sont plus réceptifs que les humains au Haoshoku.
Pendant un instant, les deux adultes restèrent à se regarder en chien de faïence, avant que Maugrey ne recule d'un pas.
- Il est encore temps de rejoindre le bon côté, les gosses, dit-il.
- Je préfère le gris, lui répondit d'office Drago.
- Hors de question que j'obéisse à un homme qui a forcé mes propres parents à m'oublier ! cracha Hermione.
Harry se contenta d'un bras d'honneur éloquent.
- Vous avez encore le temps, leur répondit Maugrey.
Et il s'éloigna, mais ils étaient certains que son œil magique les regardait au travers son crâne. Ace l'observa un instant partir, puis se tourna vers les jeunes.
- Le train ne va pas tarder à s'en aller, vous feriez mieux de monter. Neville et Tsuki-chan sont déjà dedans.
Le dentiste serra les mains aux garçons puis prit sa fille dans une étreinte solide.
Pendant un bref moment, le gros chien noir se dressa sur ses pattes de derrière et posa celles de devant sur les épaules de Harry, avant d'en faire autant avec les deux autres. Ace choisit l'option économie de temps et enlaça le trio en même temps.
- Prenez soin de vous, et essayez de ne pas vous attirez trop de problèmes.
- On fera au mieux, assura Hermione alors que Drago tapotait maladroitement le dos d'Ace, peu habitué à ce genre de démonstration d'affection de la part d'un adulte.
- Assure-toi que me donner un frère ou une sœur pour Noël, d'accord ? demanda Harry.
Ace les relâcha et montra le train du doigt.
- Vilain chaton, file avant que je me fâche !
Sirius aboya son amusement.
Le train siffla et le trio grimpa rapidement dans le train. Ils se penchèrent par une fenêtre pour dire au revoir aux adultes encore sur le quai. Avec le départ, ils devinrent rapidement de petites silhouettes, mais le chien noir continua de courir à hauteur de la fenêtre en remuant la queue, sous les rires de la foule restée sur le quai. Le train prit alors un virage et Sirius disparut.
Le train prenait de la vitesse et les maisons défilaient sous leurs yeux en une succession d'éclairs, quand ils se mirent enfin en mouvement.
- Je vais chercher les deux autres. A plus tard et faîtes pas de bêtises les amoureux, annonça Harry.
- Tais-toi ou je te lâche Pattenrond à la figure, menaça Hermione en brandissant son panier de transport qui contenait le mini-tigre.
- C'est pas parce que je suis un loup que je sais pas m'y prendre avec les chats.
Et il lui prit le panier des mains.
- J'le prend en otage. A plus tard.
Et il tourna les talons pour aller trouver le reste de ses amis.
Il hissa sa valise sur son épaule et Pattenrond sous l'autre bras avant de s'aventurer dans le couloir, ignorant les regards et les chuchotements des différents compartiments. Même si la Gazette n'avait pas eu beaucoup de temps pour lui casser du sucre sur le dos, Dumbledore l'avait entraîné dans sa merde. Le procès prochain ne pouvait pas mieux tomber pour bien se séparer de cet homme qui voulait faire croire qu'ils étaient sur la même longueur d'onde. Ce n'était certainement pas le cas !
Dans le tout dernier wagon, il trouva Neville qui attendait devant une porte, tenant fermement dans sa main Trevor qui se débattait.
- Hey, Harry ! Content de te voir ! Les deux autres sont préfets je présume ?
- Ouais, restons entre dissidents ! sourit joyeusement le D. à son ami. Tu m'ouvres ? J'ai les mains pleines.
Neville s'inclina et lui ouvrit la porte d'une révérence moqueuse.
- Bonjour Harry ! sourit Luna d'un air rayonnant.
- Salut. Tu peux prendre Pattenrond ?
Luna laissa son magazine sur son siège et alla récupérer le panier du chat, permettant à Harry de hisser son bagage dans les filets au-dessus des banquettes. Neville entra et referma la porte du compartiment sur eux. Le D. se laissa tomber sur une des places près de la fenêtre et immédiatement, Luna vint s'asseoir sur ses genoux avec sa lecture pendant que Pattenrond se lovait dans la place qui avait été abandonnée, maintenant qu'il était libéré de sa cage.
- T'as perdu des joues, non ? se fit confirmer le brun en regardant son camarade de dortoir.
- J'ai suivi le conseil du Saint Marco et je me suis mis au footing, annonça fièrement Neville. Grand-mère commence à dire que je vais finir par être un bel homme.
Harry éclata de rire avant de raffermir sa prise sur la taille fine de Luna pour qu'elle s'installe mieux sur lui.
- Et toi, tu vas les laisser pousser jusqu'où, ces cheveux ? Parce que je veux pas dire, mais ça va finir par être une vraie corvée de les coiffer le matin. Ils sont déjà à ta taille. Tu veux être Raiponce à la place de Neville ?
- Me rappelle pas ça, Portgas ! gémit Neville en cachant son visage dans sa seule main de libre.
- Je les laisse pousser juste pour te faire parler, Harry, répondit Luna sans lever le nez de sa lecture.
Dans le fracas des rails, le train poursuivit son chemin à travers des paysages de campagne. C'était une journée étrange, instable. Parfois le compartiment était illuminé de soleil, un instant plus tard, des nuages menaçants obscurcissaient le ciel.
Neville leur montra un petit cactus gris planté dans un pot, sans épines, mais recouverte de pustules, qu'il avait eu pour son anniversaire.
- Mimbulus Mimbletonia, annonça fièrement l'apprenti botaniste.
Harry contempla la chose. Elle palpitait légèrement et offrait l'aspect sinistre d'un organe interne atteint de maladie.
- Je me demande le genre de diagnostique que tirerait Saint Marco si on lui envoyait une photo de la plante, murmura Luna pour ne pas être entendu de leur ami si rayonnant devant sa plante.
- Certainement un malade en phase terminale, lui répondit tout aussi bas Harry.
- C'est une plante très, très rare, expliqua Neville qui n'avait rien entendu. Je ne sais même pas s'il y en a une dans la serre de Poudlard. J'ai hâte de la montrer au professeur Chourave. Mon grand-oncle Algie me l'a dénichée en Assyrie. Je vais voir si je peux la reproduire.
- Cette plante à des propriétés intéressantes ? demanda le D. avec curiosité en se penchant de derrière Luna pour mieux voir.
- Oh oui, plein de choses ! répondit le Sang Pur avec fierté. Elle possède un système de défense étonnant. Tiens, tu peux me tenir Trevor ?
Il laissa tomber le crapaud sur les genoux de Luna et Harry l'attrapa dans une main. Neville prit une plume dans son sac et il leva le Mimbulus Mimbletonia au niveau de son visage, sous les yeux exorbités de Luna. La langue entre les dents, il choisit un endroit précis et piqua sa plante d'un petit coup sec avec la pointe de sa plume.
Un liquide vert foncé, épais et malodorant, jaillit alors de chacune des pustules en de longs jets puissants qui éclaboussèrent le plafond, la fenêtre et le magazine de Luna, qui pour le coup, protégea aussi Harry qui s'était caché juste à temps derrière elle. Une odeur de fumier rance se répandit dans le compartiment, alors que Pattenrond s'était réfugié en sifflant sous l'un des sièges.
Neville, le visage et le torse également trempés, secoua la tête pour enlever la substance de ses yeux.
- D-désolé, haleta-t-il. Je n'avais encore jamais essayé… Je ne pensais pas que ça aurait cet effet-là… mais ne vous inquiétez pas, l'Empestine n'est pas un poison, ajouta-t-il d'une voix fébrile tandis que Luna se levait de Harry pour essayer d'appréhender mieux les dégâts.
À cet instant précis, la porte du compartiment s'ouvrit.
- Oh… bonjour, Harry, dit une voix mal assurée. Hum… j'arrive peut-être au mauvais moment ?
Le D. se tourna vers la porte avec perplexité. Dans l'encadrement, une jeune fille aux longs cheveux noirs et brillants lui souriait. Elle était vaguement familière mais impossible de savoir d'où.
- Ano… dare da anta ? demanda le garçon avec perplexité.
- Je crois que tu tombes mal, Chang, lui dit d'une voix froide Luna.
- Je voulais simplement dire bonjour… alors, au revoir, dit Cho.
Le teint virant au rose vif, elle referma la porte et s'éloigna dans le couloir. Harry regarda Luna, puis Neville qui haussa des épaules pour lui montrer son incompréhension de la situation.
- Récurvite, incanta finalement le jeune criminel en sortant sa baguette de son holster.
L'Empestine se volatilisa aussitôt.
- Au moins, ça aura servi pour le rodage de la nouvelle baguette de Harry, pointa Luna en attendant que son petit-copain se rasseye.
- C'était qui cette fille bizarre ? demanda Neville.
- Cho Chang, l'attrapeuse de Serdaigle, répondit la blondinette. Elle aime bien traîner avec les garçons populaires.
- Pourquoi est-ce qu'elle est venue jusqu'ici, tu trouves pas de groupe encore plus impopulaires que nous à Poudlard ! s'étonna Neville.
- Les garçons ne comprennent rien, annonça la Serdaigle d'un ton de finalité. Attention aux jonchurines, Neville.
Par réflexe, le garçon épousseta ses épaules comme pour chasser des pellicules.
Drago et Hermione restèrent absents pendant près d'une heure encore. Le chariot à friandises était déjà passé, Harry, Luna et Neville avaient fini leurs Patacitrouilles et s'échangeaient les cartes trouvées dans les Chocogrenouilles lorsque les préfets entrèrent enfin dans le compartiment.
Avec des soupirs las, le duo se laissa tomber dans les places de libres et Drago attrapa une des sucreries qu'il restait encore et s'abandonna contre le dossier en fermant les yeux, comme s'il avait eu une matinée harassante.
- Il y a deux préfets de cinquième année dans chaque maison, annonça Hermione, apparemment très mécontente. Un garçon et une fille.
- On sait que Ronald est avec toi. Abrège, ils ont choisi qui ? demanda Harry.
- On m'a collé avec Parkinson. C'est un choix stupide, Greengrass aurait été bien meilleur pour le poste, siffla Drago avec colère. Dire que père voulait à une époque que j'épouse Parkinson…
- Tu préfères l'avoir comme femme ou comme partenaire en tant que préfet ? lui demanda Luna. Compare et profite de ne la supporter que comme ça.
- Et à Poufsouffle, c'est qui ? demanda Harry.
- Ernie Macmillan et Hannah Abbot, dit Drago. Abbot est très timide. Bones a plus de caractère, comme sa tante. Et Macmillan est d'un pompeux…
- Anthony Goldstein et Padma pour Serdaigle, ajouta Hermione.
- C'est bien pour Padma ! approuva Neville.
- Ronald est allé au bal de Noël avec Padma, dit Luna d'une voix absente. Elle ne s'est pas beaucoup amusée. Elle pense qu'il ne s'est pas très bien occupé d'elle parce qu'il ne voulait pas la faire danser. Moi, ça ne m'aurait pas dérangée, ajouta-t-elle, songeuse. Je n'aime pas tellement danser.
- J'aurais pas danser des masses non plus, sauf s'ils avaient sorti du rock. M'man m'a appris à danser le jitterbug quand on a eu le bar, lui dit Harry.
- Tu m'apprendras ?
- S'tu veux.
Et Luna lui colla un baiser sur les lèvres en réponse, avant de retourner à sa lecture, toujours bien installé sur les genoux du brun.
- Et c'est nous que tu appelles « tourtereaux » ? demanda Hermione à son ami. Non mais vous vous êtes vu ?
- Au moins, ils ne se tournent plus autour, pointa intelligemment Neville.
- Ah t'y mets pas, toi aussi, j'en ai soupé de ses insinuations cet été ! reprocha Drago.
- On est censé faire des rondes dans le couloir de temps en temps, dit Hermione pour revenir au sujet.
- Et on a le droit de donner des punitions à ceux qui se conduisent mal, fit avec un sourire sombre le Serpentard. J'hésite à savoir sur qui je vais tomber en premier… Crabbe et Goyle, ou Weasley.
- Tu ne dois pas profiter de ta position, Drago ! lança sèchement sa petite-amie. Et Ronald est un préfet, tu ne peux pas t'en prendre à lui.
- Parce que tu crois que personne ne le fera ? Hermione, tu es brillante, réfléchis.
- Alors, tu vas t'abaisser à leur niveau ?
- Non, je vais juste décharger ma frustration de façon saine sur ceux qui ont besoin de recevoir une bonne leçon. Contrairement à Portgas, je n'ai pas l'intention d'y aller vulgairement avec les poings.
- Je ne sais pas lequel de vous deux est le plus exaspérant, parfois.
- Cherche pas, Harry contamine tout le monde, lui dit Neville en riant.
- C'est bon, ça va, j'ai le dos assez large pour être la source de tout ce qui ne va pas ? s'enquit le D. avec lassitude.
Luna se contenta de l'embrasser sur la joue.
- Je peux voir, Luna ? C'est un article sur Fudge, non ? demanda Neville en penchant la tête sur le côté pour identifier la couverture à l'envers.
La demoiselle lui passa la revue avec l'assez mauvaise caricature de Cornélius Fudge, reconnaissable que grâce au chapeau melon vert. Fudge tenait un sac d'or à la main, son autre main serrée sur la gorge d'un gobelin. La caricature avait pour légende : « Jusqu'où ira Fudge pour s'emparer de Gringotts ? ». Les autres articles du magazine étaient sur une possible corruption à la ligue de Quidditch pour expliquer la victoire récente des Tornades, quelque chose sur des anciennes runes et enfin, un article sur Sirius Black.
- Papa a décidé de publier tous les étés d'autres théories sur le cas de Sirius, informa Luna quand Hermione se pencha en avant pour voir elle aussi la couverture entre les mains de Neville. Ce n'est pas lui qui les écrit, puisqu'il a la preuve de la vraie histoire, mais des gens veulent absolument trouver des explications, donc, autant les publier.
- Il a adoré cette théorie, de ce que dit Remus, sourit Harry.
- Chanteur de variété ? Et puis quoi encore ? marmonna narquoisement Drago.
On toqua à leur porte et les jumeaux glissèrent leur tête à l'intérieur.
- Salut les jeunes ! On vient pas vous embêter longtemps ! leur dit George.
- On vient réclamer quelque chose à notre chère source de financement ! précisa Fred.
Harry attrapa son sac à côté de lui sur le siège et fouilla dedans avec difficulté à cause de Luna.
- Tu sais que tu as brisé le cœur de Ginny ? Elle se voyait déjà marier à toi ! raconta l'un des jumeaux.
- Ils aiment beaucoup les blonds aux yeux bleus chez les Portgas, pointa Neville avec amusement. Ou les cerveaux, parce qu'en dépit des apparences, Luna est assez intelligente pour garder Harry tranquille quand il veut faire des folies.
- Londubat, fais-moi le plaisir de te taire, gronda Harry.
Et il tendit un rouleau de parchemin aux jumeaux.
- Comme la dernière fois, les commentaires sont au crayon à côté. L'un de vos produits peut être très dangereux pour la santé, de ce que j'ai compris, alors, soyez attentif.
- Message reçu ! Remercie-la ! On se voit au dîner les lionceaux !
- Au revoir Drago et prends soin de notre rebelle en herbe, Luna !
Et les jumeaux s'en allèrent.
- Un de leur produit est dangereux ? s'inquiéta Neville.
- Ils ont inventé un constipateur extrême, précisa Harry. Le corps humain a besoin d'évacuer régulièrement. S'ils ne posent pas une limite de durée ou d'intensité, les consommateurs seront bons pour Sainte Mangouste.
- Ce n'est pas un résultat agréable à une simple blague, confirma Drago.
.
.
Le temps demeurait incertain tandis qu'ils poursuivaient leur progression vers le nord. La pluie éclaboussait les vitres sans grande conviction puis le soleil faisait une timide apparition avant d'être une nouvelle fois masqué par les nuages. Lorsque le soir tomba et que les lumières s'allumèrent dans les wagons, Luna roula Le Chicaneur, le rangea soigneusement dans son sac et se mit à observer par la fenêtre.
- On ferait bien de se changer, dit bientôt Hermione.
Les garçons sortirent sans protester pour laisser les filles se changer, avant d'entrer à leur tour pour s'habiller.
Hermione et Drago épinglèrent soigneusement sur leur poitrine leur insigne de préfet quand enfin, le train commença à ralentir et ils entendirent le tumulte habituel des élèves qui se précipitaient pour rassembler leurs bagages et leurs animaux, prêts à descendre. Comme Drago et Hermione étaient censés superviser les opérations, ils sortirent du compartiment, confiant aux trois autres le soin de s'occuper de Pattenrond qui fut très content de se percher sur les épaules du jeune Portgas.
Quand ils sortirent du compartiment, parmi la foule qui avait envahi le couloir, la fraîcheur nocturne leur picota le visage. Ils avancèrent lentement vers la portière la plus proche et Harry sentait déjà l'odeur des pins qui bordaient le chemin du lac. Descendu sur le quai, il regarda autour de lui, tendant l'oreille pour entendre le traditionnel :
- Les première année en rang par deux, s'il vous plaît ! Toutes les premières années, en rang devant moi !
Une lanterne se balança devant Harry et sa lueur éclaira la chevelure courte et auburn de Thatch.
- Konbanwa okami-sensei, salua Luna avec un grand sourire.
- Konbanwa kodomo-tachi, leur répondit l'homme en riant. Filez avant de prendre froid.
Le trio s'éloigna, non sans que Harry ait pu glisser dans les poches de son oncle la lettre de Tonks.
Ils arpentèrent donc la route obscure, luisante de pluie, devant la gare de Pré-au-Lard pour rejoindre les centaines de diligences conduites par les sombrals.
- On ira leur donner à manger dans la semaine ? demanda Luna à son petit-ami.
- Yup, lui promit Harry.
Il flatta l'échine d'un des chevaux reptiliens et squelettiques au pelage noir collant à la peau.
Un peu plus loin, Pansy, suivi d'une petite bande qui comportait Crabbe, Goyle, écartait de son chemin des deuxièmes années à l'air timide, pour qu'elle et sa bande puissent disposer d'une diligence à eux tout seuls. Quelques secondes plus tard, Hermione, toute essoufflée, surgit de la foule avec un Drago fou de rage.
- Parkinson a été odieuse avec une première année. Je te jure que je vais la signaler, ça fait à peine trois minutes qu'elle a son insigne et elle en profite déjà pour s'en prendre aux autres… tu sais que Pattenrond n'est pas Mangestu pour que tu le portes comme une écharpe ?
- Alors, reprends le fauve, il me tue les épaules avec ses griffes.
Hermione reprit son chat pour lui faire un gros câlin, avant de monter dans la diligence.
Bringuebalant dans un bruit de ferraille, le convoi des diligences remonta la route en direction du château. Lorsqu'ils passèrent entre les deux grands piliers de pierre, Harry se pencha en avant pour voir jeter un œil au parc mais il était plongé dans une obscurité totale. Les diligences s'arrêtèrent dans un cliquetis métallique devant les marches de pierre qui menaient à la double porte de chêne de l'entrée. Harry fut le premier à descendre. Il regarda le château et offrit un maigre sourire à Luna quand elle vint lui prendre la main en réconfort. À contrecœur, il entra dans le hall d'entrée éclairé par des torches enflammées et qui résonnait du martèlement des pas sur les dalles de pierre, tandis que les élèves se pressaient vers le festin du début d'année.
- Bonsoir Mr Portgas.
Harry releva la tête sur le seuil de la salle pour regarder sa directrice de maison qui lui offrit un sourire triste. Apparemment, elle l'avait attendu lui expressément.
- Me revoilà, toujours aucun tuteur pour me garder à la maison, soupira le D. d'un air sombre.
- Votre présence ici ce soir l'explicite parfaitement. Avez-vous une nouvelle baguette ? C'est passé dans la légende ce qu'il est advenu de l'ancienne.
- Oui, j'en ai une.
- Très bien. Je vous souhaite bon appétit.
Elle serra brièvement l'épaule de l'adolescent et s'éloigna pour se préparer à accueillir les premières années.
Les quatre longues tables se remplissaient sous le plafond noir sans étoiles, semblable au ciel qu'on apercevait à travers les hautes fenêtres. Tout au long des tables, des chandelles flottaient dans les airs, illuminant les fantômes argentés dispersés dans la salle et les visages des élèves qui s'interpellaient d'une maison à l'autre et observaient d'un œil critique les nouvelles coupes de cheveux ou les nouvelles robes. Cette fois encore, Harry vit des têtes se pencher les unes vers les autres en chuchotant sur son passage. Il serra les dents en adressant un regard noir à la Grande Salle dans son ensemble.
Luna se hissa sur la pointe des pieds pour l'embrasser sur la joue, lui soufflant un « courage », puis s'éloigna d'eux pour se diriger vers la table de Serdaigle. Drago regarda avec appréhension la table des Serpentard avant de se retourner quand on posa une main sur son épaule. C'était Théodore qui venait d'entrer dans la Grande Salle.
- Bonsoir les lions. Il faudra qu'on se mette d'accord pour les prochaines réunions d'études, salua Blaise en se joignant à eux.
- On aura les emplois du temps demain, on verra pour s'organiser alors, leur dit Neville.
- Je vous le dis d'emblée, souffla Nott avec sérieux. Je n'ai pas l'intention de prendre la marque et père ne veut pas que je le fasse non plus.
- Si les choses tournent mal, il viendra se réfugier chez moi, confirma Blaise. Les Zabini sont neutres. On a cru comprendre que les Portgas prenaient la responsabilité de Drago ?
- Sauf s'il en décide autrement, ma mère apprécie quand il y a beaucoup de monde chez nous, répondit Harry.
- Si je sens que ma santé mentale ne survivra pas plus, je viendrais t'appeler à l'aide, Blaise, assura Drago. Merci pour votre soutien.
- Astoria et Daphné nous gardent des places à table.
Drago se tourna vers les lions et Hermione lui sourit avec un petit geste de la main pour ensuite filer en courant vers la table rouge et or. Les garçons se séparèrent avant que Harry et Neville n'aillent retrouver leur amie qui s'était assise à côté de Parvati, elle-même assise à côté de Lavande. À en juger par les démonstrations d'amitié excessives avec lesquelles Lavande l'accueillit, Harry fut convaincu qu'elles parlaient encore de lui une fraction de seconde avant son arrivée, et pas en bien s'il comprenait le regard noir de Parvati à son amie.
- Pas jalouse que ta sœur soit Préfète et pas toi ? demanda Neville à Parvati.
- Du tout. C'est certainement pas mon ambition et je savais très bien que la préfète serait Hermione pour notre maison, lui dit Parvati en agitant sa main.
- Qui c'est, ça ? demanda brusquement Hermione en montrant le milieu de la table.
Harry suivit son regard. Il vit d'abord le professeur Dumbledore, vêtu d'une robe pourpre parsemée d'étoiles argentées et coiffé d'un chapeau assorti. Il était assis au centre de la grande table, dans son fauteuil d'or au dossier haut, la tête penchée vers sa voisine qui lui parlait à l'oreille, une sorcière aux mines de vieille tante célibataire : elle était trapue, avec des cheveux courts et bouclés d'une teinte châtain clair dans lesquels elle avait glissé un horrible bandeau rose, genre Alice au pays des merveilles, assorti à son cardigan de laine pelucheuse, également rose, qu'elle portait par-dessus sa robe. Lorsqu'elle se tourna pour boire à sa coupe, Harry reconnut avec horreur la tête de crapaud blafarde et les deux gros yeux soulignés de cernes.
- Kusou ! Will no 'basan ! Ano kuso baba ! jura le D. avec horreur.
- Et en anglais ? demanda Neville.
- C'est Dolores Ombrage, la tante de Will. C'est la sous-secrétaire du ministre !
- Joli cardigan, remarqua Ronald avec un sourire narquois en s'asseyant de l'autre côté de Dean qui se mettait de l'autre côté de Neville.
- Elle travaille avec Fudge ? répéta Hermione en fronçant les sourcils. Qu'est-ce qu'elle fait ici, dans ce cas ?
- Je te le donne en mille, siffla le D. avec colère.
Hermione, les yeux plissés, scruta la table des professeurs.
- Non, marmonna-t-elle. Non, sûrement pas…
- C'est la seule explication, soupira Neville.
Harry regarda son oncle s'installer derrière la longue table. Il se fraya un chemin jusqu'à son extrémité et s'assit à sa place, à côté de Rogue. Généralement, Hagrid était tout au bout, mais le gigantesque Garde-Chasse était absent. Quelques secondes plus tard, les portes de la Grande Salle s'ouvrirent et une longue file de nouveaux entra derrière le professeur McGonagall. Celle-ci portait un tabouret sur lequel était posé l'antique chapeau de sorcier raccommodé de toutes parts, avec une large déchirure tout près du bord.
La rumeur des conversations cessa et les premières années s'alignèrent devant la table des professeurs, face aux autres élèves. Le professeur McGonagall plaça soigneusement le tabouret devant eux puis fit un pas en arrière.
La lumière des chandelles éclairait les visages au teint pâle des nouveaux. Un jeune garçon, au milieu de la file, tremblait de tous ses membres. Harry eut le souvenir fugitif de ce qu'il avait ressenti quand il avait compris qu'ils allaient être répartis devant l'école entière. Tous attendirent en retenant son souffle. La déchirure qui traversait l'étoffe, juste au-dessus du bord, s'ouvrit alors largement et le Choixpeau magique chanta sa chanson. Harry n'y prêta guère attention jusqu'à ce que le ton lui semble plus sérieux :
Mais cette année je vais en dir' plus long
Ouvrez bien vos oreilles à ma chanson :
Bien que condamné à vous séparer
Je ne peux pas m'empêcher de douter
Il me faut accomplir ma destinée
Qui est de vous répartir chaque année
Mais je crains que ce devoir aujourd'hui
N'entraîne cette fin qui m'horrifie
Voyez les dangers, lisez les présages
Que nous montrent l'histoire et ses ravages
Car notre Poudlard est en grand péril
Devant des forces puissantes et hostiles
Et nous devons tous nous unir en elle.
Suivez les exemples de vos pairs.
Car ainsi l'école survivra à cette nouvelle ère
Et échappera à la chute mortelle
Soyez avertis et prenez conscience
La répartition maintenant commence.
Le chapeau redevint immobile et la salle éclata en applaudissements. Mais pour la première fois, autant que Harry pouvait s'en souvenir, ils furent accompagnés de murmures et de marmonnements divers. D'un bout à l'autre de la Grande Salle, les élèves échangeaient des commentaires avec leurs voisins et Harry, qui n'en continuait pas moins d'applaudir avec les autres, savait très bien de quoi ils parlaient.
- « Suivez l'exemple de vos pairs »… ça sonne quelques cloches, Portgas ? demanda Neville avec un sourire entendu.
- Je les emmerdes, rétorqua le brun..
- Je me demande s'il n'a jamais donné de tels avertissements dans le passé, dit Hermione, légèrement inquiète.
- Oh si, répondit Nick Quasi-Sans-Tête, qui savait de quoi il parlait.
Il se pencha vers Hermione en traversant Neville qui fit une grimace : il était très inconfortable d'avoir un fantôme en travers du corps.
- Le Choixpeau estime qu'il est de son devoir de donner des avertissements à l'école lorsqu'il pense que la situation l'exige…
Mais le professeur McGonagall attendait de lire la liste des noms des première année et elle jeta aux élèves qui continuaient de chuchoter un regard aussi pénétrant qu'une brûlure. Nick Quasi-Sans-Tête posa sur ses lèvres un index transparent et se redressa sagement tandis que les chuchotements s'interrompaient soudain. Après avoir balayé chacune des tables d'un dernier regard sévère, le professeur McGonagall baissa les yeux sur son long morceau de parchemin et appela le premier nom de la liste.
- Abercrombie, Euan.
Le jeune garçon terrifié que Harry avait déjà remarqué s'avança d'un pas trébuchant et coiffa le Choixpeau magique qui lui serait tombé jusqu'aux épaules s'il n'avait été retenu par ses oreilles proéminentes. Le Choixpeau réfléchit un instant puis sa déchirure en forme de bouche annonça :
- Gryffondor !
Les autres Gryffondor applaudirent bruyamment tandis qu'Euan Abercrombie venait s'asseoir à leur table d'un pas chancelant en ayant l'air de vouloir disparaître à travers le plancher pour ne plus jamais subir le moindre regard. Harry soupira, s'étant contenté d'un vague applaudissement.
- Cache ta joie, Portgas, siffla Lavande.
- Brown, boucle-la, je suis vraiment pas d'humeur.
Et il se décala juste assez sur son banc pour ensuite se laisser aller sur la table, regardant Luna à la sienne qui regardait la répartition de sa place à côté de Padma. En sentant le regard de son petit-ami, la blondinette se retourna pour lui adresser un coucou au travers la salle, avant de se remettre correctement sur son siège.
Peu à peu, la longue file des premières années diminua. Dans les moments de silence entre deux décisions du Choixpeau, Harry entendait l'estomac de Ronald gronder bruyamment. Enfin, Zeller Rose fut envoyée à Poufsouffle et le professeur McGonagall emporta le Choixpeau et son tabouret hors de la Grande Salle tandis que le professeur Dumbledore se levait.
Plus que jamais, l'amertume et la haine remontèrent dans la gorge de Harry, sentiment bien familier, de plus en plus oppressant et fort, à chaque fois qu'il réalisait la taille des chaînes que cet homme lui avait mis aux pieds, pour le retenir dans cette école. Le D. ignora le regard d'avertissement que lança son oncle dans sa direction, continuant de faire passer sa haine par son regard au vieux directeur qui se levait pour les accueillir.
- À ceux qui sont ici pour la première fois, je souhaite la bienvenue ! déclara Dumbledore d'une voix claironnante, les bras écartés et le visage illuminé d'un sourire rayonnant. Et à nos anciens, je dis : bon retour parmi nous ! Il y a un temps pour les discours et justement, ce temps n'est pas encore venu. Alors, bon appétit !
Un éclat de rire appréciateur et une salve d'applaudissements saluèrent ses paroles. Dumbledore se rassit et rejeta sa longue barbe par-dessus son épaule pour éviter qu'elle ne tombe dans son assiette. Car, à présent, des plats innombrables avaient surgi de nulle part et les cinq longues tables croulaient sous les rôtis, les pâtés, les panachés de légumes, le pain, les sauces et les bonbonnes de jus de citrouille.
- Merveilleux, dit Ronald avec un grognement de satisfaction.
Il attrapa un plat de côtelettes et se mit à en empiler dans son assiette, sous l'œil mélancolique de Nick Quasi-Sans-Tête et le regard écœuré de la bande d'amis.
- Que disiez-vous avant la Répartition ? demanda Hermione au fantôme. Au sujet des avertissements donnés par le Choixpeau ?
- Ah oui, répondit Nick, apparemment content d'avoir un prétexte pour se détourner de Weasley qui était occupé à dévorer des pommes de terre sautées avec un enthousiasme proche de l'indécence. Oui, j'ai déjà entendu le Choixpeau donner des avertissements à plusieurs reprises. C'était toujours à des moments où il sentait venir des périodes de grand péril pour l'école. Et, bien sûr, il conseille toujours la même chose : rester unis pour être plus forts.
- C'ment un chao ptil aouar quanlécle éten angé ? dit Weasley.
Il avait la bouche tellement pleine que le simple fait d'avoir réussi à émettre quelques sons constituait déjà un exploit. Neville jeta un regard compatissant à Dean et se reconcentra sur son assiette pour ne pas voir le massacre.
- Je vous demande pardon ? dit poliment Nick Quasi-Sans-Tête tandis qu'Hermione paraissait outrée.
Le roux avala avec difficulté et reprit :
- Comment un chapeau peut-il savoir quand l'école est en danger ?
- Je l'ignore, répondit Nick. Mais comme il passe son temps dans le bureau de Dumbledore, on peut imaginer qu'il entend parfois des choses.
- Et il veut que toutes les maisons soient amies ? dit Harry en jetant un coup d'œil à la table des Serpentard où Drago semblait endurer avec stoïcisme les conneries de Parkinson. Il a de l'espoir. Quand on tend une main de l'amitié, soit elle se fait mordre, soit les anciens nous lapident.
- La rivalité entre les maisons est profondément ancrée, ça va poser de gros problèmes, pointa Neville tout à fait d'accord avec le sujet. On n'a pas oublié que Harry a failli se faire tuer durant un match de Quidditch parce que quelqu'un l'a fait tomber dans les escaliers.
- Vous ne devriez pas adopter une telle attitude, répliqua Nick d'un air réprobateur. La coopération dans la paix, voilà la clé de tout. Vous l'avez montré jeunes gens, mais ne vous arrêtez pas en si bon chemin. Nous autres, fantômes, bien que nous appartenions à des maisons différentes, savons maintenir des liens d'amitié. En dépit de la rivalité entre Gryffondor et Serpentard, je ne songerais jamais à me disputer avec le Baron Sanglant.
- Ça, c'est parce qu'il vous fait une peur bleue, dit Ronald.
Nick Quasi-Sans-Tête parut profondément offensé.
- Peur ? J'ose espérer que moi, Sir Nicholas de Mimsy-Porpington, ne me suis jamais rendu coupable de couardise ! Le noble sang qui coule dans mes veines…
- Quel sang ? s'étonna Weasley. Vous n'avez sûrement plus de…
Harry cacha sa tête dans ses bras alors que ses épaules s'agitaient sous son fou-rire silencieux.
- C'est une façon de parler ! l'interrompit Nick Quasi-Sans-Tête, si exaspéré à présent que sa tête oscillait dangereusement sur son cou en partie tranché. Les plaisirs de la table ont beau m'être refusés, je n'en conserve pas moins le droit d'employer le vocabulaire qui me convient ! Mais je suis habitué à entendre les élèves se moquer de moi sous prétexte que je suis mort, croyez-le bien !
- Et c'est moi qui ai pas de tact !? Weasley vient de remporter la palme sur ce coup-là ! caqueta Harry.
Il ignora le regard noir que lui administra Hermione.
Malheureusement, la bouche de Ronald était à nouveau si pleine qu'elle menaçait d'exploser et les seuls sons qu'il parvint à produire se résumèrent à :
- Pa d'tou v'iu ou 'xer.
Ce que Nick ne sembla pas considérer comme des excuses appropriées. S'élevant dans les airs, il redressa son chapeau à plumes et glissa à l'autre bout de la table où il s'arrêta entre les frères Crivey.
- Vous êtes exaspérants, les garçons, lança sèchement Hermione.
- Quoi ? s'indigna Weasley après avoir enfin réussi à avaler ce qu'il avait dans la bouche. Je n'ai même plus le droit de poser une simple question ?
- Oh, laisse tomber, répliqua Hermione, agacée. Et toi, Portgas, fais un effort et mange.
- Tu t'y prends pas correctement, Hermione, lui rappela Neville.
Et il servit un peu de tout dans l'assiette obstinément vide de Harry, sachant qu'une fois que cela serait dedans, même s'il n'avait pas faim, il se forcerait à manger. Avec un regard disant toute sa haine pour son ami, le D. prit sa fourchette et se mit lentement à essayer de la finir, boudant clairement.
Lorsque tous les élèves eurent fini de dîner et que le niveau sonore des conversations recommença à monter, Dumbledore se leva à nouveau. Tout le monde s'interrompit aussitôt et les têtes se tournèrent vers lui. Harry éprouvait à présent une sensation de somnolence et de nausée. Il avait trop mangé alors qu'il n'avait pas faim. Un détour par les toilettes serait le bienvenu.
- À présent que nous sommes tous occupés à digérer un autre de nos somptueux festins, je vous demande de m'accorder quelques instants d'attention afin que je puisse vous donner les traditionnelles recommandations de début d'année, déclara Dumbledore. Les nouveaux doivent savoir que la forêt située dans le parc est interdite d'accès, il ne serait d'ailleurs pas inutile que quelques-uns de nos plus anciens élèves s'en souviennent aussi.
Harry échangea un regard avec son oncle avec qui il avait pris l'habitude de s'entraîner là-bas. Thatch roula des yeux, l'air de dire « il parle dans le vide ».
- Mr Rusard, le concierge, m'a demandé de vous rappeler, pour la quatre cent soixante-deuxième fois selon lui, que l'usage de la magie n'est pas autorisé dans les couloirs entre les heures de cours et que beaucoup d'autres choses sont également interdites, dont la liste complète est désormais affichée sur la porte de son bureau. Cette année, je suis particulièrement heureux d'accueillir à nouveau parmi nous le professeur Ombrage qui enseignera la défense contre les forces du Mal.
Il y eut quelques applaudissements polis, dépourvus du moindre enthousiasme.
Le directeur reprit la parole :
- Les essais pour la constitution des équipes de Quidditch de chacune des quatre maisons auront lieu le…
Il s'interrompit en lançant un regard interrogateur au professeur Ombrage. Comme celle-ci n'était pas beaucoup plus grande debout qu'assise, il y eut un moment d'incertitude au cours duquel personne ne comprit pourquoi Dumbledore s'était tu. Le professeur Ombrage s'éclaircit alors la gorge – Hum, hum – et il devint manifeste qu'elle s'était levée avec l'intention de faire un discours.
Harry se redressa de là où il était avachi sur la table, perplexe comme la totalité de l'école. Elle, elle avait tout compris. Elle venait d'essayer de saper l'autorité du directeur en lui coupant la parole durant le discours de bienvenu.
Pendant un bref instant, Dumbledore parut pris au dépourvu, puis, il se rassit avec élégance et regarda le professeur Ombrage d'un air intéressé comme si rien ne pouvait lui procurer plus grand plaisir que de l'écouter parler. D'autres membres du corps enseignant ne se montrèrent pas aussi habiles à cacher leur surprise. Les sourcils du professeur Chourave se levèrent si haut qu'ils disparurent derrière ses mèches rebelles et Harry n'avait jamais vu les lèvres du professeur McGonagall aussi pincées. Thatch et Rogue échangèrent un regard avant de se tourner avec une certaine méfiance vers la femme. Jusqu'à présent, aucun nouvel enseignant ne s'était jamais permis d'interrompre Dumbledore. De nombreux élèves affichaient un sourire narquois ; de toute évidence, cette femme ignorait les traditions de Poudlard.
- Merci, cher directeur, pour ces aimables paroles de bienvenue, minauda le professeur Ombrage.
Elle avait une voix de petite fille, haut perchée et un peu voilée. Cette fois encore, Harry éprouva à son égard un puissant élan d'antipathie qu'il ne parvenait pas à s'expliquer. La seule chose certaine, c'était que tout en elle lui inspirait un profond dégoût, depuis sa petite voix stupide jusqu'à son cardigan rose et pelucheux. Elle s'éclaircit une nouvelle fois la gorge (hum, hum) et reprit :
- Je dois dire que c'est un grand plaisir de revenir à Poudlard, sourit-elle en découvrant des dents pointues. Et de voir tous ces joyeux petits visages levés vers moi !
Harry aurait voulu regarder autour de lui pour s'assurer qu'elle voyait bien de la joie sur le visage du reste des élèves, mais une vague de nausée le frappa alors qu'il retenait un haut-le-cœur. Entre la montagne que Neville avait mis dans son assiette et la voix trop sucrée de la femme, il était en train d'être malade.
- J'ai hâte de vous connaître tous et je suis sûre que nous deviendrons vite de très bons amis !
Autour des tables, il y eut des échanges de coups d'œil. Certains cachaient à peine leurs sourires ironiques.
- Moi, je veux bien être amie avec elle du moment qu'elle ne m'oblige pas à porter son cardigan, murmura Parvati à Lavande et toutes deux pouffèrent d'un rire silencieux.
Le professeur Ombrage s'éclaircit à nouveau la gorge (hum, hum) mais lorsqu'elle reprit son discours, elle n'eut pas le temps de parler que Harry se leva d'un bond de sa chaise, une main sur la bouche. Il leva une main au-dessus de son crâne en signe d'excuses et se précipita hors de la Grande Salle pour ne pas vomir devant tout le monde, surprenant toute l'assemblée. Madame Pomfresh se leva à son tour et partit à la poursuite du garçon qu'elle trouva dans les toilettes les plus proches à rendre le contenu de son estomac dans la cuvette des toilettes.
Elle s'accroupit à côté de lui pour lui frotter le dos, le faisant relever le nez de temps à autre pour qu'il respire, avant qu'il ne replonge dans le bassin de porcelaine. Enfin, péniblement, l'adolescent se laissa tomber contre la paroi de la cabine, haletant, défaisant nerveusement sa cravate.
- Vous savez vous faire remarquer, jeune homme, nota l'infirmière en lui faisant apparaître un verre d'eau. Voilà ce qu'il arrive quand on mange trop.
Harry se lava la bouche avec le liquide et le recracha dans les toilettes.
- C'est Nev' qui m'a rempli l'assiette alors que j'avais pas faim… ça et la voix de gamine… erreur fatale pour mon estomac.
Il fut saisi d'un nouveau haut-le-cœur et recracha de la bile dans les chiottes.
- J'crois que les crêpes salées d'hier soir viennent de finir dans la tuyauterie, maugréa le D. en vidant le reste du verre.
Ce qui était triste parce que les crêpes de sa mère étaient aussi dingues que les cookies de son oncle.
Il laissa Pomfresh lui prendre la température.
- Vous n'avez pas l'air de couver quoique ce soit. Si vous avez d'autres nausées, je vous examinerai plus en détail. Nous sommes d'accord ?
- Ouais…
- Allez, debout jeune homme.
En grognant, Harry se remit debout et alla se rafraîchir dans les éviers. Il se rinça une dernière fois la bouche avant de fermer l'eau pour se regarder dans le miroir. Son teint généralement halé avait pris une pâleur maladive.
- Will va se foutre de ma gueule quand j'vais lui raconter que j'ai eu une crise de nausée pendant le discours de la femme du ministère, grommela le D. en secouant ses mains pour en chasser l'eau.
Il sortit des toilettes pour tomber nez à nez avec Neville.
- On se faisait du souci, et comme Hermione doit s'occuper des nouveaux, je suis venu te voir, lui expliqua son camarade de classe. Ça va ?
- C'est de ta faute si je viens de renvoyer le dîner dans les toilettes, grommela le D. en prenant la direction de la tour.
- Désolé.
- Mr Londubat, la prochaine fois qu'un de vos camarades dit ne pas avoir faim, donnez-lui un peu de soupe, du pain et de la salade, mais rien de plus, reprocha l'infirmière.
Piteusement, Neville baissa la tête et suivit son ami qui parcourait les couloirs beaucoup moins fréquentés des étages supérieurs pour arriver jusqu'au dortoir.
- Hermione a dit que tu as loupé un discours très éclairant, finit par dire Neville pour briser le silence.
- Tu peux me résumer l'essentiel ? s'enquit Harry d'une voix morne.
- Oh, eh bien, tu as « le progrès pour le progrès ne doit pas être encouragé ». Ou encore : « tailler dans le vif chaque fois que nous serons confrontés à des pratiques dont l'interdiction s'impose ».
- Ah. Bah qu'elle s'amuse pas à vouloir « tailler dans le vif » ji-chan ou elle se prendra un coup de patte perdu. Le ministère a décidé d'intervenir dans les affaires de Poudlard… c'était à prévoir, après tout Fudge a la trouille de Dumbledore. Normal qu'il veuille s'assurer qu'il ne forme pas une armée avec les élèves.
- C'est ridicule.
- Pas tant que ça. Le ministère est celui qui embauche le plus de monde dans la communauté magique. Tu crois que les parents réagiront comment en voyant leurs enfants marcher sur eux pour renverser le gouvernement ?
- Je vois.
Ils arrivèrent devant le portrait qui masquait l'entrée de Gryffondor, trouvant Haruta avec un sourire un peu trop grand sur les lèvres qui se balançait d'avant en arrière sur son tonneau, comme une gamine qui aurait fait une bêtise.
- Mot d'passe les jeunes !
- Qu'est-ce qui vous fait sourire comme ça ? demanda Neville.
- Je connais un louveteau qui a une forte possibilité de finir grand-frère sous peu ! Heureusement que Dobby est au château, le pauvre aurait pas réussi à fermer l'œil de la nuit.
Si Neville vira au rose devant les informations personnelles sur la vie de couple de la tête de la mafia, Harry poussa un « YES » victorieux.
- Ananas volant, glissa Neville en se masquant les yeux avec lassitude.
Haruta éclata d'un grand rire joyeux et ouvrit le portrait. Ils virent Hermione expliquer les règles de la maison, sous l'œil éteint de Ronald qui avait juste l'air de faire acte de présence.
- On les fait de plus en plus petits, commenta Neville.
- Des tontattas, comme dit tonton.
- Je sais pas ce que c'est, mais ça doit être minuscule.
- Minuscule mais avec une force surhumaine de ce qu'il raconte.
Les deux garçons saluèrent les jumeaux à l'autre bout de la pièce, qui étaient en train d'accrocher quelque chose au tableau d'affichage. Ils allèrent droit vers la porte de l'escalier qui menait aux dortoirs des garçons. Harry n'avait qu'une envie, que cette journée se finisse. Neville le suivit dans l'escalier, lui jetant des regards comme s'il s'attendait à le voir s'effondrer.
Dean et Seamus se trouvaient déjà dans le dortoir, occupés à recouvrir d'affiches et de photos les murs qui entouraient leur lit. Lorsqu'ils virent entrer Harry, ils interrompirent aussitôt leur conversation. Le D. se demanda si c'était de lui qu'ils parlaient ou s'il devenait paranoïaque.
- Hey, Portgas ! lança Dean qui enfilait un pyjama aux couleurs de West Ham. Tu nous as fait quoi pendant le discours de la nouvelle ?
- Sa voix sucrée a été un coup de trop pour mon estomac malmené. Si je ne vais pas mieux, demain, c'est que je couve quelque chose.
- Je t'ai dit que j'étais désolé, Harry ! bougonna Neville.
- Tu as passé de bonnes vacances, sinon ? demanda Dean.
- J'ai pas eu le temps de me faire chier, on va dire.
Entrer dans les détails n'était pas dans son planning de la nuit.
- Et toi ?
- Oui, oui, ça s'est bien passé, affirma Thomas avec un petit rire. Mieux que pour Seamus, en tout cas, il était en train de me raconter.
- Pourquoi, qu'est-ce qui t'est arrivé, Seamus ? demanda Neville en déposant tendrement son Mimbulus Mimbletonia sur sa commode.
Seamus ne répondit pas tout de suite. Il semblait beaucoup trop occupé à s'assurer que son affiche représentant l'équipe de Quidditch des Crécerelles de Kenmare était bien droite. Enfin, tournant toujours le dos à Harry, il dit :
- Ma mère ne voulait pas que je revienne.
- Ah ? Toi aussi ? Elle n'aurait pas dû hésiter, marmonna Harry en enlevant sa robe de sorcier.
Seamus se détourna de son affiche et retira son propre pyjama de sa valise, en prenant soin de ne pas regarder Harry.
- Tu penses vraiment que j'aurais pas dû revenir ? demanda le garçon.
- Quand on a un vieux con comme Dumbledore qui veut absolument contrôler le moindre aspect de ta vie, tu es en droit de te poser des questions. Si je suis revenu, c'est parce que j'ai pas d'autres options.
Harry enfila son tee-shirt de pyjama en restant face à ses camarades comme il l'avait toujours fait, et continua ce qu'il disait en sortant sa tête de son haut :
- Je suis allé jusqu'à essayer de provoquer Fudge devant tout le magenmagot dans l'espoir d'être renvoyé, rien à faire, même ça, on veut pas me l'accorder. Et comme m'man n'y connait pas grand-chose à la magie, sauf pour tout faire cramer, impossible qu'elle me donne les cours elle-même.
- Et son secrétaire ? demanda Neville.
- On lui a retiré son droit d'enseignement à cause de ses problèmes de santé. Si on apprend qu'il me donne des cours, on aura des ennuis. Et vu comment Dumbledore fouine dans ma vie, ça se saura à un moment ou un autre.
En soupirant, Harry retira ses holsters de ses bras pour les ranger sous son oreiller.
- Tu te balades avec un couteau ? remarqua Seamus en fronçant les sourcils.
- Tu suis l'actualité moldu ?
- Vaguement.
- Gordon Crowley, ça te parle ?
- Du tout.
- C'est un homme qui se fait payer pour s'occuper de trucs très sales. Y'a quelques années, il a été engagé pour apprendre à l'entreprise Portgas à rester hors de certaines affaires. Je suis resté un mois à l'hôpital et lui un an, avant qu'il ne passe en justice suite à mon témoignage. Et il n'aurait jamais dû sortir de prison, pourtant, il a été libéré durant l'été. Tu crois que je me sens comment quand le salopard, qui m'a fait cette cicatrice, traîne dehors ?
Et il montra son arcade sourcilière avec la cicatrice en question.
- Tu venais de sortir de l'hosto, non, quand t'as débarqué dans mon école ? se rappela Dean. T'étais plâtré de partout et ultra craintif.
Le regard du D. était la seule confirmation dont on avait besoin.
Harry enfila un bas de jogging et se glissa sous la couette.
- T'as eu une occasion à saisir Finnigan, de pouvoir sortir ton cul d'une école merdique et de son directeur manipulateur. C'est ton affaire si tu ne l'as pas fait. Oyasumi.
Le silence revint sur le dortoir alors que Neville installait finalement sa plante en pot sur sa table de chevet, afin de l'avoir à portée de main.
- Qu'est-ce qui s'est passé cette nuit-là quand… Tu sais… quand… avec Cedric Diggory et tout ça…? demanda finalement Seamus.
Dean, qui s'était penché sur sa valise pour essayer d'y retrouver une pantoufle, s'immobilisa dans une attitude qui n'était pas très naturelle et Harry devina qu'il tendait l'oreille. Avec un soupir, le D. se redressa avec un air fatigué.
- Diggory est mort et je m'en suis sorti de peu. J'aurais pu ne pas revenir. Ma mère n'aurait jamais retrouvé mon corps, parce que Dumbledore aurait refusé de le lui rendre. Mort en martyre ou une connerie du genre. Ce soir-là, un gars qui entrerait aujourd'hui dans sa dernière année de Poudlard a perdu la vie, alors qu'il n'avait rien demandé à personne. Il était sympa, travailleur, ouvert et fairplay. Et piouf, il est mort. Je sais pas ce que Dumbledore a dit à la suite de mon départ, et j'en ai rien à foutre. Face de Serpent est vivant. Fais l'autruche ou prépare-toi, c'est ton problème. Pas le mien. Maintenant, je voudrais dormir.
- Couche-toi, tu commences à virer au vert, lui recommanda Neville.
Harry se rallongea sur les couvertures, fermant d'un geste de sa baguette ses rideaux, avant de s'enrouler autour de son coussin, les yeux grands ouverts. Il entendit vaguement Ronald monter et demander pourquoi c'était aussi calme. Neville lui répondit quelque chose tout bas et le roux eut un reniflement narquois.
- Il l'a cherché.
- Va t'faire voir chez les Grecs, Weasley et boucle-la. Je pourrais être tenté de te vomir à la figure si je me sens mal cette nuit. Après tout, tu es préfet, c'est ton devoir de t'occuper de ceux qui vont pas bien, marmonna Harry.
Vu les rires qui suivirent, le roux devait faire une tête épique.
