Disclaimer : Nous ne tirons profit, en aucune façon, de cette histoire. Les personnages de Marvel appartiennent à leurs propriétaires. Nous ne retirons rien de l'histoire qui suit et tous les droits de création des personnages leur appartiennent. En revanche, l'histoire nous appartient.
Rating : T
Genre : Romance / Drama / Angst / Comfort
Personnages : Tony Stark ; Loki ; la plupart des personnages vus dans les films du MCU
Situation temporelle : Démarre en 2012, après que Loki a récupéré le Tesseract dans Avengers Endgame
Bonjour tout le monde !
Quel bonheur de revoir tous nos habitués sur ce tome 2, ainsi que des petits nouveaux ! N'hésitez pas à laisser un commentaire, ça fait toujours plaisir ! J'en profite également pour préciser que, comme le tome 1, on aura une publication le week-end, toutes les trois semaines.
Aujourd'hui, je l'ai assez teasé, mais on a enfin les explications en bonne et due forme entre Tony et Loki. Rien de moins que le chapitre entier, mais je pense qu'il fallait au moins ça !
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Makiang4, Marguerite Roxton Jones, Egwene Al'Vere, Meranath, ArtemisSnape, Amy et Anaylina, merci beaucoup pour vos review !
Amy : J'ai vu tes commentaires sur les derniers chapitres de "Make a Deal", merci beaucoup ! Et pour ce qui est de ce prologue, on peut se rendre compte du chemin qu'ils ont parcouru tous les deux, ensemble et séparément. Ça a été un travail de longue haleine, mais comme tu le dis, je crois que ça en valait la peine.
ArtenmisSnape : Contente de te revoir sur cette suite !
Bonne lecture !
Julindy
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CHAPITRE 1
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Parler.
Rire aux éclats, et partager cette hilarité. Discuter de la pluie et du beau temps, comme s'il n'y avait rien de plus important à dire. Sourire pour faire bonne figure, et ne jamais creuser sous la surface. Confier à demi-mots les secrets et les terreurs enfouies, quand on aurait préféré les voir demeurer dans le noir. Chuchoter des excuses, paupières clauses et mains serrées, en une vaine tentative de s'y raccrocher. Hurler des imprécations, et cracher ces douleurs nées du fin fond de leurs entrailles.
Qui a dit que parler était facile ?
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Tony laissa son rire s'essouffler lentement, essuyant les quelques larmes qui avaient perlé au coin de ses yeux. Bon sang, ça faisait un bien fou d'enfin pouvoir relâcher la pression, et partir dans un franc éclat de rire, joyeux et libérateur à la fois. Ce qui ne lui était pas arrivé depuis… et bien, a minima avant tout ce bordel. Il avait ri avec amusement quand Loki lui avait raccroché au nez, après que l'ingénieur l'ait mis au courant de son départ prochain pour la Sokovie. Libérateur, ça l'avait été – oh combien ça l'avait été ! – quand le dieu s'était joint à lui et avait ajouté sa magie à la puissance de son ark pour détruire ce foutu rocher géant et l'aider à sauver le monde. Oui, il y avait eu des rire au milieu de la débâcle Ultron. Et à chaque fois, ç'avait été en présence – et surtout grâce, fallait-il l'avouer – à Loki. Encore une chose qu'il ne réalisait que bien tardivement.
En parlant du dieu, celui-ci était toujours face à lui, quelques minuscules mètres les séparant. Et s'il arborait toujours son petit sourire en coin méprisant, Tony y lisait également un amusement bien réel.
« Je crois que… »
« Il me semble… »
Tous deux s'interrompirent – avec un sourire encore plus large dans son cas – ayant pris la parole simultanément. Mais il fut le plus rapide à se reprendre.
« Combien de temps as-tu devant toi ? » demanda Tony.
« Aussi longtemps qu'il le faudra, » lui répondit le dieu avec sérieux.
« J'ai rien de prévu non plus, alors si ça te dérange pas, je vais aller me prendre une douche et me préparer un café, avant qu'on se pose au salon. Plusieurs cafés probablement, et beaucoup d'alcool avec. Y'en a pour des heures, et j'veux faire ça correctement. »
« J'espère que ce n'est pas une énième fuite de votre part Stark. » Et malgré le ton de la remarque, la phrase était bien moins menaçante qu'elle n'aurait dû l'être.
« Non. Non, pas cette fois, » assura-t-il fermement, soutenant sans peine son regard. Non, pas de fuite désespérée en avant cette fois.
« Alors vous pouvez disposer. »
Le dieu s'apprêtait à quitter la pièce – probablement pour rejoindre lui-même le salon et l'y attendre – quand Tony se souvint d'un minuscule point de détail à régler de toute urgence, surtout s'il ne voulait pas déclencher un potentiel branle-bas de combat avec débarquement des Avengers au complet en grande pompe. Certes, Friday devait avoir en mémoire les protocoles de Jarvis, mais il n'avait pas ajusté ses paramètres récemment, et dans le doute…
« Au fait, tant que j'y pense : Friday, je te présente Loki. Loki, Friday, » dit-il en désignant le plafond, geste que ne manqua pas de comprendre le dieu s'il se fiait à la soudaine lueur dans ses yeux.
« Monsieur Loki, je suis enchantée de faire votre connaissance, » salua d'une voix agréable son IA. Ouf, problème écarté !
« Pareillement, » répondit le dieu avec un hochement sec de la tête, avant de se tourner vers lui. « Un quart d'heure, et pas une minute de plus Stark. »
« Sans faute, » opina-t-il avec sérieux. Et ça ressemblait fichtrement à une promesse.
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Moins d'une douzaine de minutes plus tard, l'ingénieur le rejoignit au salon d'un pas vif, pieds nus, ses cheveux ébouriffés encore dégoulinants d'eau et vêtu de l'un de ses atroces pantalons de survêtement informes. Au moins, il semblait avoir à cœur de ne pas le faire attendre plus longtemps qu'il n'était nécessaire. Si l'homme ne lui avait pas jeté un coup d'œil, Loki ne pouvait manquer sa posture trop crispée pour être totalement naturelle, trahissant le fait que le mortel avait parfaitement conscience de sa présence. Bien. S'il n'était plus en colère – plus vraiment… Dans tous les cas, fort loin de la rage qui l'avait habité un temps – il n'était pas décidé à lui faciliter la tâche. Loin de là.
Très loin.
Stark revint vers lui, non pas seulement avec une tasse dans la main, mais directement la cafetière pleine. Posant son précieux chargement sur la table basse entre eux, il se dirigea ensuite vers le bar, d'où il ramena une bouteille de scotch et deux verres, avant de s'affaler avec lourdeur dans le canapé lui faisant face.
Le dieu prit sur lui de leur servir à chacun un verre, récoltant un hochement de tête tandis que l'ingénieur se servait une tasse de café. Stark en avala une gorgée, grimaçant lorsqu'il se brula la langue – tellement prévisible, on croirait qu'il aurait appris à se retenir depuis le temps – et bascula sa tête contre le dossier en soupirant. De longues secondes s'écoulèrent, avant qu'il ne prenne finalement la parole.
« Friday, fais en sorte que nous ne soyons pas interrompus, » finit par soupirer Stark. « Sauf urgence du style fin du monde imminente, catastrophe planétaire ou invasion extraterrestre. Entre autres. »
« Bien patron. »
Le silence de nouveau, mais que Loki soit damné s'il était le premier à le rompre. Après tout, il n'était pas celui à devoir des excuses.
« Je… je sais pas par où commencer… »
Envolée la belle assurance qu'il avait montré au labo. Et pour cela il avait suffi de dix minutes passées seul à cogiter. Au moins était-il bien là, aussi Loki était-il disposé à le laisser parler. Il pourrait toujours changer d'avis si les réponses ne lui convenaient pas.
« Je veux dire, j'ai pas mal imaginé cette discussion dans ma tête, tout ce que je te dirais, t'expliquerais. Mais maintenant que t'es là devant moi, je sais plus très bien par où attaquer pour démêler les fils de tout ce bordel. »
« Qu'était Ultron ? » attaqua-t-il directement. Après tout, tout découlait de ce projet mystérieux et des mensonges l'entourant. « Le dossier Ultron j'entends, celui sur lequel vous avez travaillé en secret pendant des mois semble-t-il. »
« T'y vas pas de main morte toi, hein ? » maugréa-t-il.
Il avala d'une traite son café, grimaçant face à son amertume, et remplit derechef sa tasse.
« Tu te souviens de Tumaco ? La mission qui a foiré en Colombie, et les morts qu'y a eu ? »
Loki fronça les sourcils, ne voyant pas le rapport entre Ultron et ladite mission.
« Vaguement. C'était en septembre dernier n'est-ce pas ? Un trafic d'armes d'Hydra et une prise d'otages. »
« C'est ça. »
Étonnamment, il n'y avait pas de colère indignée mal dissimulée dans la voix de Stark, comme à chaque fois que le dieu faisait peu de cas des pertes humaines midgardiennes. Ces quelques mots étaient seulement tristes et las, imprégnés d'une fatigue que Stark avait souvent arborée depuis cet incident, mais dont Loki ne décelait qu'aujourd'hui la profondeur.
« Dix-sept personnes sont morts ce jour-là. Dix-sept vies innocentes prises injustement. Alors ouais, je sais que c'est ridicule, y'a des gens qui meurent tous les jours, dont plusieurs milliers à causes des armes ou de la guerre. Je sais tout ça, et je le savais aussi à ce moment-là. J'en avais juste rien à foutre. Ça n'avait aucune putain d'importance après avoir tenu dans mes bras les corps de ces enfants morts. »
Stark posa avec violence sa tasse sur la table basse et porta une main à sa bouche, comme en proie à une violente nausée. Loki en avait vu des cadavres au cours de sa longue vie. S'il avait appris par la force des choses à y demeurer indifférent, on ne s'y habituait jamais totalement. A fortiori quand il s'agissait d'enfants. Il cligna des yeux malgré lui, deux petits corps pâles et ensanglantés gravés sous paupières. Image d'horreur qu'il n'avait jamais pu oublier. Vali, Narfi…
« Après ça, j'étais au trente-sixième sous-sol, » reprit Stark après de longues minutes, le forçant à s'arracher à ses souvenirs. « La commémoration de la bataille de New-York m'avait pas mal secoué, tu le sais, t'étais aux premières loges pour assister à mes cauchemars. Alors Tumaco, c'était… c'était le rappel violent de mon impuissance. »
Stark hésita un instant, lorgnant le verre de scotch qui l'attendait, avant de saisir sa tasse vide à la place et de jouer machinalement avec.
« Quand t'es venu me rejoindre à New-York, deux semaines après la mission, ça m'a forcé à me secouer. J'te connais assez bien pour savoir que tu m'aurais pas laissé m'apitoyer sur mon sort et ruminer. Alors je me suis noyé dans le boulot pour ne pas penser. T'étais là jour et nuit, tu me maintenais occupé, on discutait, tu m'apprenais à tracer les runes. Ça a suffi… pendant un moment… »
Le dieu se rappelait de ces semaines qui avait suivi son propre retour sur la côte est. Il avait vu les tourments de Stark, ses yeux hantés et ses mains tremblantes. Il ne l'avait donc pas lâché d'une semelle, refusant effectivement qu'il ne cède à l'apitoiement et à l'autoflagellation, comme l'avait correctement analysé l'ingénieur. Le noyant sous les théories, les tests et les expériences. Et quand il avait pu constater que l'ingénieur ressortait plus calme et serein de leurs moments à pratiquer la calligraphie, il avait alors multiplié leurs séances d'apprentissage des runes. Il avait ressenti de la fierté face aux progrès de son apprenti, ainsi qu'une forme étrange de satisfaction à voir Stark apaisé de son initiative.
Mais lui qui mieux que nul autre savait combien les apparences pouvait être trompeuses n'avait pas su voir l'ampleur du mal-être de l'humain. C'était une erreur de sa part, une terrible erreur de jugement comme il en faisait rarement, d'autant plus quand Stark était concerné. Une erreur dont il commençait à deviner qu'elle n'avait pas été sans conséquences.
« Mais je me suis retrouvé pris dans un cercle vicieux que je n'ai pas vu venir. A ne vivre que pour le travail, je n'arrivais plus qu'à me focaliser sur les défauts, les échecs, et tout ce qui ne fonctionnait pas. Et tu sais quel était le sommet de cet empilement de déconvenues ? Oméga. »
Loki se redressa vivement, prêt à s'insurger, et toute forme de compréhension disparue. Comment osait-il… ? Sa réaction le fit rire. Misérable mortel.
« Ouais, Oméga était une déconvenue, » eut-il toutefois le bon goût de reprendre, avant de se faire étriper pour de bon. « On tournait en rond, on était au point mort depuis des mois. Mais contrairement à ce que j'ai dit quand on s'est vu à Oslo, ce n'était pas de ta faute. Bien au contraire, c'était de la mienne. »
Cela lui fit hausser un sourcil. Ça, il ne l'avait pas anticipé. Loki se cala de nouveau dans son fauteuil, jugulant son emportement premier pour se forcer à poser un regard extérieur sur ces révélations. Oméga était un ouvrage complexe et un défi hors normes à relever, une prouesse jamais réalisée auparavant. Challenge extrêmement stimulant intellectuellement tout autant qu'incroyablement frustrant par moment, soit un défi à la hauteur des chercheurs que tous deux étaient. Il était évident que deux ans et demi de labeur ne suffisaient pas à mettre Oméga en place. Après tout, il s'agissait probablement là de l'œuvre d'une vie. Et il pesait ses mots, lui-même étant âgé de plusieurs siècles et en ayant encore autant à vivre, au minimum. Aussi ne comprenait-il pas en quoi leurs échecs étaient du fait de Stark, car l'homme n'était pas du genre à saboter sciemment un projet scientifique, encore moins s'il lui tenait à cœur. Et l'investissement de Stark dans Oméga était une chose qui n'avait jamais été à démontrer, tout du moins jusqu'à récemment.
« Déjà qu'on a mis des mois à comprendre que c'était le starkium qui était capable de bloquer la magie et pas la technologie du réacteur de manière générale parce que j'ai pas été capable d'y réfléchir plus de deux minutes… Mais en plus de ça… Merde, c'est moi qui ai synthétisé le starkium, ce putain d'élément porte mon nom et je suis pas foutu de comprendre comme il fonctionne ! Et si j'arrive même pas à en appréhender les propriétés physiques, ne parlons pas de les maitriser pour l'intégrer à notre projet ! Le réacteur au starkium est ma contribution à Oméga, je ne comprends pas le starkium, conclusion c'est pas faute si Oméga est au point mort. CQFD. »
Stark s'était levé pendant son petit discours, envoyant de nouveau valser sa tasse à café, faisant des va et vient incessants sur le tapis et se tirant les cheveux quand il n'était pas en train de crier à gorge déployée. Et Loki ? Loki quant à lui était à deux doigts de lui en retourner une. Là était le fond du problème ? Vraiment ?
« Stark », aboya-t-il d'un ton rogue, qui eut néanmoins le mérite de faire cesser ses récriminations. Une fois certain d'avoir l'attention de l'humain, il reprit d'une voix froide. « Au risque de me répéter, fait que j'ai en horreur, vous aviez parfaitement conscience des difficultés qui joncheraient notre route, la première fois que nous avons conceptualisé Oméga. Des dizaines de paramètres entrent en ligne de compte, des paramètres que vous connaissez pertinemment puisque nous les avons listés ensemble à de multiples reprises, et le starkium n'est que l'un d'entre eux. Un parmi tant d'autres. Que vous vous limitiez à ce seul élément comme votre unique contribution à Oméga revient à vous accorder bien peu de crédit. »
Il y eut un long silence, que Loki savoura en contemplant l'ingénieur, bras ballant, bouche bée, et les yeux ronds comme des billes sur le point de rouler hors de leurs orbites. En revanche, le dieu était bien moins certain d'apprécier le petit sourire sarcastique naissant au coin de ses lèvres.
« Je rêve ou t'essaye de me réconforter là ? »
Loki demeura impassible, ne prenant pas la peine de répondre. Pour dire quoi d'ailleurs ? Il n'avait pas totalement tort. Il fallait croire qu'il s'était considérablement adouci en sa présence, il faudrait qu'il fasse attention. Certes, le principe d'avoir un ami – un concept qu'il ne maitrisait encore qu'imparfaitement – était de pouvoir librement baisser sa garde en sa présence, mais il y avait une limite franche avec le laisser-aller et la familiarité, une limite qu'il était bien déterminé à ne pas franchir. De plus, il n'était pas encore tout à fait certain de laisser la vie sauve à cet irritant personnage s'il ne daignait pas poursuivre ses explications dans les prochaines secondes.
« Maintenant que nous avons établi la stupidité de vos pensées, pouvons-nous en revenir au sujet principal ? A savoir, la façon dont de telles imbécilités nous ont conduit au désastre d'il y a peu ? »
Stark grimaça, toute légèreté oubliée, mais revint fort obligeamment s'assoir – se vautrer – dans le canapé. Cette fois, il ne daigna pas jeter un coup d'œil à sa tasse de café, et se saisit à la place du verre de scotch qui l'attendait toujours. Ah. Selon toute vraisemblance, voici venir le moment des révélations les plus réjouissantes. Pour la peine, Loki se resservit lui-même, appréciant la saveur de l'alcool et attendant – encore et toujours – que son hôte ne daigne prendre la parole.
« En fait, il y a peu de choses à ajouter, » soupira finalement le midgardien après avoir bu une gorgée. Vraiment ? Il croyait s'en sortir ainsi ? Fort heureusement, il n'eut qu'à froncer un sourcil pour le voir poursuivre. « Tumaco était certes un déclencheur, mais c'était surtout une accumulation de plein de trucs. Tumaco donc, mais aussi New-York, Rescue, mon projet d'Iron Legion qui bloquait, Oméga qui n'avançait pas, et ma culpabilité par-dessus le marché… J'avais besoin de quelque chose… de quelque chose de bien. Quelque chose de fiable, efficace, réalisable, que je pourrais mettre en place moi-même. Qui fonctionnerait. C'est de là qu'est né Ultron. Tu sais comment je l'appelais dans ma tête ? Un palliatif. T'y crois ça ? » ricana-t-il avec dégout, noyant son rire dans l'alcool.
Loki lui-même renifla dédaigneusement. Un piètre palliatif en effet. Comme si quoi que ce soit pouvait ne serait-ce qu'être comparé à l'ambition incroyable qu'était Oméga ! Il fut toutefois forcé de reprendre les rênes de la discussion quand il ne put que constater que Stark essayait, selon toute vraisemblance, d'apprendre à nager dans son verre de scotch.
« Mais qu'était Ultron exactement ? » demanda-t-il, pas uniquement pour relancer la discussion, mais sincèrement curieux. « Puisque Oméga ne ''fonctionnait pas'' pour reprendre votre propre expression, vous avez dû partir dans une direction totalement différente. »
« Tout juste. A la base, il s'agissait d'un projet d'intelligence artificielle, comme Jarvis, mais en bien plus avancé et technique. Cette IA devait certes piloter l'Iron Legion, mais avait comme premier objectif de détecter les menaces de toutes sortes : aliens, magiques, ou même simplement criminelles… Pour nous permettre d'agir sans attendre, nous-même ou l'Iron Legion selon les cas. Prévenir, et plus seulement guérir. Ultron devait sauver des vies, protéger les civils et les innocents. Quand on voit où ça a mené… »
« Et pourquoi ne m'avoir rien dit de tout cela ? »
Il y eut un silence. Si long à vrai dire que Loki crut que Stark ne lui répondrait pas. Mais pourtant, il cessa de jouer avec son verre et, pour la première fois depuis le début de leur discussion, croisa sciemment son regard.
« Pour la raison la plus stupide qui soit : j'avais honte. Honte de ma faiblesse, honte de mes échecs… Et peut-être que je ne suis pas responsable de nos problèmes avec le starkium, peut-être. Mais à ce moment-là… A ce moment-là, je voyais tout en noir, et je pouvais pas me résoudre à t'avouer cette vérité. Et peu importe à quel point ça m'faisait me sentir mal, mentir était plus simple. » Il déglutit difficilement, et reprit sans laisser le temps à Loki de l'interrompre. « Te confesser mes erreurs et mes faiblesses, à toi qui pas une seconde n'a cessé de placer ta foi dans Oméga ? J'pouvais juste pas. »
« Le monde ne tourne pas autour de vous Stark. »
« Peut-être qu'un jour j'arriverai à le comprendre, » dit-il avec un petit sourire, triste et timide à la fois, avant de détourner les yeux.
Il côtoyait Anthony Stark de manière presque quotidienne depuis plus de deux ans. Pourtant, le dieu l'avait rarement – pour ne pas dire jamais – vu aussi fragile. D'une franchise désarmante, un peu brisée sur les bords. Ce n'était pas tant une question de se croire ou non le centre de l'univers – malgré son égotisme démesuré, Stark n'en était pas là, quoi que le dieu puisse en dire – C'était bien davantage le fait d'accepter que le poids du monde ne reposait pas sur ses épaules, qu'il n'était jamais responsable que de ses propres actes, et que les erreurs des autres ne sauraient en aucun cas être siennes. Un instant, Loki se surprit à se demander à quoi ressemblerait l'homme, s'il parvenait à se débarrasser de cette culpabilité intrinsèque qu'il portait jour après jour. Son regard s'en trouverait-il éclairci, ses sourires plus francs ? Mais ce ne serait plus Tony Stark. Plus vraiment.
C'est pour toutes ces raisons – et bien plus encore – que le dieu ne rompit pas immédiatement le silence après cette confession, laissant à Stark le temps de se reprendre. De longues minutes s'écoulèrent ainsi tandis que l'ingénieur – revenu au café – s'était perdu dans la contemplation du liquide sombre dans sa tasse. On avait connu plus palpitant. Il se racla la gorge mais il ne sembla pas l'entendre, aussi se décida-t-il à reprendre la parole.
« Je ne cautionne pas ce projet qui n'avait d'autre but que de se substituer de piètre manière à Oméga, » dit-il d'une voix basse, faisant sursauter Stark malgré ses précautions. Il attendit d'être certain d'avoir l'attention du mortel avant de poursuivre. « Un palliatif dérisoire, pour reprendre vos mots. Mais l'intention de départ était… bonne, faute d'un meilleur terme. Alors comme se fait-il qu'Ultron, et je parle cette fois-ci de ce robot que vous avez affronté, soit devenu ce robot meurtrier proche d'exterminer l'espèce humaine de Midgard ? »
« T'es un vrai rayon de soleil, tu le sais ça ? » grommela-t-il dans sa barbe, ce que le dieu ne prit pas la peine de relever, se contentant d'un sourcil inquisiteur.
Stark entreprit alors de lui conter les tenants et les aboutissants de la bataille qu'ils avaient menée contre Ultron, des recherches et missions à travers le monde pour retrouver le sceptre jusqu'à l'affrontement final en Sokovie, qui s'était soldé par d'innombrables victimes. Peu à peu, le dieu parvint à reconstituer les pièces de ce vaste puzzle, mettant du sens derrière des actions jusqu'ici dépourvues de toute logique, et ce n'était pas peu dire. Les explications qu'il lui avait donné à Oslo n'avaient en effet pu qu'être succinctes, l'urgence de la situation empêchant Stark de s'étaler autant qu'ils l'auraient souhaité. Et cela était sans compter le dénouement final des événements, qui n'avait pas encore eu lieu au moment de ladite conversation.
Il sentait – il savait – que Stark ne lui disait pas tout, en particulier concernant la vision que cette Wanda Maximoff avait provoquée. Loki aurait pu insister davantage, exiger une confession en bonne et due forme. Mais le regard qu'avait eu l'homme, alors qu'il n'évoquait celle-ci qu'à mots couverts… C'était le même regard perdu et terrorisé qu'il arborait après ses pires cauchemars, ceux qui le conduisait non pas en Afghanistan, comme pourraient le croire tous ces gens qui ne le connaissaient qu'imparfaitement, mais à New-York, de l'autre côté de ce portail, seul face à l'infini d'un ciel d'encre empli de menaces. Et cette vision le hantait de la même façon que cette expérience le faisait, bien que plus d'un mois se soit écoulé depuis qu'elle lui avait été infligée.
Il voulait croire qu'il lui en parlerait, de la même façon qu'il lui avait parlé de son passé, de ses cauchemars et de ses crises d'angoisse. En temps voulu. Pour l'heure, il avait obtenu satisfaction, et chercher à retourner le couteau dans la plaie simplement pour satisfaire sa curiosité personnelle ne pourrait en aucune façon aboutir à des résultats probants. Quand était-il devenu si sentimental au juste ?
Pour peu, il en aurait oublié Stark, qui sitôt ses explications terminées s'était levé pour refaire une tournée de café et ramener d'autres bouteilles – et plus surement échapper quelques instants à son regard. Mais le mortel était bien incapable de se taire et de se faire oublier, quand bien même il soit en cause.
« Loki ? J'aurais moi aussi une question à te poser. »
« Et quelle est-elle ? »
« T'étais en Sokovie, n'est-ce pas ? »
Loki ne répondit pas. Pour dire quoi ? Oui, il avait été présent. Et oui, malgré la fureur qui l'habitait encore à ce moment-là, il lui avait par deux fois sauvé la vie. Pas tout à fait l'image qu'il souhaitait donner, celle de la confiance trahie et de la colère indignée. Et s'il avait admis en son for intérieur nombre de choses au sujet de sa relation avec Stark et des émotions les liant, il n'était pour autant pas question de les verbaliser auprès de l'homme dont il était question.
« J'ai refait les calculs des dizaines de fois, » insista l'ingénieur malgré son silence obstiné. « Au vu de la hauteur de la ville et de la masse rocheuse, il était impossible que je parvienne seul à surcharger le cœur énergétique. Et… et je sais que j'ai pas rêvé quand j'ai vu des rayons verts et dorés entourer la colonne d'énergie, rien à voir avec une foutue réaction chimique ou électrique. C'était ta magie, je le sais, je l'ai senti putain ! Je la connais trop bien pour ne pas la reconnaitre ! Ce frisson dans mon dos, ce pincement dans mon ventre, multiplié par mille. Je sais que c'était toi ! Et je te parle pas du fait que mon corps n'ait pas finir écrasé sous les rochers ou noyé au fond du lac quand j'ai perdu connaissance, mais attendant sagement sur la berge que quelqu'une vienne me récupérer ! »
Loki ne voulait pas répondre. Il ne voulait pas mentir – et qui pensait-il tromper exactement, s'il ne faisait ne serait-ce que penser à mystifier la vérité ? – mais pour autant il ne souhaitait pas s'épancher sur le sujet.
« Pourquoi me poser une question dont vous connaissez déjà la réponse ? » finit-il toutefois par dire en voyant qu'il ne lâcherait pas l'affaire, restant aussi impassible que faire se peut. Ça n'empêcha pas un large sourire de s'afficher sur les lèvres de Stark, ses yeux brillants et débordants de gratitude.
« Merci. Putain, merci. »
Les mots semblèrent jaillir de sa poitrine, tandis qu'il se laissait aller dans les cousins du canapé, le soulagement suintant de chacun des pores de sa peau.
« Et pas seulement pour m'avoir sauvé la vie, même si clairement j'suis bien content d'être toujours là, que ce soit dit. C'est grâce à toi que j'ai pu surcharger ce réacteur et faire exploser Novi Grad. On a sauvé la Terre mec, toi et moi ! C'est surtout pour ça que j'te remercie d'ailleurs, parce que tout seul, sans toi, j'en aurais été incapable. Si t'avais pas été là, je… »
Et juste comme ça, sa voix se brisa. Loki se figea, n'osa pas bouger alors qu'il le voyait plonger sa tête entre ses mains. Qu'est-ce que… ?
« T'es venu. T'es venu, après mes mensonges et toutes mes conneries. T'étais là, à mes côtés, au moment où j'avais le plus besoin de toi. »
De là où il était, Loki pouvait voir ses mains agitées de spasmes cachant son visage, tandis qu'il prenait une inspiration tremblante, puis encore une. Une crise d'angoisse, ou ç'en serait une s'il ne parvenait pas très vite à se calmer. Le dieu contint l'impulsion le poussant à se rapprocher de lui et se força à rester assis dans son fauteuil, attendant qu'il ne parvienne à reprendre la parole. Il serra les poings, retenant les mots qui se pressaient à ses lèvres. Et attendit, encore.
« Tu sais ce que je regrette le plus ? De t'avoir menti. Pas à proprement parler, mais je t'ai caché la vérité pendant des mois, alors je suppose qu'on peut appeler ça mentir, non ? J'ai gardé le silence, bossé tout seul dans mon coin sur ce projet, en sachant pertinemment que tu ne serais jamais d'accord avec. C'est pas juste une question d'avoir cherché à remplacer Oméga, c'est t'avoir écarté sciemment de ce que je faisais. Si je t'avais simplement parlé… »
« Pourtant, on ne peut pas dire que le silence vous étouffe. »
La nuque de l'ingénieur craqua tandis qu'il relevait violemment la tête et le fixait avec stupéfaction. Loki n'avait pu s'empêcher de prendre la parole cette fois-ci. Certes, il avait vivement souhaité obtenir des explications – qu'il avait eues – ainsi que des excuses en bonne et due forme. Pour autant, il était inexplicablement mal à l'aise face à la tournure que prenait la conversation, et préférait tuer dans l'œuf toute vague de lamentation et d'auto-apitoiement. La compassion avait ses limites, et il les avait atteintes depuis bien trop longtemps pour se permettre d'être aimable. Tout du moins, c'était plus simple de penser ainsi.
« Vous avez toujours su vous faire entendre, y compris quand j'aurais préféré et de loin vous voir vous taire, » poursuivit-il avec ce même ton incisif. « Il est tout à fait navrant de constater que la seule et unique fois de votre misérable vie où vous avez choisi de garder le secret total sur quelque chose était on ne peut plus mal choisi. S'il s'agissait d'attirer une nouvelle fois l'attention sur vous, on ne peut pas dire que la lumière qui en résulte soit très positive. Regrettable erreur de parcours, Stark. »
Stark aspira une large goulée d'air, et s'étrangla sur un rire humide.
« Ça fait deux fois que t'essayes de me réconforter, est-ce que je dois m'inquiéter ? »
Le dieu leva dédaigneusement le menton et haussa les épaules, le faisant rire un peu plus. De son côté, Loki fut immensément satisfait – heureux même, s'il l'osait – de constater qu'il respirait correctement à présent, quoique ses yeux soient toujours larmoyants. Des yeux bruns désormais fermement plantés dans les siens.
« Plus sérieusement… Je te présente mes excuses Loki. Sincèrement. Je sais que j'ai complètement foiré. Que j'ai gâché toute la confiance que tu pouvais me porter. J'peux pas te promettre de changer, je sais que c'est une promesse que je tiendrai pas. Ce que je peux te promettre par contre, c'est de faire les efforts nécessaires pour regagner ta confiance. »
Loki ne mit qu'une fraction de seconde à répondre, sans prendre le temps d'y réfléchir et plus sincère qu'il n'avait prévu de l'être.
« Vous avez ma confiance Stark, même si celle-ci a été fortement éprouvée et que la trahison demeure. Je ne serais pas là dans le cas contraire. »
« Et ça… ça, c'est plus que je ne le mérite. Mais tu sais quoi ? J'suis plutôt égoïste dans mon genre. Alors j'vais la prendre, et tout faire pour te montrer que t'as eu raison de me l'accorder. »
Ils se servirent tous deux un autre verre qu'ils burent en silence, n'ayant l'un comme l'autre rien à ajouter. Loki devait maintenant prendre le temps d'assimiler toutes les choses qu'il avait entendu aujourd'hui. Accepter les remerciements et les excuses librement offerts, dépasser le sentiment de colère et de trahison. Cela prendrait du temps. Des jours au bas mot, pour ne pas parler de semaines. Mais il était certain d'une chose : il serait de retour dans l'atelier le lendemain.
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C'est fatigué que Tony gagna sa chambre, quelques heures plus tard. Il était tôt – beaucoup trop tôt selon ses standards habituels – pour aller au lit, mais cette journée l'avait épuisé. Il était vidé physiquement, mentalement, mais aussi et surtout émotionnellement.
Il n'avait pas vu venir cette conversation. En effet, même s'il attendait Loki de pieds ferme, il ne s'était pas attendu à le voir débarquer sans préavis, ni même à devoir embrayer aussi sec sur la discussion. Mais c'était sans doute pas plus mal. Quand on voyait l'effet qu'avait eu sur lui dix petites minutes – le temps qu'il lui avait fallut pour se doucher et s'habiller – il n'osait imaginer la façon dont il aurait ressassé tout ça s'il lui avait fallu attendre plusieurs – voir des jours ! – entre le moment où Loki se serait présenté à lui et celui où ils auraient effectivement discuté. Pas plus mal, définitivement.
Sans compter que les choses s'étaient plutôt bien passées. Ou, s'il devait être tout à fait honnête, immensément mieux que tout ce qu'il aurait pu imaginer. Alors ouais, le dieu était resté assez froid et distant, conservant une certaine distance entre eux. Et si ça le blessait malgré lui, après ces longs mois de proximité, il pouvait pas lui en vouloir c'était un petit miracle qu'il ne soit « que » distant avec lui.
Sous la houlette d'un dieu exigeant et impitoyable, il avait pu exposer la suite confuse d'éléments ayant mené à la création d'Ultron et à cette terrible bataille en Sokovie. Chose que, il ne l'avait réalisé qu'à ce moment-là, il n'avait pas pu faire jusqu'à présent. Bruce et Pepper entre autres connaissaient de larges pans de cette histoire pour avoir été présents dans certains de ces moments, comme Fury, Hill, Steve et les autres membres de l'équipe de façon plus secondaire. Mais aucun ne connaissait l'histoire dans son ensemble. Ce que lui avait vécu, ce qui l'avait amené là et pourquoi. Certes, ils n'avaient rien demandé. Mais lui non plus n'avait rien dit.
Mais Loki avait demandé – exigé – et Tony lui avait raconté. Il lui avait tout dit, même ce qu'il aurait préféré voir rester secret. Ses erreurs, ses doutes et ses craintes, il n'avait rien caché. Ce n'était pas volontaire, il n'avait pas consciemment décidé de s'épancher métaphoriquement sur l'épaule de Loki. Il n'avait pas souhaité la vague d'angoisse qui l'avait submergé, ni la crise de panique qui en avait résulté. Il n'avait pas prévu que les explications et excuses formelles qu'il lui devait seraient finalement noyées au beau milieu d'un séance de psychanalyse aux frais du dieu des mensonges.
Et pourtant… Pourtant, il en était infiniment soulagé. L'impression de s'être débarrassé d'un poids qu'il portait depuis bien trop longtemps. Le poids n'avait pas disparu pourtant. Mais désormais, il ne le portait plus seul. Au travers du marasme d'émotions confuses dans lequel il était englué ce soir, la seule qui n'y avait pas sa place était la solitude.
Tony s'écroula sur son lit sans prendre le temps de se déshabiller. Bras et jambes écartés, les yeux papillonnant de fatigue rivés au plafond, il se retrouva à sourire – sans doute niaisement, mais qu'est-ce qu'il pouvait en avoir à foutre ? – Il avait toujours sa confiance, bien qu'il ne sache pas comment c'était seulement possible. Il n'avait pas perdu son ami.
Tout n'était pas réglé, loin de là. Il leur faudrait du temps, à l'un comme à l'autre, pour espérer aller de l'avant. Mais il était désormais sûr d'une chose : ils allaient s'en sortir.
